Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureux dêtre parmi vous aujourdhui à loccasion de votre 13ème congrès. Je vous remercie de mavoir invité à conclure vos travaux qui, une fois encore, ont été marqués par la qualité des différentes interventions. Jai pu constater que la politique de la ville était au coeur de vos réflexions et à quel point vous êtes convaincus, comme moi, quelle est devenue un enjeu de société majeur.
Je tiens à remercier tout particulièrement Pierre BOURGUIGNON, président de votre association, et Michel PAJON, maire de Noisy-le-Grand, ville hôte de ce congrès, mais aussi site pilote de la politique de la ville avec la commune voisine de Villiers-sur-Marne. Mesdames et Messieurs, voilà un an que le Premier ministre ma chargé de relancer la politique de la ville. Cette fonction ministérielle, ou plutôt interministérielle et partenariale, je lai voulue proche du terrain, proche des élus locaux, des services déconcentrés, des associations et des habitants. Si la politique de la ville doit donner un sens à lensemble des politiques publiques qui sappliquent sur un territoire, il nen demeure pas moins vrai que cest au niveau local quelle doit être portée. Cest pourquoi, au cours de ces douze derniers mois, mes déplacements sur le terrain ont été nombreux.
Je voudrais rappeler ici ce quont été les principales étapes de cette année. Je soulignerai ensuite les enjeux essentiels de la préparation des contrats de ville. Enfin, je souhaiterais vous inviter à reprendre le débat sur la mixité sociale et léquilibre de nos agglomérations.
Une année de relance
Depuis un an, la politique de la ville a été relancée. De nombreuses décisions prises au niveau national lont permis, notamment lors des deux comités interministériels des villes présidés par le Premier ministre les 30 juin et 2 décembre 1998.
Les crédits de mon ministère et leffort public global consacré à la politique de la ville ont augmenté de plus de 30 pour cent en 1999 faisant de cette année une année de renforcement des actions sur le terrain, en même temps quune année de préparation de nouveaux contrats. Par ailleurs, une simplification des procédures financières au niveau local a été entreprise. Je souhaite que les élus locaux sapproprient pleinement ces mesures de simplification, en particulier la caisse unique pour les crédits de fonctionnement, dont la mise en oeuvre permettra réellement dintervenir plus vite et de façon coordonnée entre les différents financeurs. Une convention nouvelle a été signée avec la Caisse des Dépôts et Consignations, mobilisant dans le cadre de la politique de la ville deux enveloppes de prêts de dix milliards de francs : lune pour des opérations de construction-démolition, lautre pour des projets daménagement urbain. Cette convention avec la CDC permet également de débloquer 300 millions de francs par an de crédits dintervention. Cet effort sans précédent de létablissement public vous permet de disposer dun partenaire essentiel pour mener à bien vos projets.
Je voudrais également rappeler lengagement du gouvernement daccroître la péréquation financière entre communes riches et communes pauvres, engagement qui sest traduit dès 1999 par une augmentation de la dotation de solidarité urbaine de 50 pour cent. Nous devrons examiner ensemble les voies et moyens de renforcer encore cette solidarité dans les années à venir. Je serai heureux de recueillir vos suggestions à cet égard.
En ce printemps marqué par lélection du Parlement européen, je dois également souligner que lUnion européenne est devenue un partenaire important de la politique de la ville. Il y a un peu moins dune semaine se déroulait à Berlin la très importante négociation sur « Agenda 2000 », qui sest terminée par un accord entre les quinze. Il importe donc désormais de préparer la future génération de fonds structurels européens, qui correspondra, en France, à la période des futurs contrats de ville et des futurs contrats de plan Etat-région. Il sagit là dun enjeu décisif. Je crois en effet indispensable que la géographie prioritaire de la politique de la ville puisse être -autant que possible couverte par le futur objectif 2, et que le fonds social européen soit mieux mobilisé dans le cadre des futurs contrats de ville au profit du développement de lemploi.
Les actuels crédits européens consacrés à la politique de la ville ont prouvé de façon incontestable lutilité de lEurope au regard des problématiques urbaines dans notre pays. Nous devons tous nous mobiliser afin quà lavenir ils puissent mieux jouer un rôle deffet levier dans la politique de la ville. Cest une responsabilité partagée entre lEtat et les collectivités territoriales. Les élus locaux, les maires en particuliers doivent davantage se faire entendre à Bruxelles. Cest aussi une façon de construire une Europe plus proche des habitants, Europe au sein de laquelle quatre habitants sur cinq résident en zone urbaine.
