Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (nos 2331, 2358).
La Conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d'un temps attribué aux groupes de quinze heures. Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : le groupe SRC, quatre heures quinze minutes ; le groupe UMP, six heures vingt minutes ; le groupe UDI, une heure cinquante minutes ; le groupe écologiste, cinquante-cinq minutes ; le groupe RRDP, cinquante-cinq minutes ; le groupe GDR, cinquante minutes. Les députés non inscrits disposent d'un temps de vingt minutes.
Présentation
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur, nous abordons de nouveau un texte qui a fait l'objet de longs débats au sein de la représentation nationale depuis maintenant de nombreuses semaines.
M. Patrick Hetzel. Et ce n'est pas fini !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il porte, dans son texte comme dans son esprit, l'ambition du Gouvernement de réformer profondément nos collectivités territoriales, afin que nous puissions engager le pays dans une modernisation de ses services publics, de la démocratie locale et de ses collectivités publiques locales.
Cette ambition, comme le Premier ministre l'a rappelé à l'occasion de son discours au Sénat, s'articule autour de plusieurs textes, dont certains ont déjà été adoptés par la représentation nationale. Je pense, pour les métropoles, à la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, la loi MAPTAM, qui a donné à notre pays les moyens de créer de grandes métropoles, à l'instar de celles qui peuvent exister au sein de l'Union européenne. Je pense bien entendu au présent texte, qui vise à doter notre pays de grandes régions, à l'instar de celles qui peuvent exister au sein de l'Union européenne, qui ont une véritable capacité d'investissement et de modernisation des territoires dans le domaine des transports de demain, de la transition énergétique, du développement de l'économie numérique ou de l'accompagnement des grandes filières industrielles d'excellence.
Il s'agira également, après que ce texte aura été discuté et, je l'espère, adopté par la représentation nationale, de s'attacher, à travers la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, à clarifier les compétences entre les départements et les régions, et à permettre à l'intercommunalité de monter en puissance, afin que nous disposions d'un tissu de communes mieux dotées d'institutions modernes.
Nous aurons aussi j'insiste sur ce point, car il est essentiel et le ministère de l'intérieur y prendra toute sa part à créer les conditions de la modernisation de l'administration territoriale de l'État. Nous avons engagé dans cet esprit, vous le savez, une revue des missions qui permettra de mieux définir les missions qui incomberont aux administrations centrales de l'État au regard des compétences laissées aux administrations déconcentrées présentes sur les territoires. Nous essayerons de définir les conditions d'un fonctionnement plus interministériel des administrations déconcentrées de l'État, sous l'autorité du préfet, doté de pouvoirs nouveaux, qui ne seront pas pris aux collectivités territoriales rien dans le texte qui vous est présenté ne relève d'une logique de recentralisation mais aux administrations centrales de l'État.
Nous aurons également une charte de la déconcentration, qui permettra, au début de l'année 2015, de définir les conditions dans lesquelles nous réorganisons l'administration de l'État, à travers les pouvoirs conférés en matière de gestion des ressources humaines et de compétence budgétaire, mais aussi à travers la définition de la carte des implantations de l'État au plan infradépartemental je pense notamment à la carte des sous-préfectures et à la carte des maisons de l'État.
Mme Marie-Jo Zimmermann. Voilà.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Voilà la démarche globale dans laquelle nous sommes engagés : de grandes métropoles, trouvant leur pleine et entière place dans de grandes régions que nous nous proposons de constituer, dans un contexte où les compétences des conseils départementaux et des conseils régionaux seront clarifiées, où les intercommunalités monteront en puissance, et où, sur les territoires, une administration déconcentrée de l'État modernisée et interministérialisée jouera le rôle d'affirmation des services publics dont nous avons besoin pour assurer la solidarité là où la relégation, dans les esprits, et parfois dans la réalité, gagne du terrain. Voilà le cadre général.
Pour ce qui concerne plus particulièrement le texte dont nous allons débattre à nouveau dans les heures qui viennent, le Gouvernement je le répète, le Premier ministre ayant eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises nourrit le souhait, et même la volonté, que la discussion permette autant que faire se pourra, et j'aurai la patience d'attendre que l'objectif soit atteint, de parvenir à un compromis, et si possible à un consensus, afin de faire en sorte que sur tous les sujets dont nous aurons à connaître, sur toutes les questions que nous aurons à traiter, nous puissions systématiquement parvenir à trouver, dans le dialogue et le respect de la position de l'autre, les bons équilibres, c'est-à-dire ceux qui permettront de créer ensemble les conditions d'une réforme qui parle au pays et lui permette de se moderniser.
