Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, suivie de questions - réponses, sur les grandes orientations de la politique budgétaire et fiscale, à Paris le 7 novembre 2011.

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Mesdames et Messieurs,
Comme le président de la République l’avait annoncé lors de son intervention télévisée du 27 octobre, le Gouvernement a décidé de revoir ses prévisions de croissance et de renforcer ses moyens pour tenir ses objectifs en matière de baisse des déficits. Nous avons choisi d’agir de façon méthodique, après le sommet de la zone euro, après celui du G20, le temps est venu d’ajuster les efforts de la France. Avec le président de la République nous n’avons qu’un seul objectif, celui de protéger les Français contre les graves difficultés que rencontrent aujourd’hui plusieurs pays européens.
Je crois que désormais, nos concitoyens sont conscients des risques que font peser les déficits et l’endettement sur notre vie et sur notre avenir. Le mot de faillite n’est plus un mot abstrait, notre souveraineté économique, financière et sociale exige des efforts collectifs et prolongés, et même quelques sacrifices. Notre pays ne doit pas être condamné un jour à mener une politique imposée par d’autres, et je veux dire aux Français que l’effort budgétaire et financier d’aujourd’hui est un choix que nous faisons pour la nation et pour les générations à venir.
Ce que nous vivons aujourd’hui n’est pas exclusivement la conséquence de la crise de 2008, qui n’a fait qu’aggraver des déséquilibres qui étaient existants. C’est l’aboutissement de plus de 30 années durant lesquelles nous avons vécu à crédit, avec une dette dont la valeur n’a jamais cessé de progresser. Eh bien ! Il faut sortir de cette spirale dangereuse, et nous allons le faire en nous fondant sur 3 principes : d’abord programmer nos efforts sur plusieurs années ; ensuite veiller à ne pas casser les moteurs de la reprise économique ; et enfin miser sur un effort équitable qui concerne en priorité l’Etat, les grandes entreprises et nos concitoyens les plus aisés.
Pour arriver à zéro déficit d’ici 2016, ce qui est notre objectif, il faudra économiser un peu plus de 100 milliards d’euros. Il est impensable de le faire en augmentant exclusivement les impôts, comme le suggère l’opposition. Cela reviendrait à tripler l’impôt sur le revenu ou à doubler la TVA. Il n’y a donc pas d’autre solution – pour réduire l’endettement – que de réduire les dépenses et d’ajuster la fiscalité de façon ciblée. Ce que nous entreprenons aujourd’hui n’est pas une rupture, ça n’est pas une rupture comme celle que la France a connue en 83, lorsqu’elle est passée brutalement d’une politique laxiste à une politique d’austérité. C’est simplement une accélération des efforts que nous avons engagés depuis 2008.
En effet depuis 2008 nous réformons nos structures, nous rationalisons l’organisation de l’Etat, nous gelons ses dépenses, nous réduisons le nombre de fonctionnaires. En matière sociale, nous avons engagé des réformes très importantes, celle des retraites qui nous permet de garantir à terme le retour à l’équilibre des régimes. Quant à la maîtrise de nos dépenses de santé, jamais, je dis bien jamais aucun gouvernement depuis 1997 n’avait réussi à respecter l’objectif de dépenses de santé voté par le Parlement. Depuis 2010, nous avons fixé des objectifs de maîtrise de ces dépenses beaucoup plus ambitieux : 3 % de croissance en 2010, 2,9 en 2011 contre une moyenne de 5 % depuis le début des années 2000. Mais surtout plus encore que ces objectifs ambitieux, ce qui est important c’est que nous avons respecté ces engagements. Et c’est ainsi plus de 3 milliards d’économies par an qui ont été réalisées sur les dépenses de santé.
Les résultats sont là puisqu’entre 2010 et 2011, nous avons divisé par 3 le rythme de progression des dépenses publiques. Entre 2011 et 2012, c’est un effort de 51 milliards d’euros que nous allons réaliser. La moitié par des économies de dépenses et l’autre moitié par des recettes complémentaires à travers le rabot sur les niches. Au final, alors qu’entre 2007 et 2012 la crise aura contribué à creuser le déficit de 75 milliards d’euros, ce que même l’opposition reconnaît, grâce aux réformes et aux économies que nous avons engagées, le déficit n’augmentera, sur le quinquennat, que de 36 milliards d’euros. Et donc la politique budgétaire que nous avons menée aura permis de diviser par plus de 2 l’effet de la crise sur nos finances publiques.