De nouveaux contrats pour une nouvelle ambition
Je voudrais insister fortement sur un point au coeur du comité interministériel des villes du 2 décembre 1998. En effet, le Premier ministre y a clairement affiché sa volonté de voir la politique de la ville considérée comme une priorité des prochains contrats de plan Etat-région. Cette volonté politique a été soulignée dans la circulaire quil a adressée aux préfets le 31 décembre 1998, qui fixe le cadre national des futurs contrats de ville. Dans ce texte, préparé suffisamment à lavance pour que les acteurs locaux aient le temps de bâtir des projets solides, le Premier ministre insiste tout dabord sur la nécessité dun double niveau dintervention publique au niveau de lagglomération et des quartiers. Il insiste aussi sur limplication des habitants dans lélaboration et la mise en oeuvre des projets et sur une mobilisation accrue des services de lEtat au niveau local. Enfin, il encourage les régions et les départements à se mobiliser plus fortement, et dabord sur leurs compétences propres. Ce sera un enjeu important des discussions du contrat de plan, ce sera lobjet des conventions que nous souhaitons passer avec les conseils généraux.
Depuis un an également, de nouvelles méthodes de préparation et de mise en oeuvre des contrats de ville, illustrant la règle du jeu fixée par le Premier ministre, ont été expérimentées dans 16 sites pilotes. Comme jai pu le constater lundi dernier, lors dune réunion au ministère avec lensemble des maires concernés, des avancées concrètes se sont faites jour dans ces communes et agglomérations. Jillustrais mon propos ici même il y a un an par la formule suivante : « la politique de la ville, ce doit être la tête dans lagglomération et les mains dans le quartier ». Je crois pouvoir dire aujourdhui que, dans ces 16 sites pilotes, une évolution forte sest engagée qui donne tout son sens à la formule. Indéniablement, sur tous ces sites, lintercommunalité et le partenariat sont aujourdhui beaucoup plus développés quau cours du contrat de ville précédent. Les problèmes sont abordés tout à la fois au niveau de lagglomération et des quartiers les plus difficiles, pour lutter efficacement contre lensemble des racines de lexclusion urbaine.
1999 sera aussi marquée par le lancement de rencontres nationales destinées à enrichir les contenus des futurs contrats de ville. Les acteurs de terrain mont en effet souvent demandé dorganiser de telles rencontres, afin déchanger et de débattre des pratiques des uns et des autres. A leur demande, se sont donc organisées les rencontres des acteurs de la prévention à Montpellier au cours du mois de mars, et, il y a deux jours, les rencontres sur léducation dans la ville à Tours. Ces deux manifestations ont permis de clarifier et de rapprocher les approches des différents partenaires. Les rencontres de Montpellier ont permis de rénover les politiques de prévention vers une action plus ciblée et plus précoce. Il nous faut en effet être plus vigilants face aux difficultés rencontrées par les familles et les enfants avant que celles-ci ne risquent de saggraver.
Il était nécessaire aussi de remobiliser les acteurs de la prévention et de les inscrire pleinement dans le cadre de la politique de sécurité nouvelle voulue par le gouvernement. Cette action globale cest celle de la politique de la ville. Cest pourquoi, les contrats locaux de sécurité, enrichis si nécessaire dun volet prévention renforcé, ont vocation à sintégrer au contrat de ville.
Enfin, les rencontres de Montpellier ont permis de mettre laccent sur limportance du sentiment dinjustice et les discriminations ressentis par nombre de nos concitoyens. Le sentiment dinsécurité se nourrit fortement de limpression dabandon et dinjustice quéprouvent de nombreux habitants des quartiers populaires et qui leur fait perdre confiance dans nos institutions.
Cest par une implication plus forte des habitants dans la conception et le suivi des politiques publiques, par un renforcement du dialogue entre population et institutions, par un renforcement de la démocratie locale, que nous parviendrons à construire des villes sûres et solidaires. La rencontre nationale des acteurs de léducation « LEducation dans la ville » qui sest tenue les 30 et 31 mars à Tours a souligné la nécessité du mouvement et du débat didées autour des questions éducatives.
La présence de quatre de mes collègues du gouvernement, Marie George Buffet, Ségolène Royal et Catherine Trautmann et Claude Allègre atteste de la résolution du gouvernement à lutter contre toutes les formes dexclusion des enfants et de jeunes.
Les travaux ont fait fortement apparaître que léducation est une responsabilité partagée dans nos villes. La place essentielle de fédérateur des élus a été affirmée ainsi que la nécessité dun renforcement du travail en commun pour élaborer un projet éducatif local.
A cet égard, le texte de cadrage conjoint éducation nationale et ville, dont jai annoncé la préparation à loccasion de cette rencontre, permettra de créer les conditions dun partenariat au quotidien.
Jai par ailleurs demandé que dans chaque contrat de ville un programme prioritaire de jeunesse citoyenne permette de porter sur la durée la parole et les projets des enfants et des jeunes.
