Texte intégral
Congrès de l'Union nationale des organisations syndicales de transporteurs routiers automobiles - le 2 octobre 1998
Monsieur le Président de l'UNOSTRA, Jean-Louis AMATO,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais tout d'abord vous remercier de votre invitation et vous dire combien je suis heureux de me retrouver parmi vous aujourd'hui.
Vous y avez insisté, je sais que l'organisation que vous présidez s'est engagée résolument, depuis plusieurs années déjà, dans la voie de la modernisation concertée du secteur du transport routier et qu'elle fait preuve tout à la fois de dynamisme et de clairvoyance dans la construction d'une Europe des transports ouverte à la concurrence mais pas livrée à l'anarchie.
Il reste à progresser mais des avancées significatives ont déjà pu être obtenues. Je me félicite du travail mené en étroite collaboration avec les professionnels de la route, et notamment avec l'UNOSTRA, pour mettre au point une politique en matière économique et sociale visant à rendre le secteur routier français plus compétitif par rapport à ses concurrents étrangers tout en assurant une meilleure protection sociale des conducteurs et en offrant de réelles perspectives d'emploi.
Au cours de cette année, nous avons pris toute une série de mesures qui marquent la reconnaissance par l'État de la spécificité du secteur du transport routier et l'importance qu'il attache à sa compétitivité, à son développement et à son évolution sociale.
C'est tout d'abord la loi du 6 février 1998 qu'on appelle la « loi GAYSSOT ». Vous avez regretté la lenteur de sortie des décrets d'application de la loi. Je comprends votre impatience et je peux dire que je la partage. Mais on a fait du bon travail pour regrouper l'essentiel dans un texte unique et on s'est livré à une concertation approfondie. Si l'on veut, comme vous le demandez, des décrets simples et applicables. Maintenant on est prêt. C'est ainsi que le décret d'application qui concerne les transports de marchandises vient d'être examiné par le Conseil national des transports, a été adopté au niveau interministériel et va être soumis au Conseil d'État dans les tous prochains jours. Sa publication doit intervenir d'ici la fin de l'année.
Sur le plan fiscal, nous avons comme vous le savez, mis au point le nouveau barème de la taxe à l'essieu en retenant les taux minima fixés par la directive communautaire. Le dispositif réglementaire sera opérationnel avant le 1er janvier prochain et vise également une simplification administrative en diminuant le nombre de taux applicables qui était considérable puisqu'il y avait plus de 1 000 taux possibles. Nous avons par ailleurs décidé de créer le gazole professionnel et nous avons pour cela engagé la démarche à Bruxelles.
Je rappellerais également la baisse de la taxe professionnelle de 800 francs par camion, pour les transporteurs routiers, décidée par le Gouvernement l'an passé et la suppression dans le budget 1999 de la taxe professionnelle sur les salaires qui touchera principalement les PME.
En même temps, je suis de votre avis, il faut travailler à l'harmonisation fiscale.
Enfin, j'ai décidé de prolonger en 1999 le dispositif d'aide au regroupement des entreprises qui peut les aider, dans certaines situations ou pour certains marchés, à atteindre une taille leur permettant de mieux faire face à la concurrence et notamment à la concurrence des autres entreprises européennes.
La mise en oeuvre de cette politique passe évidemment par la réalisation des contrôles qui sont également de la responsabilité de l'État. Mon objectif est d'arriver à des contrôles mieux ciblés, plus efficace, permettant de relever les comportements les plus délictueux vis-à-vis du respect des règles de concurrence, des conditions de travail ou de la sécurité sur la route.
J'ai augmenté les moyens des services en inspecteurs et contrôleurs et je leur ai donné des instructions fermes pour qu'ils agissent en bonne cohérence et avec la plus grande efficacité. C'est pourquoi, comme vous le savez certainement, les pôles de compétence Transport ont été mis en place au cours de l'année 1997 dans les différentes régions. Ces pôles de compétence visent à mieux coordonner l'action des différents services de l'État impliqués d'une façon ou d'une autre dans le contrôle ou la répression des fraudes et certaines de vos questions doivent d'abord être traitées à ce niveau et en particulier les éventuelles différences de traitement en matière de sanctions selon la taille des entreprises. Les Directions régionales de l'équipement assurent le secrétariat et l'animation des pôles de compétence, faisant évoluer progressivement leur rôle vers celui d'un « guichet unique », au service des entreprises. L'inspection du travail des transports est pour sa part mobilisée sur le contrôle des conditions de travail.
