Lettre de M. Edouard Philippe, Premier ministre, adressée aux maires de France le 23 octobre 2017, sur les finances locales et les objectifs de la conférence des territoires.

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Texte intégral

Monsieur le Maire,
Sans attendre notre rencontre le mois prochain, lors du 100ème Congrès annuel des Maires de France, j'ai souhaité m'adresser directement à chacune et à chacun d'entre vous.
Durant sept ans, j'ai été l'un des vôtres, et, dans mes fonctions actuelles, je ne l'oublie pas. Je sais parfaitement à quel point votre tâche est rude et exaltante. Vous connaissez mieux que personne le quotidien, les difficultés, les aspirations de vos administrés. Vous êtes à leurs côtés chaque jour, et c'est à vous que revient la lourde charge de traduire nos politiques publiques en une réalité locale utile et concrète.
J'entends les remarques formulées à l'égard des réformes entreprises, notamment pour rétablir l'équilibre de nos finances publiques. Toute transformation suscite des interrogations. Elles sont légitimes et il y sera répondu. Mais je ne peux laisser prospérer les allégations trompeuses qui ont pu être diffusées, parfois massivement.
S'agissant des contrats aidés, le Gouvernement a fait le choix de sortir de la politique du traitement statistique du chômage, qui trop souvent consistait à ouvrir des contrats pour ajuster la courbe des demandeurs d'emploi :
- d'une part, en proposant de vraies solutions d'avenir aux bénéficiaires de ces contrats. Cela se traduira dès 2018 par un investissement massif dans l'apprentissage et la formation professionnelle des demandeurs d'emploi ;
- d'autre part, en concentrant l'effort sur les publics et territoires les plus vulnérables. Ainsi, 200 000 contrats aidés seront maintenus en 2018 pour conforter l'accompagnement des élèves handicapés en milieu scolaire, le secteur de l'urgence sanitaire et sociale, les publics relevant des quartiers de la politique de la ville, mais également les outre-mer et les communes rurales.
S'agissant du logement, le Gouvernement a entamé une réforme profonde de ce secteur, afin de construire plus dans les zones tendues, de rénover les centres villes, d'améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments. Il nous faut rendre la politique du logement plus efficace et des concertations sont en cours avec le monde HLM pour y parvenir, au bénéfice de tous et d'abord de nos compatriotes les plus fragiles.
S'agissant de vos ressources, l'effort de clarification me paraît d'autant plus important que le Président de la République et le Gouvernement ont précisément tenu à les préserver.
1) Tout d'abord, pour la première fois depuis quatre ans, il ne vous sera pas demandé en 2018 de nouvelle contribution au redressement des finances publiques sous forme de baisse des dotations ; contrairement à ce qui a pu être dit, la dotation globale de fonctionnement ne baissera pas. Elle s'élèvera, comme l'an dernier, à 30,98 milliards d'euros.
2) De même, les dotations destinées à soutenir l'investissement local ne diminueront pas. En 2018, leur montant sera donc le même qu'en 2017, soit 1,8 milliard d'euros. Comme vous le constaterez, nous avons décidé de pérenniser la hausse exceptionnelle de 1,2 milliard d'euros votée l'an dernier. Nous avons également décidé d'automatiser la gestion du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), afin de vous apporter un meilleur service et de vous faciliter la vie.
3) Enfin, le Gouvernement compensera à l'euro près le dégrèvement de taxe d'habitation dont bénéficieront, d'ici 2020, 80 % des foyers. Dès 2018 et 2019, l'impôt restant à charge de ces foyers, après application éventuelle du plafonnement existant, sera diminué de 30 % puis de 65 %, en fonction d'un critère de revenu et selon les charges de famille. Je sais que cette mesure a suscité des interrogations, mais elle répond à un objectif de justice fiscale mis à mal par les disparités selon les communes, et vise à donner davantage de pouvoir d'achat à nos compatriotes.
Au-delà des mesures budgétaires pour l'an prochain, nous devons réfléchir à plus long terme sur les grands principes de notre fiscalité locale. Nous avons demandé à MM. Alain RICHARD, Sénateur, maire de Saint-Ouen l'Aumône, et Dominique BUR, préfet honoraire, ancien directeur général des collectivités locales, entourés d'élus et d'experts, d'examiner la possibilité d'affecter aux communes une ressource propre alternative, dans le cadre d'une révision d'ensemble de la fiscalité locale. Bien entendu, nous serons attentifs à préserver l'autonomie financière des collectivités, garantie constitutionnellement. Nous savons que vous avez besoin de stabilité et de prévisibilité quant à vos ressources, et c'est bien dans cet esprit et avec cette préoccupation constante que nous travaillons.