De ce point de vue, ce qui s'est passé au Sénat à l'occasion de la deuxième lecture du texte augure bien de la possibilité que nous avons d'atteindre ensemble cet objectif.
Chacun se souvient qu'en première lecture, les sénateurs n'avaient pas souhaité aller au-delà de l'examen de l'article 1er, qu'ils n'avaient pas voté, rendant ainsi sans objet la discussion sur le reste du texte. Mais à l'occasion de la deuxième lecture, ils ont souhaité s'emparer du sujet. Ils ont donc examiné la carte ; ils en ont débattu longuement, et ils ont fini par déterminer ensemble une carte différente de celle adoptée par l'Assemblée en première lecture.
Vous avez souhaité apporter des modifications au texte adopté par le Sénat, en raison de vos préférences, de vos options et de vos orientations, et au terme d'un travail extrêmement approfondi réalisé sous l'égide de la commission des lois. Je remercie son président, Jean-Jacques Urvoas, mais également son rapporteur, Carlos Da Silva, qui a conduit un travail remarquable, avec vous tous, pour faire en sorte que le texte soit approfondi, amendé, et « monte en gamme ». Il n'était pas seul : il a eu à ses côtés des parlementaires de la majorité et de l'opposition. Dans la majorité, je tiens notamment à saluer le travail d'Hugues Fourage ; je remercie aussi les députés de l'opposition, puisque j'ai pu constater dans les comptes rendus des débats de la commission que comme dans la majorité, chacun avait pris sa part à l'amélioration de ce texte.
Les modifications que vous avez apportées au texte adopté par le Sénat sont les suivantes. Vous avez d'abord décidé de réunir de nouveau Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. C'est une sage décision que vous avez prise. Permettez-moi de donner quelques éléments statistiques, même si une réforme des territoires ne peut se réduire à des données démographiques et statistiques. Les régions françaises comptent en moyenne 2,5 millions d'habitants. En Allemagne, la population moyenne des Länder s'élève à 5,3 millions d'habitants, et en Italie, celle des régions hors régions à statut particulier à un peu plus de 4 millions d'habitants.
Ce que nous allons obtenir, grâce à cette réforme, ce sont des régions dont la taille correspondra aux standards existant dans les autres pays de l'Union européenne, où la population moyenne des régions est légèrement supérieure à 4,4 millions de personnes.
La région résultant du rassemblement de Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées, comptera, pour ce qui la concerne, des métropoles solides, mais l'enjeu est plus vaste. En effet, ces deux régions ont appris depuis longtemps à travailler ensemble et ont décidé d'unir leurs forces dans un certain nombre de domaines. Des pôles de compétitivité ont pris une dimension interrégionale. Certains enjeux liés aux transports concernent l'une et l'autre région. La région nouvelle, qui comptera un peu plus de cinq millions d'habitants et abritera en son sein des villes puissantes, sera dotée de six pôles de compétitivité parmi les plus forts de France, dont certains auront une dimension mondiale, et comportera quarante-trois laboratoires de recherche.
Si nous créons les conditions de cette réforme régionale, c'est parce que nous voulons que, dans les domaines de la recherche, du transfert de technologies et des investissements stratégiques dont le pays a besoin dans les secteurs que j'ai précédemment évoqués : le numérique, les transports de demain, la transition énergétique et l'accompagnement des filières d'excellence les régions aient la taille critique qui leur permette de procéder à ces investissements, de faire ces choix de développement et de croissance. Il leur faut pour cela disposer de suffisamment de laboratoires, de plateformes de transferts de technologies et de relations nouées entre le monde de la recherche fondamentale et le monde de l'entreprise. Nous pourrons ainsi faire monter en gamme nos produits industriels et réussir notre pari de la compétitivité.
C'est cela qui a présidé aux choix de votre commission, comme l'attestent les débats qui l'ont inspirée, en ce qui concerne la révision de la carte présentée par le Sénat dans la partie méridionale de notre pays : je veux parler du rassemblement de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon.
