Interview de M.Jean-Louis Debré, président du groupe parlementaire RPR à l'Assemblée nationale, à TF1 le 31 janvier 1999, sur le débat au Parlement sur le Pacs et la parité, et sur le plan d'action gouvernemental de lutte contre la délinquance des mineurs.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion du Conseil de sécurité intérieure, sous la présidence de Lionel Jospin, à Paris le 27 janvier 1999

Média : Site web TF1 - Le Monde - Télévision - TF1

Texte intégral

Michel FIELD
Bonsoir à toutes, bonsoir à tous. Merci de nous rejoindre sur le plateau de « Public », un plateau que nous allons pour l'essentiel consacrer aux questions de sécurité. Vous savez qu'il y a eu la réunion du conseil de sécurité intérieure, que le gouvernement a pris un certain nombre de décisions aussitôt, évidemment, contestées par l'opposition. C'est de ce débat-là dont nous allons nous faire l'écho avec Jean-Louis DEBRE, le présent du groupe parlementaire RPR Alliance et ancien ministre de l'Intérieur que je remercie évidemment d'être là. Et puis avec d'autres élus, d'autres opinions. Bruno LE ROUX qui est le responsable national des questions de sécurité au sein du Parti socialiste, député-maire d'Epinay ; Guy TEISSIER, maire Démocratie libérale des 9e et 10e arrondissements de Marseille ; et Patrick BRAOUZEC, membre du Parti communiste et député-maire de Seine-Saint-Denis, maire de St-Denis. Donc avec eux, avec vos questions aussi puisque vous le savez, désormais, toute la semaine, vous avez le loisir d'enregistrer une question par téléphone ou de nous envoyer vos messages par Minitel, par Internet, par courrier ; nous essayons d'en faire le tri et de mener l'émission en fonction des interrogations qui sont les vôtres. Nous allons aborder ces questions de sécurité qui, à en juger par l'abondant courrier de nous avons reçu de vous, ne vous laissent pas à différents. Donc une page de publicité et on démarre l'émission avec quelques questions sur l'actualité que je poserai à Jean-Louis DEBRE pour commencer.

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Michel FIELD
Retour sur le plateau de « Public » Jean-Louis DEBRE, avant d'en venir aux questions de sécurité, quelques questions d'actualité ; il y avait aujourd'hui une manifestation importante à Paris contre le PACS - entre 100.000 d'après la police et plus de 200.000 suivant les manifestants, suivant une différence de comptage que vous connaissiez bien en tant qu'ancien ministre de l’Intérieur. On a l'impression que sur le PACS, mais je pense aussi au vote du Sénat contre l'inscription de la parité hommes-femmes dans la loi qui était quand même une réforme dont on avait l'impression qu’elle était désirée aussi par le président de la République, on a l'impression que sur les questions de société, l'opposition, après un début de débat finalement relativement consensuel, s'est très vite crispée. Le PACS, ce n'était pas parti finalement pour être un affrontement comme ça droite gauche, et c'est devenu une question majeure qui oppose la majorité et l’opposition.

Jean-Louis DEBRE
Je crois qu'il faut distinguer les deux, la parité et le PACS. Pour le PACS, nous avons livré une bataille très dure et très difficile à l’Assemblée nationale, vous vous en souvenez. Mais le raisonnement est le suivant : chacun est libre d'avoir la vie privée qu’il souhaite et en tout cas moi, je n'ai pas à juger le comportement des uns et des autres. Le problème qui se pose est de savoir quel est le rôle de l’Etat. L’Etat doit favoriser, encourager, développer les familles et nous sommes inquiets d'une double attitude du gouvernement : d'une part, dans un premier temps, il porte des attaques très dures contre l'institution familiale. Vous vous souvenez, c'est cette volonté de mettre sous conditions de ressources les allocations familiales, c'est la suppression de l'aide pour la garde à domicile pour les enfants…

Michel FIELD
Ces mesures ont été rapportées dans leur ensemble…

Jean-Louis DEBRE
Bref, il porte des coups à l'institution familiale. C'est une erreur, parce qu'il n'y a pas de protection sociale, il n'y a pas de développement de l'emploi, il n'y a pas de développement pour la France sans une famille nombreuse, structurée et le rôle de l’Etat, c'est d’aider les familles. Et puis parallèlement à cela, il fait apparaître ce PACS, il fait apparaître ce sous-mariage, c'est une erreur car en final, ce que je reproche au gouvernement, c'est d’avoir dressé les Français les uns contre les autres. Il y avait un vrai problème est ce vrai problème, c'est celui né du phénomène du sida que nous pouvions traiter sereinement et tranquillement. Or le gouvernement dans cette affaire a voulu d'une part attaquer les familles et d'autre part porter au même rang le mariage des homosexuels, je crois que c'était une erreur.

Michel FIELD
Mais sur la question de l'homosexualité, c'est assez paradoxal qu'il y ait cette manif contre le PACS aujourd'hui alors qu'il y a deux jours sur les cours de tennis, une jeune femme Amélie Mauresmo, avoue avec naturel, tranquillité, beaucoup de franchise, son homosexualité et d'une certaine façon fait avancer aussi le regard que nous pouvons tous porter sur tel ou tel sexualité différente ou divergente.

Jean-Louis DEBRE
Très bien, c'est son problème et je vous ai dit tout à l'heure en commençant que je n'ai pas à la juger. Chacun a le droit d'avoir la vie privée qu'il souhaite. Simplement, est-ce que l’Etat, l'argent des contribuables, est fait pour aider des catégories, pour intervenir dans la vie privée ? Moi je suis persuadé et je crois très profondément que le rôle de l’Etat est de favoriser ceux et celles qui, par leur union, permettent la pérennité de l’Etat, le développement de l'emploi et la protection sociale.

Michel FIELD
Vous n'avez à aucun moment l'impression de mener un combat un peu d'arrière-garde et d'être une sorte d'obstacle à une évolution un petit peu légitimes des mœurs ? J'imagine qu'il y a des homosexuels aussi au RPR et qui seraient peut-être assez partisans du PACS, non ?

Jean-Louis DEBRE
J'ai le sentiment que ceux qui portent des attaques contre la famille, reprennent un vieux, très vieux combat qu'on a déjà connu dans le passé.

Michel FIELD
Sur la parité… alors chose un peu étrange, je le disais tout à l'heure, finalement une réforme voulue, co-initiée je dirais, par le président de la République et le Premier ministre et puis un blocage de l'opposition au Sénat.

