Interview de M. Michel Mercier, ministre de la justice et des libertés, à RMC le 23 juin 2011, sur la perspective de l'élection présidntielle 2012, l'introduction de jurés populaires dans les tribunaux correctionnels et la justice des mineurs.

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Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN Michel MERCIER. Je fais ça, parce que Michel MERCIER et moi nous étions en train de parler des magistrats, justement. Tiens, vous me direz ce que vous en pensez. Pourquoi ? On n’a rien à cacher ici.
 
MICHEL MERCIER Exact.
JEAN-JACQUES BOURDIN Gardes des Sceaux, ministre de la Justice, est notre invité ce matin. Vous allez bien ?
 
MICHEL MERCIER Bonjour, ça va.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bon, merci d’être avec nous.
 
MICHEL MERCIER Ca va, mais je viens de passer deux nuits à l’Assemblée nationale déjà.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, alors on va parler, justement…Ca va être l’essentiel de notre rencontre, ce matin. Simplement, je voudrais vous montrer ça. Est-ce que vous avez vu ça ? C’est le tract de l’UMP concernant les primaires du PS. Je lis, « Primaires du PS = fichage politique ». C’est ce que dit l’UMP. Vous êtes d’accord, c’est du fichage politique ?
 
MICHEL MERCIER Ben, moi, je pense que, si vous voulez, le Parti socialiste a choisi pour désigner son candidat un système. Il n’y a rien à dire là-dessus. Il est légal. Simplement, il y a un petit problème, c’est pas la liste électorale, tous les partis ont droit, et toutes les formations politiques, ont droit d’aller chercher la liste électorale. C’est le code électoral. Le problème c’est la liste d’émargement. Une fois que les gens seront venus voter, auront signé, qu’est-ce qu’on va faire de la liste d’émargement ? Je crois qu’il faut le dire clairement, il y a un problème. Il ne faut en tirer un fichier. Je crois qu’il faut que…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …mais le Parti socialiste s’est engagé, vous le ne croyez pas, à détruire ces…
 
MICHEL MERCIER Je crois qu’il faut simplement formaliser clairement les engagements.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est-à-dire ?
 
MICHEL MERCIER Il y a simplement, je pense à un engagement, on peut le faire par écrit, on peut le dire clairement. Je crois qu’hier à l’Assemblée nationale les choses ont plutôt avancé, si on écoute bien, et moi j’écoute en général, et le ministre de l’Intérieur a dit qu’il était prêt à travailler avec le Parti socialiste pour que les choses se passent bien.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Enfin, ce n’est pas ce que dit l’UMP, qui parle de fichage politique.
 
MICHEL MERCIER Oui, mais, il ne vous a pas échappé, monsieur BOURDIN, que l’UMP est un parti politique, a son rôle de parti politique, et que le gouvernement est un gouvernement. Ce n’est pas tout à fait la même chose.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est une mauvaise idée ces primaires ou pas ?
 
MICHEL MERCIER Ca, c’est l’affaire du Parti socialiste.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais qu’en pensez-vous ?
 
MICHEL MERCIER Moi, je pense que ça peut être une bonne idée, et aussi pour les adversaires du Parti socialiste parce que ça permettra au moins au Parti socialiste de se diviser clairement.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui ! Mais, Michel MERCIER, pourquoi est-ce qu’il n’y a pas de primaire à droite ?
 
MICHEL MERCIER Parce qu’il n’y a pas besoin de primaire à droite.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais pourquoi il n’y a pas besoin de primaire ?
 
MICHEL MERCIER Parce qu’il n’y a qu’un candidat.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est parce que c’est l’appareil qui décide ?
 
MICHEL MERCIER Pas du tout !
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est le parti qui décide ?
 
MICHEL MERCIER Ah non, vous vous trompez totalement ! Ce sont les Français qui ont choisi. Et le président de la république qui est président maintenant il a été…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …mais, les primaires socialistes, ce sont les Français qui choisissent.
 
MICHEL MERCIER Oui, mais ils ont déjà choisi pour celui de la droite.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous croyez ?
 
MICHEL MERCIER Ah, j’en suis sûr !
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est le meilleur candidat ?
 
