Texte intégral
Monsieur le Ministre (Michel Mercier)
Monsieur le Président de l'AdCF (Daniel Delaveau)
Monsieur le secrétaire national, chargé des relations avec le Parlement (Dominique Braye)
Mesdames et Messieurs les Vice-présidents et Présidents de communautés,
Mesdames et Messieurs les députés et sénateurs,
Chers collègues maires et élus locaux,
Permettez-moi de vous dire combien je suis heureux d'être parmi vous, à Aix-les-Bains, après une première journée de colloque consacrée aux enjeux actuels de l'intercommunalité.
Merci Cher Président, de me permettre :
- de poursuivre ces rencontre avec les élus sur le terrain, ici, dans cette belle ville d'Aix-les-Bains. Samedi, j'étais dans l'Allier. Demain en Seine-et-Marne, la semaine prochaine, en Charente-maritime. (Car une des lignes forces de notre nouveau « cap » est d'aller aussi souvent que possible en province, là où est la « vraie France », cet ensemble unique de terroirs, à la rencontre de l'intelligence territoriale !)
- d'exposer à l'Assemblée des Communautés de France les analyses du Sénat sur un sujet qui lui est consubstantiel : l'organisation des collectivités territoriales,
- et surtout d'échanger, de croiser nos regards, le Sénat est d'abord un « passeur » avant d'exercer sa fonction de législateur.
Je centrerai plus particulièrement mon propos sur l'intercommunalité qui apparaît comme un des socles consensuels d'une réforme, réclamée par beaucoup et depuis longtemps, mais dossier jusqu'à présent aussi rapidement fermé qu'il était ouvert.
Cette fois-ci, la réforme se fera. Le Sénat est déterminé à la conduire, elle est nécessaire, elle est possible.
C'est le sens des travaux du Sénat.
C'est le message que porte la Mission Belot.
Je voudrais aussi remercier particulièrement les membres et le Conseil d'administration de l'AdCF, pour avoir répondu favorablement à l'invitation de la Mission temporaire du Sénat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales. Merci à Marc Censi, à Dominique Braye, ainsi qu'aux membres ici présents, pour leur forte implication.
Une place importante a été réservée à l'évolution de l'intercommunalité dans les travaux de la Mission Belot, et au-delà dans l'ensemble des réflexions qui convergent sur ce point et c'est grâce à vous.
Pour ne pas alourdir votre journée de réflexion déjà bien chargée, je ferai le point de l'état d'avancement du dossier de la réforme des collectivités territoriales avant d'évoquer la place particulière de l'intercommunalité dans cette réforme.
J'évoquerai enfin les dispositions prises pour que la question de la taxe professionnelle ne préjuge pas de la réforme de l'architecture territoriale.
1. la réforme des collectivités territoriales
Je crois qu'il faut tout d'abord resituer la réforme territoriale dans son contexte.
La crise mondiale renforce la brutalité de la concurrence, tout en faisant courir à de nombreux territoires le risque du repli sur soi.
Ce contexte est difficile et il nous invite à poser la question de la compétitivité des territoires, et par conséquent de leur gouvernance. Les collectivités territoriales ce sont plus de 500 000 élus, plus de 900 000 fonctionnaires, plus de 200 milliards d'euros de dépense publique..., près dès ¾ de l'investissement public civil.
Notre pays est doté d'une fantastique diversité des territoires, mais aussi, disons-le sans tabou, d'une organisation territoriale assez sophistiquée. L'organisation actuelle, qui manque de lisibilité pour nos concitoyens, et souvent pour les élus eux-mêmes, conduit à une dilution des responsabilités dont la gouvernance des territoires ne peut que souffrir.
Les Présidents de communautés ont été parmi les premiers, en toute lucidité, à souligner la nécessité d'une réforme.
Dans cette perspective, la décentralisation dans laquelle la France est engagée depuis les lois Deferre de 1982 et 1983 constitue une chance pour nos territoires.
La révision constitutionnelle de 2003, qui doit beaucoup aux travaux et réflexions antérieurs du Sénat, a donné naissance une République dont « l'organisation est décentralisée ». Mais il ne suffit pas de poser un principe pour qu'il devienne réalité. La vitalité de la décentralisation ne se mesure pas à l'aune des paquets de compétences transférées, mais à la bonne (ou moins bonne... ) organisation de leur exercice.