Jean-Louis DEBRE
Non, attendez…

Michel FIELD
Un peu…

Jean-Louis DEBRE
Tout le monde est d'accord sur la nécessité de l'égal accès des femmes à la vie politique, Tout le monde est d'accord. Le Premier ministre a allumé un vrai faux incendie politique. Le projet est passé à l'Assemblée nationale, l'Assemblée nationale l’a adopté, il passe au Sénat. Le Sénat l'adopte dans des conditions différentes. La procédure législative se déroule normalement et le projet revient à l'Assemblée nationale je crois le 15 ou le 16 février, c'est la procédure normale.

Michel FIELD
Vous n'avez jamais eu l'impression que les sénateurs RPR disaient autre chose que ce que le président de la République avait induit sur cette question ?

Jean-Louis DEBRE
Je n'ai pas ce sentiment, simplement c'est un débat juridique de savoir si la responsabilité de légalité des hommes et des femmes en politique doit d'être placé dans l'article 3 de la Constitution sur la souveraineté ou doit revenir aux partis politiques. Mais l'important, c'est que tout le monde, à droite comme à gauche, est d'accord sur le principe. La nation est représentée par des députés et sénateurs, ceux-ci sont à l'image de la nation, il doit y avoir des hommes et il doit y avoir des femmes.

Michel FIELD
Un mot de politique sur les élections européennes qui approchent et l’état de l’Alliance… est-ce qu'on pourrait encore parler d'alliance d'ailleurs sans sourire, tellement ça semble disloqué et prendre eau de toute part ?

Jean-Louis DEBRE
Je crois qu'il faut distinguer deux niveaux. Au niveau dont je suis responsable, à l'Assemblée nationale, l'Alliance se passe dans d’excellentes conditions. D'ailleurs vous n'entendez pas de critiques sur l'union de l'opposition à l'Assemblée nationale. Régulièrement avec Philippe DOUSTE-BLAZY ou avec José ROSSI, nous nous rencontrons, pratiquement tous les jours pour coordonner l'action des députés de l'opposition. Ça se passe bien. Nous critiquons le gouvernement ensemble et nous faisons des propositions ensemble et par conséquent, je souhaite qu'on prenne modèle sur ce qui se passe à l'Assemblée nationale et d'ailleurs pour mieux coordonner les parlementaires de l'opposition, nous allons développer cette concertation, cette union de l'opposition entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Les députés de l'opposition et les sénateurs de l'opposition vont maintenant mieux et plus travailler ensemble. Donc ça ce passe bien.

Michel FIELD
L'Alliance ira en ordre dispersé aux prochaines élections européennes : liste centriste probable menée par François BAYROU, liste dissidente du RPR menée par Charles PASQUA, ce n'est pas très unitaire.

Jean-Louis DEBRE
Et je le regrette très profondément parce que je suis partisan de l'union de l'opposition et que je crois que la raison politique aurait dû nous inciter les uns les autres a aller ensemble à l'élection européenne, d'autant plus que le choix qui s'offre aux Français est un choix clair qui doit tous nous rassembler. Est-ce que vous voulez une Europe socialiste ou est-ce que vous voulez une Europe de la liberté ? Mais… mais Monsieur FIELD, il y a la raison et il y a des logiques. Il y a deux logiques dont on voit bien où elles aboutissent. Il y a la logique de la proportionnelle. Ce mode de scrutin que nous dénonçons depuis des années et des années, pousse à l'émiettement des partis politiques. Et puis il y a une deuxième logique, il faut y réfléchir, c'est la logique qui est née du financement public des partis politiques ; et je crois que ces deux logiques, la proportionnelle et le financement public des partis politiques, eh bien vont malheureusement aller contre la raison. Mais jusqu'au bout, je militerai pour qu'il y ait une liste de l'opposition aux élections européennes. Regardez l'image de la gauche. La gauche, elle est en pleine déconfiture. On ne sait même plus qui fait quoi, ils se disputent en public, c'est vrai qu'ils appellent ça le débat  ;ils se haïssent, ils s'envoient des mots doux… Que l'opposition ne donne pas ce spectacle, et je suis persuadé qu'avec les parlementaires UDF, les parlementaires DL et les parlementaires du RPR, nous allons militer, chaque jour davantage, pour cette union de l’opposition.

Michel FIELD
Mais si on écoute les amis de François BAYROU, François BAYROU lui-même, c'est aussi une certaine violence, un impérialisme du RPR contre lequel il a voulu s'insurger dans cette histoire et dans sa volonté de mener sa propre liste.

Jean-Louis DEBRE
Vous ne me ferez pas rentrer dans des petites phrases ou des agressions verbales. Les uns et les autres assument leurs responsabilités. Ma responsabilité, en tant que président du groupe RPR, est de faire en sorte que l'opposition, dans sa diversité, soit rassemblée. Regarder le travail que nous faisons, Regardez l'attitude qui a été la nôtre dans l'affaire du PACS à l’Assemblée nationale, regardez les propositions que nous faisons, regardez les propositions de lois que nous déposons ensemble, c'est la manifestation qu'à l'Assemblée nationale, quand on n'en a la volonté, quand on le souhaite, eh bien l'opposition est unie.

Michel FIELD
Philippe SEGUIN, c'était le meilleur candidat possible pour conduire…

Jean-Louis DEBRE
Vous êtes terrible… parce que vous voulez me faire entrer dans une conception de la politique que je n'aime pas.

Michel FIELD
Mais c'est la vôtre, nous on est observateurs.

Jean-Louis DEBRE
Vous êtes observateur, et bien moi je ne fais pas partie de cette politique. Je considère aujourd'hui qu'à partir du moment où nous sommes tous dans l'opposition, les uns et les autres doivent faire un effort pour travailler ensemble. C'est la raison qui doit l’emporter.

Michel FIELD
Philippe SEGUIN est, dit-il, le meilleur candidat pour mener la liste de l'opposition aux Européennes.

Jean-Louis DEBRE
Il est le meilleur pour conduire l'Alliance et moi je ne fais pas de question de principe. Je souhaite simplement que nous gagnions et je souhaite simplement que nous soyons unis.

Michel FIELD
Charles PASQUA risque-t-il d'être exclu du RPR s’il va jusqu'au bout de sa volonté de présenter une liste dissidente ?

Jean-Louis DEBRE
C'est l'affaire des partis politiques, ce n'est pas la responsabilité d'un président de groupe.

Michel FIELD
Vous êtes au RPR quand même.

Jean-Louis DEBRE
Je suis président du groupe RPR.

Michel FIELD
Et vous avez une autorité réelle et morale…

Jean-Louis DEBRE
Je vous remercie de la reconnaître…

Michel FIELD
Donc votre avis ?