MICHEL MERCIER C’est celui qui a été choisi. Il est le président de la République, et il va aller devant… il n’a encore rien dit, mais il est probable qu’il ira devant les Français pour dialoguer avec eux, comme il l’a fait il y a cinq ans.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous êtes un homme de droite ou du centre ?
 
MICHEL MERCIER Du centre, tout à fait, et vous le savez bien.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous êtes un homme du centre.
 
MICHEL MERCIER Bien sûr ! JEAN-JACQUES BOURDIN Dites-moi, au centre, il y a beaucoup de candidats potentiels.
 
MICHEL MERCIER Et il y a probablement beaucoup d’électeurs, peu d’organisation, mais c’est malheureusement une vieille tradition du centre, sous la Ve République, en tous les cas.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous avez vu le nombre de candidats potentiels ?
 
MICHEL MERCIER Moi, je n’en vois pas beaucoup.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Votre ami François BAYROU.
 
MICHEL MERCIER Mon ami, vous avez tout à fait raison de le dire.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Jean-Louis BORLOO.
 
MICHEL MERCIER Oui, bien sûr.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Dominique de VILLEPIN.
 
MICHEL MERCIER …
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Centre, pas sûr, oui, enfin, bon.
 
MICHEL MERCIER Oui, enfin, c’est-à-dire qu’à a fin tout le monde est au centre.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, tout le monde est au centre.
 
MICHEL MERCIER Mais ce n’est pas ça le centrisme.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien. Votre ami BAYROU, vous voterez pour lui ou pas alors ? Vous avez voté pour lui, évidemment lors de la dernière élection.
 
MICHEL MERCIER Mais, vous lui avez déjà posé la question de savoir si je voterai…et hier, vous lui avez demandé si je voterai pour lui, et vous me reposez la question aujourd’hui.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ben oui, c’est à vous que je pose la question.
 
MICHEL MERCIER Justement, d’abord on en parlera tous les deux, ils nous arrivent quand même de nous voir assez souvent.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, je sais. Vous étiez ensemble mardi soir.
 
MICHEL MERCIER Oui, et regardez, tiens, je vais vous montrer.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Montrez-moi ! Qu’est-ce que vous voulez montrer ?
 
MICHEL MERCIER Vous allez voir. Regardez le dernier qui m’a appelé ?
 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN François BAYROU, oui, je vois, 8 h 23.
 
MICHEL MERCIER 8 h 23. JEAN-JACQUES BOURDIN Là, à l’instant ?
 
MICHEL MERCIER Eh ben, oui !
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Pour vous dire quoi ?
 
MICHEL MERCIER Bonjour.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui ! Et encore ?
 
MICHEL MERCIER Et après, « on se rappellera après », voilà.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Elle est légitime sa candidature, oui ?
 
MICHEL MERCIER Je pense qu’il incarne le centre par ce qu’il est, par les valeurs qu’il porte. Après, c’est à lui de décider à un moment donné ce qu’il fera, c’est pas à moi de le dire.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Il est clairement dans l’opposition au gouvernement, clairement. Là, il le dit clairement, il l’a dit encore hier, clairement.
 
MICHEL MERCIER Oui, il lui est arrivé aussi de voter pour des textes que je proposais.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, que vous proposiez.
 
MICHEL MERCIER Je les propose au nom du gouvernement.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, non mais, il est clairement dans l’opposition.
 
MICHEL MERCIER Oui, mais il est dans une opposition qui est raisonnable et responsable, et il le fait avec beaucoup de calme et de doigté ces derniers temps.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Donc, vous ne savez pas si vous voterez pour votre ami.
 
MICHEL MERCIER Comme il n’a pas dit si il était candidat…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ben, il sera candidat, enfin évidemment !
 
MICHEL MERCIER Et puis, comme le vote est toujours secret dans notre pays, il faut au moins qu’on garde ça.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien. Alors, est-ce qu’il faut, je change de sujet, j’oublie la politique, Michel MERCIER, est-ce qu’il faut supprimer ou réduire la bi-nationalité, comme le propose le Front national et plusieurs députés UMP ?
 
