Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les réponses de l'Europe à la crise économique et financière, l'objectif de "zéro déficit" en 2016, le financement des investissements des collectivités locales, la péréquation des recettes fiscales intercommunales et la mise en oeuvre de la réforme des collectivités territoriales, à Paris le 22 novembre 2011.

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Circonstance : 94ème congrès des maires et des présidents de communautés de France, à la Porte de Versailles, à Paris le 22 novembre 2011

Texte intégral

Monsieur le président de l’Association des Maires de France,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Monsieur le Maire de Paris,
Mesdames et Messieurs les maires,
Je veux vous dire que je suis heureux de m’adresser à nouveau à l’assemblée générale de l’Association des Maires de France. Je connais l’importance de ce rendez-vous républicain qui permet l’échange et le débat entre les pouvoirs publics et chacun d’entre vous.
Nous avons voulu que cette année 2011 soit celle des outre-mer et permettez-moi donc de saluer avec amitié la présence de nombreux maires et adjoints venus des départements et des collectivités ultramarines. Je mesure les exigences de leur engagement. Plus encore que dans l’Hexagone, ils doivent faire face à des situations sociales difficiles, à des besoins toujours croissants d’équipements publics et de services, à des risques naturels.
Avec Claude Guéant et Marie-Luce Penchard, je rends hommage à ces élus, qui, comme vous tous, sont les relais de notre République et de sa devise : Liberté, Égalité, Fraternité. Ces trois mots ont un sens pour eux comme ils en ont un pour nous tous.
Depuis 2008, nous avons dû affronter trois crises majeures : la crise qu’on a appelée des subprimes puis celle de l’endettement des États et aujourd’hui, d’une certaine façon, la crise de l’Europe.
J’ai déjà eu l’occasion de dire que de mon point de vue, ces trois crises n’en faisaient qu’une et révélaient une sorte de crise de civilisation et je veux en dire un mot à vous qui êtes des élus de la nation qui tenez entre vos mains une part de notre souveraineté nationale.
Je crois que l’histoire retiendra que les années 2008-2012 ont marqué la fin de la suprématie occidentale et le basculement vers l’Asie d’une grande partie de l’économie mondiale.
Cette mondialisation, ce n’est pas un phénomène nouveau, c’est en réalité un mouvement de l’histoire qui fait que des civilisations naissent ou renaissent quand d’autres déclinent. Les Chinois, les Indiens, les Brésiliens, demain, les pays du printemps arabe et l’Afrique réclament leur part de la richesse mondiale. Et je veux dire qu’il est inutile et j’ai même envie de dire injuste de parler de compétition déloyale. La compétition était-elle loyale quand, à l’époque, nous exploitions les richesses naturelles de ces pays pour les transformer chez nous en biens de consommation que nous leur revendions ?
Devant le mouvement inéluctable de rattrapage des pays émergents, nous aurions dû transformer notre société, moderniser l’organisation de notre État et de notre territoire, accentuer notre productivité. Mais nous avons hésité. Nous avons perdu une part de nos richesses du fait de la concurrence sans, finalement, rien changer dans notre façon de vivre. Alors nous nous sommes endettés et nous nous sommes endettés comme la plupart de nos partenaires européens et comme pratiquement tous les grands pays industrialisés. Et désormais, c’est toute l’Europe qui doit surmonter une crise politique et financière qui est une crise qui met en danger soixante années de construction européenne.
Avec le président de la République, nous avons choisi notre stratégie. D’un côté, il faut plus d’Europe politique pour résoudre cette crise, et de l’autre, il faut continuer de moderniser la France et de réduire ses déficits.
L’Europe d’abord. Dans l’urgence, nous mettons en place des instruments financiers pour résister à la spéculation et pour répondre à la peur des investisseurs. C’est l’objet du Fonds européen de stabilité financière relayé par les débats qui ont toujours cours autour du rôle central de la Banque européenne. Mais la crise européenne a révélé autre chose, elle a révélé un grave défaut de gouvernance. Et finalement, c’est là le nœud du problème que nous affrontons aujourd'hui parce qu’après tout, des pays endettés, il y en a d’autres. Les États-Unis sont plus endettés que nous. La Grande-Bretagne aura, cette année, un déficit de près de 9 % et pourtant, c’est sur la zone euro que la foudre s’est abattue. Et si elle s’est abattue sur la zone euro, c’est parce qu’au fond, les investisseurs ont senti qu’il y avait là une fragilité, une fragilité dans notre organisation politique.
