Déclaration de M. Jacques Toubon, ministre de la justice, sur l'exercice de la profession d'huissier de justice et sur la réforme des saisies immobilières et mobilières et du régime des ventes aux enchères publiques, à Lille le 23 mai 1996.

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Circonstance : Congrès des huissiers de justice à Lille le 23 mai 1996

Texte intégral

Monsieur le maire,
Monsieur le Premier président,
Monsieur le Procureur général,
Monsieur le Président,
Cher Maître Soulard,
Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux d'être aujourd'hui parmi vous à l'occasion de votre traditionnel congrès national.

Je me devais d'autant plus de vous rejoindre à cette occasion que l'année dernière, à pareille époque, les obligations gouvernementales que m'imposait ma récente prise de fonctions m'avaient privé de ce contact privilégié avec votre profession.

En choisissant Lille comme lieu de votre congrès, vous rendez à votre Président sortant un hommage auquel je suis heureux de m'associer. Maître Francis Guépin a mené à la tête de la chambre nationale une action particulièrement dynamique, et a contribué à renouveler et à enrichir l'image d'une profession à la fois respectueuse de ses traditions et capable d'affronter le défi de l'avenir.

Et le thème de votre congrès, « l'information et le judiciaire » démontre, comme chaque année, l'ouverture d'esprit de votre profession à l'ensemble des domaines du droit.

Une fois encore, vous avez choisi de centrer vos réflexions sur une question d'actualité dont les enjeux juridiques sont très importants, et qui impose une adaptation de nos comportements individuels et professionnels, de nos mentalités, de nos institutions et de nos règles.

Comme l'a rappelé votre rapporteur général, choisir l'information, ce n'est pas seulement opter pour la transparence et pour la démocratie. Ce n'est pas seulement augmenter les garanties du justiciable à travers des procédures aussi simples mais aussi essentielles que le rappel des délais et voies de recours.

Choisir l'information, c'est surtout faire le pari de l'avenir.

Vous le savez, l'économie n'hésite pas à voir dans l'information un secteur d'activité à part entière.

D'ores et déjà, les métiers du savoir, de l'information et de la communication représentent une partie très importante de l'activité des pays industrialisés.

Il apparaît de plus en plus que l'information constituera une activité hégémonique, aussi bien sur le plan du poids économique que sur celui des valeurs sociales. Nous sommes devenus des habitants du savoir.

L'importance prise par l'information a sans doute changé le visage de nos économies modernes ; mais elle a peut-être transformé plus encore profondément l'État, le rôle et la mission des grands services publics.

Sous des étiquettes apparemment identiques, les composants de l'État et l'ensemble des professions investies d'une mission de service public ont connu et connaissent une évolution profonde, aussi radicale qu'irrésistible.

Sous des formes diverses, elles subiront comme l'ensemble des activités modernes cette pression de l'information, ce prodigieux courant du savoir qui traverse nos sociétés.

C'est vrai au sommet de l'État ; le Gouvernement est aujourd'hui un organe de centralisation et de diffusion de l'information autant que l'exercice de la souveraineté.

C'est vrai pour l'ensemble du service public et c'est pourquoi j'ai tenu si fermement à organiser les premières journées de la justice : le souci de transparence des démocraties modernes ne peut pas s'accommoder d'un état de fait où l'ignorance prend le relais de l'inégalité, et même quelquefois la fonde.

C'est vrai enfin pour votre profession, traditionnellement chargée d'opérer la liaison entre le juge et le justiciable.

En jouant ce rôle d'interface, l'officier ministériel fait d'ailleurs bien plus que convoyer un renseignement. Il informe véritablement le procès, il structure déjà l'échange judiciaire.

Vous comprenez par conséquent que le thème de votre congrès me trouve particulièrement attentif.

Les rapporteurs de vos travaux ont déjà exploré différentes pistes, comme par exemple, l'accès plus ouvert aux informations détenues par les services publics, notamment sur l'adresse des débiteurs, ou la transparence sur le patrimoine du débiteur.

Mais au-delà, vous avez déjà engagé une réflexion sur l'évolution de votre profession.

C'est ainsi que vous vous fixez pour objectif d'instituer à très brève échéance un réseau informatique professionnel de nature à favoriser les échanges internes à la profession, mais aussi une plus grande efficacité des relations que vous entretenez avec vos partenaires institutionnels.