Aujourd’hui, le ralentissement de l’économie et la crise de la zone euro nécessitent que nous adaptions notre politique budgétaire pour tenir nos engagements. Nous avons assisté à un ralentissement de l’activité ces dernières semaines, qui va peser inéluctablement sur le rythme de la croissance en 2012. Et c’est pour toutes ces raisons que nous avons décidé de réviser à la baisse, à 1 %, notre prévision de croissance pour l’année prochaine. Nous avons des objectifs et un calendrier intangibles : en 2012 nous ramènerons notre déficit public à 4,5 % de la richesse nationale, à 3 % en 2013, à 2 % en 2014, jusqu’à l’équilibre qui doit être atteint en 2016. Je veux rappeler que cet équilibre n’a jamais été atteint depuis 1975.
Pour respecter notre trajectoire de réduction des déficits, nous allons engager un effort supplémentaire que je veux présenter maintenant devant vous, de 65 milliards d’euros d’ici 2016, dont 18,6 milliards d’euros pour les années 2012 et 2013. C’est donc plusieurs années d’effort qui sont devant nous, mais je veux dire que la perspective de 2016 n’est pas si éloignée, et que nos objectifs sont parfaitement atteignables. Cette discipline ne doit pas peser sur la croissance, elle ne doit pas non plus nous empêcher de préparer l’avenir. C’est la raison pour laquelle, toutes les mesures de redressement supplémentaires que nous allons prendre ne remettront pas en cause les politiques structurelles qui ont été mises en place pour soutenir la croissance, l’innovation et l’emploi. Ainsi le programme des investissements d’avenir est strictement maintenu, de même pour les investissements dans les infrastructures ou encore pour les allègements de charges pour les bas salaires et pour la défiscalisation des heures supplémentaires, deux mesures indispensables au maintien du pouvoir d’achat et au maintien de la compétitivité de notre économie.
Alors, sous l’autorité du président de la République, j’ai décidé avec Valérie Pécresse, François Baroin, Xavier Bertrand et Roselyne Bachelot – que je remercie pour le travail intense qu’ils ont accompli ces derniers jours – les mesures suivantes. D’abord nous avons décidé d’accélérer les réformes qui ont été engagées depuis 2007. Ce que nous voulons conforter en premier, c’est la réduction de nos dépenses publiques parce que c’est le premier levier d’assainissement de nos finances. Nous avons inscrit dans la loi le principe du gel des dépenses de l’Etat. Il faut aller maintenant plus loin. Dès le 24 août, j’avais proposé 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires sur le budget 2012, qui ont été votées par l’Assemblée nationale, eh bien ! Nous avons décidé que l’Etat ferait 500 millions d’euros d’économie supplémentaires. Ça veut dire que par rapport à l’an dernier, le budget de l’Etat – hors dettes et pensions – va baisser de 1,5 milliard d’euros. Et lorsque j’indique que le budget de 2012 est l’un des plus rigoureux depuis 1945, c’est parce que depuis 1945 aucun budget de l’Etat n’a baissé, s’agissant des dépenses de l’Etat, et donc cette comparaison est bien justifiée.
Cet effort sera poursuivi puisqu’à partir de 2013, les dépenses de l’Etat diminueront en valeur de 1 milliard d’euros par an. En matière de maîtrise des dépenses de santé, c’est un effort supplémentaire de 700 millions d’euros qui sera accompli. Nous avons notamment décidé de ramener l’Ondam, c'est-à-dire la progression des dépenses d’Assurance maladie, à 2,5 % à partir de 2012 au lieu des 2,8 qui avaient été initialement fixés. L’objectif fixé dans le cadre du PLFSS pour 2012 d’une réduction de moitié du déficit de l’Assurance maladie est donc confirmé.
