Texte intégral
P.-L. Séguillon Deux chiffres sont publiés aujourd'hui, ils sont impressionnants. D'abord, les chiffres de la délinquance, avec une augmentation de 8 % des infractions et des délits en un an. Et puis, celui du nombre de sans domicile fixe, 86.000, dont 16.000 enfants. Est ce que l'augmentation de la délinquance est un échec du Gouvernement de la gauche ?
- "Il est vrai que l'on doit apporter des réponses concrètes à ce problème lancinant et récurant qu'est la délinquance..."
Et que la gauche n'a pas apportées ?
- "Les mesures ont été annoncées et prises dans une certaine mesure, mais insuffisamment. Il manque de moyens en matière de police, de justice, d'accompagnants pour les délinquants et [il faut] que les premiers délits soient sanctionnés, non pas avec la prison pour tous, mais avec des peines alternatives - des travaux d'intérêts généraux -, des sanctions qui doivent être prises. Et là, il y a une insuffisance sur le terrain criante."
C'est une insuffisance de moyens, de policiers, de magistrats ou c'est une insuffisance de volonté politique ?
- "La volonté politique est affichée. D'abord, un gros effort de prévention doit être fait. La délinquance ne vient comme cela, tombée du ciel. Elle est aussi le résultat d'une crise dans les quartiers populaires : le fait qu'il y ait du chômage, des situations dégradées, de l'oisiveté conduisent à la délinquance. Et se mêlent à cela des trafics de tous ordres, des petites mafias, contre lesquelles on ne prend pas des mesures suffisamment fortes pour régler et résoudre les problèmes. Et cela crée un sentiment d'insécurité délétère et qui [provoque] la protestation des Français."
Vous participez au Gouvernement...
- "Oui, bien entendu."
Vous partagez la responsabilité de cet échec ?
- "Des lois ont été mises en place. Des mesures qui vont dans le bon sens ont été annoncées. Mais sur le terrain... Par exemple, la police de proximité : tous les maires vous diront que c'est une bonne mesure, une bonne intention, mais sur le terrain, elle ne se traduit pas toujours par les moyens et les effectifs suffisants pour créer les conditions d'une vraie sécurité."
Quand vous regardez les projets ou les programmes de vos camarades socialistes, vous trouvez qu'ils donnent pour l'avenir des réponses adéquates à ce problème de la délinquance ?
- "Dans l'affichage des uns et des autres, les choses vont dans le bons sens sauf que..."
C'est toujours un problème de moyens ?
- "Oui. Il ne faut pas de dérive sécuritaire. La loi de présomption d'innocence dont on discute..."
Justement, vous allez en discuter aujourd'hui : est-ce que vous allez voter, vous, le groupe communiste dont vous êtes le président ?
- "Le groupe communiste se prononcera tout à l'heure. Nous avons une grande réticence au fait que l'on ait à nouveau abordé cette loi de présomption d'innocence, qui est un acquis important pour le droit démocratique et la justice dans ce pays..."
Je vous arrête : n'êtes-vous pas en train de vous contredire ?
- "Non, parce qu'il ne faut que ce soit non plus une loi alibi, sur le fait qu'il fallait sur tel ou tel point la toiletter. On pouvait le faire par circulaire. Mais utiliser ce débat éventuellement pour accréditer l'idée que l'on va régler les problèmes, c'est quand même une loi un peu alibi. Nous avons donc, dans ce débat parlementaire, puisqu'elle est venue en débat, fait bouger les choses de telle manière que la dérive sécuritaire soit moindre. Cela dit, cela ne fait pas complètement le compte et il y a un débat interne au sein de notre groupe. Nous prendrons position tout à l'heure en ce qui concerne le vote de ce soir."
Quelle est la position personnelle du président du groupe : il va plutôt vers l'abstention ?
- "Vous comprendrez quand même qu'en tant que président, je respecte les uns et les autres et que je vais pas dire ici publiquement, avant que le débat n'ait eu lieu, la position que nous aurons."
On irait plutôt vers l'abstention ?
- "Ce n'est pas impossible. Je pense que nous ne voterons pas contre cette loi et que le débat balancera entre l'abstention et le vote pour."
