Déclaration de M. Eric Besson, secrétaire d'Etat à la prospective, à l'évaluation des politiques publiques et au développement de l'économie numérique, sur le Plan numérique "i2010", l'accès aux réseaux à très haut débit et la réflexion sur les modèles économiques de gestion de l'internet à promouvoir en Europe, Paris le 9 septembre 2008.

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Circonstance : Conférence " Parachever i2010 : quels services et réseaux de demain ?", dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne (PFUE), à Paris le 9 septembre 2008

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Bonjour à tous. C'est un honneur et un grand plaisir d'inaugurer cette première conférence sous présidence française, consacrée au secteur des communications électroniques.
L'économie numérique constitue partout dans le monde le secteur d'activité le plus dynamique, avec un taux de croissance deux fois supérieur à celui de l'économie mondiale. Elle représente déjà plus du quart de la croissance et 40% des gains de productivité. Près de 1,5 milliard d'individus et d'entreprises sont désormais connectés à Internet dans le monde. Les technologies de l'information et de la communication sont devenues l'un des facteurs essentiels de la mondialisation des échanges. Leur diffusion dans l'économie et dans la société constitue l'une des conditions de la performance économique et du rayonnement culturel.
Conscients du caractère stratégique de l'économie numérique, le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité que les politiques publiques dans le domaine du numérique bénéficient d'un pilotage et d'une coordination par un Secrétaire d'Etat en charge du Développement de l'économie numérique. La France a ainsi rejoint les autres grands pays développés, ainsi que la Commission européenne, qui ont tiré les leçons de la révolution numérique dans l'organisation de leur gouvernement.
Notre objectif est simple et ambitieux : développer le numérique partout et pour tous. C'est l'objet du Plan Numérique qui sera présenté dans les semaines qui viennent. Ce plan, qui présente une stratégie globale et cohérente en faveur de l'économie numérique, s'articule autour de quatre axes :
- Permettre à tous les Français d'accéder aux réseaux et aux services numériques : l'Internet haut débit constitue aujourd'hui, comme l'eau ou l'électricité, une commodité essentielle. Conformément à ma lettre de mission, l'ensemble des Français devront, avant 2012, être desservis par les réseaux d'accès à Internet haut débit fixe et mobile, et par la Télévision numérique terrestre. Le Plan aura également l'objectif de faire de la France un des leaders en matière de très haut débit fixe et mobile.
- Développer la production et l'offre de contenus numériques : les Français devront bénéficier de toute la diversité des contenus, qu'il s'agisse de musique, de film, de jeu vidéo, ou de logiciels. Il s'agira d'une part d'assurer la protection des contenus et d'autre part d'augmenter la disponibilité des catalogues d'oeuvres et de programmes.
- Accroître et diversifier les usages et les services numériques, pour que tous les Français se tournent vers les nouveaux réseaux, sans exception, que nos jeunes soient éduqués aux nouvelles technologies et que les TICs soient déployées dans les domaines du télétravail, de l'éducation, de la formation, de la santé, de la justice, de la e-administration et du commerce électronique.
- Moderniser notre gouvernance de l'économie numérique, en réorganisant l'Etat de façon appropriée pour définir et mettre en oeuvre une stratégie de développement de l'économie numérique à la hauteur des enjeux.
Le plan Numérique s'inscrira clairement dans le cadre de la stratégie communautaire plus globale « i2010 » qui nous réunit aujourd'hui. Je veux souligner ici l'importance de cette initiative. En effet, définie pas nous tous et mise en oeuvre depuis 2005, elle a fortement contribué à maintenir la mobilisation des Pouvoirs publics en faveur de la société et des technologies de l'information. Elle possède le grand mérite de donner plus de visibilité et de cohérence à l'ensemble des politiques européennes dédiées au secteur des technologies de l'information. Elle offre enfin, au sein de ses différentes enceintes, un cadre de réflexion et d'échanges collectifs.
La conférence d'aujourd'hui s'inscrit pleinement dans ce contexte et a pour ambition de poursuivre ce travail de réflexion commun, en mettant l'action sur certaines questions qui nous paraissaient à la fois parmi les plus stratégiques et les plus mûres pour utilement bénéficier d'une action publique.
Cette conférence intervient par ailleurs au moment où la Commission européenne s'apprête à adopter une communication portant sur les réseaux et l'Internet du futur.
Je mentionnerai pour ma part les questions suivantes :
Tout d'abord les conditions à réunir pour favoriser le déploiement des réseaux fixes et mobiles à très haut débit :
La croissance régulière des échanges de données sur Internet rend nécessaire une transition progressive vers le très haut débit. Au regard des investissements très lourds à consentir pour développer les réseaux fixes, les pouvoirs publics doivent créer un environnement favorable aux investissements dans les réseaux de nouvelle génération. Ils doivent toutefois aussi s'assurer que la modernisation des coeurs de réseau sera favorable au développement de la concurrence. Il s'agit donc ici de concilier concurrence d'une part et promotion des investissements et de l'innovation d'autre part. C'est ce à quoi s'emploie la Commission européenne, après consultation des régulateurs nationaux, en finalisant sa recommandation sur l'accès aux nouveaux réseaux.