Enfin, nous allons poursuivre l’effort de réduction des niches fiscales, avec des mesures permettant de générer 2,6 milliards d’économie. Nous continuerons à le faire de manière transversale avec l’augmentation du rabot, mais également de façon ciblée sur les niches les plus coûteuses qui ont en partie contribué à pousser à la hausse les prix du logement. Le dispositif Scellier, que nous avions déjà recentré, pour 2012 sera purement et simplement supprimé à la fin de l’année 2012. Le prêt à taux zéro sera recentré pour en limiter le coût. Et enfin le crédit d’impôt développement durable subira un rabot supplémentaire de 20 %.
Nous avons décidé de réduire plus rapidement le déficit des régimes d’Assurance vieillesse, et de mettre ainsi plus rapidement les pensions et les retraites à l’abri des tensions financières. Nous proposons pour cela d’avancer d’un an le passage de l’âge légal à 62 ans, en fixant la cible à 2017 au lieu de 2018. Cela se traduira par quelques mois d’activité supplémentaires pour les générations nées entre 1952 et 1956. Cette accélération va conforter la réforme de l’an passé, elle permettra de diminuer de plus de 4,4 milliards d’euros les déficits cumulés des régimes de retraite entre 2012 et 2016.
Voilà, toutes ces mesures confortent la stratégie du Gouvernement sur la maîtrise de la dépense publique et sur la réduction de l’endettement. Mais face à la crise, nous devons aussi prendre des mesures complémentaires en appelant les Français et les entreprises à un effort équitable.
Nous avons ainsi décidé de geler pour les deux prochaines années le barème de l’impôt sur le revenu, de l’ISF et des donations et successions par rapport à l’année dernière. D’autre part, en 2012, la revalorisation des prestations sociales hors pension sera fixée à 1 %. Vous savez que traditionnellement, le barème de l’impôt sur le revenu et de l’ISF est indexé chaque année sur l’inflation. A titre exceptionnel, ce barème va être gelé en 2012 et en 2013, c'est-à-dire jusqu’à ce que notre déficit soit revenu à 3 %. Cette mesure touchera essentiellement les ménages les plus aisés, du fait de la progressivité de l’impôt sur le revenu. Elle concerne également l’ISF. Et je rappelle que tout cela s’ajoute à la taxe exceptionnelle sur les hauts revenus qui vient d’être adoptée par l’Assemblée nationale.
En matière de prestations sociales, nous proposons également à titre exceptionnel pour 2012 de revoir les règles d’indexation en les calant sur la croissance, avec une indexation forfaitaire de 1 %. Vous savez que la plupart des prestations sont revalorisées chaque année en fonction de l’inflation. Face aux difficultés, la plupart des pays – enfin en tout cas un grand nombre de pays européens – ont choisi de geler strictement et de façon transitoire le montant des prestations, c’est le cas de l’Espagne, c’est le cas du Royaume Uni. En Allemagne depuis 2005, les règles d’indexation sont devenues beaucoup plus restrictives. Nous n’avons pas voulu aller jusqu’à geler les prestations. Nous ne pouvons pas faire peser sur les seuls bénéficiaires des prestations la charge de l’ajustement ; et en même temps nous ne pouvons pas distribuer des ressources que nous n’avons pas. Et donc pour limiter la hausse des dépenses sociales dans un contexte de ralentissement des recettes des régimes sociaux, et pour partager l’effort de réduction du déficit entre les actifs et les bénéficiaires des prestations sociales, les prestations sociales seront bien revalorisées en 2012, mais à un taux forfaitaire de 1 %, c'est-à-dire le niveau de la croissance prévisionnelle.
Je veux tout de suite préciser que les minimas sociaux et les prestations qui constituent des revenus de remplacement ne sont pas concernés par cette mesure. Ça veut dire que les pensions de retraite, le Revenu de Solidarité Active, l’Allocation adulte handicapé, l’ASS versée aux chômeurs en fin de droit, le minimum vieillesse destiné aux retraités les plus modestes resteront revalorisés selon les règles actuelles, c'est-à-dire en tenant compte à la fois de la croissance et de l’inflation.