Par ailleurs, votre profession participe aux expérimentations engagées en matière de télécommunications avec les juridictions.

La direction des affaires civiles et du sceau, travaille en collaboration avec le groupe EDIJUSTICE, qui réunit l'ensemble des principaux partenaires du monde judiciaire.

La mission de ce groupe est notamment d'éviter l'émiettement des efforts menés de tous côtés qui menacent la nécessaire homogénéité des données judiciaires.

La Chancellerie s'est donc employée à réunir des groupes institutionnels ou professionnels chargés du développement dans leur secteur, des relations avec leurs interlocuteurs judiciaires. J'ai pour ma part, relancé le schéma informatique du ministère de la justice, avec deux objectifs principaux :
    – retrouver une cohérence de l'informatique d'initiative locale ;
    – assurer la compatibilité entre l'informatique judiciaire et celle utilisée par les professionnels du droit.

Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre du télétravail, certaines expériences très intéressantes sont menées par des tribunaux d'instance, afin de développer avec les huissiers les liaisons informatiques pour certaines procédures, comme par exemple, l'injonction de payer.

Même si ces expérimentations n'ont pas vocation à entraîner dans un avenir immédiat la modification des règles de procédure, je suis convaincu comme vous qu'il faut d'ores et déjà envisager les évolutions futures de notre législation.

En effet, la France ne peut rester à l'écart du mouvement enregistré dans un grand nombre de pays occidentaux en faveur d'une adaptation du droit aux nouveaux modes d'échanges.

À l'instar du Canada, du Luxembourg, des États-Unis, la France doit à moyen terme sécuriser les relations télématiques professionnelles et individuelles en leur conférant un véritable statut.

Comme vous le savez le groupe de travail, constitué à l'initiative du Premier Ministre, auprès du ministère chargé des télécommunications, et présidé par Madame Falque-Pierrotin, doit rendre un rapport prochainement sur les questions juridiques que posent les nouveaux moyens de communication, et en particulier le développement du dispositif Internet.

Dans ce cadre, il me paraît très positif que votre profession réfléchisse déjà à la certification des actes télétransmis.

C'est en procédant de la sorte que l'évolution de la technologie sera le plus sûr gage d'une mutation prometteuse de votre profession, respectueuse de ces règles, de sa déontologie et mettant à la disposition des justiciables tous les moyens utiles.

J'en viens maintenant Monsieur le Président, aux différents thèmes que vous avez abordés, relatifs soit aux conditions d'exercice de votre profession, soit à des réformes de fond qui la concernent très directement.

I. – Les questions relatives à l'exercice de reprise de la profession

J'indiquerai tout d'abord que l'histoire de votre profession qui révèle sa capacité d'adaptation et d'innovation face à des situations difficiles voire conflictuelles, m'interdit toute approche pessimiste.

Il est clair que le rôle de l'huissier de justice requiert de l'humanité, de la diplomatie, et une réelle compétence juridique qui justifie pleinement les missions de puissance publique dont vous êtes détenteurs.

Car c'est à vous que revient la tâche, ô combien difficile, de prêter votre main à l'action judiciaire, en donnant effectivité aux titres exécutoires. Voilà votre mission, voilà ce qui justifie votre sens élevé de l'éthique, dans le respect des libertés publiques et de la mise en œuvre de l'État de droit.

Ce rôle irremplaçable, vous le remplissez avec honneur, conscience, avec un haut niveau de qualité et de compétence, et votre profession peut, à juste titre, être fière d'incarner ce qu'il convient d'appeler le « juriste de proximité ».

A. – Parmi les thèmes qui intéressent votre profession, je dirai naturellement quelques mots de la réforme du tarif civil.

J'ai le plaisir de vous annoncer qu'après plus d'une année de négociations, le ministère de l'économie nous a fait part au début du mois d'avril, de son accord définitif sur le projet de décret que nous lui avions soumis.

Cet accord a été obtenu sans que le texte ne subisse de modifications significatives par rapport à son contenu initial.

Les apports essentiels ont été préservés, qu'il s'agisse de la forfaitisation, de la revalorisation du titre exécutoire, de la prise en compte des charges engendrées par l'allongement de la gestion des dossiers, ou de la situation particulière des départements d'outre-mer.

Il nous reste, à présent, à recueillir l'avis du Conseil de la Concurrence, puis du Conseil d'État. Le processus est désormais engagé, car le Conseil de la Concurrence, saisi officiellement le 25 avril, a fixé son audience au 11 juin.

