Interview de M. Jean-François Copé, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à France-Inter le 2 juin 2008, sur l'avenir de la télévision publique et son financement, après la décision de supprimer la publicité sur les chaînes publiques.

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Média : France Inter

Texte intégral

N. Demorand.- L'invité de France Inter est ce matin, le président du
groupe UMP à l'Assemblée nationale, député-maire de Meaux, et président
de la commission sur la nouvelle télévision publique. On va commencer
par là justement, la nouvelle télévision publique, la télévision
privée. En l'occurrence, à la Une des Echos ce matin : "Télévision, le
lobbying gagnant des chaînes privées". Vous avez affirmé que vous étiez
tout à fait "favorable à ce qu'une deuxième coupure publicitaire puisse
intervenir dans les films", vous maintenez donc cette décision ?
 
Ce n'est pas une décision, c'est une préconisation que je fais à titre
personnel, qui est d'ailleurs en parfaite cohérence avec toutes les
réflexions qu'on peut avoir par ailleurs sur l'avenir de la télé
publique. C'est assez marrant de voir qu'il y a cette petite polémique
parce que, quelque part, on est en train de réfléchir à la télé
moderne, à ce qui va se faire demain, et j'ai l'impression parfois, en
lisant certains propos, qu'on parle à l'ancienne. Il faut regarder ce
qu'est la réalité du monde télévisuel d'aujourd'hui. On a beaucoup de
réflexions au sein de la commission que j'anime pour, justement,
moderniser ce modèle et on va faire beaucoup de choses donc, parce que
l'idée c'est vraiment qu'on fasse demain une télé publique assez
différente, en fait. D'abord, qui ait son originalité, avec une
certaine exigence, et qui, en même temps, aura des contraintes d'
audience, pour lesquelles on est en train de trouver des nouvelles
formules de financement qui viennent compléter la redevance, puisque il
y a deux écoles dans notre commission : il y a ceux qui veulent
augmenter la redevance - dont je ne suis pas -, et ceux qui disent,
plutôt que de l'augmenter on peut trouver d'autres sources
complémentaires et en particuliers sur les fournisseurs d'accès ou les
téléphones mobiles qui en réalité aujourd'hui diffusent gratuitement
des images de télé, veulent même d'ailleurs produire. On sait qu'Orange
par exemple, veut rentrer dans ce milieu-là. Je trouve que tout cela
est cohérent. Alors, il est évident qu'à partir du moment où il y a une
suppression de la pub sur la télé publique, elle va aller sur la télé
privée, pour une part, et c'est pour cela d'ailleurs que la télé privée
sera un peu taxée sur ce recette nouvelle, c'est la moindre des
choses...
 
Ils refusent...
 
Oui, mais vous voyez le truc...
 
TF1, M6, Canal Plus disent non !
 
Il faut aller jusqu'au bout du raisonnement. Comme ils auront plus de
pub, il est normal qu'il y ait un plus d'espace dédié à la publicité.
D'où l'idée de dire, on fera peut-être une deuxième coupure. Et là, ce
qui est assez marrant, c'est que vous avez d'un côté, la télé privée
qui ne remercie pas - après tout elle pourrait bien dire : c'est une
bonne idée d'avoir une deuxième coupure, ça donnera plus de recettes -
; par contre, elle râle sur l'idée qu'elle va être taxée dessus. Mais
enfin quand même ! , Encore heureux qu'elle est taxée sur des recettes
supplémentaires, elle a donc droit à une deuxième coupure. Quant à la
télé publique, moi, je rêve que, lorsque nous remettrons le rapport au
président de la République le 25 juin, et que les esprits, peut-être,
j'espère, s'apaisent un peu, on lise le rapport, les propositions que
nous allons faire, qui seront super ambitieuses, qui vont proposer un
modèle de télé très moderne...
 
Mais, c'est la peine de l'écrire déjà, ce rapport, puisque un certain
nombre de décisions sont d'ores et déjà prises : à savoir, la
redevance, on n'y touche pas par exemple ?
 