Je souhaite des projets éducatifs ambitieux pour nos villes, porteurs dune vision large et novatrice de léducation. La prochaine rencontre de ce programme danimation aura lieu les 28 et 29 juin à Nantes sur le thème du développement économique et de lemploi, à la suite du rapport parlementaire que remettront Pierre BOURGUIGNON et Chantal RODRIGO. Ce rapport sur un thème très attendu -et jai toute confiance en eux pour savoir par avance quil sera excellent - sera donc au coeur même des débats et des propositions pour lavenir.
Le premier bilan du pacte de relance, réalisé par trois inspections générales, la montré : dune manière globale, les dispositifs des zones franches urbaines et des zones de redynamisation urbaines nont eu quun impact limité sur le développement économique des quartiers, et surtout sur lemploi. En fait, le dispositif des zones franches na que très légèrement accentué le dynamisme économique préexistant dans les zones bénéficiaires. Par ailleurs, les effets sont très contrastés dune zone à lautre ; et cest surtout là où la politique de la ville était déjà fortement développée que les résultats ont été les meilleurs. Et, même sur les sites où un impact positif a été décelé, le coût du dispositif reste élevé, et les effets pervers nombreux.
Pour lavenir, jai donc souhaité moraliser ces dispositifs, renforcer leur efficacité sociale, et surtout mettre en oeuvre de nouveaux outils. Ce dernier objectif est le sens même de la mission confiée à Pierre BOURGUIGNON et Chantal RODRIGO.
Lobjectif est en fait triple : stimuler lactivité dans nos quartiers, réinscrire ces derniers dans la dynamique économique de lagglomération et permettre aux habitants, notamment les plus jeunes, de pouvoir sintégrer au monde du travail.
Renforcer la lutte contre la ségrégation sociale
Mes différents déplacements sur le terrain et lexpérience des 16 sites de préfiguration des futurs contrats de ville mont convaincu de la nécessité de renforcer la lutte contre les mécanismes de ségrégation à loeuvre dans nos villes et agglomérations.
Bien au-delà même, jai la conviction que nos villes sont aujourdhui à un moment décisif et que cette fin de siècle constitue un tournant majeur pour leur avenir et donc pour léquilibre social du pays.
A partir de trois constats, je voudrais soumettre à votre réflexion, et, au-delà de ce congrès, au débat public, les axes dun combat renforcé contre la ségrégation urbaine. Mesdames et Messieurs, premier constat, vous le savez tous, le logement social connaît une crise, une crise grave. Certains immeubles, certains quartiers dhabitat social, qui étaient autrefois conçus comme une étape dans un parcours résidentiel, sont aujourdhui stigmatisés et rejetés par les habitants. Inexorablement, cette désaffection de la population à légard de certains quartiers et la concentration des populations les plus fragiles, conduit à la ghettoïsation dune partie de nos villes. Et la loi dorientation sur la ville, qui a certes constitué une avancée forte en 1991, na pas permis la pleine intégration du logement social à la ville, en assurant une plus grande mixité sociale.
Second constat : le début de la construction massive de logements sociaux remonte à environ quarante ans, si bien que, dannée en année, une partie très importante du parc HLM devient obsolète. Cela est manifeste dans les grands ensembles qui ont connu peu de transformations urbaines. A la différence dautres quartiers de nos villes, les « cités » HLM ont, il est vrai, peu évolué, ont fait lobjet de peu dopérations durbanisme denvergure. Ils ne se sont pas adaptés aux besoins et aux attentes des habitants qui aspirent à un cadre de vie plus agréable.
Nous sommes aujourdhui quarante ans après le début de la vague massive de construction de logements sociaux qui a vu la réalisation de plus de 1,7 million de logements entre 1960 et 1975. Nous sommes environ vingt ans après le début du programme de 2 million de réhabilitations réalisées entre 1982 et 1997. Certains ensembles ont désormais connu deux voir trois programmes de réhabilitation. Mesdames, messieurs, Le temps de la réparation sachève donc, et doit désormais souvrir celui du renouvellement.
Troisième constat, nous sommes actuellement à un tournant dans lévolution du paysage institutionnel de nos villes. Après les lois sur lintercommunalité et sur laménagement du territoire présentées par Jean-Pierre CHEVENEMENT et Dominique VOYNET, il est clair quun nouveau territoire de solidarité est en train démerger : lagglomération. Cette évolution est en marche. Je lévoquais tout à lheure dans les sites pilotes, mais cest vrai de tous les contrats de ville qui commencent à se préparer. Ces 150 agglomérations doivent devenir demain les territoires dune nouvelle solidarité urbaine.