C'est dans ce cadre que des rencontres ont eu lieu régulièrement avec les organisations patronales et les syndicats de transport pour faire le point des actions de contrôle et donner des informations sur les résultats obtenus. J'en suis pour ma part très satisfait, le développement des relations avec le milieu professionnel en matière de contrôles ne pouvant que favoriser l'amélioration des conditions d'exercice de la profession de transporteur routier et permettre de mieux cibler les actions contentieuses. Et je remercie l'UNOSTRA des positions claires et parfois courageuses qu'elle formule sur ce sujet.
Nous disposons maintenant d'un arsenal de sanctions qui nous permettent d'être efficaces. J'entends dire d'ailleurs qu'on commence à y croire.
Au cours du seul premier trimestre de cette année, 210 000 véhicules ont été contrôlés sur la route et 11 700 véhicules ont été immobilisés.
Pour les commissions des sanctions administratives, les CSA, je note qu'en 1997, 17 entreprises de moins de 10 véhicules ont été sanctionnées, 48 pour celles qui ont entre 10 et 50 véhicules et 8 pour les entreprises de plus de 50 véhicules. Cela démontre bien qu'il n'y a pas un type d'entreprise infractionniste mais que l'on trouve, dans toutes les catégories, des professionnels qui font honneur à la profession et qui doivent être protégé de la concurrence déloyale de quelques-uns.
Sur le plan judiciaire, en 1996, dernier chiffre connu, 47 592 condamnations ont été prononcées dans le domaine du transport routier pour des infractions sanctionnées par une amende contraventionnelle de la 5e classe ou d'une amende délictuelle, c'est-à-dire les plus graves.
En ce qui concerne les péages autoroutiers, je sais que vous êtes préoccupés par les distorsions de concurrence qui peuvent exister du fait de l'existence de rabais auxquelles les grosses entreprises ont plus facilement accès que les petites. Une réflexion est en cours avec les sociétés d'autoroutes pour aboutir à une formule plus équitable en concertation bien sûr avec les professionnels concernés.
En ce qui concerne le domaine social, je voudrais tout d'abord vous adresser publiquement et solennellement, Monsieur le Président AMATO, mes vifs et sincères remerciements pour le sens des responsabilités dont a fait preuve l'UNOSTRA, au moment du couplet de novembre dernier, pour que les négociations se poursuivent et que l'on parvienne à une solution négociée, dans le cadre de la commission paritaire, au bout de cinq jours de conflit.
Cette position, qui a été celle de l'UNOSTRA, a été prise à votre initiative. Elle a grandement contribué à l'issue positive du conflit, et à la signature de l'accord salarial du 7 novembre 1997. Je tenais ici à vous remercier publiquement pour le rôle personnel que vous avez joué dans ces moments.
Vous avez évoqué tout ce qui a été fait, en matière sociale, depuis un an. Je voudrais y revenir un instant, en soulignant, de mon point de vue, la qualité du dialogue social, qui s'est instauré depuis un an dans le cadre paritaire.
Le dialogue social est d'abord dans les entreprises. Mais la concertation existe aussi au niveau régional, dans les instances de suivi des accords sociaux, présidées par les Directeurs Régionaux du travail des Transports. Je me félicite du rôle que jouent vos délégués dans ces instances, qui constituent des cadres utiles pour la concertation, et qui contribuent à l'oeuvre commune de modernisation.
Le dialogue social se noue enfin au plan national au sein de la commission paritaire de la convention collective, présidée par mon représentant, Monsieur Hubert PERRIN.
Je veux ici saluer l'oeuvre accomplie depuis un an par les négociateurs, réunis au sein de cette commission paritaire, pour la qualité du travail accompli depuis le conflit de 1997 : huit accords ont été conclus, auxquels l'UNOSTRA a toujours été partie prenante, avec le souci affiché de trouver des solutions pratiques et concrètes, applicables par tous, et tout particulièrement par les chefs des petites entreprises.
Les pouvoirs publics aussi, ne sont pas restés inactifs dans cette année, pour accompagner la modernisation sociale du secteur.