MICHEL MERCIER Ecoutez, moi, si vous voulez parler des rapports qui sont en cours, moi, je n’ai pas eu le temps de regarder cela hier.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ah bon, d’accord. Vous n’avez aucun avis sur la bi-nationalité ?
 
MICHEL MERCIER J’ai des avis, mais il y a un débat qui aura lieu la semaine prochaine à la Commission des lois de l’Assemblée nationale sur ce point. Donc, moi, je respecte le Parlement. Et on attendra tout cela. Je pense que ce n’est pas une question qu’on peut traiter en 25 secondes, comme ça.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais il ne s’agit pas de la traiter en 25 secondes.
 
MICHEL MERCIER Non, non, mais il s’agit de vous répondre en 25 secondes, et ma réponse sera plus longue. Donc, je pense, si vous voulez, que on a besoin de gens qui ont la bi-nationalité, notamment si on veut que la France soit présente à l’étranger. Et il faut que les gens qui partent à l’étranger, qui vont aller travailler dans les grandes entreprises, restent français, et puis prendre aussi, peut-être, la nationalité de l’Etat où ils sont. C’est une des conditions de notre développement économique.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Donc, vous êtes contre toute suppression ou réduction de la bi-nationalité.
 
MICHEL MERCIER Et je pense aussi que au moment où on vient de décider de créer onze circonscriptions de députés représentant les Français de l’étranger, il faut qu’on réfléchisse à tout cela avec calme, avec sérénité, et que ça peut pas se faire de deux coups de cuillère à pot.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors que disent ces députés UMP, « Tous candidats à la nationalité française par mariage ou naturalisation doivent renoncer à la nationalité étrangère ».
 
MICHEL MERCIER Ecoutez, on verra…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Chaque candidat doit renoncer à sa nationalité étrangère.
 
MICHEL MERCIER On va attendre que la Commission des Lois ait délibéré.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Est-ce qu’on doit remettre en cause le droit du sol ?
 
MICHEL MERCIER Je ne crois pas qu’on doive remettre en cause… Il y a deux cas particuliers en France : il y a ce qui se passe dans l’Océan Indien, à Mayotte ; et puis, il y a Saint Laurent du Maroni en Guyane, parce qu’on a deux grandes frontières. Donc, ce sont des cas très particuliers qu’il faut regarder de près.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais on ne touche pas au droit du sol ?
 
MICHEL MERCIER C’est notre droit, c’est ce qui fonde notre système. Moi, je suis attaché à ce qui fonde notre système démocratique.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien. Michel MERCIER, garde des Sceaux, nous allons parler des textes en discussion actuellement à l’Assemblée nationale, et notamment les jurés populaires en correctionnelle, dans les tribunaux correctionnels dans deux minutes.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Notre invité, le garde des Sceaux, Michel MERCIER. Michel MERCIER, parlons de ce projet de loi sur les jurys populaires, les jurés populaires en correctionnelle. Où est-ce que vous en êtes ? L’article 2, je crois.
 
MICHEL MERCIER On en est à l’article 2.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bon !
 
MICHEL MERCIER Il en reste encore beaucoup à faire.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Oui, il reste du chemin ! Deux citoyens assesseurs de trois magistrats en correctionnelle, c’est cela.
 
MICHEL MERCIER Oui, c’est cela.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN On est bien d’accord. Pour toutes les affaires, non pas pour toutes les affaires en correctionnelle.
 
MICHEL MERCIER Non, pour tous les délits dans lesquels on porte atteinte à la personne.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN « Porte atteinte à la personne », mais alors pourquoi pas pour les délits financiers, par exemple ?
 
MICHEL MERCIER Parce que on ne peut pas d’abord faire tout le même jour. Vous savez, il y a à peu près 400 000 affaires correctionnelles chaque année. Donc, va commencer avec 40 000 affaires.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN 40 000 sur 400 000.
 
