Déclaration de M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, sur le projet de loi de finances 2008 pour l'outre-mer et sur les objectifs de la loi de programme, à l'Assemblée nationale le 6 novembre 2007.

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Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames, messieurs les députés,
L'examen de ce budget est un rendez-vous très particulier puisque c'est le premier de notre législature et qu'il est révélateur des priorités du Président de la République et du Gouvernement que nous mettons en oeuvre, Madame Alliot-Marie et moi-même pour ce qui concerne l'Outre-mer.
Ces priorités qui vous ont été exposées, manifestent notre attachement aux départements et collectivités d'Outre-mer, malgré un contexte difficile marqué par de fortes contraintes pesant sur le budget de l'Etat.
Vous avez relevé cet effort et je vous en remercie. Je vous remercie également, Messieurs les rapporteurs, pour la qualité du travail de vos commissions, lequel traduit une approche constructive de l'Outre-mer.
Je partage les sentiments que nombre d'entre vous ont exprimés sur l'état des lieux et les besoins de vos régions. Mais en tout état de cause, mon souci n'est pas d'avoir un budget qui augmente pour m'en féliciter ; il est tout simplement de disposer de moyens nécessaires pour mener la politique du Gouvernement et qu'il me revient de mettre en oeuvre, en tenant compte de la structure budgétaire de cette mission.
Je veux souligner l'interprétation contradictoire qui a pu apparaître dans certaines de vos interventions, certains pensant que nous sommes trop modestes, Monsieur Cahuzac, d'autres trop optimistes.
La seule comparaison qui vaille, ce sont les moyens consacrés aux actions conduites. Ainsi, pour les actions relevant de la mission outre-mer en 2008, l'évolution des crédits est de 2% en autorisations de programme et de plus de 3% en crédits de paiement.
A cet égard, M. Lurel, je vous invite à relire précisément le rapport de votre excellent collègue M. Cahuzac qui précise page 3 que les crédits de paiements sont en progression de 3,4 %.
Je vous précise que ces chiffres ont été validés expressément par le ministère du budget. On ne peut donc suspecter le budget de l'Etat de faiblesse.
Monsieur Lagarde, je vous précise que le Ministère de l'outre-mer ne concerne que les qui lui sont spécifiques. Ce sont les autres qui on été transférés à d'autres ministères.
Ce nouveau format s'accompagne du souci de développer au sein de mon ministère une véritable fonction d'évaluation et de coordination de l'action de l'Etat outre-mer.
Dans cette perspective, je souhaite que mes services renforcent leur capacité à suivre l'ensemble des décisions prises pour l'outre-mer.
En ce qui concerne la gestion des questionnaires budgétaires, Monsieur le rapporteur ( Cahuzac ) il n'y a évidemment aucune volonté de retenir des informations, c'est d'ailleurs l'esprit qui a présidé aux nombreux échanges qui ont eu lieu en amont de cette séance.
Je reconnais volontiers que la transmission des réponses a pu rencontrer quelques difficultés matérielles mais vous me permettrez de ne pas partager votre jugement sur la qualité même de ces réponses. Prenons ensemble l'engagement de faire encore mieux à l'avenir.
Bien entendu, il ne faut pas circonscrire l'action de l'Etat Outre-mer aux seuls moyens du Secrétariat d'Etat à l'Outre-mer et il ne faut pas procéder à un examen partiel des documents budgétaires si l'on veut avoir une vision d'ensemble.
L'action réformatrice que j'ai engagée, dans le droit fil du programme présidentiel, depuis ma nomination poursuit un objectif essentiel : créer les conditions d'un nouvel élan d'un développement économique durable et spécifique, en visant à l'excellence et l'égalité des chances, avec des solutions adaptées à chaque géographie. L'environnement régional des collectivités d'outre-mer ne doit plus être considéré comme un risque mais comme une réelle opportunité.
Dans cet esprit, le Gouvernement va garantir dans la durée, les dispositifs déjà mis en oeuvre, notamment par la loi de programme de juillet 2003, dans la durée. Il va amplifier cette logique de développement de l'activité productive dans le secteur marchand, en favorisant les investissements, notamment par une politique stable de défiscalisation, pour en inscrire les effets sur le long terme.