Vous avez également voulu reconstituer la grande région Est. Je sais que cette question se posait, après que le Sénat a fait d'autres choix, notamment s'agissant de l'Alsace.
Mme Sophie Rohfritsch. Excellents choix !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C'est un sujet qui ne doit pas être occulté de nos débats. Comme le disait l'historien Jean-Marie Mayeur, l'Alsace est une « région mémoire »
M. André Schneider et M. Claude Sturni. Eh oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. qui a une profonde conscience de ce que sont ses racines, de ce qu'est son histoire, du rôle qu'elle a pu jouer dans les moments qui ont compté parmi les plus difficiles de l'histoire de France, avec ses héros, ses leaders et ses élus valeureux. En même temps, l'Alsace n'est pas que cela : elle est aussi un territoire de projets et d'investissements, sur lequel une grande ville Strasbourg a affirmé sa vocation de capitale européenne en accueillant en son sein le Parlement européen et des institutions européennes. Nous devons considérer cette dernière comme une ville à l'égale de ses homologues françaises mais aussi comme une ville à part, compte tenu de son statut particulier de capitale européenne, auquel nous devons prêter attention.
Je suis convaincu, pour ma part nous aurons l'occasion d'en débattre tout au long de l'examen de ce texte que l'Alsace ne perdra pas de son âme et de sa force dans un ensemble plus vaste (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)
Mme Sophie Rohfritsch. Mais si !
M. Éric Straumann. Lisez Le Monde d'aujourd'hui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. qui lui permettra de se tourner vers les grandes régions de l'est de l'Europe, et notamment les Länder allemands, avec lesquels l'Alsace a pris l'habitude de travailler. Je ne crois pas que Strasbourg sera moins forte demain, comme capitale d'une grande région, comme capitale européenne, qu'elle ne le serait comme capitale d'une région de moindre dimension.
M. Patrick Hetzel. Ce n'est pas le sujet !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous devons pouvoir traiter ces sujets ensemble, sereinement, dans le respect des positions de chacun, dans le respect de l'histoire de l'Alsace et de sa vocation européenne, et c'est animé par cette volonté que le Gouvernement abordera cette discussion.
M. Éric Straumann. Il n'y a pas de discussion !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. J'en viens à d'autres sujets que vous avez décidé de traiter au sein de la commission des lois, qui ont fait l'objet de discussions entre vous et dont le rapporteur s'est emparé.
Le premier d'entre eux est de savoir comment nous garantirons la représentation des petits départements dans les grandes régions. C'est un sujet qui a beaucoup occupé le Sénat et le groupe RRDP de l'Assemblée nationale, auquel je veux d'ailleurs rendre hommage pour la contribution qu'il a apportée à nos débats.
Il avait été voté à l'Assemblée nationale, en première lecture, un amendement qui garantissait que les petits départements des grandes régions nouvellement constituées auraient au moins deux représentants, ce qui leur garantissait un niveau de représentation différent de celui qu'aurait assuré l'application mécanique des modèles résultant de la fusion. Le Sénat a décidé d'aller au-delà de cet effort effectué par l'Assemblée nationale, en portant à cinq, au moins, le nombre de représentants, au conseil régional, des petits départements des grandes régions. Tout en comprenant parfaitement la logique de cet amendement, nous étions convaincus qu'il posait des problèmes de nature constitutionnelle. Aussi la décision de votre commission de revenir sur cet amendement nous paraît-elle justifiée.
Le texte, à l'instar de la réforme elle-même, veille à ce que la fusion des régions, la réforme de la carte des régions en France, ne soit pas animée par la volonté de démanteler les régions existantes. Il n'en reste pas moins que des interrogations se sont exprimées sur plusieurs bancs. Il a notamment été proposé qu'au terme de cette réforme, qui n'a pas vocation à remettre en cause l'architecture des régions telles qu'elles existent aujourd'hui, la possibilité puisse être offerte aux collectivités locales concernées de tenir un débat, au terme duquel, une fois qu'une majorité se sera exprimée, des évolutions pourront éventuellement être mises en uvre. Il s'agit de déterminer le niveau de cette majorité ; pour votre part, vous avez décidé de maintenir une majorité qualifiée des trois cinquièmes. À l'occasion du débat qui se tiendra d'ici quelques heures sur ce sujet, le Gouvernement exprimera très clairement sa position, comme il le fera sur les autres questions.