Les compromis que nous avons élaborés depuis des années pour tenter de concilier les intérêts de chacun en Europe n’ont pas résisté à la violence de la réalité que nous devons affronter. Nous nous sommes dotés d’une monnaie commune mais nous avons maintenant besoin des institutions politiques et financières qui peuvent seules assurer la pérennité de cette monnaie.
Dans l’attente d’une modification profonde des traités européens qui est nécessaire mais qui prendra – nous le savons tous – du temps, aujourd'hui, seule une union intergouvernementale très forte au sein de la zone euro nous permettra de résister aux coups qui ébranlent les liens que nous avons patiemment tissés depuis la Seconde Guerre mondiale entre les puissances européennes. Et vous savez bien qu’au cœur de cette union intergouvernementale resserrée, il y a la France et l’Allemagne. Le rapprochement franco-allemand, ce n’est pas seulement un projet en soi, c’est en vérité un point de départ pour entraîner l’ensemble du continent vers une nouvelle frontière, une zone euro puissante dont les économies, progressivement, convergent et qui ensuite éclaire le chemin de l’Union européenne dans la confrontation avec les nouvelles puissances.
L’Europe doit se renforcer, elle doit se réinventer, mais chaque État doit aussi, dans ce contexte, faire son devoir. Tous les pays européens se sont engagés dans des politiques rigoureuses, parfois même – nous le voyons autour de nous – dans des politiques drastiques. Qu’ils soient gouvernés par la droite ou par la gauche, le défi est le même, il faut maîtriser les dépenses publiques et il faut asseoir la croissance sur des principes sains et durables.
En France, depuis 1975, nous vivons à crédit. C’est ce cercle vicieux que nous devons stopper de toute urgence. Pour arriver à "0 déficit" d’ici 2016, qui est l’engagement que nous avons pris, il faudra économiser plus de cent milliards d’euros. Je veux dire qu’il est impensable de faire cela en augmentant exclusivement les impôts. Cela reviendrait à tripler l’impôt sur le revenu ou à doubler la TVA. Il n’y a donc pas d’autre solution que de diminuer les dépenses et de moderniser nos structures si nous voulons, dans la durée, réussir la réduction de notre endettement.
Bien sûr, l’effort relève d’abord et avant tout de l’État et nous l’assumons. Nous l’assumons notamment cette année à travers l’un des budgets les plus rigoureux depuis l’après-guerre qui prolonge quatre années de réforme de l’État, de réduction de ses personnels et de gel des dépenses. Mais cet effort, vous savez qu’il ne peut pleinement réussir que s’il engage aussi toute la nation, à tous les niveaux. Et il est indispensable, dans ce contexte, que les collectivités locales, qui représentent un peu plus de 20 % de la dépense publique, y participent. Et je veux dire que dire cela, ce n’est en aucune façon mettre les collectivités en accusation. L’État est au demeurant mal placé pour s’ériger en juge.
Non, dire cela, c’est appeler à une prise de conscience générale et à un sursaut national. C’est faire appel à l’intelligence des élus pour identifier les dépenses indispensables, pour faire les économies possibles, pour mutualiser les actions. Nos gestions – la gestion de l’État, celle des collectivités locales – sont intimement liées et il est donc absurde de jouer les uns contre les autres. Depuis de nombreuses années, l’État s’endette, notamment pour financer les dotations de fonctionnement qu’il verse aux collectivités.
Pour nos partenaires européens, pour les marchés, pour les investisseurs, la situation des finances publiques, c’est juste la réalité et il faut voir la vérité en face si on veut ensemble trouver des solutions qui nous permettront de redresser notre pays. La situation des finances publiques dans notre pays s’apprécie au regard des budgets de l’État, des collectivités locales et des organismes sociaux. Il n’y a pas de distinction, il n’y a pas de séparation, il y a une seule France qui doit être unie dans l’effort.
Jamais la question des finances publiques n’aura été à ce point au centre de notre avenir commun. Je mesure combien cette stricte discipline budgétaire qui nous est imposée contrarie notre vieille culture politique qui a souvent consisté à penser que l’intendance suivra toujours nos idéaux. Eh bien je vous propose d’élever la question au niveau moral. Se désendetter, c’est se libérer d’une logique asservissante qui n’est pas digne d’une grande nation comme la nôtre. Se désendetter, c’est conserver la maîtrise de notre destin politique, économique et social. En un mot, se désendetter, c’est garantir à la République le pouvoir d’agir selon sa conscience et non sous la pression extérieure. Se désendetter, c’est enfin protéger nos enfants du plus cruel des maux, celui de payer une faute que leurs parents ont commise.
Nous devons être solidaires pour restaurer notre équilibre budgétaire, comme nous sommes solidaires pour faire face aux chocs qui ont touché les collectivités locales au cours des différentes phases de la crise. Et je veux d’abord évoquer la question de l’accès au financement des collectivités locales. Je sais qu’il s’agit d’un sujet de préoccupation essentiel pour vous. Jacques Pélissard a eu d’ailleurs l’occasion de venir m’en parler à plusieurs reprises. Nous avons déjà apporté plusieurs réponses et d’autres sont à l’étude.
Nous avons mobilisé trois milliards d’euros sur les fonds d’épargne des Français pour permettre de financer, à la fin de 2011 et au début de 2012 les projets d’investissement des collectivités et des hôpitaux publics. Ces fonds sont distribués par la Caisse des Dépôts et Consignations et par le réseau bancaire et ils sont dès à présent mobilisables.
J’ai bien entendu votre inquiétude sur la question de savoir si ces fonds seraient suffisants par rapport aux besoins des collectivités. Je vous indique dès aujourd'hui que nous sommes prêts, avec la Caisse des Dépôts et Consignations, à porter à cinq milliards le niveau de ces fonds pour faire en sorte que les dépenses de la fin de l’année et du début de l’année 2012 soient assurées.
Mais au-delà de cette mesure qui n’est qu’une mesure d’urgence, nous sommes en train de constituer, avec la Caisse des Dépôts et la Banque Postale, un véritable pôle public destiné à prendre le relais auprès de vous de ce que le Crédit local de France puis Dexia ont pu être pendant des années. Cet établissement sera opérationnel dès le début de l’année prochaine et il proposera des offres qui seront complémentaires de celles des banques commerciales et qui seront un gage de simplicité, de sûreté et de transparence dans l’accès au financement.
Vous avez, Monsieur le président Pélissard, pris l’initiative de créer une Agence de financement des collectivités locales. Comme vous l’avez indiqué, des travaux préparatoires approfondis ont été menés par vos équipes. Il y a eu un débat à l’Assemblée nationale récemment et j’ai demandé aux ministres de préparer un rapport au Parlement pour la mi-février.
Je veux vous dire que j’accorde une très grande attention à cette initiative. Je sais l’importance que vous y attachez et il me semble qu’il y a là un élément qui permettrait à la fois d’assurer un complément avec la mise en place du pôle public et qui, en même temps, symboliserait cette mutualisation des moyens que, par ailleurs, nous appelons de nos vœux.
Certains d’entre vous sont plus particulièrement touchés par les conséquences des emprunts toxiques. Comme je m’y étais engagé devant vous il y a deux ans, l’État a signé avec le secteur bancaire une charte des bonnes pratiques parce qu’il faut d’abord veiller à ce que les erreurs du passé ne se reproduisent pas aujourd'hui. Nous avons ensuite mis en place une médiation des emprunts toxiques. Nous avons cherché à faciliter l’émergence de solutions qui ne peuvent pas être globales mais qui sont à rechercher au cas par cas, collectivité par collectivité.
À ce jour, je veux dire que cette médiation a été saisie d’une centaine de contrats de prêts. Il y a eu environ 20 % d’abandons de la médiation à l’initiative de la collectivité et il y a eu, pour un tiers des contrats restants, une solution définitive qui est intervenue.
Je veux aujourd'hui vous inviter – en tout cas ceux qui sont concernés par cette question – à saisir la médiation et à accepter les restructurations de dettes tant que c’est encore possible, c’est-à-dire avant que les frais financiers ne s’envolent.
Parmi nos marges de manœuvre, il y a la péréquation. Nous l’avons mise en place l’année dernière pour les départements. Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit de l’étendre aux communes et aux intercommunalités. Dès 2012, deux cent cinquante millions d’euros seront redistribués aux intercommunalités et aux communes ayant à la fois les ressources les plus faibles et les charges les plus importantes au regard du revenu par habitant de leur population. Ce critère est particulièrement favorable aux zones rurales. Le régime de montée en puissance de cette péréquation a été porté de cinq à six ans par l’Assemblée nationale. Nous avons donc franchi, sous cette législature, un pas essentiel : nous inscrivons désormais durablement la péréquation dans une gestion équitable de la décentralisation.
Jusqu’en 2010, cette péréquation n’intervenait qu’à la marge. Elle intervenait sur la progression de l’ensemble des dotations. Désormais, que ce soit sur les droits de mutation pour les départements ou que ce soit sur le Fonds de péréquation des recettes fiscales intercommunales, la péréquation concerne une partie significative des ressources des départements et du secteur communal.
Dans le domaine des finances locales, la réforme de la taxe professionnelle se met en place conformément aux objectifs. Elle avait un objectif clair, supprimer un impôt qui grevait les investissements des entreprises. Chacun s'accordait d'ailleurs à dire que c'était un impôt qui nuisait à notre compétitivité puisqu'il frappait l'investissement et non pas la valeur ajoutée. Deux ans après la réforme, les résultats sont globalement conformes à nos attentes. La charge fiscale sur le secteur industriel s’est allégée et les principales contributions supplémentaires viennent des activités financières.
La réforme de la fiscalité locale reposait sur un principe clair de compensation aux collectivités locales. L’État a ainsi garanti qu’aucune collectivité ne verrait ses recettes diminuer du fait de la réforme de la taxe professionnelle. Il verse pour cela une dotation de compensation aux collectivités qui verraient leurs recettes fiscales diminuer. Je veux dire que cet engagement, nous le respectons et nous le respecterons. Il conduit l’État à revoir à la hausse de près d’un milliard d’euros le montant de la dotation de compensation versée en 2011. En loi de finances pour 2011, elle était prévue à hauteur de 2,5 milliards, elle sera finalement de près de 3,4 milliards. Ce montant est pris en compte dans le projet de loi de finances rectificative qui a été transmis au Parlement et le montant de la dotation de compensation versée à chaque collectivité lui a été notifié au début du mois de novembre.
Je sais que beaucoup d’entre vous – à juste titre – se plaignent de la complexité de cette réforme de la taxe professionnelle et – même si ce n’est pas le cas partout – d’un appui parfois distant des services territoriaux de l’État. C’est la raison pour laquelle j’ai donné les instructions très précises et très fermes aux services financiers de l’État pour qu’ils renforcent le concours qu’ils vous apportent, en lien avec les associations départementales des maires.
À la demande du président de la République, à votre demande, nous avons ouvert le chantier des normes. Dès l’été 2010, nous avons mis en place le moratoire sur les normes nouvelles applicables aux collectivités locales. La Commission consultative d’évaluation des normes a commencé à fonctionner. Je veux dire que son regard, qui est celui des élus, a obligé les administrations à mieux doser et à mieux adapter leurs propositions de normes aux réalités de la vie des collectivités et aux moyens dont elles disposent. C’est une évolution progressive qui doit se poursuivre et qui doit, comme le président Pélissard l’a souhaité à l’instant, s’amplifier dans les années qui viennent.
Je veux indiquer aussi que le travail considérable du sénateur Éric Doligé qui a identifié près de deux cent quatre-vingts mesures de simplification, sera de ce point de vue déterminant. C’est un immense chantier que nous avons ensemble ouvert. Nous avons aussi fait évoluer notre politique d’aménagement du territoire. Cela a commencé avec la création des pôles de compétitivité et des pôles d’excellence rurale.
