Interview de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique, à RMC/BFM TV le 16 juin 2015, sur le gel du point d'indice dans la fonction publique, la revalorisation des carrières, l'utilisation de l'article 49-3 en deuxième lecture du projet de loi Macron et les contours du projet de loi de déontologie pour les fonctionnaires.

Prononcé le

Média : BFM TV - Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invitée ce matin, Marylise LEBRANCHU, ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique. Bonjour.
MARYLISE LEBRANCHU
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La Fonction publique, parlons-en, cinq millions deux cent ou trois cent mille fonctionnaires, trois Fonctions publiques, on ne va pas entrer dans les détails, première question toute simple : vous allez revaloriser les carrières des fonctionnaires, mais aussi les traitements des fonctionnaires, oui ou non ?
MARYLISE LEBRANCHU
Oui, bien sûr. Parce que, il faut savoir de qui on parle, on parle de notre sécurité, on parle de notre Education, on parle de notre Santé, les fonctionnaires portent ce modèle fort de la France, qui fait d'ailleurs l'attractivité de la France. Donc on parle de fonctionnaires qui depuis 2010 ont eu un gel du point d'indice, c'est-à-dire un gel des salaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que le gel va être maintenu ?
MARYLISE LEBRANCHU
Alors, il faut rappeler ce que ça veut dire d'abord, parce que, entre 2010 et la fin de cette année, sept milliards d'économies ont été faites par les fonctionnaires…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur le dos des fonctionnaires ?
MARYLISE LEBRANCHU
Oh, sur le dos des fonctionnaires, oui, si vous voulez, si l'expression vous convient. Non, ils ont accepté, parce qu'au fond, ils ont accepté cette économie, et moi, je pense qu'il est temps d'avoir une… comment dire… une rémunération des fonctionnaires plus juste. Cette rémunération aujourd'hui n'est pas juste.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, on va rentrer dans les propositions que vous faites.
MARYLISE LEBRANCHU
On va rentrer dans des propositions intéressantes, j'espère pour eux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, alors on va entrer dans les propositions, je vais un peu vous guider, Marylise LEBRANCHU…
MARYLISE LEBRANCHU
Oui, je le sens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous allez répondre à mes questions. Première question : le gel de l'indice est maintenu ? Est-il maintenu ?
MARYLISE LEBRANCHU
Alors, au jour où je vous parle, oui, vous savez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jusqu'à quand ?
MARYLISE LEBRANCHU
Le Premier ministre et le président de la République ont été très clairs, si la croissance repart, on remet effectivement ce dossier du gel du point d'indice sur la table, mais il faut être très clair, moi, avec les syndicats, je vais dire quoi aujourd'hui ? Je vous propose une refonte des grilles, on va sans doute y revenir, en tout cas, j'espère…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je vais y revenir…
MARYLISE LEBRANCHU
Je vous propose une refonte des grilles, et je vous donne un rendez-vous au printemps 2016, on verra comment nous sommes à ce moment-là, et on regardera de près, y compris le point d'indice…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, ça veut dire, je m'arrête sur ce point…
MARYLISE LEBRANCHU
On ne se ferme aucune porte, mais nous sommes extrêmement prudents. Moi, j'appartiens à un gouvernement qui est obligé d'absorber le doublement de la dette et c'est très difficile, donc nous sommes extrêmement prudents. Il y a effectivement un petit peu de croissance, on se donnera un rendez-vous sur l'entièreté des rémunérations…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire rendez-vous dans un an ? Attendez, attendez, rendez-vous dans un an…
MARYLISE LEBRANCHU
Absolument, j'attends.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Rendez-vous dans un an, si dans un an, il y a eu de la croissance en 2015, le gel, il n'y aura plus de gel des traitements…
MARYLISE LEBRANCHU
Il faudra regarder…
JEAN-JACQUES BOURDIN
A partir de 2016 ?