S'agissant plus particulièrement de la défiscalisation, elle viendra s'ajouter à l'effort budgétaire et faciliter l'intervention de nouveaux opérateurs sans pour autant être remise en cause dans ses secteurs traditionnels d'intervention.
Dans ce cadre, la mise en oeuvre de zones franches globales dans les quatre DOM doit permettre l'émergence d'économies compétitives, aptes à gagner des marchés extérieurs.
Ces zones franches seront compatibles avec les enjeux portés par les différentes collectivités. Je souligne la qualité des travaux qui ont été conduits en Martinique sous l'autorité du Conseil régional et de son président Alfred Marie Jeanne dans le cadre d'une vision stratégique de ce territoire.
Nous allons agir ici sur plusieurs leviers dont celui de la fiscalité
des entreprises, en l'adaptant aux contextes locaux, des mesures fiscales touchant à l'impôt sur les bénéfices, de la taxe professionnelle et de la taxe foncière. Ces mesures prendront effet en 2009 mais concerneront les activités économiques au titre de 2008.
Au delà de cet aspect, le projet de loi de programme en préparation vise à intégrer d'autres dispositions qui vont contribuer à la compétitivité générale des économies ultramarines et au bien être de leurs populations.
Dans ce volet, d'autres mesures concerneront le logement social, la continuité territoriale et la réduction de la fracture numérique.
L'ensemble de ce dispositif sera en cohérence avec les mesures fiscales déjà existantes et la loi de programme de juillet 2003.
Mais je veux souligner qu'il s'agira d'un projet global s'adressant à l'ensemble de nos concitoyens, qui comportera d'ailleurs un volet social important, notamment en matière de logement.
Je partage votre analyse sur la priorité à accorder au logement et plus particulièrement au logement social.
En ce qui concerne ce volet, des dispositions légales et réglementaires seront destinées à relancer et dynamiser la politique de logement et de rénovation urbaine. Toutes les phases de production seront concernées, de la mobilisation du foncier jusqu'à la mise à disposition de logements sociaux au profit des personnes qui le nécessitent le plus.
Je souhaite également que la politique de défiscalisation soit très largement réorientée au profit du logement très social, car c'est là que les besoins sont le plus importants.
Les crédits de la mission Outre-mer affectés au logement social passent en outre cette année de 175 millions d'Euros à 200 millions d'Euros. Ce qui constitue une hausse significative de 14 %.
MM. Lagarde, Cahuzac, Almont, Fruteau, Lurel et Vaxes, vous vous préoccupez de la dette logement, et notamment de son montant en fin d'année. Les 500 millions que vous avez mentionnés, ne correspondent pas à la dette exigible due par l'Etat au 31 décembre.
C'est le montant qui résulte de la différence entre les autorisations de programme et les crédits de paiement ouverts.
C'est donc une dette toute théorique.
Le montant de la dette logement réellement exigible au 31 décembre 2006 était de 56,7 millions d'Euros. Ce montant correspondait au total des factures reçues dans les services de l'Etat à cette date. Au 31 décembre 2007, le montant des dettes est estimé à 25 millions d'Euros. C'est donc une diminution de près de 50% de cette dette. C'est une évolution très satisfaisante qu'il faut souligner et saluer car elle témoigne de l'effort concret fait par le Gouvernement pour la réduire.
Toujours dans la logique générale développement et de rayonnement de l'Outre-mer qui est celle du Gouvernement et du Président de la République, s'inscrit la mise en place des pôles de compétitivité qui a l'ambition d'associer les acteurs économiques et les centres de recherche publique.
Le secteur des énergies renouvelables, identifié comme l'un des plus prometteurs pour les économies ultramarines, pourra être un laboratoire et un modèle pour la métropole.
Car la situation géographique et l'ensemble des atouts des outre-mer, les prédisposent à devenir une vitrine avancée de la France dans le domaine technologique.
En redynamisant la recherche, nous allons en faire une des clés d'un nouveau développement économique: de nouveaux métiers, de nouvelles entreprises donc de nouveaux emplois vont être crées.
