Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur les premières mesures prises pour sécuriser les cartes bancaires, Paris, le 22 février 2001.

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Circonstance : Présentation des mesures concernant la sécurité des cartes bancaires à Paris, le 22 février 2001

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Lors du dernier Conseil de sécurité intérieure présidé par le Premier Ministre, j'avais indiqué que nous présenterions bientôt un ensemble de mesures renforçant concrètement la sécurité des cartes de paiement. Les nouvelles technologies facilitent en effet les échanges de biens et de services, mais elles ne peuvent se développer que dans un climat de confiance. Les partenaires se doivent de faire le maximum en ce sens. L'État, par la concertation et la surveillance, entend favoriser la sécurité au quotidien.
Au printemps dernier, comme vient excellemment de le rappeler François Patriat, a été lancé un groupe de travail rattaché au Conseil national de la consommation afin de dresser l'état de la sécurité des cartes de paiement et de formuler des recommandations. Ce groupe a beaucoup travaillé. Je veux en remercier chaleureusement tous les membres. Ils nous ont remis un rapport complet. Ils ont avancé de manière constructive, qu'il s'agisse des associations de consommateurs, des commerçants ou des professionnels de la carte de paiement.
Ce rapport identifie les pratiques frauduleuses. Il souligne que la technologie de la carte à puce n'est nullement remise en cause mais que ses modes d'utilisation doivent être améliorés : la fraude est en effet essentiellement liée au comportement de différents acteurs. A partir de ce rapport, deux voies d'action sont ouvertes pour sécuriser l'utilisation de la carte de paiement, grâce aux engagements des professionnels et, à l'amélioration des règles applicables.
Il s'agit d'une premier train de mesures. Il a vocation a être prolongé dans la cadre des discussions en cours et à venir avec l'ensemble des parties prenantes, en particulier les associations de consommateurs. Un Conseil national de la consommation est d'ailleurs prévu le 22 mars sur ce sujet. Cette réflexion pourra venir enrichir le débat parlementaire concernant la loi sur la sécurité quotidienne. Mais nous pensons que cette sécurité quotidienne ne doit pas attendre.
Les nouveaux engagements des commerçants et des banquiers
J'en citerai quelques uns, concrets, qui me semblent particulièrement importants.
1] pour un meilleur fonctionnement de la carte elle-même, tous les distributeurs automatiques de billets seront modernisés dans les 5 mois afin que ces distributeurs puissent lire systématiquement la puce des cartes et pas seulement leur bande magnétique, qui offre un niveau de sécurité plus faible. Nous avons en France, avec la puce, la technologie le plus sûre. Demain, elle pourra donc être efficace dans l'ensemble des distributeurs.
2] l'utilisation de la carte sera améliorée :
- pour la fin 2001, les commerçants occulteront les numéros de carte sur toutes les facturettes. Cette mesure est essentielle pour éviter que quelqu'un n'utilise un numéro de manière frauduleuse notamment lors d'achats en ligne ;
- les commerçants mettront en place, pour la fin de l'année, l'environnement permettant d'isoler des regards indiscrets la composition par le client de son code confidentiel ;
- les opérateurs de téléphonie mobile renforceront les contraintes de rechargement à distance des cartes prépayées, par exemple en limitant le rechargement à une seule carte de paiement. Sera donc finie la période où l'on pouvait utiliser n'importe quel numéro de carte pour recharger son abonnement ;
- un nouveau code de sécurité sera apposé au verso de toutes les cartes. Dans la pratique, cela imposera à l'utilisateur d'avoir réellement entre les mains sa carte pour effectuer des transactions à distance.
