Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier président,
Monsieur le Procureur général,
Mesdames et Messieurs les Magistrats,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Contrôleur général des lieux de privation de liberté,
Mesdames et Messieurs les représentants des professions juridiques,
Mesdames et Messieurs,
Merci, Monsieur le président, jai écouté attentivement votre propos et je vais y répondre bien sûr. Vous avez annoncé un bilan « un peu » critique, et souligné des « efforts encourageants » ; japprécie ce pas. Jentends les inquiétudes que vous relayez, les agacements Vous ne serez pas surpris que sur certains points nous ne soyons pas daccord, mais nous nous rejoignons sur un constat : si beaucoup reste encore à faire, cest certain, nous avons progressé.
Un an a passé depuis notre première rencontre à ce Congrès. Cette année je dois le dire a été particulièrement riche, riche de réformes et de nouveaux défis pour la justice, riche de débats et de dialogue aussi.
Ces derniers mois nont pas été sans secousses. Vous les avez rappelées. Mais nous avons pu en même temps accomplir de grands chantiers, grâce à des échanges constants et constructifs, et à limplication de chacune et chacun dentre vous. Comme je my étais engagé devant vous il y a un an, jai veillé à ce que vous puissiez travailler en toute indépendance, et jai uvré pour que les magistrats puissent retrouver le climat dapaisement nécessaire à laccomplissement de leurs missions. Je crois que les choses ont évolué positivement dans ce sens.
Cest mon rôle en effet et je le conçois comme cela- de garantir lindépendance et la sérénité du travail des magistrats, et je serai aujourdhui encore très clair sur ce point : la justice ne doit être soumise ni à pression, ni à instrumentalisation. Je le redis aujourdhui, car ma position na pas varié, les magistrats ont toute ma confiance, raison pour laquelle je me suis toujours refusé à un quelconque commentaire sur les affaires en cours ou sur les décisions de justice, et encore moins à un commentaire des commentaires. Certains me reprochent de ne pas suffisamment mexprimer souvent ceux-là mêmes qui me reprocheraient ensuite dinterférer dans le cours de la justice. Jai rappelé à maintes reprises ma confiance dans le travail des magistrats, mon attachement à des principes qui peuvent être mis à mal comme la présomption dinnocence ou le secret des enquêtes et de linstruction. Le fait que je ne fasse pas de déclarations chaque fois quon me le demande ne mempêche pas de rester vigilant. Mais je voudrais, dans des circonstances parfois troublées, que cette vigilance, qui doit être tout autant individuelle que collective, soit partagée par tous. Je voudrais que linstitution judiciaire se donne les moyens de répondre par elle-même, en usant des pouvoirs que lui confèrent la Constitution et les lois organiques, aux dysfonctionnements, aux violations des principes que je rappelais à linstant ou aux manquements aux obligations déontologiques qui simposent à tous les magistrats, à tous les instants. Votre congrès de lannée dernière était placé sous le signe de la responsabilité. Cest en assumant cette responsabilité, chacun dans notre rôle, que nous agirons pour la confiance de nos concitoyens dans luvre de justice.
Cest vrai, ces derniers mois les défis nont pas manqué, mais je crois pouvoir dire quils ont été relevés.
I. Le rythme des réformes na pas faibli ; elles ont pu être mises en uvre grâce à limplication sans faille de tous les personnels de justice.
Je le constate tous les jours en allant sur le terrain : la tâche nétait pas simple dans ce calendrier resserré, contraint même devrais-je dire, qui a été le nôtre. Je mesure parfaitement les efforts demandés et linvestissement de chacun pour parvenir à appliquer la loi dans des conditions parfois difficiles. Il a fallu à nos juridictions intégrer rapidement des évolutions majeures.
Des contraintes toujours plus fortes pèsent sur nos juridictions. Aux nécessaires évolutions de la loi liées à lévolution de notre société et aux attentes toujours plus grandes de nos concitoyens viennent désormais sajouter les effets de la jurisprudence constitutionnelle. La question prioritaire de constitutionnalité a constitué une avancée majeure sur le terrain des droits et libertés fondamentaux. Je crois quon ne le dit pas assez : cela sera un acquis essentiel du quinquennat qui sachèvera dans quelques mois. Cest le Président de la République qui a voulu cette réforme. Elle est à mettre au crédit de cette majorité. Mais elle impose aussi dagir vite pour mettre nos pratiques en conformité avec les exigences constitutionnelles. Cest parce que nous sommes profondément attachés au respect des principes qui fondent notre droit, que nous nous sommes résolument inscrits dans cette dynamique dévolution. Pourtant les défis étaient de taille, tant pour la garde à vue que pour lhospitalisation sans consentement.
Aujourdhui, grâce à votre mobilisation, les changements se sont opérés sans grandes difficultés majeures et les juridictions ont fait preuve dune capacité dadaptation remarquable. Ainsi, malgré les craintes exprimées, la loi votée le 5 juillet dernier portant réforme des soins psychiatriques a pu être mise en uvre. Et pourtant le Conseil constitutionnel ne nous avait pas laissé beaucoup de temps en fixant au 1er août la date dentrée en vigueur de ces nouvelles dispositions ! Les efforts et le sens des responsabilités de tous : magistrats, personnels de justice, services hospitaliers et préfectoraux ont permis de passer ce cap délicat avec succès. Jai conscience que vous devez faire face à la charge supplémentaire que constitue ce nouveau contentieux, qui participe dune plus grande protection des libertés individuelles de nos concitoyens. Je tenais à vous en remercier.