MICHEL MERCIER Oui, et on va commencer d’abord par expérimenter dans deux cours d’appel parce que moi j’ai des règles toutes simples de travail : c’est voir, juger, agir. Ce n’est pas commenter ce qu’on va faire. Et je pense qu’il faut qu’on prenne un peu de temps pour ne pas échouer et y aller doucement. Moi, ça ne me gênerait pas du tout qu’il y ait des assesseurs dans toutes les affaires. Mais il faut simplement petit à petit, d’abord former les gens, avoir des moyens, pouvoir siéger, et ça ne peut pas se faire tout d’un coup, et c’est vrai aussi que dans l’acte de juger, notre projet il est tout simple, c’est d’associer les citoyens à l’acte de juger, ce qui est un acte très difficile, et c’est de montrer. Et on va donc le montrer à travers ce qui touche les gens en premier.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, parce que les affaires financières, les élus corrompus ça ne touche pas les gens, Michel MERCIER ?
 
MICHEL MERCIER Mais on les juge aussi.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, non mais on les juge, mais là je vois que les citoyens ne seront pas…
 
MICHEL MERCIER …on les juge aussi.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …finalement, les jurés ne sont pas aptes à condamner un élu corrompu mais sont aptes à condamner un petit délinquant, quoi.
 
MICHEL MERCIER Monsieur BOURDIN, vous êtes trop au courant des choses…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …ben, Michel MERCIER…
 
MICHEL MERCIER … pou savoir que ce que vous dites n’est pas tout à fait exact.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est-à-dire ?
 
MICHEL MERCIER D’ailleurs, si c’est vraiment un crime grave la corruption, il passe en assises, comme tout le monde.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, non mais d’accord…
 
MICHEL MERCIER Avec des assises.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Non, non, mais je ne vous parle de crimes graves, de la corruption, je vous parle de correctionnelle.
 
MICHEL MERCIER Pour l’instant, on a écarté, si vous voulez, tous les délits techniques complexes. Et c’est vrai que la comptabilité c’est complexe, c’est vrai que le terrorisme c’est complexe, et qu’il faut faire…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …pour les magistrats aussi c’est complexe.
 
MICHEL MERCIER Oui, bien entendu ! Mais les magistrats sont dans une autre situation.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Si j’ai bien compris, les élus préfèrent comparaître devant des magistrats plutôt que devant des jurés populaires.
 
MICHEL MERCIER Et cependant, les magistrats sont plus sévères.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ah !
 
MICHEL MERCIER Et cependant les magistrats sont plus sévères.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors qui est plus sévère, justement, parce que l’objectif n’est-il pas de rendre la justice plus sévère ?
 
MICHEL MERCIER Heureusement que je vous donne l’occasion de poser cette question.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Eh ben, oui ! Elle est importante cette question, Michel MERCIER.
 
MICHEL MERCIER Elle est très importante, et moi je veux sur ce point dire, d’abord : 1 contrairement à ce que l’on dit parfois, et trop souvent, les magistrats ne sont pas laxistes. Ils appliquent…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est pas ce qu’a dit le président de la République, pardon, hein, après l’affaire Laetitia. Il a souligné le laxisme des magistrats.
 
MICHEL MERCIER Les magistrats appliquent la loi, et ils l’appliquent tel que le Parlement l’a votée. Les magistrats ne sont pas laxistes.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Je sais que vous défendez les magistrats, je le sais.
 
MICHEL MERCIER Et il y a une preuve toute simple, c’est qu’aujourd’hui le principal problème du Ministère de la Justice c’est de faire exécuter les peines prononcées par les magistrats. C’est notre principal problème. Et c’est celui sur lequel je travaille d’arrache-pied parce qu’une peine prononcée…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …le principal problème ce n’est pas la peine en elle-même, c’est l’exécution de la peine.
 
MICHEL MERCIER C’est l’exécution de la peine, vous avez tout à fait raison, et c’est là-dessus que je travaille en permanence pour améliorer l’exécution des peines. Donc, les magistrats professionnels, ils sont sévères parce que tout simplement ils voient toute la journée de gens qui ont commis des délits, qui sont un peu blindés, qui connaissent la loi, et les magistrats donc sont dans ce cadre-là. Les citoyens jurés, ils vont réagir en tant que citoyens avec les émotions qu’ils peuvent avoir. Ils ne sont pas des juristes. Et ils vont apporter un éclairage très différent. Ils vont d’abord voir que l’acte de juger ce n’est pas un acte facile, et que quand on réclame plus aux juges, il faut comprendre qu’ils donnent déjà tout ce qu’ils peuvent.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais, Michel MERCIER, ne nous cachons pas la vérité.
 
