Déclaration de M. Georges Sarre, président délégué du Mouvement des citoyens, sur l'action menée par son mouvement pour défendre les valeurs républicaines dans les domaines économiques et sociaux, notamment sur son opposition à l'extension de la décentralisation, aux projets de loi sur la Corse et sur les nouvelles régulations économiques, et au projet du MEDEFsur les retraites complémentaires, Paris, le 24 janvier 2001.

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Circonstance : Présentation des voeux aux journalistes parlementaires à Paris, le 24 janvier 2001

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Au nom des parlementaires du Mouvement des Citoyens et en mon nom personnel, je tiens à vous présenter tous nos vux, tous mes vux, pour cette année 2001. Je formule ces vux, bien sûr, pour votre travail de journaliste, mais aussi pour vous-mêmes et pour tous ceux qui vous sont chers.
Un millénaire vient de s'achever ; il fut celui de la construction de la France. Il ne faudrait pas que le millénaire qui commence soit celui de l'évanouissement de la France.
Au commencement du précédent millénaire, étaient la décomposition féodale et les menaces d'engloutissement dans le Saint Empire. L'intérêt général et l'Etat n'étaient que de lointains souvenirs remontant à Charlemagne, sinon à Rome. Il fallut ensuite tant de siècles, tant de luttes, tant d'étapes, mais aussi tant de retours et d'impasses, pour arriver enfin à la République.
Aujourd'hui, la France et la République qui lui est consubstantielle, sont sapées et grignotées par le haut avec une construction européenne libérale qui se fait sans les peuples et même contre les peuples, par le bas avec une décentralisation qui s'emballe en devenant un but en soi, et qui se dirige ainsi vers le n'importe quoi par les côtés avec la multiplication des autorités dites indépendantes, agissant donc hors de tout contrôle, de toute responsabilité démocratique.
Durant l'année 2000, les députés MDC ont poursuivi leur travail à l'Assemblée nationale dans le même état d'esprit que celui qui les anime depuis 1997. Membres de la majorité, mais ne participant plus au gouvernement les députés MDC ont une ligne politique et pour boussole la déclaration de politique générale de Lionel JOSPIN, contrat passé devant les représentants du peuple entre les cinq composantes de la majorité.
Chaque fois que la lettre ou l'esprit de ce texte, qui dit vouloir faire retour à la République en tout domaine, leur a semblé remis en cause, les députés MDC sont intervenus en séance pour infléchir dans le bon sens les projets de loi présentés par le gouvernement. Nous avons ainsi rappelé le rôle éminent de la loi, qui, plus que le contrat, protège les droits collectifs et le monde du travail. Face à la déréglementation qui nous arrive souvent de Bruxelles ou de l'OMC, nous avons réaffirmé ce principe républicain fondamental lors de chaque débat touchant aux domaines économiques et sociaux. Nous nous sommes opposés ainsi au projet de loi sur les nouvelles régulations économiques parce que ce texte n'est pas l'outil annoncé par Lionel JOSPIN pour lutter contre les délocalisations et le diktat des grands groupes industriels et financiers. D'Alstom à Danone en passant par Michelin, on voit bien l'urgence d'une reprise en main par les politiques des leviers de commande. Jacques DESSALANGRE, Michel SUCHOD, Pierre CARASSUS ou Jean-Pierre MICHEL sont intervenus à de nombreuses reprises soit par questions au gouvernement, soit par amendements pour rappeler les positions du MDC en matière d'intervention publique, en économie et de défense de nos services publics. C'est le souci de préserver les droits des salariés, qui nous a conduit à repousser la transposition de la directive européenne, légalisant le travail de nuit des femmes dans l'industrie.
Dans le domaine institutionnel, nous nous félicitons que le gouvernement se soit finalement rallié à la proposition d'inversion du calendrier électoral que j'ai été le premier à proposer à l'Assemblée Nationale par voie d'amendement lors de l'examen d'un texte technique sur l'élection du Président de la République. Jean-Pierre CHEVENEMENT a eu l'occasion de rappeler le 19 décembre dernier, lors du débat sur les institutions, la cohérence de nos propositions en matière institutionnelle, qui au-delà du quinquennat et de la remise à l'endroit du calendrier, passe par l'instauration d'un régime présidentiel, qui, comme son nom ne l'indique pas, permettrait un rééquilibrage des institutions au profit du parlement.