Je veillerai personnellement à ce que ce texte essentiel pour l'avenir de votre profession, et auquel elle a très largement contribué, soit publié dans les meilleurs délais.

B. – S'agissant du tarif en matière pénale, j'estime que votre profession assure en cette matière, un rôle irremplaçable, qu'il s'agisse du service des audiences ou des citations et significations des jugements à personne.

Il ne faudrait pas qu'une tarification obsolète vienne compromettre cette précieuse assistance. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à mes services de saisir le ministère du budget d'une demande de revalorisation des émoluments alloués aux huissiers pour toute citation pénale.

C. – Vous avez évoqué, Monsieur le Président, la réforme des modalités de rémunération des commissaires de polices.

Le gouvernement est conscient des conséquences que peuvent avoir les dispositions nouvelles sur la situation de certains justiciables, particulièrement modestes.

Je crois toutefois que le principe d’égale répartition des sommes ainsi versées entre tous les commissaires constitue une avancée significative vers l'amélioration d'un système jusqu'alors trop opaque et inégalitaire.

Et je serai attentif à ce que tous ceux qui sont appelés à participer à l'exécution des décisions de justice, continuent d'apporter régulièrement leur concours aux huissiers de justice.

J'ai demandé par ailleurs à la direction des affaires civiles et du sceau de mettre à l'étude votre proposition relative à un renforcement du rôle des témoins visés à l'article 21 de la loi du 9 juillet 1991.

C'est une question délicate, car il convient de préserver le respect des garanties fondamentales qui doit encadrer toute procédure permettant de pénétrer au domicile d'autrui.

D. – Au-delà des questions tarifaires, vous avez abordé, Monsieur le Président, la question des activités accessoires exercées par les huissiers de justice.

Depuis la réforme du décret du 12 avril 1994, comme vous le savez, les activités accessoires d'administrateur d'immeubles et d'agent d'assurances vous sont ouvertes.

Ceci répond à une nécessité dans les régions rurales où l'huissier de justice peut être autorisé à exercer des missions plus étendues que celles, traditionnelles, qui lui sont dévolues de droit par son statut.

Dans la pratique, et conformément à l'esprit de l'ordonnance de 1945, la Chancellerie veille au respect de la notion d'activité accessoire en examinant la rentabilité de l'office et sa situation géographique, avant d'accorder les autorisations nécessaires.

Ces vérifications préalables sont indispensables, car en aucun cas ces activités ne peuvent ni ne doivent s'exercer au préjudice des missions de service public, qui doivent rester prépondérantes pour tout huissier de justice.

II. – Les réformes de fond intéressant la profession

S'agissant des réformes en cours, vous n'avez pas manqué, Monsieur le Président, d'évoquer la question des voies d’exécution.

Cela est bien naturel puisque, spécialiste de la matière, votre profession joue en ce domaine un rôle clef et contribue au délicat équilibre entre les intérêts des créanciers et des débiteurs que la réforme de 1991 s'est donnée pour objectif de restaurer.

A cet égard, vous avez déjà été consultés sur deux projets de décret dont il est à peine besoin de souligner l'intérêt pratique : je veux parler de la procédure devant le juge de l'exécution et du mécanisme de la distribution des deniers.

Je serai bref sur ce dernier projet très avancé et qui, après la large consultation à laquelle il a donné lieu, va bientôt être publié.

Il faut, en revanche, un peu plus, s'attarder sur la saisie immobilière, et le juge de l'exécution. J'aborderai aussi, parce que ce sont des sujets que vous avez également cités, le recouvrement des créances inférieures à 3 500 F, et la réforme des ventes publiques volontaires en matière mobilière.

A. – J'entends achever l'œuvre engagée il y a cinq ans, en présentant prochainement un projet de loi sur la saisie immobilière.

Vous avez fait référence, Monsieur le Président, à la proposition de loi de Michel Péricard, qui vient d'être adoptée par l'Assemblée Nationale, avec l'accord du gouvernement, et qui tend à renforcer les garanties en cas de saisie, du logement principal des familles surendettées, notamment en permettant, si l'adjudication est nécessaire, la fixation, par le juge, d'un prix plus proche des conditions du marché.

Ce texte ne prétend pas opérer une réf orme d'ensemble de la saisie immobilière, mais il répond à des préoccupations urgentes.