Vous avez évoqué à cet égard, dans le domaine social, deux dossiers :
– en premier lieu, vous avez évoqué la généralisation de la formation obligatoire : elle a été prévue par l'article 1er de la loi du 6 février 1998, et son premier décret d'application va paraître dans les prochains jours, après une concertation très approfondie avec la profession, notamment avec votre fédération, pour la première étape de cette généralisation : l'application de la formation aux conducteurs non salariés du transport public de marchandises ; la prochaine étape pourrait constituer l'extension de la formation aux conducteurs salariés du transport public de voyageurs : les négociations sociales sont programmées à cet égard, et je sais que l'UNOSTRA y jouera un rôle constructif ;
– en deuxième lieu, vous avez évoqué l'application, au transport routier, des incitations financières créées par la loi du 13 juin 1998, la loi AUBRY : vous savez que nous avons souhaité, Mme AUBRY et moi-même, tenir compte des spécificités de votre activité dans la mise en place de ces aides à la réduction du temps de travail et à la création d'emplois ; c'est l'objet d'une circulaire que nous avons co-signée le 31 juillet 1998 ; cette instruction doit maintenant être utilisé au mieux de ses possibilités ; nous en attendons de nouvelles étapes dans la réduction de la durée du travail, engagée dans votre profession, et dans la dynamique de création d'emplois qui accompagne cette réduction.
Je compte à cet égard beaucoup sur votre fédération, qui a été une des premières à parler « emploi » dans la démarche de progrès engagée depuis plusieurs années, pour pleinement inciter vos entreprises à s'inscrire dans cette orientation ambitieuse.
L'UNOSTRA est très présente dans les réflexions et les initiatives locales menées en matière d'emploi. Vous y recevez le concours actif de PROMOTRANS, l'organisme de formation que chacun ici connaît, par exemple pour monter des groupements d'employeurs. Faisons preuve ensemble du même dynamisme, Monsieur le Président, messieurs les présidents, pour utiliser toutes les potentialités de cette circulaire du 31 juillet et créer de nombreux emplois.
J'insisterai enfin, pour terminer sur ce chapitre social, sur ce qui reste à faire, et notamment, plus particulièrement sur le chantier essentiel de l'harmonisation sociale européenne.
Nous sommes tous très concernés par la mise en place de cette harmonisation sociale européenne, complément indispensable de l'ouverture économique du marché européen des transports routiers.
Cette harmonisation constitue un objectif majeur, pour les professionnels et les pouvoirs publics, pour éviter que les efforts de lutte contre la concurrence déloyale déployés en France depuis plusieurs années ne viennent à être annihilés par une concurrence étrangère sans frein.
A cet égard, je suis, comme vous, particulièrement déçu de l'échec de la réunion paritaire européenne du 30 septembre, pour la mise au point d'une législation sociale européenne harmonisée dans les transports routiers. Une occasion historique a été manquée par les partenaires sociaux de prendre eux même en main l'évolution sociale de ce secteur à l'échelle européenne. Mais il est vrai qu'un accord ne pouvait être envisageable si une clause permettait d'y échapper au niveau national. S'il est possible d'envisager des dérogations à la règle, dans le cas présent, la dérogation serait devenue la règle même, ce qui n'est pas acceptable.
Il est maintenant temps pour la Commission de prendre toutes ses responsabilités et de proposer sans délais aux États, à la fois un projet de directive de la Commission sur la durée du travail dans les transports routiers, et des propositions de mise à jour du règlement 3820 de 1985 sur les temps de repos et de conduite.
J'ai rappelé avec force ces positions, hier, au Conseil des ministres Européens des Transports de Luxembourg, en réaffirmant à cet égard toute l'actualité, de mon point de vue, des propositions faites par la France en novembre 1997, dans le cadre du mémorandum que vous connaissez et qui avait été établi en concertation avec la profession.
Soyez assurés que je développerai toute mon énergie pour que ce dossier aboutisse dans les meilleurs délais.
Je terminerai, si vous le voulez bien, sur un thème que vous avez évoqué Monsieur le Président, l'accès des PME du secteur au transport combiné. Je sais, et vous l'avez réitéré, que c'est quelque chose auquel vous tenez. Je veux vous dire que je m'en félicite. Je pense qu'il y a là matière, simultanément, à améliorer – à industrialiser – l'organisation des PME et à donner un dynamisme supplémentaire à cette technique.