Il nous faut aujourd'hui passer à une nouvelle étape : la clarification de nos institutions locales, au service de l'efficacité de l'action publique, au service d'une gouvernance et d'une compétitivité renforcées de nos territoires.
Le Président de la République a eu l'audace d'ouvrir ce chantier. C'était un chantier réclamé par beaucoup et depuis longtemps, mais que l'on s'empressait de refermer à peine ouvert !
La Constitution fait du Sénat le représentant des collectivités locales. Le Sénat, qui aura à connaître en première lecture du projet de loi sur les collectivités territoriales, se devait d'être présent dans le débat.
Dès ma prise de fonctions, j'ai décidé la création d'une « Mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales », qui a regroupé toutes les sensibilités politiques à travers ses 36 membres, et dont la présidence a été assurée par le sénateur Claude Belot, homme de grande expérience en matière de territoires.
La mission a procédé à de nombreuses autres auditions. Elle s'est rendue dans les territoires, afin d'avoir une appréciation plus complète des situations - constatant, notamment, l'importance prise par le fait métropolitain, ou les enjeux propres à la nouvelle ruralité. Elle a recueilli l'avis du plus grand nombre possible de représentants des territoires, de l'Assemblée des communautés de France notamment, avant de présenter ses conclusions.
Ses propositions ont été soumises au libre débat du Sénat, qui a pu jouer ainsi le rôle d' « éclaireur de la décentralisation ».
Le Sénat a ainsi pu organiser, le 18 mars, sur la base du rapport d'étape de la mission, et le 30 juin, sur ses propositions finales, les deux premiers débats d'initiative parlementaire, suivis par un échange interactif, sous forme de questions-réponses, avec la participation du ministre de l'Intérieur et du secrétaire d'Etat aux collectivités territoriales.
Arrivés au terme de cette phase de réflexion, quel bilan provisoire pouvons-nous tirer ? On note de très fortes convergences sur un grand nombre de points :
1. le constat de la diversité territoriale, et la nécessité d'apporter des réponses différenciées à la spécificité des situations ;
2. l'urgence d'une réforme ambitieuse, qui permette une meilleure prise en compte de cette diversité ;
3. la recherche d'une plus grande cohérence dans l'organisation territoriale, clé d'une efficacité accrue dans l'action ;
4. la nécessité de démocratiser nos structures.
Au total ces réflexions auront été fructueuses, nous avons désormais une idée claire de la problématique et des réponses à apporter. Vous avez apporté une contribution majeure à la réflexion, soyez en encore une fois remerciés.
Mais le travail sur le dossier territorial ne s'est pas arrêté avec le débat que nous avons eu au Sénat le 30 juin. Nous avons poursuivi le dialogue avec le Ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, avec le Premier ministre, le Président de la République. Les élus membres de la Mission Belot se sont réunis à nouveau pour faire le point de ses travaux. (Moi-même, je me suis entretenu en tête à tête avec le Président de la République et je continuerai de me porter ainsi chaque semaine à la rencontre des territoires et de leurs représentants.
2. l'intercommunalité confortée par la réforme
Le développement de l'intercommunalité à fiscalité propre constitue l'une des réformes institutionnelles les plus significatives qu'ait connues notre pays sous la Ve République.
Certes, l'attachement de nos concitoyens aux quelques 36 700 communes qui irriguent encore aujourd'hui notre territoire justifie que l'on ne remette pas en cause ce socle de la démocratie locale.
Personnage le plus populaire parmi les élus, le maire doit conserver sa force symbolique et continuer à jouer son rôle irremplaçable de recours, notamment dans les périodes de mutation et de turbulences, telle celle que nous traversons.
Mais nos communes - dont le nombre représente 40 % de l'ensemble des communes européennes - ne sont que la première strate de l'empilement de structures de notre administration locale :
L'intercommunalité, en France, c'est (chiffres au 1er janvier 2009) :
- 2.601 communautés, qui rassemblent 34164 communes
- 2406 communautés de communes
- 174 communautés d'agglomération
- 16 communautés urbaines
- 5 syndicats d'agglomération nouvelle
Les communautés de France représentent 93,1 % des communes et 87,3 % de la population. S'y ajoutent 11 050 SIVU, 1 435 SIVOM et 3 122 syndicats mixtes, sans oublier les 351 pays et les nombreux schémas dont les périmètres ne s'harmonisent que rarement.