De même, les nouvelles règles de garde à vue ont pu être mises en uvre à très brève échéance, en dépit de laccélération de calendrier que nous a imposée la jurisprudence de la Cour de cassation. Elles ont permis de renforcer, comme jamais auparavant, les droits de la défense tout en réaffirmant le rôle du parquet dans le cadre de lenquête et du contrôle de la garde à vue, signe de la confiance du Gouvernement et des parlementaires à légard de ces magistrats, membres de lautorité judiciaire et gardiens des libertés publiques.
Cette confiance, elle ne leur serait pas accordée si, comme le disent certains, les procureurs étaient « aux ordres » du pouvoir exécutif. Cest un thème récurent de discours et de débat, mais qui ne correspond pas à la réalité.
Certes, les magistrats du parquet sont placés sous l'autorité du ministre de la justice : mais ce lien hiérarchique est justifié par la nécessité de donner au Garde des Sceaux les moyens de conduire la politique pénale dont la détermination doit rester une prérogative de lexécutif.
Quant au pouvoir dinstruction du Garde des Sceaux, il ne porte que sur laction publique, et plus précisément sur les instructions de poursuite, et ne saurait porter atteinte au rôle de protecteur des libertés publiques qui est reconnu au ministère public.
Dès lors, même si jai bien noté, Monsieur le Président, votre demande dévolution du statut du parquet, il me semble quavant denvisager une quelconque réforme de ce type, réforme qui suppose dailleurs une modification de la Constitution, il convient dexaminer avec soin toutes les implications dune telle entreprise, compte tenu notamment de léquilibre à respecter entre garanties statutaires dune part, et nécessité de préserver ce lien hiérarchique pour garantir la cohérence des politiques pénales dautre part.
Jentends vos inquiétudes sur le rythme des réformes, et loin de moi lidée daccabler les juridictions sous des dispositions nouvelles. Moderniser linstitution judiciaire a constitué un objectif prioritaire de cette mandature, car il est essentiel den améliorer le fonctionnement. Notre justice doit être à la fois plus proche de nos concitoyens et mieux comprise. Tel a été lobjet de la loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et au jugement des mineurs. Ce texte induit de profonds changements en matière correctionnelle. Nous avons prévu sa mise en uvre progressive, grâce à une phase dexpérimentation. Lintroduction de nouvelles règles et de nouveaux fonctionnements doit sopérer avec pragmatisme. Jai bien compris que vous nétiez pas favorables à ce texte, toutes les avancées ne peuvent recueillir ladhésion de tous, mais comme je suis convaincu que vous ne pouvez que partager le souhait dun lien plus fort entre les citoyens et les magistrats qui rendent la justice en leur nom, je ne doute pas que les premières expérimentations lèveront le scepticisme qui peut encore exister.
Cette législature a donc vu aboutir de nombreuses réformes pour notre justice, qui sinscrivent dans un véritable mouvement de modernisation de linstitution judiciaire, à linitiative du Gouvernement ou en raison des décisions du Conseil Constitutionnel.
II. Lapplication des nouveaux textes ne nous a pas empêchés de réfléchir aussi sur nos organisations et nos méthodes de travail.
Il ne faut pas se voiler la face : à côté des questions de moyens humains ou matériels, que je nai jamais niés, le drame de Pornic a mis au jour des dysfonctionnements et des difficultés majeures rencontrées par linstitution dans le suivi des personnes placées sous main de justice. Parce quil ne fallait pas rester au stade du constat mais conduire avec lensemble des acteurs une réflexion densemble, des groupes de travail ont été mis en place : lun sur les services de lapplication des peines, que vous avez accepté de rejoindre, et je vous en remercie, et lautre sur les services pénitentiaires dinsertion et de probation. Parallèlement et afin denrichir ce travail, une mission dinspection conjointe de linspection générale des services judiciaires et de linspection générale des finances a été lancée. Ces travaux nous ont permis, je le crois, de remettre en question un certain nombre de pratiques, de réfléchir à des évolutions concertées des méthodes, en identifiant et en répondant concrètement aux causes des dysfonctionnements.
Je suis profondément convaincu des vertus de la concertation et du dialogue pour imaginer et construire des solutions nouvelles. Comme vous me lavez demandé, la réflexion sur lorganisation et le fonctionnement des services sétend à beaucoup de thèmes : de nouveaux groupes de travail ont été constitués, sur le fonctionnement du parquet, la justice civile et la justice des mineurs. Le groupe parquet sest déjà réuni à plusieurs reprises et les dates des premières réunions des autres groupes sont désormais fixées. Les différents services des juridictions sont soumis à des charges de travail nouvelles ; sous leffet des réformes ces charges sintensifient parfois. Ces évolutions supposent que nous réfléchissions ensemble (organisations professionnelles, magistrats, greffiers, fonctionnaires, services de la Chancellerie) à ladaptation des organisations et des méthodes de travail, à la répartition des tâches, à ladaptation des moyens informatiques et de manière plus générale à ladéquation des moyens humains et matériels à la charge de travail.
III. Vous avez assumé la mise en uvre de ces réformes et conduit le changement dans des conditions souvent difficiles. Pour ma part, je me suis assuré que, malgré un contexte budgétaire contraint, les moyens nécessaires soient mobilisés pour accompagner ces évolutions.
Pour répondre à lurgence, jai veillé à ce que soit mobilisé le plus vite possible des moyens supplémentaires en personnel notamment. Jai ainsi obtenu du Premier ministre que les arrivées de greffiers programmées soient anticipées par la possibilité de recruter des agents vacataires, qui sont venus renforcer les différents services des juridictions, et en priorité ceux affectés par les nouvelles réformes.
Je me suis également attaché à ce que le budget 2012, non seulement déploie les moyens nouveaux nécessaires à la mise en uvre des réformes, comme je my étais engagé, mais encore poursuive leffort de rattrapage engagé depuis plusieurs années. Il y a des choses qui ne trompent pas. Allez à Agen (siège de lEcole nationale de ladministration pénitentiaire), Dijon (siège de lEcole nationale des greffes) et à Bordeaux (siège de lEcole nationale de la magistrature) : les écoles sont pleines.