A cet égard, comme vous, je ne peux que me féliciter que cette proposition figure explicitement dans le rapport de M. PERROD sur le développement du transport combiné. Je peux vous dire que, d'ores et déjà, les services du ministère travaillent à donner des suites concrètes à cette proposition.
Le groupement national du transport combiné (GNTC) a également exprimé son soutien à cette orientation.
En région Aquitaine, Nord Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées et Lorraine des fonds spécifiques sont créés pour améliorer l'accès des petites entreprises au transport combiné.
On le voit la démarche est lancée et il conviendra de trouver les moyens de l'encourager encore mieux à l'avenir.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie de votre attention, et je vous souhaite un bon congrès.
CONGRÈS DE LA FNTR - Le jeudi 8 octobre 1998
Monsieur le Président de la FNTR,
Messieurs les Parlementaires,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les élus,
Permettez-moi de vous dire ma satisfaction d'être parmi vous à l'occasion de votre 53ème Congrès.
Il y a tout juste un an, je participais pour la première fois à un congrès de la FNTR, et je vous avais exposé la façon dont je voyais l'évolution du transport routier dans notre économie moderne et dans un contexte désormais pleinement Européen. Je vous avais fait part de ma volonté de fonder mon action dans une approche multimodale – vous avez évoqué ce problème M. le Président – en jouant des atouts de chaque mode de transport. Et je vous ai fait part également de ma volonté d'oeuvrer pour une meilleure régulation économique et sociale, et de défendre notre pavillon dans la compétition internationale.
Vous m'aviez déclaré, vous vous souvenez, que vous m'attendiez au tournant, considérant avec raison que c'est aux actes qu'il faut apprécier une politique, plus que sur les intentions.
Un an s'est écoulé, et vous pouvez vous-même constater que je me suis attaché à concrétiser ces orientations et à rester fidèle aux engagements.
Pendant cette période, de nombreux événements sont intervenus, qui ont montré l'ampleur des changements qui marquent votre profession, le dynamisme dont font preuve les organisations socio-professionnelles et l'importance des mesures que les pouvoirs publics pour la part qui leur revient mettent en oeuvre pour accompagner la modernisation de ce secteur et sa transformation.
Je voudrais d'abord remarquer, pour m'en réjouir, que le transport routier a bénéficié depuis un an d'une conjoncture favorable : la croissance économique qui s'est amplifiée dans le 2e semestre 1997 a profité au développement des échanges, et le transport en a pris sa part, d'abord sur le plan des échanges internationaux, et en ce moment plutôt sur la demande intérieure. C'est ainsi que le secteur connaît une croissance de l'ordre de 4 %, et que cette tendance pourrait se prolonger en 1999, même s'il est difficile de faire des pronostics précis, tellement les événements économiques, politiques et boursiers secouent notre monde et créent d'incertitude et d'instabilité.
En tout cas cette croissance a été une bonne croissance, en ce sens qu'elle s'est accompagnée d'une modération des coûts, grâce notamment à la baisse du gazole, et d'une bonne tenue des prix, chose que l'on n'avait pas vue depuis nombre d'années ! Les entreprises connaissent ainsi une meilleure situation financière, et je suis le premier à m'en réjouir. Je veux y voir le résultat de leurs propres efforts, mais aussi un contexte favorable à l'évolution du secteur et à la préparation de l'avenir. À ce propos et pour répondre à l'interrogation que vous venez de formuler au sujet de l'avenir de l'ANCR, je ne puis bien sûr vous répondre d'ores et déjà mais souhaite que cette question soit abordée très rapidement en liaison avec mes services afin d'y apporter les meilleures réponses.
Concernant l'avenir de l'ANCR que vous venez de me signaler M. le Président, je ne peux vous répondre d'ores et déjà mais je propose que cette question soit étudiée en liaison avec mes services.
Cette année a été marquée par la préparation, le vote et la mise en oeuvre de la loi du 6 février 1998, que l'on appelle paraît-il la loi Gayssot. Cette loi à laquelle votre organisation a largement contribué, a permis d'adapter profondément les conditions d'exercice de la profession à partir de quelques axes forts : généralisation de la formation, rééquilibrage des relations avec les chargeurs, accès à la profession et au marché adaptés aux nouvelles règles européennes, contrôles et sanctions renforcés.