A l'évidence, c'est beaucoup trop et il y a urgence à essayer de remettre de l'ordre dans cette organisation particulièrement complexe.
La 20ème Convention nationale de l'intercommunalité qui vous rassemble aujourd'hui et demain peut légitimement s'appuyer sur la volonté de consolider le fait intercommunal. Cette volonté politique a deux sources :
- la volonté de conforter l'institution communale, qui est au coeur de notre démocratie locale ;
- la même volonté pour consolider son efficacité, avec l'achèvement de la carte intercommunale, l'approfondissement de l'intercommunalité et la rationalisation des moyens.
Un fort consensus s'est dégagé, au Sénat comme au sein des associations d'élus locaux, pour renforcer l'intercommunalité de projet et achever la carte intercommunale dans les meilleurs délais.
La Mission sénatoriale a rejoint les propositions du Comité Balladur en souhaitant renforcer la démocratie locale.
Le maire reste au coeur du dispositif de la sphère communale, mais cela ne doit pas empêcher l'approfondissement de la légitimité démocratique de l'intercommunalité. La technique du fléchage devra permettre au citoyen d'identifier les futurs délégués communautaires, lors des élections municipales.
C'est donc une carte intercommunale plus cohérente et plus efficace, dont les membres de la Mission sénatoriale souhaitent la mise en place.
Prenant largement appui sur vos recommandations, la Mission sénatoriale a souhaité que la carte de l'intercommunalité à fiscalité propre soit achevée fin 2011 - début 2012, en recourant, le cas échéant, à des outils incitatifs pour y parvenir.
Afin de mener à bien cette opération, la Mission a souhaité que soit renforcé le rôle des commissions départementales de coopération intercommunale, qui devront faire sans doute l'objet d'une recomposition préalable, et d'une amélioration de leur représentativité.
Je constate aussi une convergence forte sur la nécessité de prendre en compte cette réalité nouvelle qui caractérise la France d'aujourd'hui : le fait métropolitain.
Cela concerne les quelques vraies grandes métropoles (assurément moins d'une dizaine), à forte dimension internationale qui structurent désormais le territoire d'une France, partie constitutive d'une Union Européenne ouverte sur le monde.
Ces métropoles, véritables cités, on pourrait les qualifier de ville encore « sans papier », elles ont, à l'évidence, besoin d'un vrai statut, d'une vraie gouvernance pour assumer pleinement leur responsabilité.
Personnellement, je pense qu'il faut que l'on aille assez loin, et avec audace, sur cette question, tout en respectant la cohérence d'ensemble que porte le département.
Il nous faut bien donner à nos métropoles la place et les instruments qui leur permettront de lutter à armes égales avec celles de nos partenaires européens.
Nous ne pouvons occulter la réalité cruciale qui existe dans les grandes agglomérations et que s'y situe le coeur de la question sociale, celle de l'exclusion.
L'efficacité indispensable exclu une pluralité d'acteurs. Il ne peut y avoir dilution de responsabilité face à la détresse et au devoir de solidarité. Ce serait contraire à l'esprit même de la République.
3. La question de la taxe professionnelle et le calendrier
Pour conclure, j'en viens à la question de la taxe professionnelle. Le Président de la République a décidé de sa suppression dès cette année et du traitement de cette question dans la loi de finances pour 2010.
Le PLF, qui vient en première lecture à l'Assemblée nationale, sera nécessairement débattu et voté avant que ne soit débattu le projet de loi sur l'organisation territoriale.
Or, la taxe professionnelle constitue une part majeure de la fiscalité locale, notamment des intercommunalités à TPU.
Il importait que le débat du PLF ne préempte pas celui de la réforme de l'organisation des collectivités territoriales. La cohérence impose, en effet, que soit défini d'abord qui fait quoi, avant de procéder à l'allocation d'une ressource par nature limitée.
C'est pourquoi, j'ai attiré l'attention du Président de la République et du Premier ministre sur ce « risque ».
Je pense avoir été entendu.
Je n'ignore pas dans le contexte économique d'aujourd'hui qu'il y a urgence à traiter le « volet entreprise » de ce dossier dans un souci de compétitivité économique et de sauvegarde de nos emplois.