Jean-Louis DEBRE
Je souhaite, moi, qu'on exclut le moins possible et que nous allons tous ensemble au combat pour l'élection européenne, pour une certaine conception de l'Europe. Ne reprenons pas de vieux fantasmes ; est ce que nous voulons oui ou non, que l’Europe continue à être la chose des technocrates, une boîte à sous, qui n'ait ni âme… est-ce que nous voulons au contraire que l'Europe soit l'Europe de la liberté dirigée par des politiques avec une réforme des institutions européennes ? Si oui, alors rassemblons-nous, de PASQUA à SEGUIN en passant par BAYROU, par MADELIN et par tous ceux et toutes celles qui croient que l'Europe est une grande ambition pour la France.

Michel FIELD
Ce n'est pas très bien parti, ce vœu que vous venez d’exprimer.

Jean-Louis DEBRE
Vous êtes pessimiste ; moi je suis optimiste de nature et je crois que chaque jour, il faut remettre l'ouvrage sur le travail…

Michel FIELD
On passe aux problèmes de sécurité qui constituent comme je l'ai dit tout à l'heure, l'essentiel de cette émission, avec un sujet de Jérôme PAOLI, qui va détailler les décisions prises au conseil de sécurité intérieure réuni dans la semaine, puis le débat s’ouvrira.

JOURNALISTE
13 ministres réunis autour de Lionel JOSPINdans un conseil de sécurité intérieure. Le gouvernement a dévoilé mercredi dernier son nouveau plan d'action pour lutter contre la délinquance des mineurs. Un plan d'action à mi-chemin entre la ligne éducative d'Élisabeth GUIOU et la ligne plus répressive de Jean-Pierre ChEVENEMENT et orientée autour de trois grands axes. Premier chapitre : le renforcement de la police et de la gendarmerie dans les zones sensibles. Avec le redéploiement dans les 26 départements où la délinquance est la plus active, de 7.000 agents sur trois ans dont 1.900 cette année. Une mesure accompagnée par la création de commissariats territorialisés dans 30 départements et de 25 gendarmeries spécialisées dans la délinquance juvénile. Deuxième grand volet : la justice où le traitement en temps réel des délinquants sera généralisé à tous les parquets. Un objectif qui sera atteint avec l'ouverture de 30 nouvelles maisons de justice et de droit pour le traitement local des petits délits et le recrutement exceptionnel de 50 juges pour enfants, 25 substituts des mineurs, 80 greffiers spécialisés et 1.000 emplois d'éducateurs. Côté répression, le gouvernement donne raison à Jean-Pierre CHEVENEMENT en annonçant la création de 50 centres de placement immédiat et strictement contrôlé pour éloigner les mineurs récidivistes en attente de jugement. 15 le seront dès cette année. Une nouveauté complétée par l'ouverture d'ici l'an 2000 de 77 nouveaux centres éducatifs renforcés pour éloigner les mineurs de leur environnement pendant quelques mois. Enfin, un accent tout particulier sera mis dans la lutte contre la délinquance à l'école avec le recrutement de 10.000 aides-éducateurs supplémentaires, la création de 120 nouvelles classes relais et de 30 internats spécialisés. Les sanctions pour les actes commis à l'égard des enseignants seront également renforcées. Une seule inconnue : le coût budgétaire de toutes ces mesures qui sera évalué plus tard.

Michel FIELD
Voilà un résumé des mesures prises par le conseil de sécurité intérieure. Vous avez, c'est temps dernier, critiqué le gouvernement JOSPIN en disant que c'était un gouvernement de la parole et pas de l'action. Là, au moins, il y a des mesures concrètes, qu'on soit d'accord ou pas. Alors j'aimerais bien avoir déjà votre réaction à ces mesures-là.

Jean-Louis DEBRE
C'était le même discours il y a 18 mois. D'accord, un, pourquoi on n'en est arrivé là ? A l’Assemblée nationale, depuis des mois et des mois, nous interrogeons le gouvernement sur le développement de l’insécurité et on lui dit : attention, ça ne va pas bien… on lui dit à chaque fois. Eric RAOULTt qui est le maire du Raincy, attire notre attention sur ces phénomènes-là. À chaque fois, on nous disait : circulez, il n'y a rien à voir. À chaque fois, on revenait en disant attention, regardez, les Français sont inquiets. Mais non ! Vous faites le jeu de l’extrême-droite nous disaient-ils. Les socialistes ont voulu depuis dix-huit mois nier le développement de l'insécurité. Pire, ils ont cherché par un changement de vocabulaire à avoir des amnisties à répétition. Quand j'étais juge - j'ai commencé ma carrière comme magistrat - il y avait les contraventions, les délits et les crimes. Aujourd'hui, on a inventé une nouvelle appellation, les incivilités. C'est-à-dire que quand quelqu'un casse une cabine téléphonique, fracture une voiture, si c'est un jeune, ce n'est pas un délit, c'est une incivilité. On a par avance minimiser un certain nombre d'actes pour éviter d’agresser, entre guillemets, les auteurs de ces vols. S'ils ont commis des délits, s'ils ont commis des vols, eh bien ils sont des délinquants qu'il faut traiter comme tels. Enfin, ça c'est un problème plus difficile parce qu'on me l'a souvent reproché : le gouvernement, depuis deux ans qu'il est en place, minimise sans arrêt la relation entre l'immigration illégale et la délinquance. Chaque fois que j'aborde cette question naturellement : vous êtes un raciste, vous êtes un xénophobe. Non, je ne suis pas raciste, non je ne suis pas xénophobe. J'ai dans ma tradition familiale, dans mon héritage et dans mes gènes, une conception de la France ouverte sur les autres. Mais j'ai appris de mes parents la République. Et la République, qu'est-ce que c’est ? C'est le respect par tous de la même loi. Or, le gouvernement a abandonné toute politique de lutte contre l'immigration illégale et il prend une responsabilité très forte et très dramatique car Il ne veut pas voir cette liaison entre l'immigration illégale, l'absence de lutte contre l'immigration illégale et les phénomènes de délinquance et de violence. JOSPIN commence très timidement, me semble-t-il, à s'en apercevoir. Mais que de temps perdu, que de temps perdu !

Michel FIELD
Mais cet équilibre tenté entre répression et prévention, parce que c'est un petit peu ça la philosophie générale des mesures du conseil de sécurité intérieure, c'est une démarche qui sur le principe est la vôtre, ou vous auriez aimé plus de répression, mois d'éducatif et de préventif ?

Jean-Louis DEBRE
Ce que je voulais d'abord, c'est une volonté politique. Nous n'avons pas le sentiment aujourd'hui qu'il y ait une volonté politique du gouvernement deux lutter contre le développement de la délinquance, je viens de vous le citer. D'autres exemples, la cacophonie gouvernementale. Vous avez le matin le ministre de l'Intérieur qui dit : arrêtons les sauvageons ; et le surlendemain Monsieur ALLEGRE qui dit : il n'y a jamais eu de sauvageons.