Je ne vais pas revenir en détail sur toutes ces mesures : elles sont mises en oeuvre ou sur le point de l'être. Je sais bien qu'il y a un peu d'impatience, notamment pour la sortie des décrets d'application. Mais je vous assure que nous n'avons pas perdu notre temps. Les services de la Direction des transports terrestres ont travaillé dur pour préparer, comme je leur avais demandé, des textes clairs et simples et pour les soumettre à une très large concertation.
Aujourd'hui nous sommes prêts. Le premier décret sur la formation des artisans est en cours de signature, et les autres dispositions réglementaires ont été regroupées dans un décret unique qui est soumis au Conseil d'État. Il devrait pouvoir être signé avant la fin de l'année.
Cette année a été également marquée par des décisions importantes en matière de fiscalité. Je veux parler d'abord de la réforme de la taxe à l'essieu, qui entrera en application le 1er janvier 1999. C'était une vieille histoire, puisque la France tout en acceptant il y a plusieurs années la directive européenne sur la taxation des véhicules n'avait rien fait depuis et nous étions menacés de condamnation par la Cour de Justice.
Nous avons fait cette transposition sans nous écarter des minima figurant dans la directive comme la FNTR l'avait demandé. En même temps nous avons simplifié le barème et supprimé le droit de timbre.
Et puis, il y a eu cette décision sur le gazole utilitaire, à laquelle votre fédération attachait tant d'importance et sur laquelle je voudrais revenir. Nombreux sont ceux qui sont d'accord pour dire que l'importance de l'écart de taxation entre l'essence et le gazole en France ne se justifiait pas et qu'il avait des inconvénients, sur le plan écologique mais même aussi dans le domaine industriel.
Tous les experts conseillaient d'entreprendre cette politique de rééquilibrage. C'est ce que le Gouvernement a décidé en fixant comme objectif de rattraper la moyenne des écarts européens, c'est-à-dire 90 centimes, au lieu de 1 franc 40 aujourd'hui.
Ce rattrapage devrait se faire à hauteur de 7 centimes par an pendant 7 ans. Évidemment ce choix politique ne pouvait ignorer la situation du transport routier. Dans une Europe libéralisée, il est impensable de ne pas tenir compte du coût du gazole pour les entreprises par rapport à la concurrence. Nous nous situons aujourd'hui dans la moyenne européenne, et je pense que l'harmonisation dans ce domaine va se réaliser puisqu'il y a une négociation à Bruxelles pour augmenter les minima des accises et réduire ainsi les différences de coût de gazole entre les États. Mais en attendant, nous devons stabiliser notre situation. Et si le Gouvernement a pris la décision de demander à Bruxelles la création du gazole professionnel, ce n'est pas pour être agréable à tel ou tel, ni pour céder à une pression quelconque. C'est parce que le raisonnement qui a conduit la FNTR à faire cette proposition est juste. Il n'y a pas d'autre solution que de traiter le transport routier de manière cohérente et homogène avec les autres États de l'Union européenne, et il ne peut pas y avoir de politique française qui ne tienne pas compte de la concurrence acharnée dans laquelle vous exercez votre métier.
Nous attendons donc le traitement de ce dossier à Bruxelles, et nous y serons bien sûr vigilants.
Enfin, la taxe professionnelle est un sujet qui ne vous a pas échappé, et vos entreprises sont bien sûr concernées par la décision de retirer progressivement les salaires de l'assiette de cette taxe, mesure qui coûtera cher à l'État, mais qui allégera les charges des entreprises, surtout dans la mesure où elles sont liées aux coûts salariaux, ce qui a toujours été dénoncé comme un facteur qui pénalise l'emploi.
Toutes ces mesures fiscales vont dans le même sens : ne pas peser trop lourdement sur les coûts des entreprises, simplifier et alléger la structure de la fiscalité, soutenir la compétitivité des entreprises.
Chacun peut mesurer l'ampleur de ces décisions politiques, qui permettront dorénavant d'avoir sur ces sujets essentiels une visibilité à moyen terme.