Tous nos concitoyens sont concernés par l’effort que doit mener la France, mais il est légitime que les plus aisés soient davantage mis à contribution. Et donc nous avons aussi décidé de réduire l’écart de taxation entre les revenus du travail et les revenus du capital. En réalité c’est un mouvement que nous avons engagé depuis plusieurs années, nous allons franchir une étape nouvelle puisque l’imposition forfaitaire sera augmentée, de manière à effacer complètement la différence de taxation avec les revenus du travail. Le prélèvement forfaitaire libératoire sera porté à 24 % pour les dividendes et les intérêts.
De la même façon que nous demandons à nos concitoyens un effort, nous avons décidé de mettre à contribution les grandes entreprises et nous allons instaurer une majoration de 5% du montant de l’impôt sur les sociétés, une majoration temporaire, pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros.
Enfin, nous avons décidé de relever la TVA de 5,5 à 7% sur tous les produits et les services, à l’exception des produits de première nécessité - et notamment de l’alimentation. C’est un taux intermédiaire qui sera désormais aligné sur le taux allemand de TVA à taux réduit. Nous sommes donc dans la perspective de la convergence. Je veux indiquer que je serai très attentif aux produits les plus sensibles qui bénéficient actuellement de ce taux réduit, ainsi les équipements et les services à destination des personnes handicapées ne seront donc pas concernés par la hausse.
Au moment où nous réduisons les dépenses de l’Etat, les partis politiques doivent aussi donner l’exemple, nous avons décidé de limiter le remboursement des dépenses de campagne électorale en réduisant de 5% le plafond des dépenses prises en charge. Ce sera également le cas pour les aides aux partis politiques, qui étaient restées stables en 2010 et 2011. Le salaire des membres du Gouvernement et du président de la République sera gelé jusqu’au retour à l’équilibre strict des finances publiques. Et j’appelle les responsables politiques et les dirigeants des grandes entreprises, en particulier des entreprises du CAC 40, à faire exactement la même chose.
Je souhaite également que les collectivités locales participent à cet effort, les collectivités locales représentent un peu plus de 20% de la dépense publique. Sans remettre en cause leur autonomie financière nous avons décidé de demander aux collectivités locales un effort de transparence. Pour les régions, les départements et les communes de plus de 10.000 (bien 10.000) habitants nous souhaitons que chaque année soit rendue systématique la publication de l’évolution de leurs effectifs et de leurs dépenses de train de vie.
Voilà, mesdames et messieurs, l’esprit de ce plan qui représente, je le rappelle, un effort supplémentaire de 18 ,6 milliards d’euros en 2012 et 2013 et qui permet d’éviter un déficit cumulé et donc une dette de près 65 milliards d’euros d’ici 2016.
Ce plan s’ajoute à celui du 24 août. D’ici 2016, l’action que nous allons conduire en matière d’assainissement des finances publiques portera pour un peu plus de la moitié sur les dépenses. La poursuite des efforts engagés depuis trois ans nous permettra au cours des 4 années à venir d’économiser près de 115 milliards d’euros et de ramener le déficit à zéro en 2016, bien entendu l’essentiel des mesures que je viens d’annoncer seront intégrées dans des textes financiers d’ici la fin de cette année.
Depuis 2007 nous vivons une phase de basculement de l’histoire économique du monde, l’ancienne suprématie du continent européen est bel et bien derrière nous. Et à l’urgence des réformes s’ajoute l’urgence du redressement financier. Nous avons le devoir d’enrayer la spirale de la stagnation, du surendettement et de la sous-compétitivité. Notre pays doit se retrousser les manches.
Et il doit le faire sans douter de sa force et de son génie, parce qu’il conserve des atouts qui sont retenus par tous les observateurs extérieurs : nous avons des infrastructures performantes, un noyau dur de grandes entreprises compétitives, des PME innovantes, des pôles d’excellence technologique qui sont servis par de fortes capacités de recherche, une population compétente et productive et une épargne privée qui est considérable.