MICHEL MERCIER Oui.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous avez entendu dans les couloirs de l’Assemblée nationale combien de députés dire les juges ne jugent pas assez bien, les juges ne sont pas assez sévères. Vous l’avez entendu des dizaines de fois.
 
MICHEL MERCIER Et d’abord, ils le disent moins parce que moi j’essaie, en tous les cas, je considère que c’est mon travail, et je le dis chaque fois que j’ai l’occasion de le dire au Sénat ou à l’Assemblée, que les magistrats font leur travail, qu’ils le font correctement, avec les lois et les moyens qu’on leur donne.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bon. Donc, il n’y a pas de laxisme de la justice en France.
 
MICHEL MERCIER Oh ben, sûrement pas de laxisme !
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ca, c’est une idée reçue pour vous.
 
MICHEL MERCIER Ah, tout à fait !
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien. La justice des mineurs. Est-ce que les mineurs doivent être jugés par les mêmes juges que les majeurs ?
 
MICHEL MERCIER Non mais ils ne sont pas jugés par les mêmes juges en France.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors, aujourd’hui, non.
 
MICHEL MERCIER Et demain non plus.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Et demain non plus. Alors, expliquez-moi pourquoi demain non plus, parce que les récidivistes de plus de 16 ans seront jugés par qui ?
 
MICHEL MERCIER Par un tribunal correctionnel spécialement composé.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Donc, jugés comme les majeurs, quoi, non ?
 
MICHEL MERCIER Pas du tout. Spécialement composé parce que il y aura…par des magistrats professionnels, il y aura un juge pour enfant. Vous savez, il existe depuis au moins…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …un juge qui sera en minorité.
 
MICHEL MERCIER Oui, mais il sera quand même là. Et je veux simplement vous rappeler, monsieur BOURDIN, que depuis 1945 qu’il existe une cour d’assises pour mineurs. On en parle peu.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est vrai.
 
MICHEL MERCIER Elle fonctionne. Cette cour d’assises pour mineurs, elle est créée dans l’ordonnance de 45, qu’on est toujours là à brandir comme un fanion. Je veux simplement rappeler que cette cour d’assises elle est présidée par le président de la cour d’assises normale, que en fonction des possibilités, éventuellement on met deux assesseurs ou un qui est juge pour enfants, et que ce sont les jurés de la cour d’assises normale qui sont là. Dans le projet que je soutiens devant l’Assemblée nationale, le tribunal correctionnel est spécialement composé, il y a forcément un juge pour enfants, alors que ça n’est pas le cas obligatoire dans la cour d’assises des mineurs. Et il y a, et il y a la procédure du tribunal pour enfants qui sera suivie devant de tribunal correctionnel, c’est-à-dire qu’on devra avoir un dossier sur la personnalité de l’enfant, parce que je rappelle que un des principes de base de la justice pénale pour mineurs reçus dans notre pays par l’ordonnance de 45, mais c’est aussi la loi de 1912, et c’est surtout les décisions du Conseil constitutionnel de 2002 et de 2011, c’est que il faut d’abord réparer avant de châtier. Donc, avoir des mesures éducatives avant des mesures…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …plus de trente textes depuis 1945, concernant la justice des mineurs.
 
MICHEL MERCIER Et 1912.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Dites-moi, pourquoi ne pas aller plus loin et pourquoi ne pas abaisser la majorité pénale à 16 ans ?
 
MICHEL MERCIER D’abord, parce que c’est pas la volonté du gouvernement, et qu’après…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …c’est demandé par des députés UMP, encore une fois.
 
MICHEL MERCIER Mais bien sûr que c’est demandé. Mais on est quand même dans un pays de liberté, où on peut débattre.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous être contre.
 
MICHEL MERCIER Et je suis contre. Et je rappelle aussi qu’on a signé des accords internationaux qui ne nous permettent pas de modifier cette majorité pénale pour l’instant.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, donc on ne touche pas à cette majorité pénale à 16 ans.
 