Au moment où ces trois phénomènes se conjuguent créant en quelque sorte une période propice à une nouvelle dynamique et alors même quils touchent lensemble de nos villes, au moment où de façon plus générale, le fait urbain représente lenjeu de société majeur, il me semble indispensable davoir une ambition politique forte et, en amont, une réflexion collective pour façonner des instruments de politique publique mieux adaptés à ces nouveaux enjeux. Le gouvernement et les collectivités territoriales discutent actuellement de leurs projets pour les sept prochaines années. Cest le moment opportun pour ouvrir le débat et mettre en oeuvre de nouvelles règles du jeu.
Permettez-moi didentifier ici les évolutions que je crois nécessaires dans un avenir proche pour construire ce nouvel outil de lutte contre lapartheid social qui me semble désormais indispensable.
En premier lieu, je crois que nous devons substituer aux obligations mises en place par la loi dorientation sur la ville qui étaient basées sur un critère national, une obligation déquilibre au niveau des agglomérations. Dans le même temps toutes les agglomérations de plus de 50.000 habitants devraient être concernées sur la base dun projet commun obligatoire, élaboré par les élus locaux et lEtat. En second lieu, le projet déquilibre de lhabitat devrait se traduire par des obligations concrètes beaucoup plus précises quaujourdhui en termes de construction de logements sociaux, sans pouvoir sen exonérer par le paiement dune taxe. Le non respect de ces obligations serait sanctionné par des mécanismes de solidarité financière au sein même de lagglomération, création dun fonds de réserve foncier et de construction par prélèvement sur les dotations des communes déficitaires par exemple, et si nécessaire, par un pouvoir de substitution du représentant de lEtat.
Enfin, cette recherche dun meilleur équilibre au sein des agglomérations doit être accélérée par un ambitieux programme de renouvellement urbain.
Pour refaire la ville, pour créer une véritable unité urbaine, il nous faut en effet tout à la fois équilibrer les différentes formes dhabitat sur lensemble de lagglomération et reconquérir le coeur même de ces agglomérations, et donc refuser le rejet et labandon de certains de nos quartiers. Cette volonté politique sinscrit pleinement dans une perspective de développement durable, car elle vise à lutter contre létalement urbain et le développement anarchique des entrées de ville. Il faut redonner à nos quartiers les plus difficiles un attrait social et économique.
Cette volonté politique de refaire la ville sur la ville sinscrit aussi dans une perspective de développement solidaire, car elle vise à retisser le pacte républicain au sein de nos villes. Elle vise à redonner leur dignité à tous les habitants, quels que soient leurs lieux de résidence. Ce plan de lutte contre la ségrégation urbaine que je vous propose, cest avant tout la traduction dune volonté politique affirmée de lEtat, conjuguée à la prise en compte dune avancée nouvelle de la décentralisation. Ce nest pas un grand chantier législatif, cest un projet politique fort, attendu par nos concitoyens et que nous pouvons lancer rapidement. Ce programme de renouvellement urbain que je souhaite lancer devrait comprendre de grands projets de ville, grands chantiers du début du 21ème siècle, qui marqueront notre volonté de refuser la fatalité de lexclusion urbaine. Je souhaite que ce programme soit loccasion de mobiliser les professionnels et cest pourquoi jai mis en place un groupe de travail chargé délaborer une charte de qualité pour ces opérations. Jorganiserai des assises du renouvellement urbain au cours du mois doctobre pour officialiser le lancement de ce programme.
Mesdames, messieurs,
La parole des élus urbains doit être davantage entendue. Les débats récents notamment sur la sécurité ont montré que ce nétait pas encore suffisamment le cas. Aussi ce congrès constitue un moment important du débat indispensable sur lavenir de nos villes. Nous aurons dautres occasions de le prolonger.
Ce sera en particulier le cas à loccasion du dialogue direct que jai souhaité avoir avec les élus pour lancer les nouveaux contrats de ville.
Je compte donc vous retrouver lors des rencontres nationales des élus de la politique de la ville, le jeudi 6 mai, manifestation à laquelle sont également invités lensemble des présidents de conseils régionaux et généraux. Cette rencontre sera loccasion, je nen doute pas, dapprofondir ce débat sur la redynamisation sociale et économique de nos quartiers difficiles, le renouvellement urbain et la mixité sociale, trois objectifs indispensables à un développement durable et solidaire de nos agglomérations.
Mesdames et Messieurs, vous laurez compris, parce quil y a urgence, parce que tous les partenaires discutent actuellement du contenu des futurs contrats de plan Etat-région et que la politique de la ville en constitue une priorité, il nous faut plus que jamais nous mobiliser collectivement pour donner une nouvelle ambition à nos villes. Jai lancé le débat devant vous, je compte sur vous pour lui donner une force plus grande encore dans les prochains mois.
