Déclaration de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat à l'écologie, sur les compétences de l'autorité environnementale en matière d'expertise et d'évaluation sur les projets d'aménagement du territoire, de transport et d'énergie durable, Paris le 6 mai 2009.

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Circonstance : Installation de l'Autorité environnementale, à Paris le 6 mai 2009

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureuse d'installer aujourd'hui officiellement l'autorité environnementale.
Il s'agit de :
- La dernière étape importante de la création du Grand MEEDDAT.
- Une étape essentielle, pour les politiques de l'environnement.
- Une étape incontournable afin de rendre crédibles et légitimes les décisions publiques d'aménagement.
Cette installation ne se résume pas à la création d'un collège d'experts !
Elle dépasse largement la seule question technique de l'expertise.
L'autorité environnementale répond à des principes supérieurs :
- Exprimés lors du Grenelle de l'environnement à travers l'engagement 191. Il précise l'importance d'une « Evaluation environnementale [globale] des lois et mesures fiscales »
- Exprimés dans le cadre de la Charte de l'Environnement élevée au rang constitutionnel. Elle précise la nécessité de concilier protection et mise en valeur de l'environnement, avec développement économique.
- Exprimés par la société, en attente d'instances indépendantes, impartiales et légitimes, qui permettent de dépassionner les débats sur l'environnement.
A ce titre, vous n'êtes pas une instance classique.
Vous n'êtes pas une procédure supplémentaire.
Vous n'êtes pas une nouvelle contrainte pour les projets d'infrastructure.
Vous êtes véritablement la conscience verte de ce Ministère.
Vous êtes l'assurance écologique des projets portés ou approuvés par le MEEDDAT.
- Il était urgent que le dispositif soit mis en place
- Il était urgent que vous puissiez vous réunir puis commencer à travailler
I. Origine de l'autorité environnementale
Le principe d'une autorité environnementale n'est pas récent :
- Principe prévu par les textes communautaires depuis 1985 pour les projets.
- Principe prévu depuis 2001 s'agissant de certains plans et programmes.
Dans la plupart des pays européens :
Fonction d'autorité environnementale assurée par le ministre chargé de l'environnement
Il se trouve « en face » des ministères chargés d'opérations d'aménagement.
En France, création du MEEDDAT en 2007 :
- Objectifs, mieux intégrer les préoccupations environnementales dans toutes les politiques publiques
Un même ministre est chargé de l'environnement et de politiques de développement
(infrastructures de transport ou d'énergie, grandes opérations d'urbanisme ou d'aménagement de l'espace)
* Besoin d'une nouvelle autorité environnementale indépendante
* Mise en place d'une formation collégiale du CGEDD, indépendante hiérarchiquement du ministre, pour les opérations relevant du MEEDDAT.
- Pour les autres opérations (type projets locaux assurés sous la maîtrise d'ouvrage des collectivités) autorité environnementale confiée au préfet.
II. Rôle
- Estimer l'impact sur l'environnement des projets, plans et programmes dès leur conception.
* ni trop tôt : le projet doit être assez bien défini pour qu'on puisse en juger,
* ni trop tard : encore temps de l'infléchir.
- Assurer une justification des choix retenus au regard des enjeux environnementaux.
- Prévenir les dommages plutôt que d'en gérer les conséquences.
* Généralement moins couteux !
- Engager l'ensemble des politiques publiques et des projets publics ou privés dans une démarche vertueuse de développement durable.
L'ambition est de concilier dans la concertation des objectifs parfois contradictoires
- préoccupations environnementales
- activité économique
- cohésion sociale
L'exercice est délicat. La tentation de l'immobilisme n'est jamais loin.
Je connais la difficulté.
Le MEEDDAT est souvent présenté comme le ministère des contradictions.
Il a la charge de concilier développement économique, protection de l'environnement, gestion des risques, amélioration des transports, poursuite de l'urbanisation, etc...
Ces contradictions apparentes ne sont pas insurmontables.
Simplement elles demandent
- une organisation précise
- un débat ouvert et collégial
- une répartition irréprochable des compétences
Nous l'avons réussi avec le Grenelle de l'Environnement.