Sur la base de ces atouts, il faut refonder notre modèle de croissance qui est devenu insoutenable, parce que depuis trop longtemps tiré par la consommation soutenue par les transferts sociaux. C’est en encourageant toujours plus le travail et la production que l’on créera de la croissance dans notre pays. Cette refondation doit s’appuyer sur une situation financière assainie, en tout cas c’est le cap qu’avec le président de la République nous avons choisi de suivre.
Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à quelques-unes de vos questions.
Marco Moussanet, du journal Il Sole 24 Ore
Bonjour ! Monsieur Moussanet du journal italien "Il Sole 24 Ore", deux questions : la première sur le montant 2012 – 2013, vous avez 18,6 milliards, est-ce qu’on peut avoir le montant 2012 et 2013 séparé ?
Deuxième question, sur la TVA sur la restauration, c'est-à-dire dans la décision d’aujourd’hui de faire… vous admettez que la décision de 2009 de baisser à 5,5 % la TVA sur la restauration a été une mauvaise idée ? Merci beaucoup !
François Fillon
Première question : 7 milliards en 2012 ; 11,6 milliards en 2013, pour atteindre donc un total de 65 milliards sur la période 2012 – 2016. Et on fait beaucoup de mesures, notamment les mesures sur les niches fiscales, qui, compte tenu du mécanisme de déclaration des revenus, ont un impact décalé d’un an.
Sur la deuxième question, je m’inscris totalement en faux contre ce qui était plus une affirmation qu’une question, je vous rappelle que la TVA était à 19,6 dans la restauration. Nous l’avons mise au taux réduit qui était à 5,5. En France elle sera de 7. La TVA sur la restauration sera toujours à taux réduit. Elle ne passera pas à 19,6 comme le réclame une grande partie de l’opposition et donc il n’y a aucune contradiction dans la décision qui est prise. Il y a par contre une évolution vers une convergence des taux de TVA en Europe avec la mise en place d’un taux intermédiaire à 7%.
Hervé Nathan, journaliste du journal Marianne
Monsieur le Premier ministre, Hervé Nathan du journal "Marianne". Je voulais vous demander si vous craignez des attaques contre les emprunts d’Etat, comme l’Italie est en train d’en subir, les taux d’intérêts sur les emprunts d’Etat à la levée de la semaine dernière ont augmenté, je voulais savoir donc quel est votre sentiment, est-ce qu’il faut s’y préparer et, éventuellement, est-ce que vous préparez un appel par exemple à l’épargne des Français pour faire face à une augmentation des taux de marché ?
François Fillon
Tout ce que nous entreprenons est destiné, comme je l’ai dit au début de mon propos, à protéger les Français contre les graves difficultés que connaissent beaucoup de pays européens, et j’aurais pu ajouter, même si les choses sont différentes, les Etats-Unis. Les mesures que nous prenons ont consolidé la confiance dans les finances publiques françaises et nous continuons à emprunter à un taux qui est en gros 2 fois moins élevé que beaucoup de pays européens.
Alors il s’agit naturellement de se battre pour conserver cet avantage. La meilleure façon de le faire c’est de prendre des mesures qui nous permettent de respecter les engagements de déficit que nous avons pris, de se tenir strictement à ces décisions sans céder à une je ne sais quelle panique qui consisterait à prendre des mesures qui viendraient casser la croissance. Je veux faire remarquer à tous ceux qui nous expliquent à longueur de journée qu’il faut prendre des mesures beaucoup plus ambitieuses que, si nous n’avions pas choisi une pente qui consiste à réduire le déficit d’ici à 2016, alors nous aurions été conduits à prendre des mesures beaucoup plus violentes qui auraient eu un impact immédiat sur la consommation, sur la croissance de l’économie française. Pour le reste, mon objectif c’est bien de maintenir la crédibilité des finances publiques françaises, de maintenir la possibilité pour la France d’emprunter à des taux qui sont des taux historiquement bas et donc je n’envisage pas d’autres hypothèses que celle-là.