En matière de décentralisation, je me suis opposé au nom des parlementaires MDC à la proposition de loi MEHAIGNERIE, qui, de fait propose d'étendre le modèle corse version Matignon à l'ensemble des régions françaises. Dans le débat qui a suivi la déclaration de Lionel JOSPIN sur la décentralisation, Jean-Pierre CHEVENEMENT a détaillé ce que pourrait être une nouvelle étape d'une décentralisation maîtrisée, respectant l'unité de la République et l'exigence d'égalité et d'aménagement du territoire. Le MDC s'opposera avec la plus grande énergie à tout transfert de pouvoir législatif à la Corse ainsi qu'à la remise en cause de la disposition constitutionnelle qui affirme que le Français est la langue de la République.
Nous avons été amenés, par ailleurs, à manifester notre mécontentement durant l'été et l'automne 2000 devant les atteintes répétées aux prérogatives du parlement. L'annonce du plan de réduction des impôts, dont le contenu est par ailleurs contestable, sans même que la commission des finances soit saisie, comme la présentation à l'assemblée de corse, en avant première, du projet de loi issue des accords dits de Matignon, nous apparaissent contradictoires avec la volonté exprimée par le Premier Ministre de voir revaloriser le rôle du parlement.
Dans le même esprit, la décision du gouvernement de choisir la voie des ordonnances pour transposer 50 directives européennes touchant à des domaines essentiels comme les services publics, la mutualité ou le financement des autoroutes, nous a conduit à défendre une exception d'irrecevabilité le 5 décembre dernier, qui comme vous le savez n'a été repoussée que de justesse, le gouvernement n'obtenant le soutien que du groupe socialiste et des verts. Nous entrons dans une période d'élections locales peu propices à la réflexion parlementaire. Du reste nous connaissons très peu de choses du calendrier de l'Assemblée Nationale pour la période allant d'avril à juin 2001. Nous nous opposerons, je l'ai dit, avec énergie au projet de loi sur la Corse. Au plan social, nous attendons du gouvernement une loi généreuse en matière d'autonomie des personnes âgées, enjeu majeur du 21ème siècle compte tenu du vieillissement de la population.
Nous serons attentifs à ce que cette loi ne laisse pas trop de marges d'interprétations aux Conseils Généraux pour son application afin d'assurer à nos anciens un même traitement de Marseille jusqu'à Dunkerque. Pour le reste, nous sommes dans le flou, la loi sur l'eau semble se noyer dans les arbitrages ministériels.
Véritable pourvoyeur de projets et même fer de lance de la droite, le MEDEF poursuit son entreprise de démolition du pacte social, issu de la Résistance. Après les assauts menés contre la limitation actuelle du temps de travail et l'assurance chômage, il s'en prend maintenant aux retraites complémentaires.
Par son intransigeance, l'organisation patronale bloque le fonctionnement normal de l'organisme régulateur qu'est l'ASF (Association pour la gestion de la structure financière) qui finançait depuis 1983 le passage à la retraite de 65 à 60 ans dans les régimes complémentaires. A effet du 1er avril 2001, les salariés risquent de ne plus pouvoir partir avant 65 ans avec une retraite à taux plein.
Si rien n'est fait très vite, l'Ordre public social de notre pays sera gravement menacé.
Si le MEDEF ne revient pas à la table des négociations sur des bases raisonnables, une intervention des pouvoirs publics sera indispensable.
Le fait que la gestion des retraites complémentaires ait été confiée aux partenaires sociaux ne saurait désengager les pouvoirs publics de leur responsabilité. Le temps presse. C'est pourquoi, sans présager des résultats des échanges entre partenaires sociaux, nous avons déposé hier une proposition de loi visant à garantir la part complémentaire de la retraite dite à 60 ans. Dans votre dossier, vous trouverez le texte de cette proposition avec l'exposé des motifs. Elle vise à ce que les accords instituant les régimes complémentaires de salariés prennent obligatoirement en compte le principe de la liquidation et du service de la retraite au taux plein avant 65 ans.
Vous nous présentez souvent, nous membres du Mouvement des Citoyens en gardiens vigilants, de la République. Soyez en assurés : nous ne vous décevrons pas, regrettant cependant de nous trouver trop souvent dans ce rôle, et de nous y trouver trop souvent seuls. Vous voyez qu'il y a là encore un beau programme. Nous sommes prêts à vous apporter ici et maintenant toutes les précisions que vous souhaitez.
(Source http://www.mdc-France.org, le 16 mars 2001).