Ce volet sera bien traité dès 2010 mais il sera découplé du « volet répartition » des recettes fiscales entre les collectivités locales qui, lui, devrait être réglé par le Parlement, sans tabou, dans la concertation, courant 2010.
Dans l'attente, pour l'année 2010, ce sera le maintien du « statu quo » pour les finances locales, avec les compensations intégrales auxquelles s'est engagé le Premier ministre.
Je n'ignore pas que cette question de la répartition de la fiscalité sera délicate. Elle mettra en totale responsabilité le Parlement. C'est ce qu'il a demandé, il ne peut s'en plaindre...
Et c'est pleinement son rôle.
Conclusion
Il est temps de conclure pour laisser place aux échanges.
Ces échanges sont importants, car dans la nouvelle architecture territoriale de la France, il faut permettre à l'intercommunalité de jouer pleinement son rôle au service de la gouvernance et de la compétitivité des territoires.
Il importe que la France soit dotée d'une organisation performante assurant la capacité de représentation, de décision, et d'innovation dont chaque territoire a un impérieux besoin.
La nouvelle architecture territoriale doit donc répondre à une double nécessité : adapter notre organisation à la diversité des territoires, tout en les mettant en responsabilité de l'action publique.
Je vous remercie d'avoir partagé ces quelques réflexions. Le temps de la réflexion s'achève. Le temps de la décision va venir !
Il reste encore quelques pas à franchir, quelques réglages à effectuer, quelques points à trancher.
Mais nous réussirons parce que nous voulons tous libérer l'intelligence des territoires dans une France, qui est une République indivisible, mais dont l'organisation est décentralisée.
C'est la qualité de la représentation du citoyen, la responsabilité de l'action publique dans son territoire, c'est enfin la cohérence du chaînage de l'exercice des responsabilités, qui fondent la performance de l'action publique territoriale.
Et c'est aussi sa performance qui optimise la dépense publique. La dépense est un investissement lorsqu'elle est maîtrisée et efficace. Dans le cas contraire, son coût devient vite insupportable.
Soyez assurés de la volonté du Sénat d'aller au bout de cette réforme avec raison mais aussi avec la passion des territoires.
C'est cette passion qui nous fera transcender nos divergences d'opinions, pour le bien de la France.
Source http://www.senat.fr, le 6 octobre 2009
Monsieur le Président de l'AdCF (Daniel Delaveau)
Monsieur le secrétaire national, chargé des relations avec le Parlement (Dominique Braye)
Mesdames et Messieurs les Vice-présidents et Présidents de communautés,
Mesdames et Messieurs les députés et sénateurs,
Chers collègues maires et élus locaux,
Permettez-moi de vous dire combien je suis heureux d'être parmi vous, à Aix-les-Bains, après une première journée de colloque consacrée aux enjeux actuels de l'intercommunalité.
Merci Cher Président, de me permettre :
- de poursuivre ces rencontre avec les élus sur le terrain, ici, dans cette belle ville d'Aix-les-Bains. Samedi, j'étais dans l'Allier. Demain en Seine-et-Marne, la semaine prochaine, en Charente-maritime. (Car une des lignes forces de notre nouveau « cap » est d'aller aussi souvent que possible en province, là où est la « vraie France », cet ensemble unique de terroirs, à la rencontre de l'intelligence territoriale !)
- d'exposer à l'Assemblée des Communautés de France les analyses du Sénat sur un sujet qui lui est consubstantiel : l'organisation des collectivités territoriales,
- et surtout d'échanger, de croiser nos regards, le Sénat est d'abord un « passeur » avant d'exercer sa fonction de législateur.
Je centrerai plus particulièrement mon propos sur l'intercommunalité qui apparaît comme un des socles consensuels d'une réforme, réclamée par beaucoup et depuis longtemps, mais dossier jusqu'à présent aussi rapidement fermé qu'il était ouvert.
Cette fois-ci, la réforme se fera. Le Sénat est déterminé à la conduire, elle est nécessaire, elle est possible.
C'est le sens des travaux du Sénat.
C'est le message que porte la Mission Belot.
Je voudrais aussi remercier particulièrement les membres et le Conseil d'administration de l'AdCF, pour avoir répondu favorablement à l'invitation de la Mission temporaire du Sénat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales. Merci à Marc Censi, à Dominique Braye, ainsi qu'aux membres ici présents, pour leur forte implication.