Quon en juge.
1. Pour lannée 2012, le ministère de la Justice bénéficie dune création nette de 515 emplois, dont 315 au titre des nouvelles réformes engagées : soit 140 au titre de lhospitalisation sans consentement, 115 au titre des citoyens assesseurs, et 60 au titre de la justice des mineurs. Jai obtenu du Premier ministre que tous les emplois estimés nécessaires par les études dimpact soient ainsi créés.
Sagissant de la réforme des citoyens assesseurs, les emplois nécessaires, chiffrés à 255, ne seront pas tous ouverts dès le budget 2012. Parce que, comme je vous le disais à linstant, la réforme des citoyens assesseurs entrera en vigueur de manière progressive, et ne sera entièrement déployée quen 2014. Il était donc logique quune partie de ces emplois (140) ne soient ouverts que dans le budget 2013. Et ce sera bien le cas, je vous en donne lassurance.
Si 315 emplois sur 515 sont affectés aux réformes nouvelles, cest donc bien que 200 emplois sont consacrés à leffort de rattrapage, à missions constantes. Vous jugerez sans doute ce résultat insuffisant, mais gardons à lesprit que si le ministère de la justice était soumis, comme les autres ministères, à la règle du non-remplacement dun départ à la retraite sur deux pour contribuer à la maîtrise des dépenses de lEtat, ce sont plus de 1000 emplois qui devraient être supprimés, dont 550 dans les seuls services judiciaires.
Je ne peux pas laisser dire que les services judiciaires seraient négligés par rapport à ladministration pénitentiaire : avec 285 emplois nets créés cette année, les services judiciaires seront, pour la première fois depuis des années, à parité avec ladministration pénitentiaire, qui en créera pour sa part 290.
Outre les 85 emplois nouveaux de magistrats, ce sont 25 emplois de greffiers en chef et 370 emplois de greffiers qui seront créés : ces 370 emplois de greffiers viendront sajouter aux 399 créés en 2011, permettant ainsi de poursuivre lamélioration du ratio greffiers/magistrats.
Nous ne voyons pas encore les effets de ces recrutements massifs, historiques même, de greffiers, compte tenu de la durée de la formation. Me concernant, une chose est sûre, je nen verrai quune infime partie ! Et pourtant, les arrivées en juridictions seront massives : 180 en janvier prochain, 180 au printemps, 220 à lété, près de 400 début 2013, et je dois en oublier
Nous constatons, par ailleurs, les premiers résultats du nouveau dispositif de la réserve judiciaire, puisque déjà 160 personnes, dont 43 magistrats, ont été recrutées par les chefs de cours pour venir renforcer les effectifs des juridictions.
Voilà donc pour les emplois.
2. Du côté des crédits, je voudrais également faire justice dun certain nombre derreurs de lecture.
Globalement, les crédits des services judiciaires augmenteront de près de 1% en 2012, par rapport à 2011. Les crédits de fonctionnement seront stabilisés : cela est suffisamment dérogatoire à la norme de réduction des dépenses de fonctionnement de lEtat pour être souligné.
Quant aux crédits dinvestissement, ils baisseront cest vrai, mais certainement pas dans les proportions que vous évoquées. Je voudrais apporter des précisions sur ce point. Car ce sont bien les crédits de paiement qui importent, et non les autorisations dengagement : ces dernières ne constituent pas les véritables dépenses budgétaires. Comparer le montant des autorisations dengagement dune année sur lautre na pas grand sens dune manière générale, et moins encore entre 2011 et 2012, quand on sait dune part quen 2011 un important montant dautorisations dengagement a été ouvert au titre des opérations immobilières qui seront réalisées en partenariat public privé (Caen, Perpignan et Lille) et dautre part que des autorisations dengagement dites techniques ont dû être ouvertes en 2011 à loccasion du basculement sous Chorus. Mais lessentiel, cest que si les crédits de paiement dinvestissement sont en léger recul, comme je le disais, cest uniquement en raison de lextinction, en 2012, des opérations liées à la carte judiciaire, qui avaient donné lieu à des crédits exceptionnels et donc non reconductibles : hors carte judiciaire, lenveloppe des crédits dinvestissement, qui avait déjà fortement progressé en 2011, est bien consolidée en 2012, et même en légère hausse. Elle permettra de mener à bien les 30 opérations de rénovation des palais de justice actuellement en cours.
Jentends encore dire que le budget 2012, sil nest pas un mauvais crû, ne saurait compenser des années de disette et quil ne ferait que rattraper le retard historique en la matière. Oui je le reconnais moi-même, mais nous le faisons. Prenons un peu de champ avec le seul budget 2012, et observons ce qui sest passé depuis 2007, sans dogmatisme ni idées préconçues. Entre 2007 et 2011, si lon regarde ce qui sest passé en exécution, ce seront plus de 1100 emplois qui auront été créés dans les services judiciaires. Quant aux crédits, ils auront augmenté globalement de près de 15%, et les seuls crédits immobiliers de près de 50%.
3. Je sais les contraintes, et je lai déjà dit, qui pèsent sur les magistrats et les personnels de justice.
Je comprends parfaitement les demandes qui sont faites. Je métonnerais si vous considériez que la situation matérielle est idéale, je minquiéterais même, car tel est votre rôle et parce que chacun sait que la situation doit être améliorée. Nous travaillons à ce quelle le soit, notamment pour faciliter le travail quotidien des magistrats et des personnels de justice :
- Dans le budget contraint de 2011, jai obtenu, au mois daoût dernier, près de 11 millions deuros de crédits pour lentretien immobilier des juridictions et le renouvellement de léquipement mobilier, informatique et technique des juridictions.