Michel FIELD
les tensions entre l'Intérieur et la Justice, vous les avez vous-même connu avec le garde des Sceaux de l'époque. Il y a toujours eu…

Jean-Louis DEBRE
Exact mais dans un autre climat Monsieur FIELD, dans un autre climat ; d'une part un climat de baisse de la délinquance et deuxièmement, grâce à l'autorité du Premier ministre Alain JUPPE, nous évitions de mettre ça sur la place publique. Qu’il y ait des débats entre le ministre de la Justice et le ministre de l’Intérieur… et le ministre de la Ville. Éric RAOULT le sais très bien, c'est normal ; mais pas à l'extérieur. Pourquoi ? Parce qu'il faut montrer dans la lutte contre la délinquance une volonté politique, une détermination. Or quand je vois d'autres sujets, quand je vois qu'il y a des ministres qui se targuent de fumer de la drogue, d'autres qui alimentent le débat sur la dépénalisation de la drogue et qu'on demande à nos policiers sur le terrain…

Michel FIELD
Dépénalisation des drogues douces…

Jean-Louis DEBRE
Dépénalisation de la drogue, pour moi il n'y a…

Michel FIELD
Mais c'est une vraie question. On pouvait se dire aussi que la dépénalisation casserait tout un système d'économie parallèle et permettrait aux forces de l'ordre de se centrer sur les vrais trafics de drogue dure, non ?

Jean-Louis DEBRE
Je ne le crois pas. Ce que je veux vous dire, c'est que le gouvernement ne donne pas le sentiment depuis deux ans, d'avoir pris la mesure de l'insécurité. Alors nous avons un gouvernement - c'est l'image que monsieur JOSPIN me donne - d'un matamore. Vous savez, ce personnage de la comédie espagnole qui se vante, qui fait croire, qui donne illusion. Si vous reprenez ce que JOSPIN a dit il y a dix-huit mois au colloque de Villepinte : il faut avoir une politique différente, il faut être clairs dans nos choix. Eh bien en dix-huit mois, ils n'ont rien fait. Pire, ils ont détruit ce que nous avons fait. Ce que je ferais en quelques mots, il y a plusieurs niveaux si vous voulez, parce que je crois qu'il faut bien différencier les niveaux ; il y a un niveau sur la police, le fonctionnement, la condition policière parce qu'un policier qui n'est pas heureux de faire son métier est un policier qui n'est pas efficace ; il y a des mesures qui tiennent à l'organisation même de la police notamment je suis persuadé qu'il faut continuer ce que nous avions commencé à faire en ce qui concerne les charges indues. Il y a certains nombre de fonctions qui ne peuvent pas relever de la police. Est-ce qu'on va continuer par exemple à avoir huit cents fonctionnaires de police qui sont détachés dans les syndicats, dans les mutuelles et je pourrais multiplier les exemples. Je crois qu'en second lieu, il faut recruter un certain nombre de fonctionnaires de police pour les affecter sur le terrain. Il faut recruter aussi comme nous l'avions fait, des agents techniques parce que vous avez actuellement 3.700 policiers qui sont dans les bureaux à faire les plantons, à faire de la paperasserie, il faut qu'ils aillent sur le terrain. Par conséquent cette politique, est une politique qui tient à la condition des policiers, à l'emploi des forces mais aussi à la justice, et notamment pour ce qui concerne les mineurs sur les ordonnances de 1945.

Michel FIELD
Bruno LE ROUX, une réaction évidemment, la première réaction et puis ensuite on ouvrira le débat.

Bruno LE ROUX
Je trouve qu'il est assez extraordinaire qu'un peu moins de deux ans après, celui qui dirigeait les choses à l'époque en la matière au ministère de l'Intérieur, puisse déjà faire les recommandations sur ce qu'il conviendrait de faire alors que je voudrais vous rappeler la situation il y a maintenant dix-huit mois : une police désorganisée, une police démoralisée, une augmentation sans précédent des faits qu'on appelle des faits de violence urbaine. Et je crois que s'il y a bien une chose à reconnaître aujourd'hui, c’est que nulle part ces dernières années, tant quand monsieur DEBRE était ministre de l'Intérieur qu'avant, parce que je crois qu'on pourrait remonter, les gens n'ont vécu d'amélioration quotidienne en matière de sécurité et c'est pour cela qu'en dehors de tout aspect politicien, après une campagne électorale, nous en avons fait la première priorité avec la lutte contre le chômage, de ce gouvernement, que nous avons réuni un colloque à Villepinte qui a discuté de toutes ces questions et où se sont réunis tous les élus de gauche mais aussi tous les élus de droite qui sont venus participer à ce diagnostic est à ces recommandations. Si la situation avait été celle que l'on nous décrit aujourd'hui, qu’aurions-nous eu besoin de faire Villepinte quelques semaines après l’élection ? Je crois que nous avons besoin tout simplement dans le pays d'une politique en matière de sécurité qui ne soit pas de la gesticulation ou du spectaculaire, qui tienne tous les bouts de la chaîne et qui permette monsieur DEBRE de faire en sorte que la police soit présente dans les endroits où elle est le moins présente aujourd'hui et dans les endroits où vous ne l'avez pas renforcée. Je regarde ma circonscription pour prendre un exemple : 120 policiers en 1993, 90 policiers quand monsieur DEBRE est parti du ministère de l'Intérieur. Vous vous rendez bien compte ?! De 120, nous sommes passés à 90. Et nous sommes remontés en un an et demi parce que Jean-Pierre CHEVENEMENT a décidé de mettre des moyens supplémentaires, nous sommes de nouveau remontés à 120. Donc faire en sorte que les policiers soient présents dans les endroits où ils doivent être en priorité, et faire en sorte qu'à chaque fois qu'il y a une faute, il puisse y avoir une sanction et une sanction adaptée. Et ça, vous ne l'avez jamais fait. La sanction n'a jamais été une culture chez vous.

Michel FIELD
Une première réponse de Jean-Louis DEBRE, on passera à la pub et on entendra les autres intervenants.