Une place importante a été réservée à l'évolution de l'intercommunalité dans les travaux de la Mission Belot, et au-delà dans l'ensemble des réflexions qui convergent sur ce point et c'est grâce à vous.
Pour ne pas alourdir votre journée de réflexion déjà bien chargée, je ferai le point de l'état d'avancement du dossier de la réforme des collectivités territoriales avant d'évoquer la place particulière de l'intercommunalité dans cette réforme.
J'évoquerai enfin les dispositions prises pour que la question de la taxe professionnelle ne préjuge pas de la réforme de l'architecture territoriale.
1. la réforme des collectivités territoriales
Je crois qu'il faut tout d'abord resituer la réforme territoriale dans son contexte.
La crise mondiale renforce la brutalité de la concurrence, tout en faisant courir à de nombreux territoires le risque du repli sur soi.
Ce contexte est difficile et il nous invite à poser la question de la compétitivité des territoires, et par conséquent de leur gouvernance. Les collectivités territoriales ce sont plus de 500 000 élus, plus de 900 000 fonctionnaires, plus de 200 milliards d'euros de dépense publique..., près dès ¾ de l'investissement public civil.
Notre pays est doté d'une fantastique diversité des territoires, mais aussi, disons-le sans tabou, d'une organisation territoriale assez sophistiquée. L'organisation actuelle, qui manque de lisibilité pour nos concitoyens, et souvent pour les élus eux-mêmes, conduit à une dilution des responsabilités dont la gouvernance des territoires ne peut que souffrir.
Les Présidents de communautés ont été parmi les premiers, en toute lucidité, à souligner la nécessité d'une réforme.
Dans cette perspective, la décentralisation dans laquelle la France est engagée depuis les lois Deferre de 1982 et 1983 constitue une chance pour nos territoires.
La révision constitutionnelle de 2003, qui doit beaucoup aux travaux et réflexions antérieurs du Sénat, a donné naissance une République dont « l'organisation est décentralisée ». Mais il ne suffit pas de poser un principe pour qu'il devienne réalité. La vitalité de la décentralisation ne se mesure pas à l'aune des paquets de compétences transférées, mais à la bonne (ou moins bonne... ) organisation de leur exercice.
Il nous faut aujourd'hui passer à une nouvelle étape : la clarification de nos institutions locales, au service de l'efficacité de l'action publique, au service d'une gouvernance et d'une compétitivité renforcées de nos territoires.
Le Président de la République a eu l'audace d'ouvrir ce chantier. C'était un chantier réclamé par beaucoup et depuis longtemps, mais que l'on s'empressait de refermer à peine ouvert !
La Constitution fait du Sénat le représentant des collectivités locales. Le Sénat, qui aura à connaître en première lecture du projet de loi sur les collectivités territoriales, se devait d'être présent dans le débat.
Dès ma prise de fonctions, j'ai décidé la création d'une « Mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales », qui a regroupé toutes les sensibilités politiques à travers ses 36 membres, et dont la présidence a été assurée par le sénateur Claude Belot, homme de grande expérience en matière de territoires.
La mission a procédé à de nombreuses autres auditions. Elle s'est rendue dans les territoires, afin d'avoir une appréciation plus complète des situations - constatant, notamment, l'importance prise par le fait métropolitain, ou les enjeux propres à la nouvelle ruralité. Elle a recueilli l'avis du plus grand nombre possible de représentants des territoires, de l'Assemblée des communautés de France notamment, avant de présenter ses conclusions.
Ses propositions ont été soumises au libre débat du Sénat, qui a pu jouer ainsi le rôle d' « éclaireur de la décentralisation ».
Le Sénat a ainsi pu organiser, le 18 mars, sur la base du rapport d'étape de la mission, et le 30 juin, sur ses propositions finales, les deux premiers débats d'initiative parlementaire, suivis par un échange interactif, sous forme de questions-réponses, avec la participation du ministre de l'Intérieur et du secrétaire d'Etat aux collectivités territoriales.
Arrivés au terme de cette phase de réflexion, quel bilan provisoire pouvons-nous tirer ? On note de très fortes convergences sur un grand nombre de points :
1. le constat de la diversité territoriale, et la nécessité d'apporter des réponses différenciées à la spécificité des situations ;
2. l'urgence d'une réforme ambitieuse, qui permette une meilleure prise en compte de cette diversité ;
3. la recherche d'une plus grande cohérence dans l'organisation territoriale, clé d'une efficacité accrue dans l'action ;
4. la nécessité de démocratiser nos structures.
