Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises au commerce et à l'artisanat, sur les mesures en faveur des PME, notamment en matière de création d'entreprise, de développement et de transmission des PME, Paris le 14 octobre 1998.

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Intervenant(s) : 
  • Marylise Lebranchu - secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises au commerce et à l'artisanat

Circonstance : Assemblée générale de la CGPME à Paris le 14 octobre 1998

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs,


Je me retrouve parmi vous avec plaisir, un an après notre premier rendez-vous. Nous étions alors encore sous le choc de la « fin dramatisée » de la conférence nationale sur l'emploi et notre dialogue en avait été logiquement marqué. Je suis certaine qu'il retrouvera aujourd'hui son cours naturel.

Depuis cette date, je me suis efforcée d'être autant que possible présente sur le terrain, de rencontrer les chefs d'entreprises, les acteurs du développement local. Je l'ai fait car depuis toujours je suis convaincue que, derrière les concepts économiques, il y a des femmes et des hommes qui travaillent, investissent et consomment. Je suis convaincue également qu'il est nécessaire d'intervenir dans le domaine de la micro-économie, c'est-à-dire sur les déterminants de ces décisions, et qu'une action macro-économique pourtant nécessaire et indispensable ne peut pas suffire.

Toutes les enquêtes économiques récentes témoignent de la bonne santé des PME : l'activité est satisfaisante, les perspectives d'embauche et d'investissement positivement orientées, les perspectives de résultats également. Ces bonnes nouvelles ne me surprennent pas. Il y a un an je vous disais le souci du Gouvernement de relayer le moteur externe de la croissance - les ventes tirées par les exportations - par son moteur interne : le développement de la consommation et de l'investissement. Pour cela le Gouvernement de Lionel Jospin avait retenu deux grands axes :

- Premier axe : confirmer le choix de l'euro pour des bénéfices que nous connaissions : taux d'intérêt les plus faibles au plan mondial, coopération renforcée en Europe. L'année qui vient de s'écouler illustre le bien-fondé de cette stratégie. En rendant ce choix irréversible, en le faisant prendre en compte comme tel par la communauté internationale, nous avons protégé notre continent des désordres monétaires qui affectent d'autres régions du monde. Certains pays qui n'ont pas voulu, pour des raisons qui leur appartiennent et que je n'ai pas à juger, se joindre à la monnaie unique, sont touchés par les désordres monétaires tandis que leurs voisins qui ont fait ce choix de l'euro ne le sont pas.

Certes l'euro ne réglera pas toutes les difficultés au plan mondial et Dominique Strauss-Kahn s'emploie à faire progresser l'idée d'une nécessaire régulation monétaire internationale. Mais il constitue un cadre de référence stable pour nos entreprises, et il créé la plus grande zone de chalandise du monde.

- Deuxième axe : relancer la consommation en donnant des signes positifs sur l'emploi. La montée du chômage, les difficultés d'insertion des jeunes dans la vie professionnelle pèsent logiquement sur la consommation : les familles épargnent pour le cas où. Cette épargne de précaution, à laquelle les économistes donnent le beau nom « d'épargne pour les jours pluvieux » était un frein à la croissance. Le dispositif des emplois-jeunes et la loi sur les 35 heures ont permis de donner ces signes positifs que les ménages attendaient pour consommer pleinement.

J'ai toujours veillé, dans ce contexte, à ce que les modalités de mise en oeuvre de ces choix respectent les PME et mieux encore leur permettre d'en tirer le bénéfice maximum. Ainsi le nécessaire rééquilibrage du budget de l'État est passé par une contribution additionnelle des entreprises qui n'a pas pesé sur les PME réalisant moins de 50 millions de chiffre d'affaires. Certes, il est toujours difficile de retenir un seuil et celui-ci peut-être discuté. Mais cette première décision gouvernementale illustrait le souci de reconnaître les spécificités des PME.

J'ai toujours éprouvé peu de difficultés à faire partager ce point de vue car le Gouvernement de Lionel Jospin est convaincu, comme vous l'êtes vous-mêmes, que la force de notre économie réside très largement dans la vitalité de nos PME. Je constate que ce diagnostic est partagé par l'ensemble de nos partenaires européens : chaque réunion de ministres européens, chaque entretien bilatéral le confirme et plusieurs documents l'ont noté : les PME sont un élément essentiel de la vitalité de l'économie européenne. Ce consensus se poursuit quant à la nature des difficultés ou des handicaps qui pèsent sur elles : poids de la complexité administrative, difficultés d'accès au financement, insuffisance des créations, difficultés de la transmission.