- Nous poursuivons la modernisation des juridictions, et linvestissement pour limmobilier des services judiciaires représente plus dun milliard et demi deuros. Une enveloppe complémentaire de 190 millions deuros permettra en 2012 de poursuivre les centaines dopérations de rénovation et de réhabilitation engagées par la chancellerie.
- En matière dinformatisation et de nouvelles technologies, linvestissement est également, je le crois, à la hauteur des enjeux. Des moyens, tant humains que budgétaires ont été massivement réinjectés dans le programme Cassiopée, avec des résultats tangibles ! La totalité des juridictions, hors Paris et petite couronne, est désormais équipée. Souvenons-nous dans quelle situation nous nous trouvions il y a deux ans à peine et regardons les résultats auxquels nous sommes parvenus. Jai également souhaité en 2011 quune partie des sommes du Fonds de concours de la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT) soit utilisée pour financer un projet denvergure déquipement des juridictions en matériel de numérisation, écrans, serveurs et logiciels : 2,2 millions deuros de commandes sont actuellement en cours. Nous poursuivons aussi les projets de communication électronique, en matière civile notamment, la modernisation des outils-métiers ou le développement des échanges inter applicatifs, en particulier avec nos partenaires.
4. Les moyens alloués à la justice pour lui permettre de remplir lensemble de ses missions doivent aussi sinscrire dans le temps, et je me suis battu pour que cela soit le cas.
Parce que cette question est au cur de mes priorités depuis ma nomination, jai obtenu que soit inscrite une loi de programmation pour lexécution des peines. Soyons clairs : il ne sagit en aucun cas dune nouvelle réforme de la procédure pénale, mais bien dune programmation de moyens. Cette loi fixera, pour la période 2013-2017, les objectifs de laction du gouvernement, et bien sûr elle déterminera les moyens nouveaux correspondants tant en crédits quen emplois. Parce quil en va de la crédibilité et de lefficacité de nos décisions de justice, je me suis engagé pour une exécution effective des peines prononcées, en particulier des peines demprisonnement ferme.
Cette exécution suppose évidemment daccroître le parc pénitentiaire ; la loi de programmation portera ainsi dici fin 2017 à 80 000 le nombre de places en établissement pénitentiaire, comme vous lavez souligné.
Mais ce texte va évidemment au-delà du parc pénitentiaire, parce que lexécution des peines sorganise de manière globale, et ne sarrête pas à laspect pénitentiaire. Améliorer lexécution des peines cest aussi et bien sûr renforcer les moyens affectés aux services dapplication et dexécution des peines au sein des juridictions. Lexécution des peines ne doit pas être considérée de façon isolée, elle est en effet au cur dune politique pénale plus globale. Jai toujours considéré que nous devions mener une politique ambitieuse en cette matière, en mettant laccent sur des actions prioritaires : la loi programmation visera également à renforcer les moyens de prévention de la récidive, et garantira une prise en charge plus rapide des mineurs faisant lobjet dune mesure éducative.
Tout nest pas cependant quune question de moyens ; en matière dexécution des peines des solutions peuvent être trouvées aussi dans des mesures simples à mettre en place au niveau local. Je pense, par exemple, au travail dintérêt général auquel jai souhaité donner une nouvelle dynamique ces derniers mois, en encourageant les partenariats et la diversification des postes de TIG.
En renforçant les moyens des juridictions, nous rattrapons le retard budgétaire historique de la justice française ; en imaginant de nouvelles solutions nous garantissons une meilleure effectivité de la décision de justice. Mais dautres chantiers doivent être aussi menés, un effort de simplification de notre organisation judiciaire et de nos procédures civile et pénale est incontournable : elles sont souvent inutilement complexes, tant pour les magistrats dailleurs que pour nos concitoyens. Cest parce que ces mesures sont indispensables que je me suis attaché à défendre le projet de loi, actuellement à lexamen du Parlement, pour une meilleure répartition des contentieux et lallégement de certaines procédures. Clarifier les compétences respectives des tribunaux dinstance et des tribunaux de grande instance, unifier du contentieux de ladoption simple auprès du TGI, créer des juridictions spécialisées pour les contentieux les plus complexes, pour ne citer que quelques dispositions du texte, sont le meilleur moyen dassurer un traitement plus efficace des affaires.
Comme le Président de la République la dit à loccasion de linauguration du centre pénitentiaire Sud-Francilien de Réau, il y a quelques semaines, les magistrats effectuent un travail remarquable dans des conditions difficiles.
« Désespoir, des espoirs ». Comme vous lavez rappelé, Monsieur le président, vous mappeliez il y a un an à ne pas désespérer la magistrature, et je constate aujourdhui que vous nourrissez des espoirs, cest un pas ! Cette année écoulée vous a ouvert des perspectives, et des raisons despérer : si vous naviez quun seul espoir, disiez-vous il y a un an, ce serait de prononcer un discours moins négatif. Je vois quil est aujourdhui satisfait.
On ne se souviendra pas de votre discours, et encore moins du mien. En revanche, laffiche de ce 37ème congrès restera. Et je vous remercie de lavoir choisie. Placé où je suis, je ne vois que les mots « des espoirs », « désespoir » étant écrit beaucoup plus petit !
Personne nattend que nous soyons daccord sur tout, mais je vous ai écouté attentivement, et nous avons en commun un objectif essentiel : lambition daméliorer notre justice. Regardons la situation de linstitution judiciaire objectivement, sans parti pris, avec réalisme, sans pour autant perdre de vue lidéal que nous avons pour notre justice.