Au total ces réflexions auront été fructueuses, nous avons désormais une idée claire de la problématique et des réponses à apporter. Vous avez apporté une contribution majeure à la réflexion, soyez en encore une fois remerciés.
Mais le travail sur le dossier territorial ne s'est pas arrêté avec le débat que nous avons eu au Sénat le 30 juin. Nous avons poursuivi le dialogue avec le Ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, avec le Premier ministre, le Président de la République. Les élus membres de la Mission Belot se sont réunis à nouveau pour faire le point de ses travaux. (Moi-même, je me suis entretenu en tête à tête avec le Président de la République et je continuerai de me porter ainsi chaque semaine à la rencontre des territoires et de leurs représentants.
2. l'intercommunalité confortée par la réforme
Le développement de l'intercommunalité à fiscalité propre constitue l'une des réformes institutionnelles les plus significatives qu'ait connues notre pays sous la Ve République.
Certes, l'attachement de nos concitoyens aux quelques 36 700 communes qui irriguent encore aujourd'hui notre territoire justifie que l'on ne remette pas en cause ce socle de la démocratie locale.
Personnage le plus populaire parmi les élus, le maire doit conserver sa force symbolique et continuer à jouer son rôle irremplaçable de recours, notamment dans les périodes de mutation et de turbulences, telle celle que nous traversons.
Mais nos communes - dont le nombre représente 40 % de l'ensemble des communes européennes - ne sont que la première strate de l'empilement de structures de notre administration locale :
L'intercommunalité, en France, c'est (chiffres au 1er janvier 2009) :
- 2.601 communautés, qui rassemblent 34164 communes
- 2406 communautés de communes
- 174 communautés d'agglomération
- 16 communautés urbaines
- 5 syndicats d'agglomération nouvelle
Les communautés de France représentent 93,1 % des communes et 87,3 % de la population. S'y ajoutent 11 050 SIVU, 1 435 SIVOM et 3 122 syndicats mixtes, sans oublier les 351 pays et les nombreux schémas dont les périmètres ne s'harmonisent que rarement.
A l'évidence, c'est beaucoup trop et il y a urgence à essayer de remettre de l'ordre dans cette organisation particulièrement complexe.
La 20ème Convention nationale de l'intercommunalité qui vous rassemble aujourd'hui et demain peut légitimement s'appuyer sur la volonté de consolider le fait intercommunal. Cette volonté politique a deux sources :
- la volonté de conforter l'institution communale, qui est au coeur de notre démocratie locale ;
- la même volonté pour consolider son efficacité, avec l'achèvement de la carte intercommunale, l'approfondissement de l'intercommunalité et la rationalisation des moyens.
Un fort consensus s'est dégagé, au Sénat comme au sein des associations d'élus locaux, pour renforcer l'intercommunalité de projet et achever la carte intercommunale dans les meilleurs délais.
La Mission sénatoriale a rejoint les propositions du Comité Balladur en souhaitant renforcer la démocratie locale.
Le maire reste au coeur du dispositif de la sphère communale, mais cela ne doit pas empêcher l'approfondissement de la légitimité démocratique de l'intercommunalité. La technique du fléchage devra permettre au citoyen d'identifier les futurs délégués communautaires, lors des élections municipales.
C'est donc une carte intercommunale plus cohérente et plus efficace, dont les membres de la Mission sénatoriale souhaitent la mise en place.
Prenant largement appui sur vos recommandations, la Mission sénatoriale a souhaité que la carte de l'intercommunalité à fiscalité propre soit achevée fin 2011 - début 2012, en recourant, le cas échéant, à des outils incitatifs pour y parvenir.
Afin de mener à bien cette opération, la Mission a souhaité que soit renforcé le rôle des commissions départementales de coopération intercommunale, qui devront faire sans doute l'objet d'une recomposition préalable, et d'une amélioration de leur représentativité.
Je constate aussi une convergence forte sur la nécessité de prendre en compte cette réalité nouvelle qui caractérise la France d'aujourd'hui : le fait métropolitain.
Cela concerne les quelques vraies grandes métropoles (assurément moins d'une dizaine), à forte dimension internationale qui structurent désormais le territoire d'une France, partie constitutive d'une Union Européenne ouverte sur le monde.