Mathieu Jolivet, journaliste à BFM Business
Bonjour ! Mathieu Jolivet, BFM Business. Ce plan est d’ordre structurel et pluriannuel, est-ce qu’il ne laisse pas présager finalement une croissance très faible, beaucoup plus faible que prévu dans les années à venir ? Deuxième question, sur l’exécution du budget 2011, est-ce que finalement, vu l’incertitude du moment, on pourrait s’attendre à des moins-values fiscales plus fortes que prévu et est-ce que l’objectif de réduction du déficit pour 2011 sera atteignable ?
François Fillon
Absolument ! L’objectif que nous nous sommes fixés sera atteint. Ce qui montre d’ailleurs bien la rigueur qui est celle du Gouvernement dans les décisions qu’il prend et dans l’application et le respect des engagements. Les comptes 2011 ont été ajustés avec les décisions qui ont été prises le 24 août et donc nous serons au rendez-vous strictement sur 2011.
Pour ce qui est de la croissance des années à venir, je ne suis pas devin. Je constate simplement que les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui n’ont rien à voir avec la demande, avec la réalité de l’économie. Elles ont toutes à voir avec une crise de confiance qui pèse sur la zone euro, du fait de l’endettement d’un certain nombre de pays. Donc, si nous résolvons cette crise de la zone euro, je ne vois pas de raison pour que nous ne retrouvions pas collectivement en Europe une croissance plus forte. En tout cas, pour ce qui est de 2012, nous misons sur une croissance de l’ordre de 1% et nous avons prévu dans le budget 2012 de geler – comme on le fait régulièrement – 6 milliards d’euros, ce qui nous permettra de faire face le cas échéant à des surprises, à des mauvaises surprises, s’agissant d’une croissance qui serait inférieure à 1%.
Yannick Falt, journaliste à France Info
Yannick Falt, France Info. A six mois de la présidentielle, est-ce qu’austérité ne rime pas avec impopularité, en clair est-ce que vous ne craignez pas de perdre des points, notamment face à ceux qui proposent de réenchanter le rêve français ?
François Fillon
Eh bien c’est une question que nous ne nous posons pas avec le président de la République. Parce que nous estimons que les Français nous ont confié une mission, un devoir. Notre devoir c’est de sortir notre pays de cette crise, c’est de protéger les Français contre les erreurs qui ont été commises dans beaucoup d’autres pays européens. C’est en tout cas ma conception et celle du président de la République de l’action publique. Rien ne serait pire que de laisser les choses aller, ce qui a souvent été le cas dans le passé, de laisser les choses aller alors même qu’il existe une menace que chacun a bien compris sur la crédibilité des finances publiques françaises. Donc nous n’hésitons pas, et ni la main du président de la République, ni celle du Gouvernement, ne tremble sur cette affaire.
Jean-Jérôme Bertolus, journaliste de I Télé – Canal Plus
Jean-Jérôme Bertolus, I Télé – Canal Plus. Même si vous n’êtes pas devin, vous avez toujours eu un œil vigilant sur les finances publiques, est-ce que vous êtes d’accord avec Angela Merkel qui, à la sortie du G20, estimait qu’il faudrait dix ans, dix ans d’efforts à la zone euro pour sortir de la crise des dettes souveraines ?
François Fillon
Ecoutez, vous voyez bien que notre pays, avec les ressources qui sont les siennes, avec les réformes structurelles que nous avons engagées, mise sur une sortie de cette crise s’agissant de la France en 2016, puisque nous misons sur un équilibre en 2016. Il est naturel d’imaginer que pour des pays qui sont beaucoup plus endettés ou en tout cas qui ont moins de ressorts en termes de croissance ça soit plus long. Je ne sais pas si on peut parler de 10 ans mais enfin tout le monde voit bien qu’on est engagé dans une phase de restructuration, de réorganisation, de réformes de nos économies pour faire face au basculement de l’économie mondiale. Et ce que je dis depuis plusieurs années, c'est-à-dire que nous ne voulons pas voir la réalité, la réalité c’est qu’une bonne partie de l’activité économique s’est déplacée dans des pays qui, par ailleurs, ont le droit eux aussi à partager les richesses mondiales, eh bien ce basculement nous imposait des réformes structurelles. C’est comme ça d’ailleurs que nous avons engagé le quinquennat du président de la République en engageant des réformes structurelles, il faut maintenant aller plus loin et plus vite.