Jean-Louis DEBRE
L’une des caractéristiques des socialistes, c'est de refaire intégralement l’histoire, on l'a vu sur d'autres sujets. Simplement je voudrais dire à monsieur LE ROUX que d’abord, je ne me suis pas exprimé jusqu'à aujourd'hui car je pensais qu'en dix-huit mois ou en deux ans, c'était la durée de mon séjour place Beauvau, le gouvernement pouvait changer un peu les choses. Vous avez trouvé une police désorganisée, je voudrais vous dire que… qui a fait la réforme des cycles de travail ? C'est moi qui ai amélioré la condition des… vous êtes contre tout quand vous êtes dans l'opposition et vous êtes pour quand vous êtes au pouvoir. Mais… laissez-moi… je ne vous ai pas interrompu, laissez-moi terminer parce que vous avez une méconnaissance totale du fonctionnement de la police. Je sais bien que vous êtes très préoccupé de ces questions-là pour critiquer, pour contester mais je voudrais… la réforme des cycles de travail qui a permis à la police dans toute la France des gains de productivité considérables… oui je luttais contre la 5e brigade qui avait été mise en place par monsieur JOXE et il a fallu la faire partir ; et tous les syndicats étaient d'accord et il n'y a pas eu de difficulté. Qui a fait la réforme des règlements d’emploi ? Est-ce vous ? Non, c'est nous et ça a permis une meilleure utilisation de la police. Qui a fait la réforme scientifique et technique de proximité ? Vous semblez retrouver cette notion de police de proximité. Ce n'est pas vous qui l’avez trouvée, c'est JOXE qui l’avait imaginée mais pendant les années où vous étiez au pouvoir, vous n'avez rien fait sinon des mots. Alors la police scientifique et technique, nous l’avons remise en place. Qui a créé les BAC et notamment la BAC de jour ? C'est moi qui ai créé la BAC de jour… l’îlotage, on en parlera tout à l'heure, parce que votre îlotage - assistante sociale, tout ça, c'est inefficace. Bref, nous avons fait des réformes de fond. Il fallait les continuer.

Bruno LE ROUX
Elles n'ont démontré aucune efficacité ! La vie des Français n'a pas changé !

Jean-Louis DEBRE
Monsieur LE ROUX veut faire croire que pendant les quatre années où il n'était pas au pouvoir, la délinquance et la criminalité ont augmenté en France. C'est faux ; elle a diminué de l'ordre de 10 %. C'est insuffisant. Et il y avait dans la structure de cette baisse un certain nombre d'inquiétudes pour nous. Mais les Français l'ont reconnu, c'était affirmé tous les jours ; contrairement à vous, Monsieur LE ROUX, je communiquais les chiffres de la délinquance tous les mois, vous, une fois par an parce que vous avez peur. Bref, la politique de la ville qui a été mise en place par Éric RAOULT a permis aussi de faire progresser le volet non plus répression mais le volet prévention. Bref…

Bruno LE ROUX
Pourquoi avez-vous été battus !

Jean-Louis DEBRE
On n'a pas été battus sur la sécurité.

Michel FIELD
Retour sur le plateau de» Public », la sécurité en question. Jean-Louis DEBRE, président du groupe parlementaire Alliance et ancien ministre de l'intérieur, est l’invité de cette émission. Il y a déjà eu un échange avec Bruno LE ROUX, responsable national du parti socialiste pour les questions de sécurité ;député-maire d'Epinay. Il y a deux invités qui n'ont pas encore parlé et qu'on va entendre maintenant : Guy TESSIER, le député-maire - j'ai oublié de le dire tout à l’heure - des 9e et 10e arrondissements de Marseille, Démocratie libérale ; et Patrick BRAOUZEC, le député-maire communiste de Seine-Saint-Denis, maire de Saint-Denis. Guy TEISSIER, j'imagine que vous êtes dans l'ensemble d’accord avec les critiques que Jean-Louis DEBRE a émise sur les travaux du gouvernement et le conseil de sécurité intérieure.

Guy TESSIER
Oui, plutôt et sur le train de mesures qui a été également pris par le gouvernement, encore que… on est habitué à ces espèces de gesticulations. Les socialistes ont cette faculté pour faire semblant de bouger sans que rien ne change car il y a eu Villepinte, ça vient être dit, rien n'a bougé. Il y a eu plusieurs conseils de sécurité, rien n'a bougé. Et aujourd'hui, dans ce qui aurait du être un plan Marshall… je ne remonte pas dans le temps pour savoir si du temps de monsieur untel ou de monsieur chose ça marchait bien. Aujourd'hui ce qui est clair, c'est que ça ne marche pas. Et donc, il fallait faire un véritable plan Marshall pour redonner aux Françaises et aux Français le sentiment de sécurité qui leur fait défaut. Et dans ce plan, quel est le premier geste du gouvernement… il n'y a pas un sou, pas un franc qui est prévu dans la loi de finances 99 pour financer les mesures dont nous venons de parler. Ce qui est une bien curieuse manière, vous l'avouerez, d'arriver avec un chèque en bois et de poser ce chèque en bois sur la table, car aucun financement n’est prévu. Ensuite, je pense aussi que la loi est le reflet des mœurs du temps et donc… on vient de parler tout à l’heure… vous avez parlé en préambule du PACS. On a beaucoup légiféré depuis cinquante ans sur les phénomènes de société. Pourquoi avoir peur de toucher à l'ordonnance de 45 qui touche les mineurs ? Et puis autre chose qui me touche terriblement, il n'y a pas un mot, il n'y a pas une phrase sur l'indemnisation des victimes de ces crimes et de ces délits, sur les 8.000 personnes qui ont vu leur véhicule partir en fumée, pour lesquelles quelquefois ça représentait de grosses économies, et puis je pense à tous ceux qui souffrent dans leur chair est dans leur cœur des blessures qu'ils ont pu subir.

Michel FIELD
Patrick BRAOUZEC, et c'est à vous tous que je poserais cette question : on a l'impression que finalement les Français sont aussi en attente je ne dirai pas d'un consensus, mais on a l'impression que ces questions de sécurité-là, elles sont immédiatement prises est figées dans les oppositions entre une majorité et une opposition et que finalement c'est aussi pour ça que les choses n'avancent pas aussi vite qu'elles le devraient.