MARYLISE LEBRANCHU
Il faudra regarder…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que si la croissance est de... on ne sait jamais…
MARYLISE LEBRANCHU
Mais on ne va pas passer notre émission sur le point d'indice, parce que 2016, c‘est de l'anticipation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, mais si elle était à 1.5 point, oui, non, mais d'accord, mais l'anticipation, c'est le rôle du politique !
MARYLISE LEBRANCHU
Vous avez raison, en partie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marylise LEBRANCHU, en partie !
MARYLISE LEBRANCHU
En partie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dites-moi, imaginons qu'il y ait une croissance de 1.5 point sur cette année 2015 ?
MARYLISE LEBRANCHU
Alors, sur le point d'indice, je ne donnerai aucun chiffre, parce que je ne fais jamais de politique-fiction, vous le savez, mais je dis simplement aux fonctionnaires, 1°) : ça fait trente ans qu'on n'a pas revu la grille, la grille, elle est obsolète, elle est archaïque, elle n'est pas juste. Il faut qu'elle redevienne plus juste. 2°) : au printemps 2016, on verra ensemble, moi, j'aurais ou pas un mandat du gouvernement pour aller à tel ou tel niveau, si la croissance est repartie, parce que nous sommes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si la croissance est repartie, on abandonne le gel ?
MARYLISE LEBRANCHU
Nous parlerons effectivement d'abandonner le gel, même si je ne veux pas laisser filer d'illusion, ce ne sera jamais une forte somme ou un fort pourcentage…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, alors regardons maintenant comment vous allez revaloriser les carrières des fonctionnaires, qu'est-ce que vous allez leur proposer ?
MARYLISE LEBRANCHU
Les fonctionnaires, on va prendre le cas par exemple d'une assistante maternelle, tout le monde connaît, elle démarre à 1.187 euros nets, et elle va atteindre 1.450 euros nets, elle aura une quarantaine d'années, un peu plus, elle a une sorte de plafond de verre, tous les fonctionnaires ont un plafond comme ça, au bout d'une vingtaine d'années, ça ne bouge pas, ça ne bouge plus. Donc moi, je leur propose de remonter, c'est-à-dire que, on va, métier par métier, carrière par carrière, dans la grille, on va vraiment décortiquer tous les parcours des fonctionnaires, on va leur permettre d'aller plus haut, ce sera plus juste, mais ce sera un temps plus long, c'est-à-dire que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera un temps plus long…
MARYLISE LEBRANCHU
Au lieu d'atteindre ce plafond qui est atteint entre 40 et 45 ans, eh bien, ce sera un peu plus tard, mais la carrière va être plus intéressante, et je fais en même temps autre chose, je pense que, aujourd'hui, à l'embauche, c'est-à-dire, au moment où on a réussi son concours, c'est un concours, c'est difficile, au moment où on a… le premier salaire, c'est très bas, je vous disais : l'assistante maternelle, c'est 1.145, l'assistante sociale, c'est 1.200, on est à peine plus pour un prof ou une infirmière, etc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est même en dessous du Smic parfois.
MARYLISE LEBRANCHU
Voilà, il faut revaloriser le bas de carrière et la durée de carrière. Donc il y a une contrepartie qui est l'allongement de la carrière.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors vous allez revaloriser – alors, on va parler de l'allongement de la carrière, la contrepartie – mais je voudrais parler de la revalorisation, à la base, à l'embauche, vous allez revaloriser de combien ?
MARYLISE LEBRANCHU
Alors, moi, ce que je vais vous dire, parce que, il y a plein de chiffres différents, parce que ça va se faire sur un long temps, on démarre aujourd'hui, on est en 2015, la signature, je l'espère, interviendra en septembre, et je me donne jusqu'à 2020, c'est-à-dire que, une fois que c'est signé, 2017 ne sera pas une barrière ni positive ni négative – ce sera signé – positive, sait-on jamais. Mais 2017 à 2020, entre 30, 40 euros par mois, et 65, 70…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Entre 30 et 40 euros par mois…
MARYLISE LEBRANCHU
En 2020 !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jusqu'à 70 euros par mois en 2020…
MARYLISE LEBRANCHU
A peu près…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Etalé donc de maintenant, attendez…
MARYLISE LEBRANCHU
A peu près, alors, je fais une faute, parce que je n'aurais jamais dû vous dire ça avant de le dire aux fonctionnaires, mais c'est à peu près ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais non, mais non…
MARYLISE LEBRANCHU
Etalé donc sur leur carrière…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Etalé, attendez, attendez, que ce soit très clair, aujourd'hui, je suis fonctionnaire, 2015, je commence…
MARYLISE LEBRANCHU
Demain, il ne se passera rien demain matin…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il ne va rien se passer, je commence ma carrière, il ne va rien se passer dans les premiers mois qui viennent, là ?
MARYLISE LEBRANCHU
Voilà, non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça commencera quand ma revalorisation ?
MARYLISE LEBRANCHU
La négociation, c'est que, on fasse le premier pas pour tout le monde en 2017, mais un vrai pas en 2017, c'est-à-dire que, moi, je suis obligée d'être extrêmement lucide par rapport à ma dépense et à la dette de la France. Je veux rester très lucide, donc j'ai un mandat qui me permet de faire cette proposition, d'en discuter jusqu'en septembre avec les fonctionnaires, j'ai envie de vous dire, il y a beaucoup de points à regarder, d'allonger la carrière, mais de donner une carrière plus intéressante…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc au départ…
MARYLISE LEBRANCHU
Vous savez, si on ne fait pas ça, il y a un moment donné où ceux qui ont passé des études supérieures importantes, ont passé beaucoup de temps à travailler pour avoir des diplômes, quitteront la Fonction publique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien, ils quittent la Fonction publique…
MARYLISE LEBRANCHU
Des infirmiers quitteront la Fonction publique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr.
MARYLISE LEBRANCHU
Donc il est temps de parler de ça, moi, je suis gênée qu'à chaque fois qu'on parle… je suis gênée, je suis même quelquefois outrée, je le dis, qu'on parle des fonctionnaires, on a l'impression encore de parler de privilégiés, Bruno Le MAIRE, ici, je crois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui, avec moi, même…
MARYLISE LEBRANCHU
Disait : je voudrais que les fonctionnaires cotisent autant pour leur retraite que les salariés du privé. Eh bien, il faut qu'il lise ce qu'il a fait, y compris en 2010, décision a été prise en 2010 que les fonctionnaires cotiseront autant que les salariés du privé. Mais comme il y avait le gel du point d'indice, on a fait cette augmentation de plus de 11 points de cotisations tranquillement, année après année. Aujourd'hui, il se passe quoi ? J'ai des fonctionnaires qui cotisent pour 0,4 % de plus cette année, avant de re-cotiser encore plus l'année prochaine, et qui ont une baisse du salaire net en bas de la feuille de paie, il n'y a pas beaucoup de salariés du privé qui connaissent cela. Or, le modèle français, il est assis sur ces hommes et ces femmes qui assurent la cohésion de notre société. Donc j'aimerais bien que Bruno Le MAIRE ne dise pas des choses fausses.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pour résumer, je résume tout, vous allez me dire si je me trompe…
MARYLISE LEBRANCHU
Je vois si vous avez compris…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va voir. Donc on va voir si j'ai tout compris. 2016, premier point, concernant le gel, s'il y a eu de la croissance, on casse le gel, bon…
MARYLISE LEBRANCHU
On verra…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Deuxième chose…
MARYLISE LEBRANCHU
On verra…
JEAN-JACQUES BOURDIN
En ce qui concerne la revalorisation des carrières, entre 2017 et 2020, le fonctionnaire qui débute verra sa rémunération augmenter entre 30 et 70 euros par mois…
MARYLISE LEBRANCHU
Voilà, c'est-à-dire, enfin, pas au début de sa carrière…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas au début, mais…
MARYLISE LEBRANCHU
A la fin de sa carrière, c'est-à-dire que, on va étaler cette augmentation, c'est pour ça que je vous dis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Etaler cette augmentation…
MARYLISE LEBRANCHU
Tout chiffre est dangereux, pourquoi ? Parce que ça dépend…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez, quand vous regardez votre fiche de paie, vous regardez les chiffres quand même !
MARYLISE LEBRANCHU
Et ils ont raison de la regarder, mais ce que je veux faire passer comme message, c'est que, bien sûr, ce n'est pas une augmentation énorme, mais pour la première fois depuis trente ans, on revient sur des grilles qui aujourd'hui sont archaïques, et on remet de la justice, parce que, quand on a 42, 43, 44, 45 ans, et que, on sait que jusqu'à la fin de la carrière, on n'aura plus d'augmentation, sinon, celle du point d'indice éventuelle, vous comprenez, c'est difficile, il n'y a plus de motivation, et moi, j'ai envie de motiver mes fonctionnaires…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais j'ai des exemples de fonctionnaires arrivés en fin de carrière à des postes de cadres, catégorie A, qui nous disent : on ne bouge plus, je ne bouge plus depuis deux, trois, quatre ans ! Je ne bouge plus…
MARYLISE LEBRANCHU
Non, voilà, c'est ça, et c'est même quelquefois plus long…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que ces fonctionnaires-là, qui sont en fin de carrière, qui sont cadres dans la Fonction publique, verront, eux aussi, leur rémunération progresser ?
MARYLISE LEBRANCHU
Tous les fonctionnaires verront leur rémunération progresser…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Toutes les catégories ?
MARYLISE LEBRANCHU
Il y a une seule catégorie, c'est les A+++, qui ont des gros régimes indemnitaires, bon, qui vont peut-être moins bouger que d'autres. Mais tout le monde, tout le monde doit bouger. Et ce qui est important à comprendre, c'est que les fonctionnaires ont un traitement et des indemnités, ce qu'on appelle un régime indemnitaire. Comment on va faire cette augmentation ? On va mettre un peu de ce régime indemnitaire dans le traitement. Ce qui veut dire aussi que quelques années après, ils auront un peu plus de retraite, parce qu'on oublie toujours de rappeler aussi que nos fonctionnaires ne voient leur retraite calculée que sur le traitement de base, pas sur les régimes indemnitaires. Une autre personne bien connue d'un Think Tank disait : on n'a qu'à supprimer tous les régimes indemnitaires qui sont cachés et qui sont opaques, ils ne sont ni cachés ni opaques, ils sont publics. Mais c'est vrai que si on faisait tout d'un coup, ce serait une dépense énorme. En revanche, on commence à remettre un petit peu d'indemnitaire dans l'indice, c'est-à-dire que c'est plus juste, voyez, c'est plus juste.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On ne touche toujours pas le calcul des retraites, on n'aligne pas le calcul des retraites des fonctionnaires sur celui du privé ?
MARYLISE LEBRANCHU
Si on prenait le calcul des retraites sur la totalité du traitement tel qu'il est aujourd'hui, traitement plus indemnitaire, ça ferait plaisir aux fonctionnaires parce qu'on ne calcule les retraites que sur leur traitement de base…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pas sur les primes.
MARYLISE LEBRANCHU
Et pas sur le régime indemnitaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le régime indemnitaire, pardon.
MARYLISE LEBRANCHU
Ce qui est important, c'est de rappeler que les fonctionnaires cotisent de la même façon sur leur traitement que les salariés du privé à partir de 2020, donc on a étalé, et qu'ils vont bénéficier d'une carrière plus juste.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, je vais vous parler du 49-3 si vous voulez, Marylise LEBRANCHU.
MARYLISE LEBRANCHU
Si vous voulez.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi ce 49-3 ? Je vois le Front de Gauche qui veut déposer une motion de censure ; n'est-ce pas la preuve que sur ce texte, il n'y a pas de majorité ni à l'Assemblée, ni au Sénat ?
MARYLISE LEBRANCHU
On enfonce une porte ouverte parce que s'il y avait eu une majorité à l'Assemblée et au Sénat, il n'y aurait pas eu de 49-3 la première fois. Le texte a peu bougé. Il y a toujours une discussion sur une application d'une des dispositions du travail du dimanche.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça vous paraît sain d'utiliser le 49-3 ?
MARYLISE LEBRANCHU
Dès le départ, il avait été dit clairement que le 49-3 est utilisé en première et en deuxième lecture. Je ne voyais pas ceux qui s'étaient opposés à la première lecture changer d'avis à la deuxième. On va surtout arrêter parce que le temps passe et il y a un certain nombre de mesures qui ne se mettent pas en place tant que le vote n'a pas eu lieu et le Premier ministre doit gagner du temps pour que les mesures deviennent des réalités.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce soir ou demain matin ? Vous ne connaissez pas le calendrier de l'Assemblée.
MARYLISE LEBRANCHU
Non. Je n'en ai pas parlé, je ne me suis occupée que de l'attractivité du territoire via les fonctionnaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes une femme de gauche.
MARYLISE LEBRANCHU
Oui, profondément de gauche.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Proche de Martine AUBRY, profondément de gauche. Est-ce que vous acceptez le plafonnement des indemnités pour licenciement abusif ?
MARYLISE LEBRANCHU
Je pense que ce qui s'est passé dans notre histoire, c'est que lorsqu'on a, il y a des années, supprimé l'utilisation administrative de licenciement, beaucoup de petites entreprises se sont retrouvées avec des erreurs – erreur de convocation – et sont parties aux prud'hommes. Ça dure extrêmement longtemps et parfois quelques-uns ont des indemnités importantes. Je pense que ce qu'il fallait surtout, c'est remettre de l'ordre dans l'ensemble. Même des syndicalistes qui ne s'exprimeront pas très fort mais qui ont vécu ça comme assistant, une sorte d'avocat aux prud'hommes disent : « C'est beaucoup trop long parce que pendant ce temps-là la personne n'est pas indemnisée ». Les grandes entreprises font toujours appel, les petites subissent les appels, les indemnités n'ont…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc c'est une bonne mesure ce plafonnement ?
MARYLISE LEBRANCHU
Je pense que ce n'est pas une mesure en soi seule.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça ne heurte pas la femme de gauche que vous êtes ? Franchement ? Là, on est vraiment dans la franchise absolue.
MARYLISE LEBRANCHU
Toujours. Je veux que cette mesure soit celle qui permette d'avoir des audiences aux prud'hommes qui débouchent sur quelque chose et pas au bout de plusieurs années. Le moindre recours aux prud'hommes va être bénéfique mais il y a une chose qui est importante. Il faut quand même que les salariés effectivement se battent. Quand il y a des groupes de salariés licenciés et que les uns ont moins d'indemnités et les autres n'ont pas le même nombre de mois, tout ça aussi mériterait qu'on fasse attention. Moi, j'attends autant de ce texte que du patronat français, pour former aussi leur patronat, leurs petits patrons, leurs petits chefs d'entreprise, qui ont beaucoup de difficultés avec des procédures, pour les former aussi à cela, pour éviter ce que l'on connaît malheureusement trop souvent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi est-ce qu'Agnès SAAL n'a pas été limogée ?
MARYLISE LEBRANCHU
Parce que ce n'est pas possible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il paraît que François HOLLANDE a piqué une colère, une grosse colère. Je le rappelle, parce que certains auditeurs ou téléspectateurs ne le savent pas, qu'Agnès SAAL dirigeait, présidait l'Ina, qu'elle avait fait 40 000 euros de frais de taxis en six mois dont plus de 6 000 euros pour son fils alors qu'elle disposait d'une voiture de fonction avec chauffeur.
MARYLISE LEBRANCHU
La procédure disciplinaire doit être engagée. Comme toute personne qui commet une erreur ou une faute dans la société dite civile, il y a d'abord enquête, présomption d'innocence puis condamnation et cætera, c'est la même chose. On appelle une commission, elle a été appelée, il va donc y avoir une commission disciplinaire qui va dire blâme, retrait, suspendue ; il y a des tas, des tas et des tas de peines possibles, ce n'est pas prédéterminée laquelle. En plus, il peut y avoir une plainte aussi au pénal, donc il y a deux procédures.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui pourrait déposer plainte au pénal ? L'Etat ?
MARYLISE LEBRANCHU
L'Ina pourrait déposer plainte.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Ina. Vous pensez que l'Ina doit déposer plainte ? Franchement, honnêtement ?
MARYLISE LEBRANCHU
Honnêtement, si j'étais responsable, je ne déposerai pas de plainte au pénal mais il y aurait une sanction forte. C'est mon avis personnel.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que si vous étiez responsable, vous diriez : l'Ina, non, ne doit pas déposer plainte mais en revanche…
MARYLISE LEBRANCHU
Il faut regarder, parce qu'il faut regarder l'entièreté de la carrière de cette personne. Moi, je ne la connais pas, je ne connais pas sa carrière mais comme elle a remboursé, je pense que maintenant c'est une sanction disciplinaire. Vous savez, je vais déposer une loi de déontologie pour les fonctionnaires bientôt.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, qui va dire quoi ?
MARYLISE LEBRANCHU
Dans cette loi, il y a deux piliers importants. Il y a d'abord le fait que la laïcité rentre dans le droit puisque le fonctionnaire devra porter cette valeur de laïcité, y compris dans son comportement : pas de prosélytisme, pas de signe religieux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas de port de voile quand on est dans la fonction publique.
MARYLISE LEBRANCHU
Voilà, et traitement aussi de l'usager à égalité quelles que soient ses croyances, liberté de croyance, égalité de traitement et fraternité aussi, c'est le respect de l'autre. Et en même temps, dans cette loi qui va dire la force des valeurs républicaines portées par les fonctionnaires, il y a aussi les déclarations d'intérêt, il y a aussi la déontologie. Je pense que pour les fonctionnaires, qui sont des personnes aussi importantes dans notre société que celles qui portent les valeurs et qui sont dans les carrières qu'on vient de décrire ensemble, c'est important aussi de dire exemplarité. Il faut être irréprochable. Tout le monde bien sûr doit être irréprochable, mais plus encore quand on est fonctionnaire et je pense que ce que je mets en termes de déclaration de patrimoine, de conflit d'intérêt, c'est important parce qu'il faut que nos citoyens fassent à nouveau confiance à la République. On le sait tout ça et les fonctionnaires pourront le faire davantage.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pardonnez-moi mais en 2010, vous n'aviez pas voté le projet de loi interdisant le voile dans l'espace public, alors que Manuel VALLS l'avait voté.
MARYLISE LEBRANCHU
Non, dans l'espace public, je n'avais pas voté ce texte-là. Je vais vous dire, je pense qu'à l'école c'est essentiel. Je me suis toujours posé la question de l'université et je n'y ai jamais répondu moi-même donc je ne vais pas faire le débat avec vous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même dans l'accompagnement scolaire, dans les sorties scolaires avec les mamans voilées aussi ?
MARYLISE LEBRANCHU
Je pense que quand on rentre dans l'école et quand on commence à avoir une fonction, c'est compliqué.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même pour les mamans ? Je vous dis ça parce que, pardon, Najat VALLAUD-BELKACEM n'est pas tout à fait sur la même position que vous.