MICHEL MERCIER Exact.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN A 18 ans.
 
MICHEL MERCIER A 18 ans.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Pas de 16 ans, on est d’accord, bon.
 
MICHEL MERCIER Mais, si vous voulez, l’excuse légale de minorité elle n’a pas le même poids quand on a 10 ans, quand on en a 17,5. Et on permet donc d’avoir toute une palette et une gradation à la fois dans les formations de jugement et dans les sanctions.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien. Michel MERCIER, je voulais vous poser une question concrète, il est 8 h 53, politiquement concrète. Question politiquement concrète : combien de bracelets électroniques en France ?
 
MICHEL MERCIER Actuellement, on avait 4 900 bracelets à la fin de l’année, on est à peu près à 7 500 aujourd’hui.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN 7 500 ?
 
MICHEL MERCIER 7 500, et mon objectif c’est d’être à 10 000 à la fin de l’année.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui.
 
MICHEL MERCIER Et je rappelle qu’il y a deux sortes de bracelets.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, ça coûte cher ?
 
MICHEL MERCIER Ca coûte moins cher que la prison. Ca coûte cher, et c’est vrai que c’est une façon d’exécuter la peine mais c’est pas une façon sans risque non plus.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors, puisqu’on parle de prison, Michel MERCIER, j’entends le Front national nous dire « on va construire 40 000 places de prison », j’entends d’autres dire « il faut mettre en prison un maximum de délinquants », j’entends…Vous répondez quoi à tout cela ?
 
MICHEL MERCIER Je dis que aujourd’hui nous avons à peu près 56 000 places de prison, on en aura 57 500 à la fin de l’année.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Prisons surpeuplées.
 
MICHEL MERCIER On a aujourd’hui, 65 000 personnes en prison. C’est le maximum que l’on puisse mettre probablement dans des établissements existants. La prison c’est pas la solution, qui n’est pas la fin, c’est pas la solution qui permet de tout traiter parce que quand on rentre en prison il faut tout de suite préparer la sortie de prison. Et c’est ça qui est essentiel. Et c’est la raison pour laquelle on crée des postes de conseillers en insertion, probation, pour prendre en charge les gens à la sortie de la prison.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Votre budget ?
 
MICHEL MERCIER Et après, ce que je veux créer aussi ce sont des centres d’évaluation. Aujourd’hui, on en a un seul, à Fresnes. Dans quelques semaines, on en aura un second à Réau, près de Melun – je vais en créer un probablement à Lille, un autre dans le Midi – pour que les condamnés qui ont été condamnés aux peines les plus lourdes, donc les plus dangereux, en fait, soient évalués par des équipes pluridisciplinaires, avec des psychiatres, des psychologues, des gardiens de prison, des conseillers en insertion, qui les voient vivre pendant sept semaines, analysent la personnalité des gens, et nous disent en sortant, il y a besoin de tel suivi ou de tel autre suivi, parce que ça c’est très important.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Dans l’administration pénitentiaire aussi on ne remplace pas un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ?
 
MICHEL MERCIER Vous savez très bien que le Ministère de la Justice a été exempté de cette participation et c’est une bonne chose.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Et votre budget, votre prochain budget ? Vous êtes en pleine discussion, je sais.
 
MICHEL MERCIER Depuis le départ, le Premier ministre, François FILLON, a fait une exception de ce budget.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Donc, pour le prochain budget ?
 
MICHEL MERCIER Eh bien, ce sera encore une exception.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Encore une exception. C’est-à-dire que le budget va augmenter ?
 
MICHEL MERCIER On est en discussion, mais je rappelle que cette année…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …le budget va augmenter ou pas ?
 
MICHEL MERCIER Bien sûr.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Il va augmenter.
 
MICHEL MERCIER Et le Premier ministre a accepté la création d’un certain nombre de postes de magistrats et de postes de greffiers.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien, merci Michel MERCIER d’être venu nous voir ce matin sur BFM TV et sur RMC.
 
MICHEL MERCIER Merci.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 7 juillet 2011