Mon souci a été depuis mon arrivée au Gouvernement d'apporter des réponses concrètes à ces difficultés, de lever les obstacles à la création, au développement et à la transmission dans de bonnes conditions des PME.

J'ai choisi, avec l'ensemble du Gouvernement, de répondre aux préoccupations de toutes les PME. Tel est l'objectif des programmes de simplification que j'ai engagés depuis un an. Les différentes mesures retenues, et j'en proposerai de nouvelles au Gouvernement dans les jours qui viennent, visent toutes à alléger l'impôt-formulaire, visent toutes à simplifier le maquis des obligations pour les PME.

J'ai également voulu répondre aux spécificités de chacune de vos entreprises que recouvre le terme PME, c'est-à-dire les toutes petites entreprises, les petites entreprises, les entreprises moyennes. Certes, il est essentiel que toute entreprise puisse se développer et je n'ai en ce domaine aucun instinct de possession : je me réjouis chaque fois qu'une PME quitte mon secteur ministériel pour devenir une grande entreprise et je  suis même convaincue qu'il devrait y en avoir davantage à opérer ce mouvement. Je voudrai simplement à titre d'illustration montrer qu'aucune des entreprises que vous représentez n'a été laissé « au bord du chemin ».

Pour les très petites entreprises, le projet de loi de finances pour 1999 contient des dispositions essentielles en matière de TVA. Il est d'abord proposé de relever le seuil d'application du régime des micro-entreprises à :

- 500 000 francs hors-taxes pour les entreprises d'achat-revente de marchandises ;
- 175 000 francs hors-taxes pour les autres entreprises prestataires de services et les titulaires de revenus non commerciaux.

Cette mesure, mêlant allégement et simplification fiscales, exonérera un demi millions d'entreprises de la taxe sur la valeur ajoutée.

L'autre mesure, contenue dans le même projet de loi, concerne les redevables soumis au régime simplifié d'imposition, c'est-à-dire les entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas 1,5 MF ou 5 MF selon la nature de l'activité exercée. Ces entreprises devaient - doivent encore - déposer cinq déclarations pour le même exercice : quatre déclarations trimestrielles abrégées accompagnées de versements provisionnels, puis une déclaration récapitulative l'année suivante. Dorénavant, ces entreprises n'auront plus à établir qu'une seule déclaration. 1 154 000 entreprises bénéficieront de cette simplification et ce sont plus de 7,2 millions de déclarations qui seront supprimées.

Je présenterai avec le Premier ministre, un programme complet de modernisation des entreprises artisanales qui sont dans leur très grande majorité des TPE.

Pour les petites entreprises, je choisirai l'exemple de la réforme de la taxe professionnelle. Le projet de loi de finances pour 1999 propose que dès l'année prochaine s'applique une réduction de 100 000 francs en base par redevable et par commune, ce qui équivaut à ne pas taxer 550 000 francs de salaires. Cette réforme permettra de supprimer, dès 1999, la part salaires de la taxe professionnelle pour plus de 70 % des établissements. Parallèlement, le projet de loi propose de relever la cotisation minimale de taxe professionnelle, mais en exonère les entreprises de moins de 50 M de chiffre d'affaires. Cette mesure a suscité des craintes, mais il s'agit de renforcer l'équité entre les entreprises qui ont besoin de collectivités territoriales qui disposent des moyens de les accompagner.

Pour les moyennes entreprises, je pourrais mentionner l'ensemble des dispositions intervenues dans le domaine du capital-risque, de l'orientation de l'épargne. Je préfère souligner, parce que cette mesure a été moins relevée, les améliorations apportées au dispositif de crédit d'impôt recherche, reconduit pour cinq ans :

- les entreprises qui n'ont pu soutenir un effort de recherche durable dans le passé pourront exercer une nouvelle option pour le Crédit Impôt Recherche ; dans le même esprit, il ne sera plus tenu compte du Crédit Impôt Recherche négatif antérieur à 1993 afin de permettre aux entreprises ayant relancé leur effort de recherche de bénéficier pleinement de l'aide fiscale ;
- les entreprises bénéficieront d'une restitution immédiate (« au cul du camion ») de Crédit Impôt Recherche pendant leurs trois premières années d'activité, quelque soit leur implantation géographique ; les autres pourront mobiliser la créance du Crédit Impôt Recherche auprès d'un organisme financier.