Patrick BRAOUZEC
Oui, je partage ce point de vue. Je déplore qu'on en fasse toujours un enjeu politicien. Et Je crois que ces questions-là, comme beaucoup d'autres d'ailleurs, mériteraient d'être traitées sur la durée, en laissant aussi le temps de faire les choses ; et je pense qu'on n'a pas à se jeter à la figure ce qu'on a fait ou qu'on n’a pas fait selon les moments où on était au gouvernement ou dans l’opposition. Ça c'est la première remarque que je ferais. La deuxième, il y a aussi quelque chose de très politiciens en disant aujourd'hui que les mesures qui sont proposées ne vont pas dans le bon sens. Si je mets entre parenthèses les centres de placement immédiat qui mériteraient d'être affinés, en tout cas de savoir s'ils seront à vocation éducative ou vocation répressive, ce que je souhaiterais donc voir être affiné dans les jours prochains, les autres mesures vont dans le bon sens et répondent à l’attente des gens. Moi je suis dans une ville où ces questions de sécurité mais aussi toutes les autres questions, les questions de l'exclusion, les questions de la précarité, les questions du chômage se posent avec beaucoup de force. Et moi je pense qu'on ne peut pas d'ailleurs ne pas lier ces choses-là entre elles parce qu'elles sont intimement liées. Alors les propositions qui sont faites, vont dans le bon sens, le sens où il y a une attente aujourd'hui, effectivement d’éducateurs, de moyens de justice plus importants. Nous avons dans le département de Seine-Saint-Denis que Bruno LE ROUX et Eric RAOULT connaissent bien, six cents jeunes qui sont en attente de mesures qui ont été prises. Nous avons - et ce n'est pas plus le fait du gouvernement DEBRE que d'autres malheureusement - mais nous avions dans les années 90, 75 personnels attachés à la brigade des mineurs ;aujourd'hui nous en avons 12. Donc en neuf ans, on en a perdu 60, un peu plus de 60. Ce dont nous avons besoin, c’est de moyens effectivement, de gens de terrain, de proximité, qui permettent de travailler bien en amont avant de penser effectivement à la répression. Et puis la dernière chose que je voudrais dire, c'est qu'il faut qu'on revienne à un discours, à des pratiques qui ramènent à la paix civile et à la tranquillité, à une certaine sérénité. Je crois qu'on ne peut pas faire de ces question d'insécurité, des enjeux politiciens qui divisent les gens entre eux. Nous avons au contraire besoin de réunir les gens, de les fédérer ; et je crains que ce qui s'est passé dans la campagne politico-médiatique donc je m'interroge d'ailleurs sur les objectifs, nous aurions très bien pu prendre ces mesures de bon sens très rapidement. Je crains qu'on arrive à des situations un peu anti-jeunes, anti-cités, anti-quartiers et ça, ça ne serait bon pour personne, pour d'ailleurs les Français qui habitent dans ces cités, ces quartiers mais aussi dans l'ensemble du pays.

Michel FIELD
Jean-Louis DEBRE, une courte réponse et puis des appels d’auditeurs.

Jean-Louis DEBRE
Une très courte réponse. D'abord, je voudrais qu'on prenne acte que depuis deux ans, je n'ai pas parlé sur les problèmes de sécurité car je ne voulais pas en faire un enjeu de règlement de comptes. Je voudrais simplement prendre un exemple pour montrer que ce qui est annoncé, ce sont des illusions. Si on applique la loi des trente-cinq heures à la police, eh bien il y aura immédiatement une chute de 8 % des effectifs. Alors d'un côté, on annonce des policiers supplémentaires, on ne sait pas où on va les prendre puisqu'il y a quinze jours monsieur JOSPIN a arrêté la réforme de redéploiement des forces de police en disant que c'était absurde, il ne fallait pas déshabiller un commissariat au profit d'un autre, et puis la loi sur les trente-cinq heures. Bref, ces deux exemples montrent que ce sont des effets d'annonce. Et ce que je regrette très profondément parce que la sécurité est l'affaire de tous, c'est que le gouvernement recommence le coup de Villepinte. Il y a dix-huit mois, grande messe médiatique, on fait venir tout le monde, enfin je croyais que la gauche avait compris que ceux qui prônent plus de sécurité, ne sont pas des fascistes, ne sont pas des gens extrêmement mauvais et qu'il y a dans leur discours pour plus de sécurité, quelque chose de vrai ; je croyais qu’enfin la gauche avait compris et je m'en félicitais. Dix-huit mois plus tard, quelle déception, quelle déception !

Michel FIELD
Appel de téléspectateurs, on prend le premier.

AUDITEUR
Bonjour. Ne pensez-vous pas que les polices municipales ont aussi un rôle à jouer en matière de prévention et de sécurisation. Merci.

Michel FIELD
Bruno LE ROUX, peut-être une réaction sur les polices municipales qui sont aussi un thème qui a pas mal divisé les différentes forces de la gauche plurielle.

Bruno LE ROUX
Je pense qu'il y a un rôle à jouer pour chacun dans la société, dans la coproduction de sécurité, que les polices municipales ne sont pas forcément nécessaires ni suffisantes, qu’on peut passer par d'autres moyens locaux mais quand tout cas les collectivités locales doivent s'investir aux côtés de l’Etat, aux côtés de la justice, aux côtés de l'Education nationale dans la coproduction de sécurité et c'est pour cela que nous avons souhaité - je pense que c'est un problème de temps d'ailleurs et je ne ferai pas le reproche à la droite de ne pas avoir légiféré sur ce texte - mais nous avons souhaité légiférer sans attendre parce qu'il était nécessaire de clarifier la situation de ces polices municipales qui aujourd'hui n'avaient pas d'existence véritablement posée sur le terrain et qui fonctionnaient de manière très différente. Donc je crois qu'aujourd'hui beaucoup d'acteurs doivent participer à la coproduction de sécurité, que les polices municipales dans un cadre de complémentarité à l'action de l’Etat, peuvent jouer un rôle.

Michel FIELD
Jean-Louis DEBRE, il y avait une contribution de François LEOTARD cette semaine dans LIBERATION, qui disait : finalement, à propos des polices municipales, les fonctions régaliennes de la police, elles ne concernent pas la totalité des problèmes auxquels une municipalité est confrontée ; pourquoi ne pas davantage décentralisé toute une série de tâches de maintien de l’ordre ?

Jean-Louis DEBRE
La police, elle est d'abord la police nationale et la police républicaine, donc ça, il ne faut pas sortir de ce schéma. Mais il faut que tous les acteurs de la sécurité coordonnent leur action. Il y a 120.000 policiers, il y a 90.000 gendarmes, il y a 13.000 fonctionnaires de police municipaux, il faut - et c'était une des propositions que je voulais faire - il faut instituer dans chaque département, dirigé par le préfet, un organisme de coordination de ces agents de sécurité parce qu'on pourrait y englober les agences privées de sécurité qui jouent un rôle dans les convois de fond, etc. Oui, mobilisons tous les acteurs de la sécurité pour améliorer la sécurité et ne nous dressons pas les uns contre les autres.

Michel FIELD
Une autre question d’un téléspectateur.

Auditeur
Monsieur DEBRE, ne pensez-vous pas que la multiplication des peines de travaux d'intérêt général serait une solution contre la délinquance chez les jeunes ? Merci.

Michel FIELD
Vaste question, de peine alternative à l'emprisonnement puisque c'est de ça qu'il s’agit.