Que pensez-vous du conflit avec les médecins auquel le Gouvernement est affronté ? On a cru qu'il était partiellement résolu, avec l'accord entre la Cnam et l'un des syndicats minoritaires. Le syndicat majoritaire continue la grève ; pensez-vous - je dis toujours "vous" qui participez, en tant que Parti communiste au Gouvernement - que le Gouvernement devrait être plus généreux vis-à-vis des médecins, à travers la Cnam ?
- "Le fond du problème remonte à la politique de monsieur Juppé. Dans ce domaine, on n'a pas rompu avec la réforme Juppé en matière de santé. C'est bien la raison pour laquelle depuis des mois et des années, dans le cadre de cette majorité, nous crions haut et fort qu'il faut rompre avec la politique de monsieur Juppé. On ne l'a pas fait et cela a eu des conséquences dans tous les domaines."
C'est encore un échec du Gouvernement ?
- "Non, c'est le fait que l'on ait une politique un peu trop tiède, trop mi-chèvre mi-chou. C'est d'ailleurs ce qui nous a conduit à nous opposer fermement à la loi de financement de Sécurité sociale. Et je me souviens des entretiens..."
Mais que faut-il faire aujourd'hui, parce qu'il y a une question immédiate.
- "Il faut répondre pour une part à l'attente du monde médical."
Il faut donc faire passer la consultation de 17 à 20 euros ?
- "Il faut surtout que l'on réfléchisse à un autre financement de la Sécurité sociale..."
Mais il reste trois mois avant les élections et les médecins sont en train de faire la grève. Comment peut-on sortir de cette impasse ?
- "Quand des gens protestent et revendiquent, il faut déjà les écouter. Nous avions alerté à plusieurs reprises le Gouvernement, y compris dans les débats sur le financement de la Sécurité sociale. J'avais dit personnellement à E. Guigou, dans les entretiens que nous avions pour essayer de trouver une issue à propos de cette loi, qu'il y a avait un risque de marée blanche du monde hospitalier, du monde médical, à la rentrée de janvier-février. Et sans être Madame Soleil, nous avions vu juste, parce qu'il y avait des mesures financières insuffisantes pour l'hôpital public, pour la santé. Si on ne répond pas à cette attente tout à fait profonde dans le monde de la santé, notamment chez les hospitaliers, les infirmières, les médecins, évidemment, cela conduit à une crise. Nous avons souvent regretté que le groupe communiste, entre autres, ne soit pas suffisamment entendu au sein de cette majorité plurielle."
Un mot sur ce qui va se passer au Parlement : le Gouvernement va être obligé de ne pas aller jusqu'au bout d'un certain nombre de lois, il y a une sorte d'embouteillage. Avez-vous des préférences ? Quelles sont les lois, selon vous, qu'il faudrait de toute manière voter, dans le peu temps qui vous est imparti d'ici la fin de la législature ?
- "Nous aurions souhaité que l'on revienne par exemple sur la loi de modernisation sociale, à propos de laquelle le Conseil constitutionnel s'est conduit de manière inacceptable, en relais du Medef, pour mettre en cause et censurer un article important de cette loi qui visait justement à mieux protéger les salariés contre ces plans de licenciements qui se multiplient ici ou là. Par exemple, nous aurions souhaité que l'on discute de la loi permettant aux personnes qui ont moins de 60 ans et qui ont travaillé 40 ans, souvent dans des conditions pénibles, qu'elles puissent bénéficier d'une retraite à plein temps."
Vous pensez que vous serez entendu ?
- "Pour l'instant, nous ne le sommes pas. C'est bien la raison pour laquelle dans cette campagne qui s'ouvre, mon ami, R. Hue, met en avant l'idée de "l'audace sociale", ce qui est une nouveauté et une modernité dans le monde dans lequel nous vivons."
Vous avez regardé ce qui s'est passé dimanche : le candidat "probable" qui devient candidat "disponible". Qu'en pensez-vous ?