Cette illustration sélective ne constitue pas un inventaire, inévitablement fastidieux. Je souhaiterais néanmoins évoquer rapidement, selon une logique thématique cette fois, quelques thèmes toujours évoqués par les chefs d'entreprises que je rencontre.

S'agissant du financement, le travail opéré depuis un an a permis, votre président le sait bien, d'améliorer les fondations de la BDPME. Cet organisme qui rend des services utiles à vos entreprises doit faire mieux et davantage en ce sens.

Toujours dans ce domaine, je crois que nous pourrons réaliser de substantiels progrès en matière de délais de paiements. Vous le savez encore mieux que moi les entreprises sont les premières banques des entreprises. Les créances clients représentent plus de 2 000 milliards de francs contre 800 milliards pour les crédits de trésorerie des banques. Depuis cinq ans, alors que les délais clients et fournisseurs se réduisent globalement, la charge du crédit-interentreprise pèse davantage sur les PME alors que la situation relative des grandes et surtout des très grandes entreprises s'améliore.

Certes les délais de paiement échappent pas totalement aux rapports de force qui caractérisent la vie économique, mais des progrès sont possibles. Les discussions au plan européen ne sont pas à ce jour abouties et une concertation au plan national est à l'oeuvre. Je suis certaine que nous parviendrons à de nouveaux progrès.

Les pouvoirs publics sont bien là dans leur rôle : réguler au bénéfice de la collectivité, éventuellement empêcher les comportements abusifs et donner l'exemple. D'ores et déjà les délais de règlement de l'État se comparent avantageusement à ceux du secteur privé. Cela n'empêche pas que certaines situations ne sont pas normales et que l'État doit contribuer à l'amélioration de la situation de nos entreprises. Nous devons être exemplaires.

Cela rejoint une autre revendication largement récurrente : celle de l'accès des PME aux marchés publics. Je laisse à Dominique Strauss-Kahn le soin de s'exprimer sur ce thème.

Améliorer les conditions de l'équilibre financier des entreprises ne suffit pas, il faut favoriser leur développement, leur capacité à innover, à tirer pleinement parti des modifications de leur environnement. C'est pourquoi nous avons, avec Dominique Strauss-Kahn, convié l'ensemble des représentants (syndicats, organisations professionnelles) et des partenaires naturels des PME (organisations consulaires, experts-comptables, établissements financiers) à se mobiliser autour d'une charte euro-PME. Cette charte à laquelle votre organisation a pris une large part réunit l'ensemble des secteurs professionnels :  artisanat, industrie, commerce et agriculture. Elle vise à mieux diffuser l'information sur la monnaie unique et à mobiliser chacun des acteurs pour multiplier les contacts avec les entreprises. Les dernières indications dont nous disposons à cet égard sont plutôt encourageantes : près de 92 % des PME se disent convenablement informées dans l'enquête de la BDPME (cette proportion est moins importante dans d'autres enquêtes). Néanmoins un nombre plus limité (une sur deux dans l'enquête BDPME) indique avoir engagé l'adaptation de ses outils de gestion à l'euro. Certaines enquêtes indiquent que la tenue de la comptabilité a fait l'objet de davantage d'attention que les relations commerciales. Pourtant ma conviction rejoint sur ce point celle des signataires de la charte : l'euro conduit à redéfinir sa stratégie commerciale bien davantage qu'il ne pose des problèmes de comptabilité.

D'ailleurs, toutes vos entreprises ne seront sans doute pas concernées en même temps. Celles dont le marché est européen comptent sans aucun doute parmi celles qui ont déjà engagé des mesures. Celles qui n'ont qu'une clientèle de particuliers et de voisinage disposent de plus de temps pour cela. La taille n'est pas en elle-même un facteur déterminant : nombre de commerce, de restaurants ou d'hôtels verront arriver dès 1999 des touristes européens qui souhaiteront connaître les prix en euro et régler leurs achats dans cette devise. La France reste la première destination touristique au monde et l'euro constitue une chance de renforcer encore cet atout.