(Source http://www.ville.gouv.fr, le 04 mai 1999)
Je suis particulièrement heureux dêtre parmi vous aujourdhui à loccasion de votre 13ème congrès. Je vous remercie de mavoir invité à conclure vos travaux qui, une fois encore, ont été marqués par la qualité des différentes interventions. Jai pu constater que la politique de la ville était au coeur de vos réflexions et à quel point vous êtes convaincus, comme moi, quelle est devenue un enjeu de société majeur.
Je tiens à remercier tout particulièrement Pierre BOURGUIGNON, président de votre association, et Michel PAJON, maire de Noisy-le-Grand, ville hôte de ce congrès, mais aussi site pilote de la politique de la ville avec la commune voisine de Villiers-sur-Marne. Mesdames et Messieurs, voilà un an que le Premier ministre ma chargé de relancer la politique de la ville. Cette fonction ministérielle, ou plutôt interministérielle et partenariale, je lai voulue proche du terrain, proche des élus locaux, des services déconcentrés, des associations et des habitants. Si la politique de la ville doit donner un sens à lensemble des politiques publiques qui sappliquent sur un territoire, il nen demeure pas moins vrai que cest au niveau local quelle doit être portée. Cest pourquoi, au cours de ces douze derniers mois, mes déplacements sur le terrain ont été nombreux.
Je voudrais rappeler ici ce quont été les principales étapes de cette année. Je soulignerai ensuite les enjeux essentiels de la préparation des contrats de ville. Enfin, je souhaiterais vous inviter à reprendre le débat sur la mixité sociale et léquilibre de nos agglomérations.
Une année de relance
Depuis un an, la politique de la ville a été relancée. De nombreuses décisions prises au niveau national lont permis, notamment lors des deux comités interministériels des villes présidés par le Premier ministre les 30 juin et 2 décembre 1998.
Les crédits de mon ministère et leffort public global consacré à la politique de la ville ont augmenté de plus de 30 pour cent en 1999 faisant de cette année une année de renforcement des actions sur le terrain, en même temps quune année de préparation de nouveaux contrats. Par ailleurs, une simplification des procédures financières au niveau local a été entreprise. Je souhaite que les élus locaux sapproprient pleinement ces mesures de simplification, en particulier la caisse unique pour les crédits de fonctionnement, dont la mise en oeuvre permettra réellement dintervenir plus vite et de façon coordonnée entre les différents financeurs. Une convention nouvelle a été signée avec la Caisse des Dépôts et Consignations, mobilisant dans le cadre de la politique de la ville deux enveloppes de prêts de dix milliards de francs : lune pour des opérations de construction-démolition, lautre pour des projets daménagement urbain. Cette convention avec la CDC permet également de débloquer 300 millions de francs par an de crédits dintervention. Cet effort sans précédent de létablissement public vous permet de disposer dun partenaire essentiel pour mener à bien vos projets.
Je voudrais également rappeler lengagement du gouvernement daccroître la péréquation financière entre communes riches et communes pauvres, engagement qui sest traduit dès 1999 par une augmentation de la dotation de solidarité urbaine de 50 pour cent. Nous devrons examiner ensemble les voies et moyens de renforcer encore cette solidarité dans les années à venir. Je serai heureux de recueillir vos suggestions à cet égard.
En ce printemps marqué par lélection du Parlement européen, je dois également souligner que lUnion européenne est devenue un partenaire important de la politique de la ville. Il y a un peu moins dune semaine se déroulait à Berlin la très importante négociation sur « Agenda 2000 », qui sest terminée par un accord entre les quinze. Il importe donc désormais de préparer la future génération de fonds structurels européens, qui correspondra, en France, à la période des futurs contrats de ville et des futurs contrats de plan Etat-région. Il sagit là dun enjeu décisif. Je crois en effet indispensable que la géographie prioritaire de la politique de la ville puisse être -autant que possible couverte par le futur objectif 2, et que le fonds social européen soit mieux mobilisé dans le cadre des futurs contrats de ville au profit du développement de lemploi.
Les actuels crédits européens consacrés à la politique de la ville ont prouvé de façon incontestable lutilité de lEurope au regard des problématiques urbaines dans notre pays. Nous devons tous nous mobiliser afin quà lavenir ils puissent mieux jouer un rôle deffet levier dans la politique de la ville. Cest une responsabilité partagée entre lEtat et les collectivités territoriales. Les élus locaux, les maires en particuliers doivent davantage se faire entendre à Bruxelles. Cest aussi une façon de construire une Europe plus proche des habitants, Europe au sein de laquelle quatre habitants sur cinq résident en zone urbaine.