3] les modalités d'opposition en cas de fraude seront facilitées :
- la mise en opposition sera acceptée dès le premier appel téléphonique sans obligation de communiquer le numéro de la carte, (qu'on ne connaît pas par cur). Désormais, avec votre seul nom, vous pourrez donc faire opposition au plus vite ;
- le numéro de téléphone de mise en opposition sera affiché sur tous les distributeurs automatiques de billets ;
- si vous déclarez trop tard la perte ou le vol de votre carte, les sommes dépensées à votre insu et qui resteront à votre charge seront plafonnées. Dans le texte signé, la limite est fixée au maximum à 400 euros. Ceci représente un progrès par rapport aux pratiques actuelles, variables selon les contrats mais avec des montants souvent beaucoup plus élevés. Je pense qu'il faudra parvenir dans le futur à un résultat encore meilleur mais avec des limites qui ne déresponsabilisent pas l'usager ;
- si votre carte est débitée de manière frauduleuse à cause des dysfonctionnements techniques du système, vous serez désormais intégralement remboursé de tous les frais engagés.
4] l'information des utilisateurs sera renforcée, s'agissant des règles de sécurité, pour les plafonds maximums d'achats et de retraits, au moment de la souscription d'une carte de paiement puis périodiquement.
Toutes ces mesures - et d'autres - font l'objet d'une Charte qui traduit des engagements précis, avec des échéances claires. Cette Charte sera signée dans quelques minutes par les représentants de la Fédération bancaire française et du Conseil du commerce de France que je remercie. Pour évaluer sa mise en uvre, le Gouvernement mettra en place un Observatoire de la sécurité des cartes bancaires, dont le secrétariat général sera assuré par la Banque de France.
Les dispositions prises par l'État
Afin que la puissance publique puisse exercer pleinement son rôle de sécurité, la carte de paiement ne peut pas demeurer un système seulement contractuel. D'un autre côté, les évolutions technologiques rendent difficile l'instauration d'une législation qui serait lourde et figée concernant la carte de paiement. Nous avons souhaité par conséquent, et sans attendre, concilier la nécessité de mieux agir pour créer les conditions favorables au développement de cet outil (particulièrement utile au moment du passage à l'euro) et favoriser l'initiative privée.
- Je proposerai donc au Parlement que, de manière explicite dans la loi, la Banque de France s'assure désormais de la sécurité des cartes de paiement et de la pertinence des normes applicables. La Banque de France dispose déjà, par exemple, de la mission de surveiller la qualité de la circulation fiduciaire. Il est logique qu'elle puisse étendre expressément son action à d'autres moyens de paiement. Elle disposera du pouvoir de s'opposer à la mise à disposition du public de toute carte de paiement dont les fonctions de sécurité seraient insuffisantes. Elle pourra se faire communiquer toutes les informations utiles.
- La définition de la fraude à la carte bancaire sera élargie pour couvrir le plus en amont possible toutes les opérations de falsification et de contrefaçon.
- La possibilité de faire opposition sera étendue dans la loi à l'utilisation frauduleuse d'une carte bancaire, ce qui n'était pas le cas jusqu'ici, car elle était limitée aux cas de perte ou de vol.
- La France proposera à ses partenaires européens de donner une impulsion nouvelle aux groupes européens de concertation lancés lors du sommet de Lisbonne dans le cadre de l'initiative " e-europe " . De premiers travaux ont eu lieu dans le domaine du commerce électronique et du paiement par carte, qui seront présentés lors du sommet de Stockholm. Nous voulons associer davantage les consommateurs et les banquiers à ces travaux et tenter d'établir au plus tôt des normes européennes de paiement sécurisé.
Je me réjouis en outre de la communication de la Commission européenne sur la prévention de la fraude et de la contrefaçon des moyens de paiement rendue publique il y a quelques jours. Celle-ci préconise des mesures générales dans lesquelles s'insèrent parfaitement les dispositions pratiques que je viens de présenter. Nous faisons ainsi preuve d'anticipation. Il faut s'en féliciter et souhaiter que, dans l'ensemble de l'Union Européenne, nos partenaires poursuivent aussi leurs efforts.
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Par ces dispositions contractuelles et législatives, nous entendons rapidement renforcer la sécurité quotidienne pour des dizaines de millions de Français. Nous voulons faire des cartes bancaires françaises les plus sûres du monde. Les dispositions législatives figureront dans la loi sur la sécurité quotidienne, qui sera discutée au Parlement dès le printemps.
Je vous propose de signer cette Charte et je vous invite ensuite à prendre le pot de l'amitié.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 26 février 2001)