D'abord, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il y a deux écoles dans
la commission. Ensuite, l'idée est assez simple. Vous savez que, moi,
quand on me confie une mission, je ne recule jamais et je ne renonce
jamais. Et je peux vous dire que dans ce rapport il va y avoir beaucoup
de choses, beaucoup de choses extrêmement intéressantes, parce que les
33 membres qui la composent ont beaucoup auditionné, beaucoup
travaillé, dans une excellente ambiance d'ailleurs, malgré tout ce qu'
on peut lire dans les journaux. Or, elle est très disparate. Il y a des
députés de gauche et de droite, il y a des sénateurs...
 
Il y avait des députés de gauche, non ?
 
Ils sont encore là, je...
 
Jusqu'à mercredi ?
 
On verra bien. Tant que les gens sont là...Je suis joueur de tennis,
tant que les échanges continuent, ils continuent. Et puis,
deuxièmement, vous avez beaucoup de producteurs, de créateurs, des
professionnels de très haut niveau. Donc, on va faire beaucoup de
propositions sur le contenu, sur l'organisation de France Télévisions,
sur sa modernisation. Donc, je pense que nous allons faire un travail
vraiment utile.
 
Deux questions précises : donc, vous dites bien aux chaînes privées,
TF1, M6 et Canal Plus, qui ont écrit au Gouvernement pour s'opposer à
toute taxation censée financer l'audiovisuel public, qu'il faudra bien
qu'elles le fassent ces chaînes ?
 
Oui, enfin, de plus, cela paraît cohérent dès lors qu'elles reçoivent
plus de recettes publicitaires puisqu'on supprime la pub sur la télé
publique et qu'elle va aller, pour une part - pas en totalité d'
ailleurs -, mais pour une part sur la télé privée, pas en totalité
puisqu'on sait comment cela se passe, d'abord, il y en aura qui ira sur
la TNT, il y en aura qui ira aussi sur la presse écrite -, donc, je
dirais, sur tout cela, il me semble quand même qu'il est tout à fait
normal qu'il y ait une taxe par rapport à ces recettes supplémentaires.
Comme il est normal que l'on réfléchisse à la deuxième coupure de pub
pour pouvoir accueillir cette publicité supplémentaire. J'ajoute, pour
ceux qui s'offusqueraient de l'existence d'une deuxième coupure...
 
Un certain nombre de créateurs, oui, c'est le cas...
 
Je veux simplement dire aux créateurs, et Dieu sait si j'en rencontre,
certains sont membres de cette commission, deux choses. La première
chose, c'est que nous sommes dans un paysage audiovisuel qui a besoin
de moyens ; quelque part, il ne faut pas s'inquiéter donc de voir ces
télévisions avoir plus de moyens parce que ça peut vouloir dire aussi
financer un peu plus de création ; et puis la deuxième chose que je
voudrais dire, c'est que sur ces sujets, il faut qu'on réfléchisse
ensemble de manière positive. Nous allons faire rentrer un nouvel
acteur, les fournisseurs d'accès et les téléphones mobiles, ça veut
donc dire des nouveaux acteurs pour financer de la création. A nous de
voir comment faire éventuellement évoluer dans le bon sens les
obligations de création. Il y a les décrets Tasca. Peut-être peut-on
faire bouger les lignes dans ce domaine. Je crois qu'il faut voir les
choses de manière ouverte. C'est pour ça que je ne cesse dire : "voyons
les choses en évitant d'hyper dramatiser, essayons d'être modernes,
regardons ensemble ce qu'on peut faire et en essayant d'éviter l'aspect
juste idéologique".
 
Dernière question : la redevance est à son niveau optimal, aujourd'hui,
en France ? Puisqu'il ne s'agit pas de l'augmenter.
 