Je vous remercie.Source http://www.justice.gouv.fr, le 17 octobre 2011
Monsieur le Premier président,
Monsieur le Procureur général,
Mesdames et Messieurs les Magistrats,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Contrôleur général des lieux de privation de liberté,
Mesdames et Messieurs les représentants des professions juridiques,
Mesdames et Messieurs,
Merci, Monsieur le président, jai écouté attentivement votre propos et je vais y répondre bien sûr. Vous avez annoncé un bilan « un peu » critique, et souligné des « efforts encourageants » ; japprécie ce pas. Jentends les inquiétudes que vous relayez, les agacements Vous ne serez pas surpris que sur certains points nous ne soyons pas daccord, mais nous nous rejoignons sur un constat : si beaucoup reste encore à faire, cest certain, nous avons progressé.
Un an a passé depuis notre première rencontre à ce Congrès. Cette année je dois le dire a été particulièrement riche, riche de réformes et de nouveaux défis pour la justice, riche de débats et de dialogue aussi.
Ces derniers mois nont pas été sans secousses. Vous les avez rappelées. Mais nous avons pu en même temps accomplir de grands chantiers, grâce à des échanges constants et constructifs, et à limplication de chacune et chacun dentre vous. Comme je my étais engagé devant vous il y a un an, jai veillé à ce que vous puissiez travailler en toute indépendance, et jai uvré pour que les magistrats puissent retrouver le climat dapaisement nécessaire à laccomplissement de leurs missions. Je crois que les choses ont évolué positivement dans ce sens.
Cest mon rôle en effet et je le conçois comme cela- de garantir lindépendance et la sérénité du travail des magistrats, et je serai aujourdhui encore très clair sur ce point : la justice ne doit être soumise ni à pression, ni à instrumentalisation. Je le redis aujourdhui, car ma position na pas varié, les magistrats ont toute ma confiance, raison pour laquelle je me suis toujours refusé à un quelconque commentaire sur les affaires en cours ou sur les décisions de justice, et encore moins à un commentaire des commentaires. Certains me reprochent de ne pas suffisamment mexprimer souvent ceux-là mêmes qui me reprocheraient ensuite dinterférer dans le cours de la justice. Jai rappelé à maintes reprises ma confiance dans le travail des magistrats, mon attachement à des principes qui peuvent être mis à mal comme la présomption dinnocence ou le secret des enquêtes et de linstruction. Le fait que je ne fasse pas de déclarations chaque fois quon me le demande ne mempêche pas de rester vigilant. Mais je voudrais, dans des circonstances parfois troublées, que cette vigilance, qui doit être tout autant individuelle que collective, soit partagée par tous. Je voudrais que linstitution judiciaire se donne les moyens de répondre par elle-même, en usant des pouvoirs que lui confèrent la Constitution et les lois organiques, aux dysfonctionnements, aux violations des principes que je rappelais à linstant ou aux manquements aux obligations déontologiques qui simposent à tous les magistrats, à tous les instants. Votre congrès de lannée dernière était placé sous le signe de la responsabilité. Cest en assumant cette responsabilité, chacun dans notre rôle, que nous agirons pour la confiance de nos concitoyens dans luvre de justice.
Cest vrai, ces derniers mois les défis nont pas manqué, mais je crois pouvoir dire quils ont été relevés.
I. Le rythme des réformes na pas faibli ; elles ont pu être mises en uvre grâce à limplication sans faille de tous les personnels de justice.
Je le constate tous les jours en allant sur le terrain : la tâche nétait pas simple dans ce calendrier resserré, contraint même devrais-je dire, qui a été le nôtre. Je mesure parfaitement les efforts demandés et linvestissement de chacun pour parvenir à appliquer la loi dans des conditions parfois difficiles. Il a fallu à nos juridictions intégrer rapidement des évolutions majeures.
Des contraintes toujours plus fortes pèsent sur nos juridictions. Aux nécessaires évolutions de la loi liées à lévolution de notre société et aux attentes toujours plus grandes de nos concitoyens viennent désormais sajouter les effets de la jurisprudence constitutionnelle. La question prioritaire de constitutionnalité a constitué une avancée majeure sur le terrain des droits et libertés fondamentaux. Je crois quon ne le dit pas assez : cela sera un acquis essentiel du quinquennat qui sachèvera dans quelques mois. Cest le Président de la République qui a voulu cette réforme. Elle est à mettre au crédit de cette majorité. Mais elle impose aussi dagir vite pour mettre nos pratiques en conformité avec les exigences constitutionnelles. Cest parce que nous sommes profondément attachés au respect des principes qui fondent notre droit, que nous nous sommes résolument inscrits dans cette dynamique dévolution. Pourtant les défis étaient de taille, tant pour la garde à vue que pour lhospitalisation sans consentement.
Aujourdhui, grâce à votre mobilisation, les changements se sont opérés sans grandes difficultés majeures et les juridictions ont fait preuve dune capacité dadaptation remarquable. Ainsi, malgré les craintes exprimées, la loi votée le 5 juillet dernier portant réforme des soins psychiatriques a pu être mise en uvre. Et pourtant le Conseil constitutionnel ne nous avait pas laissé beaucoup de temps en fixant au 1er août la date dentrée en vigueur de ces nouvelles dispositions ! Les efforts et le sens des responsabilités de tous : magistrats, personnels de justice, services hospitaliers et préfectoraux ont permis de passer ce cap délicat avec succès. Jai conscience que vous devez faire face à la charge supplémentaire que constitue ce nouveau contentieux, qui participe dune plus grande protection des libertés individuelles de nos concitoyens. Je tenais à vous en remercier.