Le troisième axe de cette intervention concerne le sujet social et vous ne serez pas étonné que je m'y attarde. Vous connaissez tout l'attachement que je porte, personnellement, à l'amélioration des conditions de travail, de vie, des conducteurs routiers, et au développement de la sécurité et de l'emploi dans les transports routiers, au bénéfice de tous les personnels de la branche. Je ne peux pas oublier bien sûr le conflit de novembre 1997, qui avait manifesté une nouvelle fois le décalage entre la progression du transport routier dans notre économie, et les tensions internes ressenties par les salariés qui ne pouvaient pas se satisfaire de leurs conditions de vie et de rémunération.
La branche des transports routiers, qui cannait des crises, sait aussi négocier, et je me félicite du nombre d'accords qui ont été conclus depuis novembre 1997 dans le cadre de la commission paritaire : 7 accords, en tout, ont été conclus depuis le protocole salarial du 7 novembre 1997.
Tous ces accords sont importants. Mais je voudrais, plus particulièrement, en citer deux :
– l'accord du 13 février 1998, consacrant l'exercice du droit syndical dans la branche, qui doit permettre – et ça s'inscrit dans les orientations que vous avez soulignées M. le Président – une meilleure organisation du dialogue social dans les entreprises. Comme tous les accords, et tous les textes, l'essentiel est maintenant qu'il soit effectivement appliqué, dans sa lettre et dans son esprit ;
– je voudrais également souligner toute l'importance qui s'attache, pour les pouvoirs publics, à la signature des accords qui ont permis d'achever la mise en place du congé de fin d'activité des conducteurs routiers, notamment pour les voyageurs.
Je rappelle que l'État va y consacrer 180 millions de francs en 1999.
2 000 conducteurs routiers ont ainsi déjà pu partir à 55 ans, dans le cadre du « CFA Marchandises » et ces départs ont permis l'embauche d'un nombre équivalent de jeunes conducteurs.
Je rends hommage à l'importance et à la qualité du travail qui a été réalisé dans les organismes de gestion paritaire, qui ont su régler de manière efficace tous les problèmes que j'ai évoqués.
Sans évoquer tous les sujets qui sont sur la table, je voudrais m'arrêter sur deux d'entre eux : les rémunérations et le temps de travail, et ce n'est pas un hasard si je lie les deux.
Sur les rémunérations, il ne m'appartient pas d'intervenir dans le débat. Mais je n'oublie pas que ce sujet, qui a été au coeur du conflit de 1997, a fait l'objet d'un protocole, et d'un engagement d'atteindre la rémunération de 10 000 F pour 200 heures en 2000, avec une redéfinition des classifications correspondant aux réalités des métiers d'aujourd'hui. Je crois vraiment que la mise en oeuvre effective de ce protocole et sa traduction concrète dans les entreprises est un élément déterminant pour l'avenir. La situation de l'emploi d'ailleurs est une incitation supplémentaire pour y veiller, car une bonne rémunération est encore le meilleur moyen pour attirer de nouveaux salariés.
Pour le temps de travail, vous avez engagé en 1994 un processus fondamental de transformation sociale avec la transparence des temps, leur rémunération et leur réduction. Ce processus n'allait pas de soi. Il a été malmené souvent à partir de 1995 à cause des difficultés économiques et des distorsions de concurrence, en France comme en Europe.
En 1998 est intervenue la libéralisation du cabotage, sans que l'harmonisation sociale soit obtenue, est intervenue également et l'adoption par le Parlement de la loi sur les 35 h. Pour cette loi, l'ensemble des fédérations qui composent l'UFT, ont, dès le départ, attiré l'attention des pouvoirs publics sur les spécificités du secteur des transports routiers, et sur l'importance d'une prise en compte de ces spécificités, pour faire des textes réalistes applicables et appliqués.
A cet égard, vous connaissez l'écoute qui a été celle des pouvoirs publics sur ce dossier, et la concertation qui a présidé à l'élaboration des décisions. Martine Aubry, a effectivement reconnu la spécificité du transport routier non seulement dans la définition des temps de pause et de repos, mais aussi dans l'application des mécanismes d'aide financière. A Bruxelles, je me suis très fortement engagé sur le sujet de l'harmonisation sociale. Et je puis vous assurer et je pense que vous le savez, il ne se passe pas un seul sommet des ministres des Transports Européens sans que je n'évoque ce sujet. J'ai présenté le mémorandum qui avait été préparé en étroite relation avec les organisations professionnelles et syndicales, et je suis intervenu à tous les Conseils des Ministres sans exception pour rappeler la position de la France.