De nouveaux contrats pour une nouvelle ambition
Je voudrais insister fortement sur un point au coeur du comité interministériel des villes du 2 décembre 1998. En effet, le Premier ministre y a clairement affiché sa volonté de voir la politique de la ville considérée comme une priorité des prochains contrats de plan Etat-région. Cette volonté politique a été soulignée dans la circulaire quil a adressée aux préfets le 31 décembre 1998, qui fixe le cadre national des futurs contrats de ville. Dans ce texte, préparé suffisamment à lavance pour que les acteurs locaux aient le temps de bâtir des projets solides, le Premier ministre insiste tout dabord sur la nécessité dun double niveau dintervention publique au niveau de lagglomération et des quartiers. Il insiste aussi sur limplication des habitants dans lélaboration et la mise en oeuvre des projets et sur une mobilisation accrue des services de lEtat au niveau local. Enfin, il encourage les régions et les départements à se mobiliser plus fortement, et dabord sur leurs compétences propres. Ce sera un enjeu important des discussions du contrat de plan, ce sera lobjet des conventions que nous souhaitons passer avec les conseils généraux.
Depuis un an également, de nouvelles méthodes de préparation et de mise en oeuvre des contrats de ville, illustrant la règle du jeu fixée par le Premier ministre, ont été expérimentées dans 16 sites pilotes. Comme jai pu le constater lundi dernier, lors dune réunion au ministère avec lensemble des maires concernés, des avancées concrètes se sont faites jour dans ces communes et agglomérations. Jillustrais mon propos ici même il y a un an par la formule suivante : « la politique de la ville, ce doit être la tête dans lagglomération et les mains dans le quartier ». Je crois pouvoir dire aujourdhui que, dans ces 16 sites pilotes, une évolution forte sest engagée qui donne tout son sens à la formule. Indéniablement, sur tous ces sites, lintercommunalité et le partenariat sont aujourdhui beaucoup plus développés quau cours du contrat de ville précédent. Les problèmes sont abordés tout à la fois au niveau de lagglomération et des quartiers les plus difficiles, pour lutter efficacement contre lensemble des racines de lexclusion urbaine.
1999 sera aussi marquée par le lancement de rencontres nationales destinées à enrichir les contenus des futurs contrats de ville. Les acteurs de terrain mont en effet souvent demandé dorganiser de telles rencontres, afin déchanger et de débattre des pratiques des uns et des autres. A leur demande, se sont donc organisées les rencontres des acteurs de la prévention à Montpellier au cours du mois de mars, et, il y a deux jours, les rencontres sur léducation dans la ville à Tours. Ces deux manifestations ont permis de clarifier et de rapprocher les approches des différents partenaires. Les rencontres de Montpellier ont permis de rénover les politiques de prévention vers une action plus ciblée et plus précoce. Il nous faut en effet être plus vigilants face aux difficultés rencontrées par les familles et les enfants avant que celles-ci ne risquent de saggraver.
Il était nécessaire aussi de remobiliser les acteurs de la prévention et de les inscrire pleinement dans le cadre de la politique de sécurité nouvelle voulue par le gouvernement. Cette action globale cest celle de la politique de la ville. Cest pourquoi, les contrats locaux de sécurité, enrichis si nécessaire dun volet prévention renforcé, ont vocation à sintégrer au contrat de ville.
Enfin, les rencontres de Montpellier ont permis de mettre laccent sur limportance du sentiment dinjustice et les discriminations ressentis par nombre de nos concitoyens. Le sentiment dinsécurité se nourrit fortement de limpression dabandon et dinjustice quéprouvent de nombreux habitants des quartiers populaires et qui leur fait perdre confiance dans nos institutions.
Cest par une implication plus forte des habitants dans la conception et le suivi des politiques publiques, par un renforcement du dialogue entre population et institutions, par un renforcement de la démocratie locale, que nous parviendrons à construire des villes sûres et solidaires. La rencontre nationale des acteurs de léducation « LEducation dans la ville » qui sest tenue les 30 et 31 mars à Tours a souligné la nécessité du mouvement et du débat didées autour des questions éducatives.
La présence de quatre de mes collègues du gouvernement, Marie George Buffet, Ségolène Royal et Catherine Trautmann et Claude Allègre atteste de la résolution du gouvernement à lutter contre toutes les formes dexclusion des enfants et de jeunes.
Les travaux ont fait fortement apparaître que léducation est une responsabilité partagée dans nos villes. La place essentielle de fédérateur des élus a été affirmée ainsi que la nécessité dun renforcement du travail en commun pour élaborer un projet éducatif local.
A cet égard, le texte de cadrage conjoint éducation nationale et ville, dont jai annoncé la préparation à loccasion de cette rencontre, permettra de créer les conditions dun partenariat au quotidien.
Jai par ailleurs demandé que dans chaque contrat de ville un programme prioritaire de jeunesse citoyenne permette de porter sur la durée la parole et les projets des enfants et des jeunes.