De même, les nouvelles règles de garde à vue ont pu être mises en uvre à très brève échéance, en dépit de laccélération de calendrier que nous a imposée la jurisprudence de la Cour de cassation. Elles ont permis de renforcer, comme jamais auparavant, les droits de la défense tout en réaffirmant le rôle du parquet dans le cadre de lenquête et du contrôle de la garde à vue, signe de la confiance du Gouvernement et des parlementaires à légard de ces magistrats, membres de lautorité judiciaire et gardiens des libertés publiques.
Cette confiance, elle ne leur serait pas accordée si, comme le disent certains, les procureurs étaient « aux ordres » du pouvoir exécutif. Cest un thème récurent de discours et de débat, mais qui ne correspond pas à la réalité.
Certes, les magistrats du parquet sont placés sous l'autorité du ministre de la justice : mais ce lien hiérarchique est justifié par la nécessité de donner au Garde des Sceaux les moyens de conduire la politique pénale dont la détermination doit rester une prérogative de lexécutif.
Quant au pouvoir dinstruction du Garde des Sceaux, il ne porte que sur laction publique, et plus précisément sur les instructions de poursuite, et ne saurait porter atteinte au rôle de protecteur des libertés publiques qui est reconnu au ministère public.
Dès lors, même si jai bien noté, Monsieur le Président, votre demande dévolution du statut du parquet, il me semble quavant denvisager une quelconque réforme de ce type, réforme qui suppose dailleurs une modification de la Constitution, il convient dexaminer avec soin toutes les implications dune telle entreprise, compte tenu notamment de léquilibre à respecter entre garanties statutaires dune part, et nécessité de préserver ce lien hiérarchique pour garantir la cohérence des politiques pénales dautre part.
Jentends vos inquiétudes sur le rythme des réformes, et loin de moi lidée daccabler les juridictions sous des dispositions nouvelles. Moderniser linstitution judiciaire a constitué un objectif prioritaire de cette mandature, car il est essentiel den améliorer le fonctionnement. Notre justice doit être à la fois plus proche de nos concitoyens et mieux comprise. Tel a été lobjet de la loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et au jugement des mineurs. Ce texte induit de profonds changements en matière correctionnelle. Nous avons prévu sa mise en uvre progressive, grâce à une phase dexpérimentation. Lintroduction de nouvelles règles et de nouveaux fonctionnements doit sopérer avec pragmatisme. Jai bien compris que vous nétiez pas favorables à ce texte, toutes les avancées ne peuvent recueillir ladhésion de tous, mais comme je suis convaincu que vous ne pouvez que partager le souhait dun lien plus fort entre les citoyens et les magistrats qui rendent la justice en leur nom, je ne doute pas que les premières expérimentations lèveront le scepticisme qui peut encore exister.
Cette législature a donc vu aboutir de nombreuses réformes pour notre justice, qui sinscrivent dans un véritable mouvement de modernisation de linstitution judiciaire, à linitiative du Gouvernement ou en raison des décisions du Conseil Constitutionnel.
II. Lapplication des nouveaux textes ne nous a pas empêchés de réfléchir aussi sur nos organisations et nos méthodes de travail.
Il ne faut pas se voiler la face : à côté des questions de moyens humains ou matériels, que je nai jamais niés, le drame de Pornic a mis au jour des dysfonctionnements et des difficultés majeures rencontrées par linstitution dans le suivi des personnes placées sous main de justice. Parce quil ne fallait pas rester au stade du constat mais conduire avec lensemble des acteurs une réflexion densemble, des groupes de travail ont été mis en place : lun sur les services de lapplication des peines, que vous avez accepté de rejoindre, et je vous en remercie, et lautre sur les services pénitentiaires dinsertion et de probation. Parallèlement et afin denrichir ce travail, une mission dinspection conjointe de linspection générale des services judiciaires et de linspection générale des finances a été lancée. Ces travaux nous ont permis, je le crois, de remettre en question un certain nombre de pratiques, de réfléchir à des évolutions concertées des méthodes, en identifiant et en répondant concrètement aux causes des dysfonctionnements.
Je suis profondément convaincu des vertus de la concertation et du dialogue pour imaginer et construire des solutions nouvelles. Comme vous me lavez demandé, la réflexion sur lorganisation et le fonctionnement des services sétend à beaucoup de thèmes : de nouveaux groupes de travail ont été constitués, sur le fonctionnement du parquet, la justice civile et la justice des mineurs. Le groupe parquet sest déjà réuni à plusieurs reprises et les dates des premières réunions des autres groupes sont désormais fixées. Les différents services des juridictions sont soumis à des charges de travail nouvelles ; sous leffet des réformes ces charges sintensifient parfois. Ces évolutions supposent que nous réfléchissions ensemble (organisations professionnelles, magistrats, greffiers, fonctionnaires, services de la Chancellerie) à ladaptation des organisations et des méthodes de travail, à la répartition des tâches, à ladaptation des moyens informatiques et de manière plus générale à ladéquation des moyens humains et matériels à la charge de travail.
III. Vous avez assumé la mise en uvre de ces réformes et conduit le changement dans des conditions souvent difficiles. Pour ma part, je me suis assuré que, malgré un contexte budgétaire contraint, les moyens nécessaires soient mobilisés pour accompagner ces évolutions.
Pour répondre à lurgence, jai veillé à ce que soit mobilisé le plus vite possible des moyens supplémentaires en personnel notamment. Jai ainsi obtenu du Premier ministre que les arrivées de greffiers programmées soient anticipées par la possibilité de recruter des agents vacataires, qui sont venus renforcer les différents services des juridictions, et en priorité ceux affectés par les nouvelles réformes.
Je me suis également attaché à ce que le budget 2012, non seulement déploie les moyens nouveaux nécessaires à la mise en uvre des réformes, comme je my étais engagé, mais encore poursuive leffort de rattrapage engagé depuis plusieurs années. Il y a des choses qui ne trompent pas. Allez à Agen (siège de lEcole nationale de ladministration pénitentiaire), Dijon (siège de lEcole nationale des greffes) et à Bordeaux (siège de lEcole nationale de la magistrature) : les écoles sont pleines.