Ces métropoles, véritables cités, on pourrait les qualifier de ville encore « sans papier », elles ont, à l'évidence, besoin d'un vrai statut, d'une vraie gouvernance pour assumer pleinement leur responsabilité.
Personnellement, je pense qu'il faut que l'on aille assez loin, et avec audace, sur cette question, tout en respectant la cohérence d'ensemble que porte le département.
Il nous faut bien donner à nos métropoles la place et les instruments qui leur permettront de lutter à armes égales avec celles de nos partenaires européens.
Nous ne pouvons occulter la réalité cruciale qui existe dans les grandes agglomérations et que s'y situe le coeur de la question sociale, celle de l'exclusion.
L'efficacité indispensable exclu une pluralité d'acteurs. Il ne peut y avoir dilution de responsabilité face à la détresse et au devoir de solidarité. Ce serait contraire à l'esprit même de la République.
3. La question de la taxe professionnelle et le calendrier
Pour conclure, j'en viens à la question de la taxe professionnelle. Le Président de la République a décidé de sa suppression dès cette année et du traitement de cette question dans la loi de finances pour 2010.
Le PLF, qui vient en première lecture à l'Assemblée nationale, sera nécessairement débattu et voté avant que ne soit débattu le projet de loi sur l'organisation territoriale.
Or, la taxe professionnelle constitue une part majeure de la fiscalité locale, notamment des intercommunalités à TPU.
Il importait que le débat du PLF ne préempte pas celui de la réforme de l'organisation des collectivités territoriales. La cohérence impose, en effet, que soit défini d'abord qui fait quoi, avant de procéder à l'allocation d'une ressource par nature limitée.
C'est pourquoi, j'ai attiré l'attention du Président de la République et du Premier ministre sur ce « risque ».
Je pense avoir été entendu.
Je n'ignore pas dans le contexte économique d'aujourd'hui qu'il y a urgence à traiter le « volet entreprise » de ce dossier dans un souci de compétitivité économique et de sauvegarde de nos emplois.
Ce volet sera bien traité dès 2010 mais il sera découplé du « volet répartition » des recettes fiscales entre les collectivités locales qui, lui, devrait être réglé par le Parlement, sans tabou, dans la concertation, courant 2010.
Dans l'attente, pour l'année 2010, ce sera le maintien du « statu quo » pour les finances locales, avec les compensations intégrales auxquelles s'est engagé le Premier ministre.
Je n'ignore pas que cette question de la répartition de la fiscalité sera délicate. Elle mettra en totale responsabilité le Parlement. C'est ce qu'il a demandé, il ne peut s'en plaindre...
Et c'est pleinement son rôle.
Conclusion
Il est temps de conclure pour laisser place aux échanges.
Ces échanges sont importants, car dans la nouvelle architecture territoriale de la France, il faut permettre à l'intercommunalité de jouer pleinement son rôle au service de la gouvernance et de la compétitivité des territoires.
Il importe que la France soit dotée d'une organisation performante assurant la capacité de représentation, de décision, et d'innovation dont chaque territoire a un impérieux besoin.
La nouvelle architecture territoriale doit donc répondre à une double nécessité : adapter notre organisation à la diversité des territoires, tout en les mettant en responsabilité de l'action publique.
Je vous remercie d'avoir partagé ces quelques réflexions. Le temps de la réflexion s'achève. Le temps de la décision va venir !
Il reste encore quelques pas à franchir, quelques réglages à effectuer, quelques points à trancher.
Mais nous réussirons parce que nous voulons tous libérer l'intelligence des territoires dans une France, qui est une République indivisible, mais dont l'organisation est décentralisée.
C'est la qualité de la représentation du citoyen, la responsabilité de l'action publique dans son territoire, c'est enfin la cohérence du chaînage de l'exercice des responsabilités, qui fondent la performance de l'action publique territoriale.
Et c'est aussi sa performance qui optimise la dépense publique. La dépense est un investissement lorsqu'elle est maîtrisée et efficace. Dans le cas contraire, son coût devient vite insupportable.
Soyez assurés de la volonté du Sénat d'aller au bout de cette réforme avec raison mais aussi avec la passion des territoires.
C'est cette passion qui nous fera transcender nos divergences d'opinions, pour le bien de la France.
Source http://www.senat.fr, le 6 octobre 2009