Je souhaite des projets éducatifs ambitieux pour nos villes, porteurs dune vision large et novatrice de léducation. La prochaine rencontre de ce programme danimation aura lieu les 28 et 29 juin à Nantes sur le thème du développement économique et de lemploi, à la suite du rapport parlementaire que remettront Pierre BOURGUIGNON et Chantal RODRIGO. Ce rapport sur un thème très attendu -et jai toute confiance en eux pour savoir par avance quil sera excellent - sera donc au coeur même des débats et des propositions pour lavenir.
Le premier bilan du pacte de relance, réalisé par trois inspections générales, la montré : dune manière globale, les dispositifs des zones franches urbaines et des zones de redynamisation urbaines nont eu quun impact limité sur le développement économique des quartiers, et surtout sur lemploi. En fait, le dispositif des zones franches na que très légèrement accentué le dynamisme économique préexistant dans les zones bénéficiaires. Par ailleurs, les effets sont très contrastés dune zone à lautre ; et cest surtout là où la politique de la ville était déjà fortement développée que les résultats ont été les meilleurs. Et, même sur les sites où un impact positif a été décelé, le coût du dispositif reste élevé, et les effets pervers nombreux.
Pour lavenir, jai donc souhaité moraliser ces dispositifs, renforcer leur efficacité sociale, et surtout mettre en oeuvre de nouveaux outils. Ce dernier objectif est le sens même de la mission confiée à Pierre BOURGUIGNON et Chantal RODRIGO.
Lobjectif est en fait triple : stimuler lactivité dans nos quartiers, réinscrire ces derniers dans la dynamique économique de lagglomération et permettre aux habitants, notamment les plus jeunes, de pouvoir sintégrer au monde du travail.
Renforcer la lutte contre la ségrégation sociale
Mes différents déplacements sur le terrain et lexpérience des 16 sites de préfiguration des futurs contrats de ville mont convaincu de la nécessité de renforcer la lutte contre les mécanismes de ségrégation à loeuvre dans nos villes et agglomérations.
Bien au-delà même, jai la conviction que nos villes sont aujourdhui à un moment décisif et que cette fin de siècle constitue un tournant majeur pour leur avenir et donc pour léquilibre social du pays.
A partir de trois constats, je voudrais soumettre à votre réflexion, et, au-delà de ce congrès, au débat public, les axes dun combat renforcé contre la ségrégation urbaine. Mesdames et Messieurs, premier constat, vous le savez tous, le logement social connaît une crise, une crise grave. Certains immeubles, certains quartiers dhabitat social, qui étaient autrefois conçus comme une étape dans un parcours résidentiel, sont aujourdhui stigmatisés et rejetés par les habitants. Inexorablement, cette désaffection de la population à légard de certains quartiers et la concentration des populations les plus fragiles, conduit à la ghettoïsation dune partie de nos villes. Et la loi dorientation sur la ville, qui a certes constitué une avancée forte en 1991, na pas permis la pleine intégration du logement social à la ville, en assurant une plus grande mixité sociale.
Second constat : le début de la construction massive de logements sociaux remonte à environ quarante ans, si bien que, dannée en année, une partie très importante du parc HLM devient obsolète. Cela est manifeste dans les grands ensembles qui ont connu peu de transformations urbaines. A la différence dautres quartiers de nos villes, les « cités » HLM ont, il est vrai, peu évolué, ont fait lobjet de peu dopérations durbanisme denvergure. Ils ne se sont pas adaptés aux besoins et aux attentes des habitants qui aspirent à un cadre de vie plus agréable.
Nous sommes aujourdhui quarante ans après le début de la vague massive de construction de logements sociaux qui a vu la réalisation de plus de 1,7 million de logements entre 1960 et 1975. Nous sommes environ vingt ans après le début du programme de 2 million de réhabilitations réalisées entre 1982 et 1997. Certains ensembles ont désormais connu deux voir trois programmes de réhabilitation. Mesdames, messieurs, Le temps de la réparation sachève donc, et doit désormais souvrir celui du renouvellement.
Troisième constat, nous sommes actuellement à un tournant dans lévolution du paysage institutionnel de nos villes. Après les lois sur lintercommunalité et sur laménagement du territoire présentées par Jean-Pierre CHEVENEMENT et Dominique VOYNET, il est clair quun nouveau territoire de solidarité est en train démerger : lagglomération. Cette évolution est en marche. Je lévoquais tout à lheure dans les sites pilotes, mais cest vrai de tous les contrats de ville qui commencent à se préparer. Ces 150 agglomérations doivent devenir demain les territoires dune nouvelle solidarité urbaine.