Quon en juge.
1. Pour lannée 2012, le ministère de la Justice bénéficie dune création nette de 515 emplois, dont 315 au titre des nouvelles réformes engagées : soit 140 au titre de lhospitalisation sans consentement, 115 au titre des citoyens assesseurs, et 60 au titre de la justice des mineurs. Jai obtenu du Premier ministre que tous les emplois estimés nécessaires par les études dimpact soient ainsi créés.
Sagissant de la réforme des citoyens assesseurs, les emplois nécessaires, chiffrés à 255, ne seront pas tous ouverts dès le budget 2012. Parce que, comme je vous le disais à linstant, la réforme des citoyens assesseurs entrera en vigueur de manière progressive, et ne sera entièrement déployée quen 2014. Il était donc logique quune partie de ces emplois (140) ne soient ouverts que dans le budget 2013. Et ce sera bien le cas, je vous en donne lassurance.
Si 315 emplois sur 515 sont affectés aux réformes nouvelles, cest donc bien que 200 emplois sont consacrés à leffort de rattrapage, à missions constantes. Vous jugerez sans doute ce résultat insuffisant, mais gardons à lesprit que si le ministère de la justice était soumis, comme les autres ministères, à la règle du non-remplacement dun départ à la retraite sur deux pour contribuer à la maîtrise des dépenses de lEtat, ce sont plus de 1000 emplois qui devraient être supprimés, dont 550 dans les seuls services judiciaires.
Je ne peux pas laisser dire que les services judiciaires seraient négligés par rapport à ladministration pénitentiaire : avec 285 emplois nets créés cette année, les services judiciaires seront, pour la première fois depuis des années, à parité avec ladministration pénitentiaire, qui en créera pour sa part 290.
Outre les 85 emplois nouveaux de magistrats, ce sont 25 emplois de greffiers en chef et 370 emplois de greffiers qui seront créés : ces 370 emplois de greffiers viendront sajouter aux 399 créés en 2011, permettant ainsi de poursuivre lamélioration du ratio greffiers/magistrats.
Nous ne voyons pas encore les effets de ces recrutements massifs, historiques même, de greffiers, compte tenu de la durée de la formation. Me concernant, une chose est sûre, je nen verrai quune infime partie ! Et pourtant, les arrivées en juridictions seront massives : 180 en janvier prochain, 180 au printemps, 220 à lété, près de 400 début 2013, et je dois en oublier
Nous constatons, par ailleurs, les premiers résultats du nouveau dispositif de la réserve judiciaire, puisque déjà 160 personnes, dont 43 magistrats, ont été recrutées par les chefs de cours pour venir renforcer les effectifs des juridictions.
Voilà donc pour les emplois.
2. Du côté des crédits, je voudrais également faire justice dun certain nombre derreurs de lecture.
Globalement, les crédits des services judiciaires augmenteront de près de 1% en 2012, par rapport à 2011. Les crédits de fonctionnement seront stabilisés : cela est suffisamment dérogatoire à la norme de réduction des dépenses de fonctionnement de lEtat pour être souligné.
Quant aux crédits dinvestissement, ils baisseront cest vrai, mais certainement pas dans les proportions que vous évoquées. Je voudrais apporter des précisions sur ce point. Car ce sont bien les crédits de paiement qui importent, et non les autorisations dengagement : ces dernières ne constituent pas les véritables dépenses budgétaires. Comparer le montant des autorisations dengagement dune année sur lautre na pas grand sens dune manière générale, et moins encore entre 2011 et 2012, quand on sait dune part quen 2011 un important montant dautorisations dengagement a été ouvert au titre des opérations immobilières qui seront réalisées en partenariat public privé (Caen, Perpignan et Lille) et dautre part que des autorisations dengagement dites techniques ont dû être ouvertes en 2011 à loccasion du basculement sous Chorus. Mais lessentiel, cest que si les crédits de paiement dinvestissement sont en léger recul, comme je le disais, cest uniquement en raison de lextinction, en 2012, des opérations liées à la carte judiciaire, qui avaient donné lieu à des crédits exceptionnels et donc non reconductibles : hors carte judiciaire, lenveloppe des crédits dinvestissement, qui avait déjà fortement progressé en 2011, est bien consolidée en 2012, et même en légère hausse. Elle permettra de mener à bien les 30 opérations de rénovation des palais de justice actuellement en cours.
Jentends encore dire que le budget 2012, sil nest pas un mauvais crû, ne saurait compenser des années de disette et quil ne ferait que rattraper le retard historique en la matière. Oui je le reconnais moi-même, mais nous le faisons. Prenons un peu de champ avec le seul budget 2012, et observons ce qui sest passé depuis 2007, sans dogmatisme ni idées préconçues. Entre 2007 et 2011, si lon regarde ce qui sest passé en exécution, ce seront plus de 1100 emplois qui auront été créés dans les services judiciaires. Quant aux crédits, ils auront augmenté globalement de près de 15%, et les seuls crédits immobiliers de près de 50%.
3. Je sais les contraintes, et je lai déjà dit, qui pèsent sur les magistrats et les personnels de justice.
Je comprends parfaitement les demandes qui sont faites. Je métonnerais si vous considériez que la situation matérielle est idéale, je minquiéterais même, car tel est votre rôle et parce que chacun sait que la situation doit être améliorée. Nous travaillons à ce quelle le soit, notamment pour faciliter le travail quotidien des magistrats et des personnels de justice :
- Dans le budget contraint de 2011, jai obtenu, au mois daoût dernier, près de 11 millions deuros de crédits pour lentretien immobilier des juridictions et le renouvellement de léquipement mobilier, informatique et technique des juridictions.