Le troisième sujet est la date des élections, notamment départementales. Il avait été envisagé de faire coïncider les élections départementales et régionales à la fin 2015, considérant que les conseils départementaux avaient, dans la mouture initiale, vocation à disparaître, et que dès lors, aux termes de la loi NOTRe, il était logique d'organiser ensemble les deux élections. Mais dès lors que le Premier ministre, soucieux d'entendre la représentation nationale et les territoires, a indiqué au Sénat qu'une partie non négligeable des conseils départementaux aurait vocation à demeurer, pour éviter le sentiment de relégation des territoires ruraux ; considérant en outre que les élections départementales ont déjà été reportées une fois ; il apparaissait donc difficile de procéder au report tel qu'initialement envisagé. C'est pourquoi il est proposé d'organiser des élections départementales en mars prochain, comme on l'avait d'abord prévu.
Enfin, le nombre des conseillers régionaux et les conditions de leur rémunération est un sujet qui a également été traité par la commission, sur lequel le Gouvernement exprimera bien volontiers sa position.
Nous sommes soucieux de faire en sorte que les débats que nous avons eus sur le calendrier électoral ne pénalisent pas les candidats, qui ont vocation à assurer, dans les conditions de transparence qui prévalent toujours, le financement de leur campagne électorale dans des conditions respectueuses de la législation en la matière, notamment celle relative à l'ouverture des comptes de campagne. De ce point de vue, nous aurons aussi, sur ce sujet, à débattre et à arrêter la position la plus stable et la plus pertinente possible.
Je ne veux pas être plus long car nous avons déjà débattu et nous débattrons encore, en particulier des amendements, ce qui constituera le point d'orgue de nos échanges.
Ainsi se présentent les choses pour nous. Je forme le vu que la discussion qui va se nouer, au cours des prochaines heures, sur ce texte important, soit la plus respectueuse possible des positions de chacun et qu'elle permette, par l'effet de l'écoute et de la compréhension, de cheminer ensemble pour que ce texte soit, in fine, voté le plus largement possible et engage notre pays sur la voie de la réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 26 novembre 2014
La Conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d'un temps attribué aux groupes de quinze heures. Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : le groupe SRC, quatre heures quinze minutes ; le groupe UMP, six heures vingt minutes ; le groupe UDI, une heure cinquante minutes ; le groupe écologiste, cinquante-cinq minutes ; le groupe RRDP, cinquante-cinq minutes ; le groupe GDR, cinquante minutes. Les députés non inscrits disposent d'un temps de vingt minutes.
Présentation
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur, nous abordons de nouveau un texte qui a fait l'objet de longs débats au sein de la représentation nationale depuis maintenant de nombreuses semaines.
M. Patrick Hetzel. Et ce n'est pas fini !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il porte, dans son texte comme dans son esprit, l'ambition du Gouvernement de réformer profondément nos collectivités territoriales, afin que nous puissions engager le pays dans une modernisation de ses services publics, de la démocratie locale et de ses collectivités publiques locales.
Cette ambition, comme le Premier ministre l'a rappelé à l'occasion de son discours au Sénat, s'articule autour de plusieurs textes, dont certains ont déjà été adoptés par la représentation nationale. Je pense, pour les métropoles, à la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, la loi MAPTAM, qui a donné à notre pays les moyens de créer de grandes métropoles, à l'instar de celles qui peuvent exister au sein de l'Union européenne. Je pense bien entendu au présent texte, qui vise à doter notre pays de grandes régions, à l'instar de celles qui peuvent exister au sein de l'Union européenne, qui ont une véritable capacité d'investissement et de modernisation des territoires dans le domaine des transports de demain, de la transition énergétique, du développement de l'économie numérique ou de l'accompagnement des grandes filières industrielles d'excellence.
Il s'agira également, après que ce texte aura été discuté et, je l'espère, adopté par la représentation nationale, de s'attacher, à travers la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, à clarifier les compétences entre les départements et les régions, et à permettre à l'intercommunalité de monter en puissance, afin que nous disposions d'un tissu de communes mieux dotées d'institutions modernes.