- "C'est un petit jeu politicien qui, à mon avis, ne correspond pas à l'attente des Français, qui ont d'ailleurs dit dans des sondages d'opinion à 53 % qu'ils attendaient autre chose du débat pour l'élection présidentielle, c'est-à-dire des débats de fond sur l'avenir de la France, les problèmes de l'emploi, l'avenir de la jeunesse. C'est à ces vraies questions qu'il faut répondre et lancer le débat présidentiel."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 29 janvier 2002)
- "Il est vrai que l'on doit apporter des réponses concrètes à ce problème lancinant et récurant qu'est la délinquance..."
Et que la gauche n'a pas apportées ?
- "Les mesures ont été annoncées et prises dans une certaine mesure, mais insuffisamment. Il manque de moyens en matière de police, de justice, d'accompagnants pour les délinquants et [il faut] que les premiers délits soient sanctionnés, non pas avec la prison pour tous, mais avec des peines alternatives - des travaux d'intérêts généraux -, des sanctions qui doivent être prises. Et là, il y a une insuffisance sur le terrain criante."
C'est une insuffisance de moyens, de policiers, de magistrats ou c'est une insuffisance de volonté politique ?
- "La volonté politique est affichée. D'abord, un gros effort de prévention doit être fait. La délinquance ne vient comme cela, tombée du ciel. Elle est aussi le résultat d'une crise dans les quartiers populaires : le fait qu'il y ait du chômage, des situations dégradées, de l'oisiveté conduisent à la délinquance. Et se mêlent à cela des trafics de tous ordres, des petites mafias, contre lesquelles on ne prend pas des mesures suffisamment fortes pour régler et résoudre les problèmes. Et cela crée un sentiment d'insécurité délétère et qui [provoque] la protestation des Français."
Vous participez au Gouvernement...
- "Oui, bien entendu."
Vous partagez la responsabilité de cet échec ?
- "Des lois ont été mises en place. Des mesures qui vont dans le bon sens ont été annoncées. Mais sur le terrain... Par exemple, la police de proximité : tous les maires vous diront que c'est une bonne mesure, une bonne intention, mais sur le terrain, elle ne se traduit pas toujours par les moyens et les effectifs suffisants pour créer les conditions d'une vraie sécurité."
Quand vous regardez les projets ou les programmes de vos camarades socialistes, vous trouvez qu'ils donnent pour l'avenir des réponses adéquates à ce problème de la délinquance ?
- "Dans l'affichage des uns et des autres, les choses vont dans le bons sens sauf que..."
C'est toujours un problème de moyens ?
- "Oui. Il ne faut pas de dérive sécuritaire. La loi de présomption d'innocence dont on discute..."
Justement, vous allez en discuter aujourd'hui : est-ce que vous allez voter, vous, le groupe communiste dont vous êtes le président ?
- "Le groupe communiste se prononcera tout à l'heure. Nous avons une grande réticence au fait que l'on ait à nouveau abordé cette loi de présomption d'innocence, qui est un acquis important pour le droit démocratique et la justice dans ce pays..."
Je vous arrête : n'êtes-vous pas en train de vous contredire ?
- "Non, parce qu'il ne faut que ce soit non plus une loi alibi, sur le fait qu'il fallait sur tel ou tel point la toiletter. On pouvait le faire par circulaire. Mais utiliser ce débat éventuellement pour accréditer l'idée que l'on va régler les problèmes, c'est quand même une loi un peu alibi. Nous avons donc, dans ce débat parlementaire, puisqu'elle est venue en débat, fait bouger les choses de telle manière que la dérive sécuritaire soit moindre. Cela dit, cela ne fait pas complètement le compte et il y a un débat interne au sein de notre groupe. Nous prendrons position tout à l'heure en ce qui concerne le vote de ce soir."
Quelle est la position personnelle du président du groupe : il va plutôt vers l'abstention ?
- "Vous comprendrez quand même qu'en tant que président, je respecte les uns et les autres et que je vais pas dire ici publiquement, avant que le débat n'ait eu lieu, la position que nous aurons."
On irait plutôt vers l'abstention ?
- "Ce n'est pas impossible. Je pense que nous ne voterons pas contre cette loi et que le débat balancera entre l'abstention et le vote pour."
Que pensez-vous du conflit avec les médecins auquel le Gouvernement est affronté ? On a cru qu'il était partiellement résolu, avec l'accord entre la Cnam et l'un des syndicats minoritaires. Le syndicat majoritaire continue la grève ; pensez-vous - je dis toujours "vous" qui participez, en tant que Parti communiste au Gouvernement - que le Gouvernement devrait être plus généreux vis-à-vis des médecins, à travers la Cnam ?