Le Japon et la Corée du Sud ont pris la tête de la migration vers les réseaux de très haut débit : l'Union européenne doit au minimum les rattraper. Il paraît donc nécessaire que les Etats membres, avec l'appui de la Commission, poursuivent les échanges de bonnes pratiques pour accélérer cette migration.
J'ajouterai que le haut débit mobile est tout autant un enjeu majeur, notamment pour permettre l'ubiquité de l'Internet haut débit. Le déploiement d'un Internet mobile à très haut débit sur la base des réseaux de téléphonie mobile est une opportunité majeure pour l'industrie européenne. La prédominance de notre industrie dans le GSM et l'UMTS ainsi que la force du marché intérieur positionnent idéalement l'Europe pour les prochaines évolutions de l'Internet mobile.
Il faudra au préalable que l'Union européenne parvienne à se coordonner pour l'utilisation du dividende numérique et la sélection d'une norme pour le très haut débit mobile.
Deuxièmement, le problème de la fracture territoriale :
Le haut débit est en train de devenir une commodité essentielle. Il est aujourd'hui une condition incontournable d'insertion dans les échanges mondiaux, dans l'économie, dans l'éducation, dans la culture et dans la société. Le risque de marginalisation pour les populations non couvertes augmente en conséquence.
On observe certes une progression sensible du déploiement du haut débit au sein de l'Union européenne et des initiatives locales se développent partout pour parachever la couverture. Cependant, la situation reste très contrastée. A la fin 2006, le taux de pénétration variait ainsi entre 4.4% en Grèce et 31.4% au Danemark.
Le déploiement du très haut débit et en particulier de la fibre optique induit un risque croissant de « fracture territoriale des débits ». Comment assurer une cohérence territoriale et garantir à l'ensemble des citoyens un accès suffisant à la société de l'information ? La réflexion sur le ou les modèles économiques à promouvoir est en cours en Europe. En tout état de cause, l'objectif de promouvoir une économie numérique inclusive demeure une priorité de la stratégie « i-2010 ».
C'est pourquoi je souhaite initier un débat au Conseil sur la pertinence d'un droit d'accès au haut débit, à un prix abordable, sur l'ensemble des territoires européens. L'une des voies à explorer sera la possibilité d'étendre l'actuel champ du service universel et d'introduire une flexibilité permettant aux Etats Membres qui le souhaitent de garantir à tous l'accès à Internet haut débit.
Troisièmement, la question d'un Internet ouvert :
Cette préoccupation nous vient des Etats-Unis mais croît avec le processus de convergence, d'autant que le développement de nouvelles techniques de gestion de trafic pourrait remettre en cause la neutralité du Net. Cette question est cruciale pour envisager l'avenir de l'Internet. Ce débat n'a pas encore eu lieu en Europe. Il est donc nécessaire que l'Europe participe pleinement à l'élaboration des règles de l'Internet de demain.
Quatrièmement, le sujet de la sécurité et de la protection des données personnelles :
La protection des données personnelles constitue l'un des enjeux majeurs du développement des nouvelles technologies et services de l'Internet. Il conviendra d'établir un cadre de confiance propice au développement de ces innovations en Europe. La question de la sécurité est évidemment cruciale pour l'essor des techniques RFID, qui permettront de relier les objets à leurs informations spécifiques sur Internet. Elle sera abordée lors d'un des ateliers de ce matin, organisé par l'administration française en charge des questions de sécurité.
Enfin, la question des évolutions à venir de l'Internet à horizon 2015/2020 :
L'Internet est devenu une infrastructure stratégique qui joue depuis une dizaine d'années un rôle économique et sociétal majeur. Cette situation de fait était impossible à imaginer lors de sa conception et il est aujourd'hui important de réfléchir à l'adaptation du réseau actuel aux évolutions à venir, en prenant notamment en compte les exigences de sécurité, de mobilité et de qualité de service.
J'en profite pour vous informer que les réflexions sur l'Internet du futur et l'Internet des objets se poursuivront lors de la réunion ministérielle qui se tiendra à Nice le 6 octobre, en marge d'une conférence consacrée les 6 et 7 octobre à l'Internet des objets et à l'Internet mobile.
Il ne me reste à présent plus qu'à vous remercier de votre attention et à vous souhaiter une excellente conférence.
Je vous invite à présent à suivre une allocution enregistrée de la Commissaire en charge de la société de l'information, Madame Viviane Reding, qui n'a malheureusement pas pu se joindre à nous.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 10 septembre 2008