- Nous poursuivons la modernisation des juridictions, et linvestissement pour limmobilier des services judiciaires représente plus dun milliard et demi deuros. Une enveloppe complémentaire de 190 millions deuros permettra en 2012 de poursuivre les centaines dopérations de rénovation et de réhabilitation engagées par la chancellerie.
- En matière dinformatisation et de nouvelles technologies, linvestissement est également, je le crois, à la hauteur des enjeux. Des moyens, tant humains que budgétaires ont été massivement réinjectés dans le programme Cassiopée, avec des résultats tangibles ! La totalité des juridictions, hors Paris et petite couronne, est désormais équipée. Souvenons-nous dans quelle situation nous nous trouvions il y a deux ans à peine et regardons les résultats auxquels nous sommes parvenus. Jai également souhaité en 2011 quune partie des sommes du Fonds de concours de la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT) soit utilisée pour financer un projet denvergure déquipement des juridictions en matériel de numérisation, écrans, serveurs et logiciels : 2,2 millions deuros de commandes sont actuellement en cours. Nous poursuivons aussi les projets de communication électronique, en matière civile notamment, la modernisation des outils-métiers ou le développement des échanges inter applicatifs, en particulier avec nos partenaires.
4. Les moyens alloués à la justice pour lui permettre de remplir lensemble de ses missions doivent aussi sinscrire dans le temps, et je me suis battu pour que cela soit le cas.
Parce que cette question est au cur de mes priorités depuis ma nomination, jai obtenu que soit inscrite une loi de programmation pour lexécution des peines. Soyons clairs : il ne sagit en aucun cas dune nouvelle réforme de la procédure pénale, mais bien dune programmation de moyens. Cette loi fixera, pour la période 2013-2017, les objectifs de laction du gouvernement, et bien sûr elle déterminera les moyens nouveaux correspondants tant en crédits quen emplois. Parce quil en va de la crédibilité et de lefficacité de nos décisions de justice, je me suis engagé pour une exécution effective des peines prononcées, en particulier des peines demprisonnement ferme.
Cette exécution suppose évidemment daccroître le parc pénitentiaire ; la loi de programmation portera ainsi dici fin 2017 à 80 000 le nombre de places en établissement pénitentiaire, comme vous lavez souligné.
Mais ce texte va évidemment au-delà du parc pénitentiaire, parce que lexécution des peines sorganise de manière globale, et ne sarrête pas à laspect pénitentiaire. Améliorer lexécution des peines cest aussi et bien sûr renforcer les moyens affectés aux services dapplication et dexécution des peines au sein des juridictions. Lexécution des peines ne doit pas être considérée de façon isolée, elle est en effet au cur dune politique pénale plus globale. Jai toujours considéré que nous devions mener une politique ambitieuse en cette matière, en mettant laccent sur des actions prioritaires : la loi programmation visera également à renforcer les moyens de prévention de la récidive, et garantira une prise en charge plus rapide des mineurs faisant lobjet dune mesure éducative.
Tout nest pas cependant quune question de moyens ; en matière dexécution des peines des solutions peuvent être trouvées aussi dans des mesures simples à mettre en place au niveau local. Je pense, par exemple, au travail dintérêt général auquel jai souhaité donner une nouvelle dynamique ces derniers mois, en encourageant les partenariats et la diversification des postes de TIG.
En renforçant les moyens des juridictions, nous rattrapons le retard budgétaire historique de la justice française ; en imaginant de nouvelles solutions nous garantissons une meilleure effectivité de la décision de justice. Mais dautres chantiers doivent être aussi menés, un effort de simplification de notre organisation judiciaire et de nos procédures civile et pénale est incontournable : elles sont souvent inutilement complexes, tant pour les magistrats dailleurs que pour nos concitoyens. Cest parce que ces mesures sont indispensables que je me suis attaché à défendre le projet de loi, actuellement à lexamen du Parlement, pour une meilleure répartition des contentieux et lallégement de certaines procédures. Clarifier les compétences respectives des tribunaux dinstance et des tribunaux de grande instance, unifier du contentieux de ladoption simple auprès du TGI, créer des juridictions spécialisées pour les contentieux les plus complexes, pour ne citer que quelques dispositions du texte, sont le meilleur moyen dassurer un traitement plus efficace des affaires.
Comme le Président de la République la dit à loccasion de linauguration du centre pénitentiaire Sud-Francilien de Réau, il y a quelques semaines, les magistrats effectuent un travail remarquable dans des conditions difficiles.
« Désespoir, des espoirs ». Comme vous lavez rappelé, Monsieur le président, vous mappeliez il y a un an à ne pas désespérer la magistrature, et je constate aujourdhui que vous nourrissez des espoirs, cest un pas ! Cette année écoulée vous a ouvert des perspectives, et des raisons despérer : si vous naviez quun seul espoir, disiez-vous il y a un an, ce serait de prononcer un discours moins négatif. Je vois quil est aujourdhui satisfait.
On ne se souviendra pas de votre discours, et encore moins du mien. En revanche, laffiche de ce 37ème congrès restera. Et je vous remercie de lavoir choisie. Placé où je suis, je ne vois que les mots « des espoirs », « désespoir » étant écrit beaucoup plus petit !
Personne nattend que nous soyons daccord sur tout, mais je vous ai écouté attentivement, et nous avons en commun un objectif essentiel : lambition daméliorer notre justice. Regardons la situation de linstitution judiciaire objectivement, sans parti pris, avec réalisme, sans pour autant perdre de vue lidéal que nous avons pour notre justice.
Je vous remercie.Source http://www.justice.gouv.fr, le 17 octobre 2011