- "Le fond du problème remonte à la politique de monsieur Juppé. Dans ce domaine, on n'a pas rompu avec la réforme Juppé en matière de santé. C'est bien la raison pour laquelle depuis des mois et des années, dans le cadre de cette majorité, nous crions haut et fort qu'il faut rompre avec la politique de monsieur Juppé. On ne l'a pas fait et cela a eu des conséquences dans tous les domaines."
C'est encore un échec du Gouvernement ?
- "Non, c'est le fait que l'on ait une politique un peu trop tiède, trop mi-chèvre mi-chou. C'est d'ailleurs ce qui nous a conduit à nous opposer fermement à la loi de financement de Sécurité sociale. Et je me souviens des entretiens..."
Mais que faut-il faire aujourd'hui, parce qu'il y a une question immédiate.
- "Il faut répondre pour une part à l'attente du monde médical."
Il faut donc faire passer la consultation de 17 à 20 euros ?
- "Il faut surtout que l'on réfléchisse à un autre financement de la Sécurité sociale..."
Mais il reste trois mois avant les élections et les médecins sont en train de faire la grève. Comment peut-on sortir de cette impasse ?
- "Quand des gens protestent et revendiquent, il faut déjà les écouter. Nous avions alerté à plusieurs reprises le Gouvernement, y compris dans les débats sur le financement de la Sécurité sociale. J'avais dit personnellement à E. Guigou, dans les entretiens que nous avions pour essayer de trouver une issue à propos de cette loi, qu'il y a avait un risque de marée blanche du monde hospitalier, du monde médical, à la rentrée de janvier-février. Et sans être Madame Soleil, nous avions vu juste, parce qu'il y avait des mesures financières insuffisantes pour l'hôpital public, pour la santé. Si on ne répond pas à cette attente tout à fait profonde dans le monde de la santé, notamment chez les hospitaliers, les infirmières, les médecins, évidemment, cela conduit à une crise. Nous avons souvent regretté que le groupe communiste, entre autres, ne soit pas suffisamment entendu au sein de cette majorité plurielle."
Un mot sur ce qui va se passer au Parlement : le Gouvernement va être obligé de ne pas aller jusqu'au bout d'un certain nombre de lois, il y a une sorte d'embouteillage. Avez-vous des préférences ? Quelles sont les lois, selon vous, qu'il faudrait de toute manière voter, dans le peu temps qui vous est imparti d'ici la fin de la législature ?
- "Nous aurions souhaité que l'on revienne par exemple sur la loi de modernisation sociale, à propos de laquelle le Conseil constitutionnel s'est conduit de manière inacceptable, en relais du Medef, pour mettre en cause et censurer un article important de cette loi qui visait justement à mieux protéger les salariés contre ces plans de licenciements qui se multiplient ici ou là. Par exemple, nous aurions souhaité que l'on discute de la loi permettant aux personnes qui ont moins de 60 ans et qui ont travaillé 40 ans, souvent dans des conditions pénibles, qu'elles puissent bénéficier d'une retraite à plein temps."
Vous pensez que vous serez entendu ?
- "Pour l'instant, nous ne le sommes pas. C'est bien la raison pour laquelle dans cette campagne qui s'ouvre, mon ami, R. Hue, met en avant l'idée de "l'audace sociale", ce qui est une nouveauté et une modernité dans le monde dans lequel nous vivons."
Vous avez regardé ce qui s'est passé dimanche : le candidat "probable" qui devient candidat "disponible". Qu'en pensez-vous ?
- "C'est un petit jeu politicien qui, à mon avis, ne correspond pas à l'attente des Français, qui ont d'ailleurs dit dans des sondages d'opinion à 53 % qu'ils attendaient autre chose du débat pour l'élection présidentielle, c'est-à-dire des débats de fond sur l'avenir de la France, les problèmes de l'emploi, l'avenir de la jeunesse. C'est à ces vraies questions qu'il faut répondre et lancer le débat présidentiel."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 29 janvier 2002)