Cela vaut également pour les 35 heures. La grande majorité des accords signés jusqu'ici on été le fait des PME. Je dois d'ailleurs accueillir avec Martine Aubry la signature de l'accord conclu entre l'UPA et l'État pour les TPE.

On peut toujours ironiser - je l'ai souvent entendu - sur le faible nombre d'accords conclus jusqu'ici. Cela ne me paraît pas juste. D'abord parce que pour tirer pleinement parti du dispositif proposé, il faut réorganiser le processus de fabrication et les temps de travail. C'est une oeuvre difficile, et le Gouvernement a d'ailleurs prévu une aide financière pour permettre aux PME de se faire assister dans ce travail. C'est une oeuvre qui en outre nécessite des discussions car elle ne peut être imposée.

Mais outre la diminution des charges qu'elle permet, qui correspond à une revendication là encore constante des chefs d'entreprise, cet aménagement du temps de travail peut être une source de nouvelle efficacité, d'un meilleurs service rendu à la clientèle et donc d'un développement des ventes et de l'entreprise. J'ai rencontré lors d'un de mes déplacements à Bordeaux l'une de ces entreprises qui démontre que les 35 heures constituent un outil formidable de la compétitivité de vos entreprises. Il me semble qu'à l'heure actuelle nous avons un important travail à faire en commun, pour que la prochaine loi de décembre 1999 permette de tirer toutes les leçons des expérimentations actuelles.

Je pourrais multiplier les exemples et les thèmes avec vous. Je voudrais avant de vous laisser la parole pour un temps de dialogue vous faire partager une dernière préoccupation : le repli ininterrompu depuis 1990 des créations et des reprises d'entreprises qui atteint 18 % depuis cette date. Pour la première fois depuis longtemps, le nombre en valeur absolue d'entreprises a régressé en 1997. Certes le repli n'atteint que deux ou trois milliers mais il nous place dans une situation atypique au regard de notre propre histoire et de celle de nos voisins. Rapporté à la population active, le nombre d'entreprises françaises correspondrait à 3,4 millions si notre pays avait la même densité « entrepreneuriale » que la Grande-Bretagne.

Nous sommes tous comptables de cette réalité. Les chefs d'entreprise à qui j'indique toujours qu'à les écouter, nul n'a envie de choisir - pour utiliser un terme cher à mes enfants - « cette galère ». Je ne souhaite nullement nier les difficultés que vous pointez, mais il me semble que vous êtes également les seuls à pouvoir parler des joies de ce métier, des facultés de réalisation qu'il propose, bref d'en faire un avenir désirable pour nos jeunes.

Les pouvoirs publics parce qu'ils peuvent sans doute améliorer les conditions de démarrage des activités : simplifier les règles administratives pour que le nouveau chef d'entreprise se consacre à son métier pas aux papiers, favoriser l'existence d'un accompagnement parce qu'un nouveau chef d'entreprise ne peut se comporter d'emblée comme son concurrent aguerri, et qu'il est certain - comme le dit une chanson - qu'on « tuerait un enfant d'une heure à le traiter comme un adulte ».

C'est pourquoi j'ai proposé au Gouvernement d'organiser d'ici la fin de l'année les assises de la création d'entreprise et de l'épargne de proximité pour faire le point en ce domaine et favoriser les projets de créer.

Je n'ai d'autre préoccupation que de permettre aux PME de se créer, se développer et se transmettre dans de bonnes conditions. Ce sont elles qui créent l'activité, la richesse et l'emploi. Elles ont besoin de ne pas être abandonnées à la « main invisible » du marché, elles ont besoin d'un État régulateur. Un État qui soit efficace dans les services qu'il rend à la collectivité, simple dans les procédures et les moyens qu'il utilise, fort dans la construction d'un environnement qui permette de libérer les énergies, de faciliter l'insertion par le travail, de favoriser par la redistribution une société plus juste.

Ensemble nous pourrons contribuer à la réalisation de cette société que nous voudrions laisser meilleure à nos enfants.