Nous sommes en passe de réussir s'agissant de l'évaluation environnementale
III. Organisation de l'évaluation environnementale en France
La répartition des compétences entre les différentes autorités environnementales est désormais précise.
Leur légitimité est ainsi garantie.
Deux principes de répartition :
- Eviter les conflits d'intérêt
- Désigner si possible l'autorité environnementale au même niveau (central ou local) que celui où est prise la décision d'autorisation.
Résultat :
- Pour les projets, plans, programmes relevant du MEEDDAT l'AE est l'autorité environnementale du CGEDD.
Cela concerne :
* des projets, plans, programmes élaborés :
- par les services du MEEDDAT,
- par les établissements publics relevant de la tutelle du MEEDDAT
* des projets, plans, programmes faisant l'objet d'une autorisation par arrêté du ministre chargé de l'environnement ou par décret pris sur son rapport.
- Pour les autres projets, plans et programmes ne relevant pas du MEEDDAT : l'AE est désignée suivant le niveau de la décision d'autorisation.
* lorsque la décision est de niveau national, l'AE est le ministre chargé de l'environnement. Il délègue sa signature au CGDD.
* lorsque la décision est de niveau local, l'AE est le préfet de région.
IV. L'autorité environnementale française : une garantie d'impartialité
Au-delà de la seule répartition des compétences, des mesures ont été prises concernant spécifiquement l'autorité environnementale CGEDD.
Les textes réglementaires prévoient des modalités pour garantir l'impartialité de vos avis.
Plusieurs garde-fous ont été mis en place.
1. Règlement intérieur
Je crois savoir que vous donniez ce matin la dernière main à ce document avant mon arrivée. Il est essentiel.
Comme pour toute instance d'expertise, il constitue une garantie pour le public.
Il était essentiel que des dispositions particulières soient prises pour éviter les conflits d'intérêt personnel. Je vous sais gré d'avoir exclu qu'un membre participe à la délibération collégiale sur un projet si :
- Il a eu à connaître récemment ce projet au cours de sa vie professionnelle
- Il est concerné par ce projet au titre d'activités extra-professionnelles
Ces dispositions essentielles posent néanmoins la question de la crédibilité de l'expertise.
Comment rendre des avis si les experts les plus directement concernés ne peuvent pas siéger ?
* J'attends de vous que vous proposiez dans votre règlement des dispositions complémentaires garantissant la crédibilité de ces avis.
2. Publicité des décisions
Vos avis seront rendus publics, notamment sur internet.
Dans le domaine environnemental :
- les compétences spécialisées sont heureusement de plus en plus nombreuses
- le public est de plus en plus vigilant
- les exigences sont immenses
* Des avis orientés par des considérations autres que l'analyse rigoureuse des dossiers seraient vite relevés.
3. Collégialité
L'AE s'exprimera par délibération collégiale, au vu de propositions préparées par un ou plusieurs rapporteurs.
Ces derniers seront chargés de recueillir toutes les informations nécessaires à la préparation d'un avis éclairé.
S'il est possible de faire pression sur un individu, cela est plus difficile sur un collectif.
4. Personnalités qualifiées
Garantie collective d'indépendance de jugement par rapport aux maîtres d'ouvrage ou à l'administration.
- Le choix français d'organisation de son AE est unique.
- La France est pionnière en la matière.
- Elle donne à travers vous un exemple de bonne gouvernance.
V. Conclusion
Sur ces bases, je compte sur vous pour
- incarner véritablement la conscience verte de ce Ministère.
- participer par vos travaux à la mise au point et à l'amélioration des méthodes d'évaluation.
En cette période de crise économique et écologique, nos concitoyens attendent des pouvoirs publics :
- des politiques économiques ambitieuses
- des investissements nécessaires à leur bien être et à leur épanouissement
- des politiques de prévention du changement climatique
- des mesures de préservation de la biodiversité
Ils veulent aussi comprendre comment s'articulent ces décisions multiples.
* La nécessité de concilier l'ensemble de ces mesures doit guider votre action.
* Votre éclairage nous est essentiel.
Je vous remercie.
Source http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr, le 23 juillet 2009