Les Assises des territoires ruraux organisées en 2010 ont donné lieu à plusieurs décisions importantes. Il y a d’abord eu la deuxième génération des pôles d’excellence rurale avec deux cent trente-cinq millions d’euros à l’appui, parce que vous aviez plébiscité la première génération qui avait donné de bons résultats. Il y a ensuite la mobilisation des investissements d’avenir pour le haut et le très haut débit qui est évidemment déterminant pour développer les services à nos concitoyens et les activités économiques dans les zones rurales. Nous avons lancé à l’été 2010 un programme national qui rassemble tous les opérateurs privés, les collectivités territoriales et l’État pour atteindre l’objectif de 100 % des foyers couverts par le très haut débit. Neuf cents millions d’euros sont aujourd’hui disponibles pour soutenir les projets des collectivités qui s’inscrivent en complémentarité avec l’initiative privée. Je souhaite que les premières décisions de financement puissent être prises avant la fin de cette année. Et je rappelle que pour la première fois, les licences de quatrième génération de téléphonie mobile qui seront attribuées au tout début de l’année 2012, prévoient un déploiement simultané dans les territoires urbains et dans les territoires ruraux.
Il y a enfin la décision de financer les maisons médicales rurales, parce que vous savez bien que cette mise en commun des Cabinets médicaux et des services paramédicaux est essentielle pour maintenir une offre de soins de proximité. Deux cent trente et une maisons sur les deux cent soixante qui ont été financées, sont d’ores et déjà installées sur le territoire. Au cours de l’année 2011, ce sont presque cent projets supplémentaires qui ont été soutenus par l’État. Ce programme se poursuivra jusqu’en 2013.
Mesdames et Messieurs les maires, La décentralisation cela n’est pas un dogme. C’est une démarche qui progresse et qui s’adapte aux contraintes et aux enjeux de chaque époque. Notre organisation territoriale n’a d’ailleurs jamais cessé d’évoluer et il serait paradoxal qu’en plein coeur de la mondialisation qui vient bousculer tous nos territoires, nous choisissions le statu quo et l’émiettement de nos politiques locales, là où tout nous appelle à plus de cohérence territoriale et à plus de synergie des actions publiques.
Je sais que la réforme des collectivités territoriales a fait naître des inquiétudes parce qu’elle bouscule des traditions. Mais les buts de cette réforme sont légitimes, et la méthode qui est employée est raisonnable.
Nous avons voulu que cette réforme soit progressive et nous avons voulu qu’elle ne remette pas en cause les principes même de notre organisation. Vous savez bien, tous ceux qui côtoient d’autres pays européens que bien de ces pays ont choisi des méthodes bien plus radicales pour regrouper les collectivités, pour regrouper les territoires. Cela n’est pas le choix que nous avons fait parce que c’est un choix qui n’est pas conforme à notre tradition, à notre histoire, à notre géographie.
Nous avons privilégié la rationalisation de l’intercommunalité et le rapprochement entre départements et régions, par le conseiller territorial. La loi aurait pu décider de son application quasi immédiate. Nous avons privilégié une période de transition jusqu’en 2014. Il était et il est essentiel de créer des entités plus puissantes : c’est d’ailleurs tout l’esprit de la réforme de l’intercommunalité, dont je veux rappeler qu’elle a été engagée par Jean-Pierre Chevènement.
Je veux rappeler nos objectifs : D’une part, il s’agit de réaliser une couverture intégrale du territoire par des intercommunalités, car on ne peut pas imaginer qu’à l’avenir, compte tenu du développement de l’intercommunalité, il y ait des territoires, il y ait des communes qui restent complètement à l’écart de cette coopération. Et d’autre part, il s’agissait d’avoir des intercommunalités qui puissent mettre plus de moyens en commun pour offrir de meilleurs services à nos concitoyens. Tout en rationalisant les coûts.