MARYLISE LEBRANCHU
Pourquoi est-ce que je suis prudente par rapport à ça ? Parce qu'on ne parle que du voile et donc, moi je voudrais qu'on parle des signes religieux, de tous les extrémismes, de tous. Or, à force de ne parler que du voile, on voit bien que, rappelez-vous ce qui s'était passé à Lille, il y a eu un lycée qui a été crée, quelque 90 % ou 99 % de réussite au bac, des jeunes femmes qui ne rencontrent plus les autres. On n'a pas gagné là, on n'a pas gagné. Donc moi je voudrais qu'on parle de l'ensemble des signes religieux et je veux que mes fonctionnaires – « mes fonctionnaires », pardonnez-moi – les fonctionnaires soient exemplaires et nous aident. Regardez, à Lyon par exemple, les policiers se sont arrangés, pour être une femme et un homme, quand il faut aller dans les allées du centre commercial pour demander d'enlever leur burqa, pourquoi ? Parce qu'ils ont compris que depuis, ils ont senti même, que depuis que la femme parle à la femme et l'homme à l'homme, ça va mieux. Alors on me dit : « C'est une entorse à la laïcité », non ! C'est une façon d'être acharné à ce que la laïcité devienne partagée par tout le monde.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous comprenez cette idée de Nicolas SARKOZY de relancer le débat sur le droit du sol ?
MARYLISE LEBRANCHU
Je ne veux pas dire que je comprends parce que je sens cet ancien président de la République en train de chercher à chaque fois des thèmes qui se rapprochent quand même du Front national. Ce n'est pas ça le sujet. Le sujet aujourd'hui, c'est qu'il y a une immigration terrible. Les images d'Italie nous font mal à vous, à nous, à tout le monde. Comment on fait pour retrouver les réfugiés, ceux qui vraiment doivent avoir l'asile politique de la migration économique, ce sont des gros sujets. Ce sont des gros sujets pour un politique mais pour toute une société. C'est très humain tout ça, et s'en sortir en disant : « Allez, droit du sol », je ne sais pas. Je ne sais pas si ce n'est pas la bonne porte de la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Deux mots pour terminer. Vous êtes proche de Martine AUBRY. Est-ce que vous pensez qu'il faut qu'elle rentre au gouvernement ? Parce qu'il va y avoir un remaniement après les régionales, non ?
MARYLISE LEBRANCHU
De ce que j'ai entendu, on va faire un remaniement technique pour aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est aujourd'hui le remaniement technique, vous venez de lâcher le morceau. Pardonnez-moi, je suis un peu familier là, c'est aujourd'hui. On remplace deux secrétaires d'Etat, l'une pour des raisons de santé et l'autre parce qu'elle part aux régionales.
MARYLISE LEBRANCHU
Ça, c'est ce que j'ai entendu comme vous, mais je n'ai pas plus d'informations à l'heure où je vous parle. En revanche, vous savez, si on commence à dire qu'est-ce qu'on va faire après les régionales, on fait une croix sur les régionales. Moi, j'ai envie qu'on se batte pour les régionales.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les régionales, j'ai une dernière question. Jean-Yves LE DRIAN, candidat dans votre région ?
MARYLISE LEBRANCHU
Je pense qu'il est candidat, oui. Je pense qu'il est candidat. Je rencontre des militants, des sympathisants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est candidat donc il va falloir qu'il quitte le ministère de la Défense.
MARYLISE LEBRANCHU
Il faudra demander à Jean-Yves LE DRIAN. Je suis ministre de la Décentralisation et de la fonction publique et pour l'instant je ne suis pas candidate.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il sera là bientôt avec moi. Bien, donc vous pensez qu'il sera candidat.
MARYLISE LEBRANCHU
Je pense qu'il sera candidat mais vous me demandez un avis, je n'ai pas la langue de bois et je vous dis ce que je pense.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais et c'est pour ça que j'aime bien vous inviter. Merci Marylise LEBRANCHU.
MARYLISE LEBRANCHU
C'est moi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci.Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 juin 2015