L'idée, c'est qu'il y a vraiment deux écoles dans notre commission.
Certains veulent l'augmenter. Personnellement, je n'y suis pas
favorable parce que c'est cet impôt qui, aujourd'hui, est injustement
réparti. Je suis Maire de Meaux, dans une même rue, vous avez un gars
qui est au RMI, un autre qui est au Smic ; celui qui est au Smic la
paye et celui qui est au RMI ne la paye pas. On voit bien que tout cela
est un peu décalé. En revanche, je pense qu'on peut imaginer de l'
indexer sur l'inflation par exemple, parce que ça représente vraiment
juste l'inflation. Si on ne l'adosse pas à l'inflation, cela veut dire
que la redevance recule. C'est donc 1,8 à 2 % par an. Pour le reste,
nous aurons une réflexion ensemble lors de notre prochaine réunion, on
va y travailler, on fera des propositions. Croyez-moi, on ira jusqu'au
bout et c'est le 25 juin.
 
La loi de modernisation de l'économie arrive à l'Assemblée. Les règles
d'implantation des grandes surfaces vont être assouplies et donc,
modifiées. C'est le point qui coince dans ce que vous avez décrit comme
le premier exemple de coproduction législative donc
Gouvernement/députés. Que proposez-vous pour sortir de point-là très
précis où les élus locaux demandent du pouvoir ?
 
D'abord, je voudrais vous dire que lorsque je vais quitter votre
studio, je vais me rendre chez le Premier ministre avec mes amis
députés, puisque nous avons beaucoup travaillé toute la semaine
dernière à une nouvelle piste pour essayer de voir comment concilier la
défense du petit commerce, parce que les Français y sont très attachés,
et puis en même temps la nécessité qu'il y ait un peu plus de
concurrence entre les grandes surface parce que sinon, elles s'
entendent ou elles risquent de s'entendre sur les prix. En tout cas,
c'est ce que nous disent un certain nombre d'études. C'est ce qui
explique - ce que le Président de la République a d'ailleurs très bien
rappelé - les différences de prix pour un même produit entre la
frontière du côté allemand et du côté français. Tout cela montre qu'il
faut faire bouger les lignes comme on dit. De ce point de vue, on a un
Président de la République qui les fait bouger et il a bien raison.
Donc on a une nouvelle formule sur laquelle on va travailler ensemble
qui, en gros, consiste à dire : "le maire ne va pas choisir telle
enseigne plutôt que telle autre", puisque c'est insupportable, tout le
monde s'engueule. On va plutôt imaginer, dans chaque agglomération
rurale ou urbaine, un schéma dans lequel on dira : " dans telle zone,
on mettre telle catégorie d'enseigne avec telle taille et dans une
autre, telle taille plutôt que telle autre", ce qui fait que comme ça,
il y aura des zones qui seront réservées plutôt pour des grandes
surfaces, des petits commerces. Bref, on fera ça de manière plus
équilibrée, plus concertée, tout en encourageant la concurrence, qui ne
l'est probablement pas suffisamment aujourd'hui.
 
Il y a un amendement à cette loi de modernisation de l'économie qui
inquiète beaucoup le monde des libraires, mais aussi des écrivains et
des éditeurs, c'est un amendement qui pourrait modifier la loi Lang sur
le prix unique du livre. Est-ce que cet amendement-là est maintenu
aujourd'hui ? Comment les choses vont évoluer, votre sentiment sur le
sujet ?
 
Personnellement, je pense que l'idée du prix unique est une belle idée.
Pour autant, je ne peux pas vous en dire beaucoup plus à ce stade,
parce que des amendements, on en a beaucoup, on n'a pas regardé cela
dans le détail. La seule chose que je peux vous dire - sur ce cas
spécifique du livre, je vous ai donné mon point de vue là-dessus -, c'
est que dans ce texte sur la loi de modernisation de l'économie, il y a
44 articles. On a tellement travaillé en amont ensemble entre députés
et Gouvernement, qu'on n'a pas un projet tout ficelé qu'on a juste à
voter comme ça sans regarder. C'est quelque chose qui a vraiment été
fabriqué ensemble. On a repris, par exemple, le rapport Attali. On a
fait nous-mêmes des propositions sur ces bases. Il y a des choses
intéressantes sur les seuils des entreprises, des choses intéressantes
sur la compétitivité de l'économie, sur les prix qu'on a évoquées. Tout
ça, ça fait une loi qui va aller permettre de chercher la croissance et
le pouvoir d'achat, c'est une très bonne loi.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2
juin 2008