Cette ambition s'inscrit dans la droite ligne de notre conception exigeante et ambitieuse de l'environnement et du développement durable dans les géographies ultramarines. C'est une des priorités du Président de la République et la tenue du Grenelle de l'environnement vient d'en témoigner.
Lors de la clôture de celui-ci, et fort de l'engagement de tous, j'ai pu démontrer que l'Outre-mer français était à la pointe de ce combat majeur dans le développement du « new-deal » écologique proposé par Nicolas Sarkozy à l'Assemblée générale des Nations Unies.
Ainsi, le rapporteur général du Grenelle a t-il reconnu que la mise en oeuvre des conclusions du Grenelle, en Outre-mer était urgent. Il a également reconnu les atouts de ces territoires.
L'Outre-mer a donc été conforté dans ce rôle majeur auquel je tiens depuis mon arrivée dans ce ministère : l'affirmation de ses talents, de ses compétences, de ses savoir- faire qui doivent contribuer pleinement à la compétitivité de la France.
Mais on ne peut parler d'environnement, cher Alfred Almont, sans évoquer le sujet difficile de l'utilisation du pesticide chlordécone en Martinique et en Guadeloupe. Je travaille sur ce dossier, de façon très étroite avec l'ensemble des ministères concernés ( santé, agriculture, environnement..) et je veux vous redire quelles sont mes priorités :
Il faut renforcer la qualité des contrôles sur les produits agricoles offerts à la consommation des Antillais. Il ne peut y avoir de doute sur la qualité des produits et sur la présence des résidus de pesticides dans les produits alimentaires à la consommation. Les normes minimales réglementaires doivent être rigoureusement contrôlées.
Il faut promouvoir la qualité des produits agricoles, en essayant de renforcer des signes de qualité des produits. Mes services sont en concertation permanente avec le ministère de l'agriculture et de la pêche, pour travailler en ce sens. La mise en place d'un label qualité est actuellement à l'étude.
Une qualité de communication exacte, précise et simple à destination des Antillais, pour qu'ils connaissent l'évolution des données scientifiques sur l'impact des données du chlordécone, une transparence totale sur les résultats scientifiques et de l'évaluation des risques, tant au niveau des recherches d' établissements comme l'INSERM, que des agences d'évaluation des risques tels l'AFSSA ou l'AFSSET. C'est à cette transparence totale aujourd'hui que les Antillais ont droit !
Enfin, je voudrais aborder les questions qui relèvent plus directement de votre commission, cher Didier Quentin.
S'agissant de la sécurité, son amélioration demeure, vous le savez, un axe fort de l'engagement du Président de la République, en Outre-mer comme sur l'ensemble de notre territoire.
Les résultats observés en matière de lutte contre la délinquance sont encourageants et l'effort de l'Etat sera poursuivi.
La hausse générale des chiffres que vous avez pu observer, est liée à une forte augmentation de l'activité des services : elle a augmenté de 4,59 % pour l'ensemble de l'Outre-mer.
La délinquance de voie publique est en baisse de 5,09 % avec des résultats très bons en Guyane ( -25 %), à la Martinique (-16, 28%), en Nouvelle Calédonie (-8,1 %) ou à la Réunion (-5,78 %)...
Depuis 2002, une politique résolue a été menée pour lutter contre l'immigration irrégulière et là encore, les résultats sont excellents.
Le problème reste fort en Guyane et à Mayotte, mais il est désormais moins marqué en Martinique et en Guadeloupe, preuve que dans ce domaine aussi la volonté politique peut-être efficace.
L'action conduite dans ce domaine est multiforme :
Adaptations législatives, avec toutes les dernières lois sur la lutte contre l'immigration illégale,
Amélioration des structures de détention administrative,
Amélioration des équipements des forces de l'ordre,
Renforcement des moyens de lutte contre les réseaux de passeurs par la création de GIR,
Participation des forces armées,
Accords de réadmission ou de contrôle des visas avec les pays voisins.