Jean-Louis DEBRE
D'abord je voudrais juste dire en un mot, dire que les jeunes que nous visons, ce ne sont pas tous les jeunes et que dans leur immense majorité, les jeunes qui vivent en France, se conduisent bien et respectent la loi.

Michel FIELD
Mais vous avez été magistrat est dans le cours de votre carrière, vous vous êtes occupé de mineurs. Donc vous êtes bien placé pour savoir que quelquefois, La prison ce n'est pas la solution adaptée…

Jean-Louis DEBRE
Ne généralisons pas. Deuxièmement, il faut traiter les mineurs en deux catégories. Il y a des mineurs délinquants et il y a au sein de ces mineurs délinquants des caïds et des chefs de bande ; et il faut traiter différemment les uns des autres. Pour les uns, je crois que les travaux d'intérêt général, les sanctions adaptées sont une bonne chose ; pour les autres, il faut la répression et il faut soit les sortir des quartiers, ce que nous avions fait avec Eric RAOULT et Alain JUPPE, qui étaient les unités d'enseignement renforcé que madame GUIGOU s'est amusée à casser dès son arrivée, maintenant elle les reprend - que de temps perdu ! Ou si ce n'est pas possible, s'ils sont trop violents, il faut, oui, les mettre y compris en détention provisoire.

Michel FIELD
Guy TESSIER, vous étiez l'auteur d'une proposition de loi justement de révision de l'ordonnance de 45 concernant les mineurs. C'était au moment où vous proposiez la suppression des allocations familiales…

Guy TESSIER
La suspension…

Michel FIELD
Suspension et suppression en cas de récidive.

Guy TESSIER
Tout à fait. Ceci dit, ce que vous disiez est tout à fait intéressant. C'est vrai qu'il est important, me semble-t-il, qu'entre laxisme et prison, il puisse y avoir des peines. Et je crois qu'à chaque délit, doit correspondre une peine. Vous citiez tout à l'heure l'Abribus, la fontaine, tout ce qui peut être cassé etc., dans la vie de la cité, les jeux, tout doit être payé, tout doit avoir un coût social. Et il est absolument nécessaire pour se faire, de baisser… car jusqu'à maintenant, il faut avoir plus de seize ans pour pouvoir faire un travail d'intérêt général et donc je pense qu'il est indispensable que nous légiférions là-dessus pour abaisser l'âge de seize ans et le ramener à quatorze, car si nous ne faisons pas cette démarche, ces vœux resteront des vœux pieux. Mais je crois que c'est tout à fait bon, il doit y avoir une échelle, une hiérarchie des peines et on ne peut pas condamner bien entendu un voleur de pizza et un voleur à la tire avec des circonstances aggravantes.

Jean-Louis DEBRE
Il y a 150.000 mineurs qui sont interpellés chaque année. La difficulté, c'est le traitement de masse de ces mineurs. Une justice des mineurs adaptée, c'est une justice qui fait bien la distinction entre les mineurs qui commettent pour la première fois un petit délit, ceux qui sont récidivistes et ceux qui sont multirécidivistes ; ceux qui veulent s'intégrer et ceux qui ne veulent pas s'intégrer. Je voyais il y a quelques jours des fonctionnaires de police qui dans un quartier d'une grande ville de France me disaient : regardez, vous avez là une dizaine de mineurs, ils sont multirécidivistes, ils ont été traités à plusieurs reprises par la justice, à chaque fois on les a remis en liberté, à chaque fois ils sont revenus, à chaque fois ils nous ont nargués. Vous savez, dans les banlieues et dans les quartiers difficiles, il faut respecter un équilibre. Un équilibre entre naturellement la défense des libertés individuelles, la défense de ces mineurs qui doivent être entourés mais aussi équilibre avec la capacité que doivent avoir les policiers d'interpeller ces auteurs de trouble et d'empêcher qu'ils reviennent à l'endroit où ils ont leurs copains, leur bande et où ils perturbent l’ordre public.

Michel FIELD
Patrick BRAOUZEC, vous disiez tout à l'heure que sur les mesures d'éloignement, Vous n'étiez pas totalement convaincu par les mesures gouvernementales.

Patrick BRAOUZEC
Ce que je viens d'entendre me laisse à penser que vous ne connaissez pas ces quartiers et la façon dont ils fonctionnent…

Jean-Louis DEBRE
Ça, c'est une affirmation un peu rapide. Vous avez votre vérité et moi j'ai la mienne.

Patrick BRAOUZEC
Il y a aujourd'hui dans ces quartiers des gens qui vivent de grandes difficultés et qui sont confrontés à des choses que vous ne connaissez pas. Or, je crois qu'on a une responsabilité en ce qui nous concerne, c'est de faire en sorte de d'abord que les jeunes qui sont dans ces quartiers-là ne soit pas considérés comme les responsables des maux de cette société. Ils sont aussi victimes de cette société et de la façon dont elle fonctionne. Je crois que ce serait grave que l'on fasse croire que cette société qui va mal, en fait va mal à cause des jeunes qui vivent dans un certain nombre des quartiers, ce n'est pas vrai. La deuxième chose que je voudrais dire, pour répondre précisément à la question du téléspectateur c'est que les travaux d'intérêt général comme d'autres sanctions d'ailleurs qui peuvent être prises, sont effectivement de nature à faire en sorte de ne pas envoyer des jeunes dans des prisons ou dans des lieux d’incarcération où on sait très bien que quand ils sortent de ces lieux-là, ils récidivent pour des faits beaucoup plus graves. Va-t-on s'enfoncer dans ce genre de logique ou bien va-t-on mettre les moyens en amont pour faire en sorte que le maximum de jeunes soient effectivement prémunis aujourd'hui et qu'on leur propose un notre avenir ? Je reste persuadé, moi, que c'est en rétablissant un climat de confiance, en faisant en sorte qu’aujourd'hui il y ait des perspectives, des projets de société pour ces jeunes qu’on rétablira aussi une certaine sécurité dans nos villes.

Michel FIELD
C'est vrai qu'il y a un climat de confiance chez vous à Saint-Denis. Pendant la Coupe du monde, c'est vrai qu'on a vu des centaines de milliers de gens arpenter la Seine-Saint-Denis et sans incident…

Patrick BRAOUZEC
Il y a des gens qui ont cru… moi je me souviens de certains discours de gens qui disaient : il y aura l’avant et l'après Coupe du monde comme si effectivement on allait régler ça au travers d'un match de football, ce n'est pas vrai. Par contre, les jeunes ont fait la démonstration pendant cette période, les jeunes et les moins jeunes d'ailleurs, on fait la démonstration pendant cette période qu'à partir du moment où on ne les excluait pas, qu’on les respectait, qu'on leur proposait un certain nombre de moyens et de choses à réaliser ensemble, eh bien ils répondaient présents et ils répondaient présents positivement.