J’ai été longtemps maire et je connais les nécessités du regroupement communal que j’ai largement pratiqué en Sarthe. Mais je sais aussi les obstacles qu’il faut savoir franchir par la conviction, par le dialogue et par l’effet d’entraînement. Ma philosophie est très claire. Quand on a un accord suffisamment large, il faut avancer parce que les hésitations de quelques-uns ne peuvent pas éternellement bloquer la volonté fédératrice de tous les autres. Mais quand cet accord n’est pas suffisamment robuste et consensuel, alors il faut prendre le temps nécessaire pour y travailler.
Je vois ici dans la salle, les élus de la communauté de communes de Brûlons et celle de Loué dans la Sarthe, ils brûlent d’amour depuis longtemps les uns pour les autres, pourquoi les empêcherions-nous de s’unir dans les meilleurs délais. Mais je ne crois pas aux mariages forcés. Et je veux dire que partout où c’est nécessaire, j’ai souhaité que le temps vous soit accordé pour que se dégagent des majorités d’élus en faveur des projets. Et ces majorités, Mesdames et Messieurs les Maires, seront constatées par la consultation des Commissions départementales de coopération intercommunale, même après la date du 31 décembre prochain. C’est ce que j’ai écrit récemment au président Pélissard.
Comme lui, j’ai la conviction que les élus doivent se faire entendre jusqu’au bout de la démarche. C’est un engagement que je prends et les ministres de l’Intérieur et des collectivités locales ont donné des instructions aux préfets, pour que cet engagement soit respecté.
Jacques Pélissard a déposé une proposition de loi pour ajuster la réforme de l’intercommunalité. Elle a déjà été examinée en commission, à l’Assemblée nationale. Je suis et je veillerai à ce qu’elle soit inscrite à l’ordre du jour du Parlement.
Mesdames et Messieurs les Maires, dans cette salle, toutes les sensibilités politiques sont représentées et elles incarnent la vigueur de notre démocratie locale. Mais au-delà des logiques de Partis, au-delà de nos différences, vous savez bien qu’il y a des questions essentielles qui nous transcendent. Il faut adapter notre pays à la mondialisation si nous voulons préserver le meilleur de notre héritage. Et cela ne se fera pas sans quelques sacrifices. Il faut renforcer notre compétitivité et notre productivité pour aller chercher la croissance. Il faut réduire nos dépenses publiques pour retrouver des marges de manœuvre et cela passe par une rationalisation de nos structures étatiques et locales.
Que nous soyons de droite, de gauche, du centre ou sans étiquette, nous avons ensemble un devoir de lucidité et un devoir d’action. L’époque que nous vivons peut nous sembler cruelle parce qu’elle déchire le voile de beaucoup d’illusions anciennes. Mais c’est un moment de vérité qui doit aussi nous apparaître salutaire. Salutaire, parce qu’il n’est jamais bon de se réfugier dans le songe d’une grandeur passée qui est contestée par des continents entiers qui réclament leur part de progrès.
Salutaire, parce que la France a des atouts et des forces dont chacun d’entre nous détient une parcelle.
Parce que vous êtes, Mesdames et Messieurs les Maires, des élus plébiscités par les Français, vous avez, face aux bouleversements actuels un rôle de repère qui est plus éminent que jamais.
Génération après génération, le maire représente la permanence républicaine. Et cette permanence est d’autant plus précieuse que les mutations du monde nous font ressentir le besoin de préserver ce qu’il y a de plus essentiel dans nos traditions et dans nos valeurs.
Pour moi, les maires de France sont bien plus que les interprètes de leurs communes. Ils sont bien plus que les gestionnaires de notre quotidien. Ils sont des élus d’une vieille et belle Nation qui doit se battre pour se redresser et pour se relancer. Je vois en chacun d’entre vous un acteur de notre redressement économique et financier parce que je ne dissocie pas nos devoirs.
Nous sommes tous au service de la République, et la République, aussi diverse soit-elle, n’a qu’un seul destin.
Mesdames et Messieurs les maires, c’est ce message d’unité et de volonté que je voulais aujourd’hui partager avec l’Assemblée des maires de France.
Source http://www.gouvernement.fr, le 23 novembre 2011