Nous aurons aussi j'insiste sur ce point, car il est essentiel et le ministère de l'intérieur y prendra toute sa part à créer les conditions de la modernisation de l'administration territoriale de l'État. Nous avons engagé dans cet esprit, vous le savez, une revue des missions qui permettra de mieux définir les missions qui incomberont aux administrations centrales de l'État au regard des compétences laissées aux administrations déconcentrées présentes sur les territoires. Nous essayerons de définir les conditions d'un fonctionnement plus interministériel des administrations déconcentrées de l'État, sous l'autorité du préfet, doté de pouvoirs nouveaux, qui ne seront pas pris aux collectivités territoriales rien dans le texte qui vous est présenté ne relève d'une logique de recentralisation mais aux administrations centrales de l'État.
Nous aurons également une charte de la déconcentration, qui permettra, au début de l'année 2015, de définir les conditions dans lesquelles nous réorganisons l'administration de l'État, à travers les pouvoirs conférés en matière de gestion des ressources humaines et de compétence budgétaire, mais aussi à travers la définition de la carte des implantations de l'État au plan infradépartemental je pense notamment à la carte des sous-préfectures et à la carte des maisons de l'État.
Mme Marie-Jo Zimmermann. Voilà.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Voilà la démarche globale dans laquelle nous sommes engagés : de grandes métropoles, trouvant leur pleine et entière place dans de grandes régions que nous nous proposons de constituer, dans un contexte où les compétences des conseils départementaux et des conseils régionaux seront clarifiées, où les intercommunalités monteront en puissance, et où, sur les territoires, une administration déconcentrée de l'État modernisée et interministérialisée jouera le rôle d'affirmation des services publics dont nous avons besoin pour assurer la solidarité là où la relégation, dans les esprits, et parfois dans la réalité, gagne du terrain. Voilà le cadre général.
Pour ce qui concerne plus particulièrement le texte dont nous allons débattre à nouveau dans les heures qui viennent, le Gouvernement je le répète, le Premier ministre ayant eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises nourrit le souhait, et même la volonté, que la discussion permette autant que faire se pourra, et j'aurai la patience d'attendre que l'objectif soit atteint, de parvenir à un compromis, et si possible à un consensus, afin de faire en sorte que sur tous les sujets dont nous aurons à connaître, sur toutes les questions que nous aurons à traiter, nous puissions systématiquement parvenir à trouver, dans le dialogue et le respect de la position de l'autre, les bons équilibres, c'est-à-dire ceux qui permettront de créer ensemble les conditions d'une réforme qui parle au pays et lui permette de se moderniser.
De ce point de vue, ce qui s'est passé au Sénat à l'occasion de la deuxième lecture du texte augure bien de la possibilité que nous avons d'atteindre ensemble cet objectif.
Chacun se souvient qu'en première lecture, les sénateurs n'avaient pas souhaité aller au-delà de l'examen de l'article 1er, qu'ils n'avaient pas voté, rendant ainsi sans objet la discussion sur le reste du texte. Mais à l'occasion de la deuxième lecture, ils ont souhaité s'emparer du sujet. Ils ont donc examiné la carte ; ils en ont débattu longuement, et ils ont fini par déterminer ensemble une carte différente de celle adoptée par l'Assemblée en première lecture.
Vous avez souhaité apporter des modifications au texte adopté par le Sénat, en raison de vos préférences, de vos options et de vos orientations, et au terme d'un travail extrêmement approfondi réalisé sous l'égide de la commission des lois. Je remercie son président, Jean-Jacques Urvoas, mais également son rapporteur, Carlos Da Silva, qui a conduit un travail remarquable, avec vous tous, pour faire en sorte que le texte soit approfondi, amendé, et « monte en gamme ». Il n'était pas seul : il a eu à ses côtés des parlementaires de la majorité et de l'opposition. Dans la majorité, je tiens notamment à saluer le travail d'Hugues Fourage ; je remercie aussi les députés de l'opposition, puisque j'ai pu constater dans les comptes rendus des débats de la commission que comme dans la majorité, chacun avait pris sa part à l'amélioration de ce texte.
Les modifications que vous avez apportées au texte adopté par le Sénat sont les suivantes. Vous avez d'abord décidé de réunir de nouveau Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. C'est une sage décision que vous avez prise. Permettez-moi de donner quelques éléments statistiques, même si une réforme des territoires ne peut se réduire à des données démographiques et statistiques. Les régions françaises comptent en moyenne 2,5 millions d'habitants. En Allemagne, la population moyenne des Länder s'élève à 5,3 millions d'habitants, et en Italie, celle des régions hors régions à statut particulier à un peu plus de 4 millions d'habitants.