Valérie Astruc, journaliste à France 2
Valérie Astruc, France 2. Vous avez annoncé le gel des salaires du Président et des membres du Gouvernement ainsi qu’une baisse des dotations pour les partis politiques. Est-ce que c’est destiné à rapporter de l’argent ou est-ce que c’est plus quelque chose de symbolique ?
François Fillon
C’est destiné à montrer que tout le monde est solidaire et que le Gouvernement, les responsables – et je veux parler des responsables politiques, je veux parler des responsables économiques – doivent montrer l’exemple. Franchement les augmentations considérables de salaires d’un certain nombre de responsables d’entreprises, dans une période aussi difficile que celle-là, c’est tout juste indécent. Et donc je demande vraiment à chacun de faire preuve d’un très grand sens des responsabilités.
Nous sommes dans une situation, grâce aux mesures que nous avons prises, qui ne conduit pas à baisser les salaires, qui ne conduit pas à baisser les pensions, les retraites des Français - comme c’est le cas dans beaucoup de pays européens – justement en raison des mesures que nous prenons. Mais il faut que tous ceux qui ont des responsabilités soient exemplaires et ça doit être le cas des responsables politiques, ça doit être le cas des élus des collectivités locales et ça doit être le cas des chefs d’entreprises.
Guillaume Klein, journaliste de l'AFP
Guillaume Klein, de l’AFP. La situation en Grèce pèse évidemment pour toutes les économies de la zone euro, Georges Papandréou va quitter son poste, est-ce que vous estimez que l’évolution est positive en ce moment à Athènes ?
François Fillon
En tout cas nous avons clarifié les choses ! Nous avons obtenu une clarification de la situation, nous ne pouvions pas – comme je l’avais dit à l’Assemblée nationale mardi dernier – rester dans une situation d’attente pendant des semaines et des semaines, voire des mois, pour engager le plan de soutien à la Grèce. Il fallait que la Grèce clarifie très vite sa position. Cela a été fait, je veux en féliciter les responsables politiques grecs. Pour le reste, c’est à la Grèce de trouver elle-même les solutions, les ressorts à la situation qu’elle connaît. J’ai compris que le gouvernement grec avait proposé la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, je pense que c’est une excellente solution dans le contexte actuel et, nous, nous allons naturellement encourager les Grecs dans ce sens.
Dominique Perrin, journaliste de Challenges
Dominique Perrin, magazine "Challenges". Quel est le montant des économies que vous attendez de l’accélération de la réforme des retraites sur la seule année 2012, la réforme a mis beaucoup de monde dans les rues, est-ce que vous ne pensez pas que cela va entraîner une nouvelle réprobation sociale ?
François Fillon
D’abord c’est une réforme qui est absolument fondamentale, qui est indispensable, qui est une réforme de bon sens. Je crois d’ailleurs qu’une immense partie des Français, après naturellement avoir été critique sur la mise en œuvre de cette réforme, parce que ce n’est pas quelque chose d’agréable à accepter, s’en est rendu compte. Et je veux encore une fois vous inviter à regarder ce qui se passe dans tous les autres pays européens, qui ne sont pas différents de nous et qui ont des âges de départ à la retraite souvent beaucoup plus éloignés. Le rapport financier pour l’année 2012 est d’environ 200 millions d’euros, puisque naturellement l’application se fait de façon progressive. Il est de 4,4 milliards d’euros sur la période 2012 – 2016.
C’est quelques mois supplémentaires pour les générations que j’ai évoquées tout à l’heure, mais c’est un signal très fort de la volonté de notre pays de maîtriser ses dépenses, d’équilibrer ses comptes sociaux et en même temps d’améliorer la compétitivité de notre économie. Car je rappelle qu’une des questions qui sera sans doute d’ailleurs au cœur de la campagne présidentielle c’est la compétitivité de l’économie française et notamment la question du coût du travail. A travers la réforme des retraites, nous augmentons aussi, sur la durée de la vie, la durée du travail. Merci beaucoup !
Source http://www.gouvernement.fr, le 8 novembre 2011