Nous avons voulu laisser le Comité Paritaire rechercher un accord et je ne vous cache pas que ma déception a été grande d'apprendre le 30 septembre dernier échec des négociations. Je pense qu'il y avait là une occasion historique à saisir, mais cet accord était impossible dès lors qu'une partie du patronat exigeait un niveau de dérogation qui vidait l'accord de son contenu. Je profite de l'occasion pour corriger les commentaires qu'une organisation patronale a fait à l'appui de mes déclarations. J'ai bien dit qu'une partie – une partie du patronat européen – portait la responsabilité de cet échec. Je connais parfaitement l'attitude qu'ont eu les uns et les autres dans cette discussion et en particulier celle de votre représentation dans les instances communautaires qui a cherché, jusqu'au dernier moment, à aboutir sur un accord ne comportant pas trop dérogations. Si la dérogation était devenue la règle, il n'y aurait plus eu de règle.
Dès le 1er octobre, puisqu'il y avait un Conseil des Ministres européen ce jour-là, j'ai demandé à M. Kinnock de respecter son engagement d'élaborer dans les meilleurs délais une directive sur le temps de travail. C'est ce qui a été annoncé et nous attendons dans les prochaines semaines la proposition de la Commission qui devrait reprendre les différents points acquis dans le Comité Paritaire. Je souhaite que la concertation entre les organisations professionnelles et syndicales et mes services se poursuive pour que nous puissions peser de tout notre poids dans cette négociation.
Cela dit, tout en nous consacrant à cet objectif européen, il nous faut nous préparer à traiter concrètement des nombreux sujets qui sont sur la table : la durée légale va être fixée à 35 h, la négociation sur la courte distance a été retardée dans l'attente des mesures législatives ou réglementaires, l'accord de 1994 a vu son application compromise par une absence de généralisation à toutes les entreprises, et pour finir voilà que le décret pris par mon prédécesseur en 1996 pour la rémunération des temps de repos et coupure est annulé par le Conseil d'État. Et je comprends la réaction des organisations syndicales sur ce qui était considéré comme un acquis, même si l'application de ce décret était loin d'être universelle !
Il me semble que tout concourt maintenant à la réouverture de négociations paritaires sur la question du temps de travail. Je ne peux que vous encourager à vous engager résolument dans une telle négociation et me féliciter de votre annonce d'ouverture des discussions paritaires à ce sujet.
Le processus de transparence, de rémunération et de réduction de la durée du travail est l'axe majeur de modernisation de la profession : il suppose de gros efforts d'adaptation des entreprises et je sais que nombreuses sont celles, petites ou grandes, qui s'y emploient. Elles ont besoin d'être confortées, d'une part par l'accompagnement des organisations professionnelles et syndicales, d'autre part par l'aide au conseil, et je maintiendrai pour cela les aides de l'État en 1999. Elles ont besoin aussi d'être protégées de la concurrence déloyale. Et c'est la raison pour laquelle je m'engage devant vous à poursuivre une politique vigoureuse de contrôle et de sanctions.
J'ai obtenu l'accord du Gouvernement pour poursuivre l'augmentation en personnel et en équipement des corps de contrôle, et j'ai donné des instructions pour une application ferme et déterminée de tous les moyens de sanction à notre disposition, notamment celles créées par la loi Gayssot comme l'immobilisation ou le retrait de la licence. Les Directions Régionales de l'Équipement, et l'Inspection du Travail des Transports sont mobilisées.
Vous avez vu récemment que de lourdes sanctions pénales ont été administrées, ce qui devrait faire réfléchir ceux qui ne croient pas à l'action pénale ; et je vous indique à titre d'information que dans les trois premiers mois seulement de l'année, nous avons déjà prononcé 11 700 immobilisations ! Ces informations méritent d'être connues, et que chacun en tire profit !