S'agissant des dépenses, nous avons demandé aux collectivités territoriales d'identifier 13 milliards d'euros d'économies sur les cinq prochaines années par rapport à ce qu'aurait été leur évolution tendancielle. Contrairement à ce que vous entendez parfois, il ne s'agit pas de baisses des dotations, ni même de baisse nette de dépenses, mais d'une maîtrise raisonnée de leur augmentation. Vos dépenses ne vont pas diminuer en valeur absolue. Elles vont continuer à augmenter, mais nous vous demandons de maîtriser le rythme de cette augmentation. Concrètement, là où vous avez dépensé 100 euros en 2017, l'objectif sera de ne pas dépasser 101,2 en 2018, en concentrant naturellement vos efforts sur la maîtrise de vos dépenses de fonctionnement afin d'augmenter votre capacité d'autofinancement, et donc de diminuer d'autant vos besoins en emprunt pour financer vos dépenses d'investissement.
Il est vrai que ce chiffre de 13 milliards a été revu à la hausse par rapport au chiffre qui figurait dans le programme présidentiel. Entre temps, et comme vous le savez, la Cour des Comptes a dressé un constat plus alarmiste que prévu sur la situation de nos finances publiques.
Pour enclencher et mettre en oeuvre cette dynamique vertueuse, nous vous proposons de travailler ensemble en nous appuyant sur deux instruments : le contrat et la confiance.
Nous allons inviter les plus grandes collectivités, 319 au total, qui concentrent les 2/3 de la dépense locale, à conclure des contrats d'objectifs. Pour toutes les autres collectivités, c'est-à-dire 99 % d'entre elles, nous avons choisi de faire le pari de la confiance, dans un esprit de responsabilité partagée.
Sur cette base, le Parlement sera amené à constater l'évolution du solde des collectivités territoriales et, seulement si nécessaire, à prendre des mesures pour corriger la trajectoire.
Le 7 mai dernier, les Françaises et les Français nous ont confié un mandat clair : celui, pour reprendre les termes du président de la République, de « mener une transformation résolue et profonde » de notre pays. Depuis ce jour, c'est ce à quoi nous nous attelons sans relâche, et avec détermination. Mais nous savons qu'une tâche aussi ambitieuse ne peut s'accomplir sans vous.
C'est pourquoi nous avons proposé de nouer un « pacte de confiance » entre l'Etat et les collectivités. C'est tout le sens de la Conférence nationale des territoires lancée en juillet dernier au Sénat, et qui a pour but d'associer les collectivités à toute décision qui les concerne.
Cette conférence s'appuie sur des consultations au plus près du terrain. C'est la raison pour laquelle je vous ai sollicités sur une série de questions au mois d'août dernier. J'attache de l'importance aux préoccupations qui sont les vôtres, et c'est autour de ces sujets que je souhaite construire les prochains rendez-vous de la Conférence nationale des territoires.
Je souhaite que les travaux menés dans le cadre de cette conférence permettent d'aboutir à des mesures de simplification des procédures et d'allègement des normes afin que, dans un esprit de confiance et de responsabilité, vous soyez mieux à même d'apprécier la manière d'apporter à nos concitoyens les services qu'ils attendent.
Enfin, la conférence des territoires doit être le lieu où se construisent les mesures, qui nous permettront de combattre le sentiment de relégation et de résignation qui s'est installé dans certains territoires. Qu'il s'agisse du renforcement de l'accès aux soins, de l'accès au très haut débit, de la revitalisation des villes moyennes et des quartiers prioritaires, nous devons ensemble relever un défi : celui de ne plus parler de fractures et de périphéries, mais de créer de nouveaux liens de solidarité et d'équilibre.
Je tenais à vous faire part directement de ces éléments et des priorités du Gouvernement. C'est avec votre concours que nous voulons construire la France de demain.
Je vous prie de croire, Monsieur le Maire, à l'assurance de mes salutations les meilleures.
Source http://www.gouvernement.fr, le 24 octobre 2017