Au moment où ces trois phénomènes se conjuguent créant en quelque sorte une période propice à une nouvelle dynamique et alors même quils touchent lensemble de nos villes, au moment où de façon plus générale, le fait urbain représente lenjeu de société majeur, il me semble indispensable davoir une ambition politique forte et, en amont, une réflexion collective pour façonner des instruments de politique publique mieux adaptés à ces nouveaux enjeux. Le gouvernement et les collectivités territoriales discutent actuellement de leurs projets pour les sept prochaines années. Cest le moment opportun pour ouvrir le débat et mettre en oeuvre de nouvelles règles du jeu.
Permettez-moi didentifier ici les évolutions que je crois nécessaires dans un avenir proche pour construire ce nouvel outil de lutte contre lapartheid social qui me semble désormais indispensable.
En premier lieu, je crois que nous devons substituer aux obligations mises en place par la loi dorientation sur la ville qui étaient basées sur un critère national, une obligation déquilibre au niveau des agglomérations. Dans le même temps toutes les agglomérations de plus de 50.000 habitants devraient être concernées sur la base dun projet commun obligatoire, élaboré par les élus locaux et lEtat. En second lieu, le projet déquilibre de lhabitat devrait se traduire par des obligations concrètes beaucoup plus précises quaujourdhui en termes de construction de logements sociaux, sans pouvoir sen exonérer par le paiement dune taxe. Le non respect de ces obligations serait sanctionné par des mécanismes de solidarité financière au sein même de lagglomération, création dun fonds de réserve foncier et de construction par prélèvement sur les dotations des communes déficitaires par exemple, et si nécessaire, par un pouvoir de substitution du représentant de lEtat.
Enfin, cette recherche dun meilleur équilibre au sein des agglomérations doit être accélérée par un ambitieux programme de renouvellement urbain.
Pour refaire la ville, pour créer une véritable unité urbaine, il nous faut en effet tout à la fois équilibrer les différentes formes dhabitat sur lensemble de lagglomération et reconquérir le coeur même de ces agglomérations, et donc refuser le rejet et labandon de certains de nos quartiers. Cette volonté politique sinscrit pleinement dans une perspective de développement durable, car elle vise à lutter contre létalement urbain et le développement anarchique des entrées de ville. Il faut redonner à nos quartiers les plus difficiles un attrait social et économique.
Cette volonté politique de refaire la ville sur la ville sinscrit aussi dans une perspective de développement solidaire, car elle vise à retisser le pacte républicain au sein de nos villes. Elle vise à redonner leur dignité à tous les habitants, quels que soient leurs lieux de résidence. Ce plan de lutte contre la ségrégation urbaine que je vous propose, cest avant tout la traduction dune volonté politique affirmée de lEtat, conjuguée à la prise en compte dune avancée nouvelle de la décentralisation. Ce nest pas un grand chantier législatif, cest un projet politique fort, attendu par nos concitoyens et que nous pouvons lancer rapidement. Ce programme de renouvellement urbain que je souhaite lancer devrait comprendre de grands projets de ville, grands chantiers du début du 21ème siècle, qui marqueront notre volonté de refuser la fatalité de lexclusion urbaine. Je souhaite que ce programme soit loccasion de mobiliser les professionnels et cest pourquoi jai mis en place un groupe de travail chargé délaborer une charte de qualité pour ces opérations. Jorganiserai des assises du renouvellement urbain au cours du mois doctobre pour officialiser le lancement de ce programme.
Mesdames, messieurs,
La parole des élus urbains doit être davantage entendue. Les débats récents notamment sur la sécurité ont montré que ce nétait pas encore suffisamment le cas. Aussi ce congrès constitue un moment important du débat indispensable sur lavenir de nos villes. Nous aurons dautres occasions de le prolonger.
Ce sera en particulier le cas à loccasion du dialogue direct que jai souhaité avoir avec les élus pour lancer les nouveaux contrats de ville.
Je compte donc vous retrouver lors des rencontres nationales des élus de la politique de la ville, le jeudi 6 mai, manifestation à laquelle sont également invités lensemble des présidents de conseils régionaux et généraux. Cette rencontre sera loccasion, je nen doute pas, dapprofondir ce débat sur la redynamisation sociale et économique de nos quartiers difficiles, le renouvellement urbain et la mixité sociale, trois objectifs indispensables à un développement durable et solidaire de nos agglomérations.
Mesdames et Messieurs, vous laurez compris, parce quil y a urgence, parce que tous les partenaires discutent actuellement du contenu des futurs contrats de plan Etat-région et que la politique de la ville en constitue une priorité, il nous faut plus que jamais nous mobiliser collectivement pour donner une nouvelle ambition à nos villes. Jai lancé le débat devant vous, je compte sur vous pour lui donner une force plus grande encore dans les prochains mois.
(Source http://www.ville.gouv.fr, le 04 mai 1999)