L'objectif que nous poursuivons avec la réduction du temps de travail est largement tournée vers la préoccupation de l'emploi. Les résultats dans ce domaine sont encourageants puisque nous sommes sur une tendance de créations nettes de 5 à 6 000 emplois par an dans la branche; mais des difficultés sont en train d'apparaître, qui ont justifié le lancement d'une campagne de l'AFT. Il s'agit là d'une heureuse initiative dont je la félicite et j'espère que Greg saura convaincre les jeunes de sa génération qu'il y a là des métiers d'avenir, et avec des réelles perspectives de progrès social. Mais j'entends dire que pour faciliter les recrutements, on pourrait réduire les normes de formation. Qu'on ne compte pas sur moi pour aller dans ce sens, ce n'est pas ma conception des choses. Cette profession doit sur tous les plans progresser par le haut et non céder à la tentation de la facilité immédiate. Et si nous avons fait inscrire dans la loi le principe de la formation obligatoire généralisée à tous les secteurs voyageurs et marchandises, artisan et compte propre, ce n'est pas pour faire marche arrière aujourd'hui sur le compte d'autrui. Je sais que cette politique est ambitieuse et qu'elle nécessite de gros moyens. La profession dispose de bons outils de formation et je suis sûr qu'ils sont capables de relever ce défi.
Enfin, et je terminerai par-là, la profession, me semble-t-il, a le plus grand besoin d'outils d'observation et d'analyse, tant ces changements sont profonds et la nécessité est grande de les comprendre pour mieux les maîtriser.
Elle a d'autant plus besoin de ces outils que le contexte économique dans lequel évolue les entreprises se complexifie : le marché unique européen est devenu une réalité aujourd'hui et, dans quelques années, l'élargissement de la Communauté européenne à de nouveaux États modifiera à nouveau le paysage.
Le monde bouge et, si les espaces qui sont ouverts à la libre concurrence deviennent ainsi plus vastes, cette concurrence bien sûr devient plus vive.
Les entreprises doivent faire face à cette nouvelle dynamique économique en intégrant dès maintenant ces nouveaux paramètres dans leur stratégie de développement.
Il faut les soutenir dans cette démarche en mettant déjà au point des outils d'analyse pertinents ; c'est pourquoi je souhaite que cette observation se structure avec la participation des organismes compétents et qu'elle se fasse d'abord au plus près du terrain : il est pour cela nécessaire de généraliser les observatoires régionaux, dans le secteur économique et dans le secteur social, et je demande à la DTT de poursuivre son action d'animation et de pilotage dans ce domaine, avec l'aide du Service Économique et Statistique.
Au niveau national, j'espère que nous pourrons mener à bien d'ici la fin de l'année la réforme du CNR. De gros efforts ont été faits, Monsieur le Président, pour rechercher un accord sur les missions et le fonctionnement du CNR, et la profession est convaincue de l'utilité de cet outil économique, assisté des experts qui lui donnent sa crédibilité et son objectivité. Enfin, comme vous le savez je compte sur le Conseil National des Transports pour développer un centre d'analyse et d'observation, lieu de réflexion et d'échanges sur les évolutions et les tendances des différents modes de transport.
Voilà, Monsieur le Président, j'arrête là ce propos déjà très long. Mais la matière est abondante, particulièrement abondante cette année, qui je le crois, fera date dans l'histoire du transport routier. Nous vivons c'est certain, une suite de période charnière dans l'évolution de la profession. Pour réussir cette transformation profonde, entrer sans complexe dans la compétition européenne, et tirer vers le haut à la fois son image et sa réalité sociale, elle a besoin de la mobilisation de tous : des organisations professionnelles et syndicales qui doivent poursuivre avec beaucoup de volonté la construction d'une structure conventionnelle moderne et ouverte vers l'avenir ; des pouvoirs publics qui doivent assumer leur responsabilité par l'harmonisation de la régulation et l'application sans faiblesse des normes concernées ; et enfin, je ne l'oublie pas, des hommes et des femmes qui sont à l'oeuvre tous les jours dans les entreprises, et qui, mieux que quiconque, connaissent les difficultés de ce métier, mais aussi toutes ses valeurs.
Voilà ce que je tenais à vous dire un an après avoir assisté pour la première fois à votre congrès. Beaucoup a été accompli dans l'année écoulée, il reste des tâches à accomplir dans la modernisation de la profession. Je compte sur vous pour vous y atteler. Vous pouvez compter sur ma détermination pour y participer.
Je souhaite que votre 53e Congrès participe à la promotion des secteurs des transports routiers et que se conjuguent toujours mieux efficacité économique et sociale, que la régulation, l'assainissement l'emportent sur le dumping économique et social sur l'aveuglement et les défauts de l'ultralibéralisme.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie.