Texte intégral
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
je me sens membre de votre dynamique puisque je suis moi-même présidente d'une Communauté de communes.
Notre compréhension commune s'accompagne d'une pratique politique qui, à travers les lois Chevènement, Voynet et SRU, amène un réel bouleversement de civilisation. La France qui entre dans le développement durable. Celui-ci est apparu avec la prise de conscience que les formes de notre développement économique n'étaient pas raisonnables pour les générations futures, et qu'à puiser sans ménagement dans des ressources limitées, se créaient des déséquilibres graves, écologiques et sociaux.
Comment les politiques doivent-elles être liées entre elles pour que les formes du développement urbain soient compatibles avec des objectifs d'environnement de qualité pour l'homme, et soient respectueuses de la planète ? En cela, tous les nouveaux documents, qui mêlent par exemple la problématique des transports et de l'urbanisme, constituent un basculement considérable. Ne plus prendre un seul paramètre en compte pour prendre une décision, mais arbitrer en fonction de différentes entrées pour parvenir à rendre cohérente l'action publique, est un défi considérable.
L'exemple donné, à savoir " Où urbaniser et comment organiser les transports en commun, au regard de nos capacités économiques, des effets sur la pollution et des aspirations des gens ", est saisissant. Les aspirations des gens sont d'ailleurs souvent quelque peu contradictoires : on voudrait tous vivre en ville en n'ayant pas le sentiment de la densité. Cela est d'ailleurs un challenge que l'on peut réussir mais ce n'est pas le cas aujourd'hui, la critique et le mal vivre ne cessant de s'accroître, et prenant les formes du sentiment et de la réalité d'insécurité, et de la contestation. Telle est la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Je crois que cette difficulté nous impose de trouver la cohérence entre les différentes lois.
Je crois que la cohérence de fond, de projet, est claire : changer le territoire pertinent des décisions publiques, prendre en charge le développement durable dans l'ensemble des paramètres qui organisent les territoires et la vie des hommes à des échelles pertinentes. Néanmoins, ces lois étant récentes, ce sont nos réalisations qui donneront tout son sens à cette cohérence. Nous devons tout d'abord réussir à établir un dialogue et un retour d'expériences entre le terrain et l'Etat, avec les DDE et les préfets, mais aussi avec le Ministère. Ainsi, nous pourrons nous rendre compte où se posent les problèmes éventuels et où des mécanismes législatifs sont à améliorer, voir ce qui se fait de positif et échanger nos bonnes pratiques. L'Association des Maires de France sait en général parfaitement faire ce travail. En tout cas, j'ai la conviction que nous parviendrons à une cohérence par les textes, mais aussi par l'action que nous mènerons les uns et les autres sur le terrain, en partenariat avec l'Etat et les collectivités locales.
Sur la question des périmètres pertinents, pour l'instant la loi est claire, mais très ouverte. Nous, qui évoluions plutôt dans la règle, le code, le règlement, demandons tous de la souplesse. Or lorsque nous l'obtenons, nous sommes pris par l'angoisse : que fait-on de cette souplesse ? J'imagine que vous êtes tous plus ou moins inquiets face aux SCOT.
Nous devrons tout d'abord nous demander quel sera le territoire pertinent pour ces fameux SCOT. Aujourd'hui, l'Etat est très ouvert, sa seule contrainte étant qu'il faudra, un jour ou l'autre, définir un périmètre. Il existe donc une contrainte, qui est d'aboutir dans des délais raisonnables, car l'existence ou non du SCOT peut notamment réduire la capacité à modifier son POS ou rendre urbanisables des secteurs qui ne le sont pas. Il est donc très urgent d'engager les SCOT. Car dans sa prudence, le législateur s'est surtout attaché à permettre une certaine souplesse à partir du moment où l'on engageait la procédure de SCOT. Pour que des secteurs soient rendus urbanisables, il n'est pas nécessaire que le SCOT ait abouti, mais il doit avoir été clairement identifié et un établissement public de coopération intercommunale doit avoir été créé. Les communautés de communes et les agglomérations doivent donc le plus rapidement possible lancer un SCOT sur le territoire correspondant au périmètre normal.
Il existe parfois en France, sur des territoires très proches, plusieurs intercommunalités. J'étais hier près de Bar-le-Duc. J'ai observé qu'un contrat-ville y regroupe trois intercommunalités, pour un périmètre qui, vu de la région parisienne, semble un peu étrange. Mais cela résulte des particularités de l'histoire et de la vie locale. L'Etat ne doit pas édicter des règles rationnelles selon lesquelles, de toute manière, on ne vivrait pas bien ensemble. Je suggère que l'initiative vienne des collectivités. Plutôt que d'attendre que les préfets trouvent des accords intercommunaux, nous devons faire en sorte qu'ils se mettent en situation de le décider. Ils le font assez rarement. Nos préfets sont des représentants de l'Etat qui préfèrent le consensus et l'accord mutuel à l'arbitrage. Néanmoins, de temps en temps, " un gendarme " est nécessaire. L'intérêt général ne correspond pas toujours à la coopération spontanée des intérêts particuliers.
Je sens actuellement les préfets très décidés à permettre ces dialogues là où les périmètres sont un peu délicats à définir, d'autant qu'un périmètre de 15 kilomètres peut correspondre à celui de l'autre intercommunalité. Donc je vous suggère de prendre l'initiative de définir dans les structures intercommunales le périmètre du SCOT que vous jugerez raisonnable. Dans la mesure où vous êtes en interface avec d'autres structures intercommunales ou d'autres communes qui se trouveraient de fait dans un périmètre cohérent à vos yeux, je vous suggère également d'organiser une rencontre. Mais il est clair que les préfets devront assez rapidement définir les périmètres, car vous pourriez le cas échéant vous trouver face à l'impossibilité de rendre urbanisable des secteurs qui ne le sont pas aujourd'hui.
Concernant ces périmètres pertinents, je crois qu'il est important que nous demeurions sereins face au côté peu réglementaire de la définition des documents. Beaucoup d'élus locaux m'ont interrogée sur ce que l'on doit concrètement mettre dans le PLU. Il est vrai que le POS, que nous connaissons depuis un certain temps, est rassurant. Son aspect très réglementaire permet aux tiers de pouvoir défendre leurs droits de manière certes compliquée mais claire. Mais beaucoup de nos collègues élus ont peur que le PLU soit moins rigoureux et nous place dans une situation relativement difficile par rapport aux tiers. Néanmoins, le PLU va apporter une très grande souplesse qui limitera les recours et nous libérera des contestations juridiques devenues dramatiquement paralysantes dans notre pays. Dans la plupart des décrets engagés, nous avons notamment veillé à ne pas multiplier les délais, qui faisaient très souvent l'objet de recours. Je pense que les structures communales n'auront pas trop de mal à faire face. Je suis plus attentive à la manière dont les collectivités rurales, qui ne sont pas encore dans une logique intercommunale, feront face au changement. Il me semble que les structures intercommunales sont dotées des outils techniques qui leur permettront de répondre à ce saut dans l'inconnu - un inconnu relatif, vous en conviendrez.
Il ne faut pas que vous craigniez d'aller voir rapidement les DDE. Nous avons beaucoup travaillé avec les services d'équipements. Un travail de formation a été engagé. Nous avons mis en place un service Intranet au sein du Ministère, qui permet aux services de la DDE de saisir très rapidement les services centraux et d'obtenir des réponses techniques validées par les services compétents en la matière, ce qui est de nature à répondre à vos inquiétudes éventuelles. Un guide sera bientôt disponible pour les agents de l'Etat et je compte envoyer vers le 14 juillet un courrier aux maires de France pour leur donner des conseils qui leur éviteront de se laisser déborder par des exigences de date.
Ceci étant, il ne faut pas que ces nouvelles dynamiques obèrent le travail déjà accompli par le passé. Elles n'annulent pas le PLH, qui s'introduit dans le PLU ou le SCOT. Le PLH peut être plus précis que le SCOT. Si votre PLH est satisfaisant, il est inutile de refaire un document existant. Les plans de développement urbain doivent également être intégrés au document. Un travail de mise en commun de tous ces documents est nécessaire, pour leur donner sens.
La loi SRU aborde porte également sur le droit au logement et la mixité sociale. Je voudrais rappeler que la loi SRU exige que toutes les communes disposent d'au moins 20 % de logements sociaux, qui ne se réduisent pas aux HLM. Les nombreux bailleurs privés en conventionnement sont également pris en compte. Par ailleurs, il n'est pas obligatoire, pour créer des HLM, de construire des bâtiments neufs. Il est possible de procéder à des acquisitions - améliorations, sans d'ailleurs construire, comme dans les années 70, des barres de logements groupés. Il faut saisir les différentes possibilités qui sont offertes et les financements adossés. Avec le plan de relance de Louis Besson, nous avons même rendue possible l'acquisition d'un ou deux logements HLM dans une opération privée. Toutes les formules sont possibles. Je ne vois pas comment l'on peut m'expliquer qu'il est matériellement impossible de le faire.
Sur les financements que nous avons mis en place, l'équilibre des opérations est normalement assuré. L'Etat accepte de négocier globalement par organismes HLM, du moment que l'aide globale ne dépasse pas 25 % du coût de la construction. Une relance du logement social est en train de s'engager, ce qui me semble pleinement souhaitable. Je pense en effet que la construction de 42 000 logements HLM est insuffisante. L'ensemble de notre système de financement est-il bien adapté ? Je n'en sais rien. J'ai une première certitude, c'est qu'il faut sortir de l'hyper-administration des critères pour réaliser du logement social. Il faut dégraisser, non pas le mammouth, mais les règles.
Je crois qu'aujourd'hui, notre problème majeur est de savoir comment décentraliser la politique du logement, qui se caractérise par une immense diversité du territoire. La tendance actuelle est de décentraliser au niveau de la région et au niveau de l'agglomération. Le niveau pertinent de décentralisation ne sera pas simple à trouver, car les sommes à mobiliser sont considérables. Je suis plutôt pour donner à l'agglomération la responsabilité de définir le PLH et à la région la capacité d'apporter de la souplesse au mode de financement. Néanmoins, je pense que la question du logement : " Qui finance ? Qui décide ? Qui fait ? " est devant nous.
Je vous propose, avec l'AMF, de réfléchir à quelle forme pourrait prendre une décentralisation des crédits du logement en matière d'aide à la pierre. On ne règlera pas nos problèmes de financements croisés si l'on ne donne pas un nouvel échafaudage à la décentralisation. Il y a vraiment une urgence et j'attends toute remarque de votre part qui vous paraît susceptible de favoriser la construction de logements sociaux sur le territoire national. Le premier changement que je vais opérer est de changer les circulaires de programmation qui sont à peu près aussi limpides que le traité de Maastricht ! Donc je vais faire des circulaires très courtes, avec les obligations de base, et les services de l'Etat publieront par ailleurs un guide des bonnes pratiques, qui distinguera les obligations, ce que tout le monde doit faire, des objectifs, un état d'esprit à promouvoir.
Ma conviction est que tout a été fait dans la loi SRU pour éviter que l'on repousse le social à la périphérie. Tout a été fait pour que l'on mélange sur les plus petits territoires des activités économiques et des activités d'habitat. Tout a été fait pour que l'on ne fasse plus de ségrégation. Ma conviction est que se joue sur l'ensemble de la planète un problème de civilisation et de modèle de société. Au moment même où l'urbanisation connaît une très forte croissance, la ségrégation, le communautarisme, les inégalités et les ghettos se développent. Le modèle dominant est aujourd'hui le modèle anglo-saxon. Les Américains parviennent peut-être à vivre selon ce modèle, mais je sais que ce n'est pas celui que veut promouvoir notre République. Cela a toujours été difficile. On fait souvent référence au style Haussmann, mais nous devons rappeler que les architectes de l'époque plaçaient les bonnes au dernier étage, en arrière-cour, alors que les privilégiés étaient tranquillement installés sur les avenues. Néanmoins, la revendication culturelle de la mixité sociale existait. Si nous ne sommes pas capables, dans le pays héritier de 1789, de décliner ce modèle républicain qui, au-delà de nos différences politiques, constitue le terreau commun de notre société, si nous ne sommes pas capables d'inventer des villes, nous subirons une culture anglo-saxonne et nous aurons, d'une certaine manière, failli à l'idéal de 1789 qui reste, j'en suis convaincue, notre modèle.
Le sommet de Göteborg vient d'évoquer le développement durable en ville. Et la tentation de réglementer pour organiser le développement durable va commencer à poindre. Si nous ne portons pas un modèle urbain qui n'aura pas à subir les évolutions, je suis convaincue que nous aurons une réponse à apporter à l'Europe qui se cherche, une réponse qui sera une alternative au modèle anglo-saxon. Ce pari est une fantastique aventure pour les élus et les pouvoirs publics. Nous ne le gagnerons que dans le dialogue. Je suis, personnellement, à votre disposition.
(Source http://www.amf-asso.fr, le 19 novembre 2001)
je me sens membre de votre dynamique puisque je suis moi-même présidente d'une Communauté de communes.
Notre compréhension commune s'accompagne d'une pratique politique qui, à travers les lois Chevènement, Voynet et SRU, amène un réel bouleversement de civilisation. La France qui entre dans le développement durable. Celui-ci est apparu avec la prise de conscience que les formes de notre développement économique n'étaient pas raisonnables pour les générations futures, et qu'à puiser sans ménagement dans des ressources limitées, se créaient des déséquilibres graves, écologiques et sociaux.
Comment les politiques doivent-elles être liées entre elles pour que les formes du développement urbain soient compatibles avec des objectifs d'environnement de qualité pour l'homme, et soient respectueuses de la planète ? En cela, tous les nouveaux documents, qui mêlent par exemple la problématique des transports et de l'urbanisme, constituent un basculement considérable. Ne plus prendre un seul paramètre en compte pour prendre une décision, mais arbitrer en fonction de différentes entrées pour parvenir à rendre cohérente l'action publique, est un défi considérable.
L'exemple donné, à savoir " Où urbaniser et comment organiser les transports en commun, au regard de nos capacités économiques, des effets sur la pollution et des aspirations des gens ", est saisissant. Les aspirations des gens sont d'ailleurs souvent quelque peu contradictoires : on voudrait tous vivre en ville en n'ayant pas le sentiment de la densité. Cela est d'ailleurs un challenge que l'on peut réussir mais ce n'est pas le cas aujourd'hui, la critique et le mal vivre ne cessant de s'accroître, et prenant les formes du sentiment et de la réalité d'insécurité, et de la contestation. Telle est la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Je crois que cette difficulté nous impose de trouver la cohérence entre les différentes lois.
Je crois que la cohérence de fond, de projet, est claire : changer le territoire pertinent des décisions publiques, prendre en charge le développement durable dans l'ensemble des paramètres qui organisent les territoires et la vie des hommes à des échelles pertinentes. Néanmoins, ces lois étant récentes, ce sont nos réalisations qui donneront tout son sens à cette cohérence. Nous devons tout d'abord réussir à établir un dialogue et un retour d'expériences entre le terrain et l'Etat, avec les DDE et les préfets, mais aussi avec le Ministère. Ainsi, nous pourrons nous rendre compte où se posent les problèmes éventuels et où des mécanismes législatifs sont à améliorer, voir ce qui se fait de positif et échanger nos bonnes pratiques. L'Association des Maires de France sait en général parfaitement faire ce travail. En tout cas, j'ai la conviction que nous parviendrons à une cohérence par les textes, mais aussi par l'action que nous mènerons les uns et les autres sur le terrain, en partenariat avec l'Etat et les collectivités locales.
Sur la question des périmètres pertinents, pour l'instant la loi est claire, mais très ouverte. Nous, qui évoluions plutôt dans la règle, le code, le règlement, demandons tous de la souplesse. Or lorsque nous l'obtenons, nous sommes pris par l'angoisse : que fait-on de cette souplesse ? J'imagine que vous êtes tous plus ou moins inquiets face aux SCOT.
Nous devrons tout d'abord nous demander quel sera le territoire pertinent pour ces fameux SCOT. Aujourd'hui, l'Etat est très ouvert, sa seule contrainte étant qu'il faudra, un jour ou l'autre, définir un périmètre. Il existe donc une contrainte, qui est d'aboutir dans des délais raisonnables, car l'existence ou non du SCOT peut notamment réduire la capacité à modifier son POS ou rendre urbanisables des secteurs qui ne le sont pas. Il est donc très urgent d'engager les SCOT. Car dans sa prudence, le législateur s'est surtout attaché à permettre une certaine souplesse à partir du moment où l'on engageait la procédure de SCOT. Pour que des secteurs soient rendus urbanisables, il n'est pas nécessaire que le SCOT ait abouti, mais il doit avoir été clairement identifié et un établissement public de coopération intercommunale doit avoir été créé. Les communautés de communes et les agglomérations doivent donc le plus rapidement possible lancer un SCOT sur le territoire correspondant au périmètre normal.
Il existe parfois en France, sur des territoires très proches, plusieurs intercommunalités. J'étais hier près de Bar-le-Duc. J'ai observé qu'un contrat-ville y regroupe trois intercommunalités, pour un périmètre qui, vu de la région parisienne, semble un peu étrange. Mais cela résulte des particularités de l'histoire et de la vie locale. L'Etat ne doit pas édicter des règles rationnelles selon lesquelles, de toute manière, on ne vivrait pas bien ensemble. Je suggère que l'initiative vienne des collectivités. Plutôt que d'attendre que les préfets trouvent des accords intercommunaux, nous devons faire en sorte qu'ils se mettent en situation de le décider. Ils le font assez rarement. Nos préfets sont des représentants de l'Etat qui préfèrent le consensus et l'accord mutuel à l'arbitrage. Néanmoins, de temps en temps, " un gendarme " est nécessaire. L'intérêt général ne correspond pas toujours à la coopération spontanée des intérêts particuliers.
Je sens actuellement les préfets très décidés à permettre ces dialogues là où les périmètres sont un peu délicats à définir, d'autant qu'un périmètre de 15 kilomètres peut correspondre à celui de l'autre intercommunalité. Donc je vous suggère de prendre l'initiative de définir dans les structures intercommunales le périmètre du SCOT que vous jugerez raisonnable. Dans la mesure où vous êtes en interface avec d'autres structures intercommunales ou d'autres communes qui se trouveraient de fait dans un périmètre cohérent à vos yeux, je vous suggère également d'organiser une rencontre. Mais il est clair que les préfets devront assez rapidement définir les périmètres, car vous pourriez le cas échéant vous trouver face à l'impossibilité de rendre urbanisable des secteurs qui ne le sont pas aujourd'hui.
Concernant ces périmètres pertinents, je crois qu'il est important que nous demeurions sereins face au côté peu réglementaire de la définition des documents. Beaucoup d'élus locaux m'ont interrogée sur ce que l'on doit concrètement mettre dans le PLU. Il est vrai que le POS, que nous connaissons depuis un certain temps, est rassurant. Son aspect très réglementaire permet aux tiers de pouvoir défendre leurs droits de manière certes compliquée mais claire. Mais beaucoup de nos collègues élus ont peur que le PLU soit moins rigoureux et nous place dans une situation relativement difficile par rapport aux tiers. Néanmoins, le PLU va apporter une très grande souplesse qui limitera les recours et nous libérera des contestations juridiques devenues dramatiquement paralysantes dans notre pays. Dans la plupart des décrets engagés, nous avons notamment veillé à ne pas multiplier les délais, qui faisaient très souvent l'objet de recours. Je pense que les structures communales n'auront pas trop de mal à faire face. Je suis plus attentive à la manière dont les collectivités rurales, qui ne sont pas encore dans une logique intercommunale, feront face au changement. Il me semble que les structures intercommunales sont dotées des outils techniques qui leur permettront de répondre à ce saut dans l'inconnu - un inconnu relatif, vous en conviendrez.
Il ne faut pas que vous craigniez d'aller voir rapidement les DDE. Nous avons beaucoup travaillé avec les services d'équipements. Un travail de formation a été engagé. Nous avons mis en place un service Intranet au sein du Ministère, qui permet aux services de la DDE de saisir très rapidement les services centraux et d'obtenir des réponses techniques validées par les services compétents en la matière, ce qui est de nature à répondre à vos inquiétudes éventuelles. Un guide sera bientôt disponible pour les agents de l'Etat et je compte envoyer vers le 14 juillet un courrier aux maires de France pour leur donner des conseils qui leur éviteront de se laisser déborder par des exigences de date.
Ceci étant, il ne faut pas que ces nouvelles dynamiques obèrent le travail déjà accompli par le passé. Elles n'annulent pas le PLH, qui s'introduit dans le PLU ou le SCOT. Le PLH peut être plus précis que le SCOT. Si votre PLH est satisfaisant, il est inutile de refaire un document existant. Les plans de développement urbain doivent également être intégrés au document. Un travail de mise en commun de tous ces documents est nécessaire, pour leur donner sens.
La loi SRU aborde porte également sur le droit au logement et la mixité sociale. Je voudrais rappeler que la loi SRU exige que toutes les communes disposent d'au moins 20 % de logements sociaux, qui ne se réduisent pas aux HLM. Les nombreux bailleurs privés en conventionnement sont également pris en compte. Par ailleurs, il n'est pas obligatoire, pour créer des HLM, de construire des bâtiments neufs. Il est possible de procéder à des acquisitions - améliorations, sans d'ailleurs construire, comme dans les années 70, des barres de logements groupés. Il faut saisir les différentes possibilités qui sont offertes et les financements adossés. Avec le plan de relance de Louis Besson, nous avons même rendue possible l'acquisition d'un ou deux logements HLM dans une opération privée. Toutes les formules sont possibles. Je ne vois pas comment l'on peut m'expliquer qu'il est matériellement impossible de le faire.
Sur les financements que nous avons mis en place, l'équilibre des opérations est normalement assuré. L'Etat accepte de négocier globalement par organismes HLM, du moment que l'aide globale ne dépasse pas 25 % du coût de la construction. Une relance du logement social est en train de s'engager, ce qui me semble pleinement souhaitable. Je pense en effet que la construction de 42 000 logements HLM est insuffisante. L'ensemble de notre système de financement est-il bien adapté ? Je n'en sais rien. J'ai une première certitude, c'est qu'il faut sortir de l'hyper-administration des critères pour réaliser du logement social. Il faut dégraisser, non pas le mammouth, mais les règles.
Je crois qu'aujourd'hui, notre problème majeur est de savoir comment décentraliser la politique du logement, qui se caractérise par une immense diversité du territoire. La tendance actuelle est de décentraliser au niveau de la région et au niveau de l'agglomération. Le niveau pertinent de décentralisation ne sera pas simple à trouver, car les sommes à mobiliser sont considérables. Je suis plutôt pour donner à l'agglomération la responsabilité de définir le PLH et à la région la capacité d'apporter de la souplesse au mode de financement. Néanmoins, je pense que la question du logement : " Qui finance ? Qui décide ? Qui fait ? " est devant nous.
Je vous propose, avec l'AMF, de réfléchir à quelle forme pourrait prendre une décentralisation des crédits du logement en matière d'aide à la pierre. On ne règlera pas nos problèmes de financements croisés si l'on ne donne pas un nouvel échafaudage à la décentralisation. Il y a vraiment une urgence et j'attends toute remarque de votre part qui vous paraît susceptible de favoriser la construction de logements sociaux sur le territoire national. Le premier changement que je vais opérer est de changer les circulaires de programmation qui sont à peu près aussi limpides que le traité de Maastricht ! Donc je vais faire des circulaires très courtes, avec les obligations de base, et les services de l'Etat publieront par ailleurs un guide des bonnes pratiques, qui distinguera les obligations, ce que tout le monde doit faire, des objectifs, un état d'esprit à promouvoir.
Ma conviction est que tout a été fait dans la loi SRU pour éviter que l'on repousse le social à la périphérie. Tout a été fait pour que l'on mélange sur les plus petits territoires des activités économiques et des activités d'habitat. Tout a été fait pour que l'on ne fasse plus de ségrégation. Ma conviction est que se joue sur l'ensemble de la planète un problème de civilisation et de modèle de société. Au moment même où l'urbanisation connaît une très forte croissance, la ségrégation, le communautarisme, les inégalités et les ghettos se développent. Le modèle dominant est aujourd'hui le modèle anglo-saxon. Les Américains parviennent peut-être à vivre selon ce modèle, mais je sais que ce n'est pas celui que veut promouvoir notre République. Cela a toujours été difficile. On fait souvent référence au style Haussmann, mais nous devons rappeler que les architectes de l'époque plaçaient les bonnes au dernier étage, en arrière-cour, alors que les privilégiés étaient tranquillement installés sur les avenues. Néanmoins, la revendication culturelle de la mixité sociale existait. Si nous ne sommes pas capables, dans le pays héritier de 1789, de décliner ce modèle républicain qui, au-delà de nos différences politiques, constitue le terreau commun de notre société, si nous ne sommes pas capables d'inventer des villes, nous subirons une culture anglo-saxonne et nous aurons, d'une certaine manière, failli à l'idéal de 1789 qui reste, j'en suis convaincue, notre modèle.
Le sommet de Göteborg vient d'évoquer le développement durable en ville. Et la tentation de réglementer pour organiser le développement durable va commencer à poindre. Si nous ne portons pas un modèle urbain qui n'aura pas à subir les évolutions, je suis convaincue que nous aurons une réponse à apporter à l'Europe qui se cherche, une réponse qui sera une alternative au modèle anglo-saxon. Ce pari est une fantastique aventure pour les élus et les pouvoirs publics. Nous ne le gagnerons que dans le dialogue. Je suis, personnellement, à votre disposition.
(Source http://www.amf-asso.fr, le 19 novembre 2001)