Michel FIELD
Faire une Coupe du monde tous les ans, ce serait une solution…

Patrick BRAOUZEC
Non, mais avoir un projet politique qui permette de rassembler les gens…

Jean-Louis DEBRE
Les statistiques montrent que pendant la Coupe du monde, il n'y a pas eu une baisse très sensible de la délinquance et de la criminalité en France, première remarque. Deuxièmement, je connais bien cette conception qui est totalement irresponsable, qui consiste à dire aux jeunes qui commettent les infractions : ne vous en faites pas, continuez, c'est la société qui est responsable…

Patrick BRAOUZEC
Personne n'a dit ça monsieur DEBRE, personne n'a dit ça ! Mais l'irresponsabilité, c'est dossier de faire croire aux gens qu'on va solutionner les problèmes qui trouvent leur origine ailleurs.

Jean-Louis DEBRE
C'est ce qu’il vient de dire : ne vous en faites pas, c'est la société qui est responsable. Vous avez cassé un Abribus, c'est la faute à la société ! On a déjà entendu ce discours depuis des années et des années et ça a amené à être irresponsable à l’égard de ces jeunes car je crois que le regard et le discours que l'on doit avoir avec ces jeunes que je connais aussi bien que vous, c'est de dire : on vit en société, on respecte cette société et que lorsqu'on commet…

Patrick BRAOUZEC
À condition que la société nous respecte aussi monsieur DEBRE. Il y a des jeunes aujourd'hui qui sont privés de tout, qui n'ont aucun travail, aucune formation, qui n'ont pas de RMI. Moi je rencontre tous les jours, monsieur DEBRE, des jeunes de 18 à 25 ans, qui n'ont rien pour vivre. Et quand ils sont chassés de chez leurs parents, qu'est-ce qu'il leur reste monsieur DEBRE ?! C'est une question qui nous est posée à tous et moi je souhaiterais qu'on la pose, cette question-là, à l’ensemble de la société, y compris au monde des entreprises, ce que j'essaie de faire à Saint-Denis, de faire en sorte effectivement que tout le monde aujourd'hui soit concerné par cette question.

Jean-Louis DEBRE
Je dis simplement que nous, responsables de la société, nous n'avons pas le droit - et moi en tant qu'ancien magistrat, je ne me sens pas le droit de dire à ces jeunes… laissez-moi une seconde… laissez, on n'est pas au Parti communiste, chacun peut s’exprimer…

Patrick BRAOUZEC
On n'est pas au RPR non plus, on peut s'exprimer, allez-y, après vous !

Jean-Louis DEBRE
Je veux dire simplement que ce discours est un discours est irresponsable à l'égard de ces jeunes car au contraire, il faut leur faire prendre conscience des conséquences de leurs actes et il faut également, parallèlement à ça, les aider au point de vue social. Mais si vous leur dites : faites ce que vous voulez, allez-y - c'est votre discours - c'est irresponsable.

Patrick BRAOUZEC
Ça, c'est ce que vous voudriez qu'on dise.

Jean-Louis DEBRE
Non, non, c'est ce que vous venez de dire.

Bruno LE ROUX
Je pense et c'est ce que je trouve assez grave dans le débat que nous avons, c'est qu'enfin de compte là encore les positions sont caricaturées. Nous étions partis du travail d'intérêt général. Regardons en France, quand on dit qu'on caricature le laxisme d'un certain nombre… mais c'est les municipalités de gauche, dans leur immense majorité, qui ont mis en place ces peines de réparation qui marchent très bien d'ailleurs, qui permettent de restaurer un lien d'autorité avec le jeune…

Jean-Louis DEBRE
C'est ça la politique politicienne… dès une phrase, on dit : vous voyez, il n'y a que la gauche qui fait ça.

Bruno LE ROUX
Je dis simplement que vous n'avez jamais essayé de mettre en place une politique qui tienne les deux bouts de la chaîne et qui fasse qu'à chaque fois qu'il y a une faute, il puisse y avoir une sanction.

Jean-Louis DEBRE
C'est totalement inexact.

Bruno LE ROUX
Vous, ce que vous avez fait en construisant des places de prison par exemple, c'est de faire en sorte qu'à chaque fois qu'il y a cent fautes commises, eh bien on en punisse dix avec la prison. Nous, notre objectif, c'est de prendre en compte les cent et de mettre en place des mesures éducatives quand il le faut, des mesures d'éloignement quand il le faut, qu’il n’y ait plus aucun délit qui reste sans sanction.

Guy TESSIER
Juste un mot pour dire… comment les Françaises et les Français qui nous écoutent ou qui écoutent ces déclarations peuvent-ils nous prendre au sérieux ! Quand j'entends ce que je viens d'entendre car toutes les mesures aujourd'hui qui ont été soutenues par le RPR, par Démocratie libérale et par l'UDF avant, ont été critiquées, vous l'avez dit tout à l'heure, je suis à l'origine avec mon ami Pierre CARDO d'une proposition de loi concernant la suspension pour responsabiliser les parents face aux délits de leurs enfants car je crois que c'est important mais je suis aussi le partisan d'injonction thérapeutique familiale et si vous voulez, on n'y reviendras tout à l’heure…

Michel FIELD
On n'aura plus le temps parce que l'émission va se terminer…

Guy TESSIER
Eh bien toutes ces mesures ont été critiquées par les gens de gauche, toutes, toutes ; et aujourd'hui elle sont reprises à leur actif et maintenant on se pare de toutes ces vertus… moi je crois que les gens ne peuvent pas faire confiance à ces déclarations.

Bruno LE ROUX
On vous enlève un thème politicien et on en fait un vrai thème de société et un thème pour lequel le gouvernement avance, du ministre de l'Education nationale au ministre de l'Emploi en passant par le ministre de l’Intérieur.

Michel FIELD
On va laisser Jean-Louis DEBRE conclure, il nous reste trente secondes.

Jean-Louis DEBRE
Ce qui est extraordinaire, c'est que le conseil de sécurité intérieure a officialisé l'échec de la politique du gouvernement en matière de sécurité. Et puis depuis deux jours, on essaie d’accréditer - ce qui est manifestement une erreur et une manipulation de l’histoire - que les années précédentes, nous avions fait aussi mal qu’eux. Les Français le savent, lorsque nous avons pendant quatre ans, avec sérieux, essayé de réformer la police, essayé de modifier les institutions, eh bien ça a eu comme conséquence une baisse de la délinquance et de la criminalité. Je leur souhaite qu’ils fassent aussi bien que nous.

Michel FIELD
Merci à tous d'avoir participé à cette émission.