Ce que nous allons obtenir, grâce à cette réforme, ce sont des régions dont la taille correspondra aux standards existant dans les autres pays de l'Union européenne, où la population moyenne des régions est légèrement supérieure à 4,4 millions de personnes.
La région résultant du rassemblement de Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées, comptera, pour ce qui la concerne, des métropoles solides, mais l'enjeu est plus vaste. En effet, ces deux régions ont appris depuis longtemps à travailler ensemble et ont décidé d'unir leurs forces dans un certain nombre de domaines. Des pôles de compétitivité ont pris une dimension interrégionale. Certains enjeux liés aux transports concernent l'une et l'autre région. La région nouvelle, qui comptera un peu plus de cinq millions d'habitants et abritera en son sein des villes puissantes, sera dotée de six pôles de compétitivité parmi les plus forts de France, dont certains auront une dimension mondiale, et comportera quarante-trois laboratoires de recherche.
Si nous créons les conditions de cette réforme régionale, c'est parce que nous voulons que, dans les domaines de la recherche, du transfert de technologies et des investissements stratégiques dont le pays a besoin dans les secteurs que j'ai précédemment évoqués : le numérique, les transports de demain, la transition énergétique et l'accompagnement des filières d'excellence les régions aient la taille critique qui leur permette de procéder à ces investissements, de faire ces choix de développement et de croissance. Il leur faut pour cela disposer de suffisamment de laboratoires, de plateformes de transferts de technologies et de relations nouées entre le monde de la recherche fondamentale et le monde de l'entreprise. Nous pourrons ainsi faire monter en gamme nos produits industriels et réussir notre pari de la compétitivité.
C'est cela qui a présidé aux choix de votre commission, comme l'attestent les débats qui l'ont inspirée, en ce qui concerne la révision de la carte présentée par le Sénat dans la partie méridionale de notre pays : je veux parler du rassemblement de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon.
Vous avez également voulu reconstituer la grande région Est. Je sais que cette question se posait, après que le Sénat a fait d'autres choix, notamment s'agissant de l'Alsace.
Mme Sophie Rohfritsch. Excellents choix !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C'est un sujet qui ne doit pas être occulté de nos débats. Comme le disait l'historien Jean-Marie Mayeur, l'Alsace est une « région mémoire »
M. André Schneider et M. Claude Sturni. Eh oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. qui a une profonde conscience de ce que sont ses racines, de ce qu'est son histoire, du rôle qu'elle a pu jouer dans les moments qui ont compté parmi les plus difficiles de l'histoire de France, avec ses héros, ses leaders et ses élus valeureux. En même temps, l'Alsace n'est pas que cela : elle est aussi un territoire de projets et d'investissements, sur lequel une grande ville Strasbourg a affirmé sa vocation de capitale européenne en accueillant en son sein le Parlement européen et des institutions européennes. Nous devons considérer cette dernière comme une ville à l'égale de ses homologues françaises mais aussi comme une ville à part, compte tenu de son statut particulier de capitale européenne, auquel nous devons prêter attention.
Je suis convaincu, pour ma part nous aurons l'occasion d'en débattre tout au long de l'examen de ce texte que l'Alsace ne perdra pas de son âme et de sa force dans un ensemble plus vaste (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)
Mme Sophie Rohfritsch. Mais si !
M. Éric Straumann. Lisez Le Monde d'aujourd'hui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. qui lui permettra de se tourner vers les grandes régions de l'est de l'Europe, et notamment les Länder allemands, avec lesquels l'Alsace a pris l'habitude de travailler. Je ne crois pas que Strasbourg sera moins forte demain, comme capitale d'une grande région, comme capitale européenne, qu'elle ne le serait comme capitale d'une région de moindre dimension.
M. Patrick Hetzel. Ce n'est pas le sujet !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous devons pouvoir traiter ces sujets ensemble, sereinement, dans le respect des positions de chacun, dans le respect de l'histoire de l'Alsace et de sa vocation européenne, et c'est animé par cette volonté que le Gouvernement abordera cette discussion.
M. Éric Straumann. Il n'y a pas de discussion !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. J'en viens à d'autres sujets que vous avez décidé de traiter au sein de la commission des lois, qui ont fait l'objet de discussions entre vous et dont le rapporteur s'est emparé.
Le premier d'entre eux est de savoir comment nous garantirons la représentation des petits départements dans les grandes régions. C'est un sujet qui a beaucoup occupé le Sénat et le groupe RRDP de l'Assemblée nationale, auquel je veux d'ailleurs rendre hommage pour la contribution qu'il a apportée à nos débats.
Il avait été voté à l'Assemblée nationale, en première lecture, un amendement qui garantissait que les petits départements des grandes régions nouvellement constituées auraient au moins deux représentants, ce qui leur garantissait un niveau de représentation différent de celui qu'aurait assuré l'application mécanique des modèles résultant de la fusion. Le Sénat a décidé d'aller au-delà de cet effort effectué par l'Assemblée nationale, en portant à cinq, au moins, le nombre de représentants, au conseil régional, des petits départements des grandes régions. Tout en comprenant parfaitement la logique de cet amendement, nous étions convaincus qu'il posait des problèmes de nature constitutionnelle. Aussi la décision de votre commission de revenir sur cet amendement nous paraît-elle justifiée.
Le texte, à l'instar de la réforme elle-même, veille à ce que la fusion des régions, la réforme de la carte des régions en France, ne soit pas animée par la volonté de démanteler les régions existantes. Il n'en reste pas moins que des interrogations se sont exprimées sur plusieurs bancs. Il a notamment été proposé qu'au terme de cette réforme, qui n'a pas vocation à remettre en cause l'architecture des régions telles qu'elles existent aujourd'hui, la possibilité puisse être offerte aux collectivités locales concernées de tenir un débat, au terme duquel, une fois qu'une majorité se sera exprimée, des évolutions pourront éventuellement être mises en uvre. Il s'agit de déterminer le niveau de cette majorité ; pour votre part, vous avez décidé de maintenir une majorité qualifiée des trois cinquièmes. À l'occasion du débat qui se tiendra d'ici quelques heures sur ce sujet, le Gouvernement exprimera très clairement sa position, comme il le fera sur les autres questions.
Le troisième sujet est la date des élections, notamment départementales. Il avait été envisagé de faire coïncider les élections départementales et régionales à la fin 2015, considérant que les conseils départementaux avaient, dans la mouture initiale, vocation à disparaître, et que dès lors, aux termes de la loi NOTRe, il était logique d'organiser ensemble les deux élections. Mais dès lors que le Premier ministre, soucieux d'entendre la représentation nationale et les territoires, a indiqué au Sénat qu'une partie non négligeable des conseils départementaux aurait vocation à demeurer, pour éviter le sentiment de relégation des territoires ruraux ; considérant en outre que les élections départementales ont déjà été reportées une fois ; il apparaissait donc difficile de procéder au report tel qu'initialement envisagé. C'est pourquoi il est proposé d'organiser des élections départementales en mars prochain, comme on l'avait d'abord prévu.
Enfin, le nombre des conseillers régionaux et les conditions de leur rémunération est un sujet qui a également été traité par la commission, sur lequel le Gouvernement exprimera bien volontiers sa position.
Nous sommes soucieux de faire en sorte que les débats que nous avons eus sur le calendrier électoral ne pénalisent pas les candidats, qui ont vocation à assurer, dans les conditions de transparence qui prévalent toujours, le financement de leur campagne électorale dans des conditions respectueuses de la législation en la matière, notamment celle relative à l'ouverture des comptes de campagne. De ce point de vue, nous aurons aussi, sur ce sujet, à débattre et à arrêter la position la plus stable et la plus pertinente possible.
Je ne veux pas être plus long car nous avons déjà débattu et nous débattrons encore, en particulier des amendements, ce qui constituera le point d'orgue de nos échanges.
Ainsi se présentent les choses pour nous. Je forme le vu que la discussion qui va se nouer, au cours des prochaines heures, sur ce texte important, soit la plus respectueuse possible des positions de chacun et qu'elle permette, par l'effet de l'écoute et de la compréhension, de cheminer ensemble pour que ce texte soit, in fine, voté le plus largement possible et engage notre pays sur la voie de la réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 26 novembre 2014