Dans le domaine de la sécurité civile, la politique d'amélioration de la prévention des risques, se poursuit également. Le secrétariat d'Etat à l'Outre-mer travaille pour cela, en étroite collaboration avec les directions du ministère de l'Intérieur ainsi qu'avec les collectivités territoriales qui ont un rôle à jouer sur ce plan.
Le fonds de secours de l'Outre-mer reste l'outil privilégié d'aide aux victimes de catastrophes naturelles.
En 2007, 36,6 millions d'Euros ont été délégués par le secrétariat d'Etat à ce titre, dont 17,6 millions en faveur des sinistrés du cyclone GAMEDE à la Réunion et 5,8 aux entreprises victimes du chikungunia, à la Réunion et à Mayotte.
L'aide aux sinistrés de DEAN à la Martinique et en Guadeloupe va être progressivement versée d'ici à la fin de l'année. Les dégâts viennent d'être évalués par les experts à 558 millions d'Euros.
Cette mission Outre-mer traduit bien, vous le voyez la volonté de respecter les engagements du Gouvernement et du Président de la République. Elle nous donne les moyens de répondre de façon efficace à toutes les priorités identifiées et je mettrai tout en oeuvre pour que ces réponses soient efficaces. Pour cela, j'ai décidé depuis ma nomination, de me rendre le plus possible sur le terrain, d'aller à la rencontre de tous, des élus, des décideurs et de l'ensemble de nos compatriotes ultramarins.
Rentré de Polynésie française, il y a quelques jours, j'ai ainsi écouté et débattu avec toutes les composantes de la classe politique locale sur le texte que nous allons être amené à adopter prochainement au Parlement. L'Assemblée a certes rendu sur ce projet de loi organique un avis négatif, mais elle n'en a pas moins approuvé une majorité de mesures et notamment celles relatives à la transparence politique. J'ai pris en compte un certain nombre d'observations de ses élus qui pourront être discutées prochainement au Sénat et dans votre assemblée.
En ce qui concerne la Nouvelle Calédonie, j'ai confirmé l'attachement de l'Etat à l'application de l'Accord de Nouméa. C'est la position du Président de la République, affirmée pendant toute sa campagne.
Cet attachement de l'Etat s'applique notamment au principe de rééquilibrage territorial, économique et social de la Nouvelle Calédonie. En matière économique, la volonté du Gouvernement est d'accompagner les deux grands projets miniers du Nord et du sud, qui en sont des facteurs déterminants.
L'Etat veut être le garant des grands équilibres politiques, économiques et sociaux, et il prendra la part qui lui revient pour en assurer la pérennité.
J'ai rencontré sur place, vous le savez tous les responsables politiques, auprès desquels j'ai réaffirmé cette position, y compris auprès des Présidents indépendantistes de la province nord et des îles Loyauté et celui de la province sud.
Le premier ministre a décidé, à ma demande et à la suite de mon déplacement, de réunir le comité des signataires le 20 décembre prochain. Cette réunion aura pour objectif de faire le point sur l'application de cet accord, tant en ce qui concerne l'exercice par les collectivités calédoniennes de nouvelles responsabilités qu'en ce qui concerne le développement économique, social et culturel de la Nouvelle Calédonie.
Enfin, s'agissant toujours des questions institutionnelles qui vous préoccupent, messieurs les députés, je peux vous dire que mon cabinet et mes services travaillent à l'élaboration des décrets d'application des deux lois organiques et ordinaires du 21 février dernier relatives qui ont crée les deux nouvelles Collectivités d'Outre-mer de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, qui devraient être publiés avant la fin de l'année.
Sur la question de la départementalisation de Mayotte, le Président de la République s'est engagé à consulter ses électeurs si le Conseil général le demande, après son renouvellement en 2008. Si cette évolution est approuvée, le Parlement sera ensuite amené à l'entériner dans le cadre de la loi organique. En tout état de cause, cette évolution doit être progressive et faite en parfaite concertation avec les élus de Mayotte.
Sur tous ces dossiers, soyez assurés, Mesdames et Messieurs les députés, de mon infatigable détermination pour que les spécificités de l'Outre-mer soient prises en compte et que les engagements soient respectées, afin de donner à la France d'Outre-mer toute la place qui lui revient au sein de la République.Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 12 novembre 2007