Il est en effet de l'intérêt de tous de faciliter la vente au meilleur prix du logement des personnes surendettées. Mais encore faut-il créer les conditions les plus favorables, et c'est l'objet de la proposition de loi.

La fixation de la mise à prix est un point crucial, qui focalise souvent les critiques. Le mécanisme proposé ne permet de la contester que lorsqu'elle est « manifestement insuffisante », – « insuffisante » non pas par rapport à la notion d'un « juste prix » idéal et abstrait, mais, par rapport à cette fonction de « mise à prix », c'est à dire de « prix d'appel ».

Quant à la coordination de la procédure de saisie immobilière avec celle du surendettement, je ne crois pas que l'on puisse en dénier l'utilité pratique.

Le nouveau texte apporte les éclaircissements qui étaient souhaités concernant la compétence respective du juge de l'exécution et du juge de la saisie immobilière, sans modifier l'économie générale de chacune de ces procédures.

Quelles que soient les qualités de ce texte, il reste limité, et il est nécessaire d'aller plus avant en opérant une véritable refonte de la procédure de saisie immobilière dont chacun s'accorde à reconnaître les faiblesses : longueur, coût et complexité – et, disons-le, parfois, dans certains cas limites, injustice.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire devant le Parlement, mes services travaillent actuellement à une réforme d'envergure et un projet de loi sera déposé au cours du second semestre de cette année.

Sans anticiper sur les travaux en cours, je crois pouvoir vous indiquer quatre grandes orientations qui seront privilégiées :

1° L'accent sera mis sur la transparence pour que chacun soit pleinement informé de ses droits et que le débat soit plus authentiquement contradictoire.

2° L'accélération de la procédure sera recherchée et la réforme s'attachera à traiter le plus tôt possible des questions qui ne sont actuellement abordées que tardivement après la vente. Il s'agit de sécuriser les procédures.

3° La vente volontaire sera encouragée et facilitée, mais, dans des conditions excluant les manœuvres purement dilatoires, dans le respect des compétences traditionnelles des professions qui interviennent dans la procédure de saisie.

4° Les conditions de la saisie, les incidents, les règles procédurales et la publicité de la vente, ainsi que la procédure d'ordre seront modernisés, afin de favoriser une meilleure prise en compte des conditions du marché.

Bien sûr, dès que les travaux seront suffisamment avancés et qu'un avant-projet sera élaboré, il sera procédé à une vaste consultation de l'ensemble des professionnels concernés et, au premier chef, de votre profession. J'indique, dès à présent, que l'équilibre des rôles dévolus aux différents professionnels du droit appelés à intervenir dans le cadre de cette procédure ne sera pas fondamentalement changé.

B. – J'en viens maintenant à la réforme des saisies mobilières, je veux évoquer le juge de l'exécution.

Le JEX – pour parler comme tout le monde – a connu une mise en place souvent passablement laborieuse. Très rapidement, d'un autre côté, des « défauts de jeunesse » sont apparus ; outre les problèmes pratiques, de nombreuses difficultés juridiques se sont fait jour, par exemple :
      – sur la compétence et l'étendue des pouvoirs de ce magistrat spécialisé ;
      – sur les règles procédurales à suivre devant lui et en appel, etc.

Un bilan a été dressé par un groupe de travail, qui a siégé à la Chancellerie, et un projet de décret a été diffusé pour concertation, qui reprenait les propositions de ce groupe.

J'avoue que je m'interroge à cet égard, car la lecture même de ce rapport suggère qu'une réforme par la seule voie de réglementaire ne pourra résoudre que partiellement les difficultés. Ne faut-il donc pas aller plus loin ? Et repenser la fonction elle-même ?

Je n'exclus donc pas une remise en chantier de plus grande ampleur qu'il n'était jusqu'ici envisagé, et j'attends à cet égard vos suggestions.

C. – Permettez-moi maintenant de dire quelques mots d'un sujet qui, je le sais, vous préoccupe également : Il s'agit du recouvrement des créances de moins de 3 500 F.
 
Ces « petites créances », par leur nombre, constituent un enjeu économique qu'on ne peut négliger.

Comme vous le savez, la loi n'autorise la procédure de saisie-vente des biens meubles dans le logement du débiteur qu'en cas d'impossibilité de saisie sur les comptes ou sur les salaires.

Un récent avis de la Cour de cassation est intervenu en la matière. Il rappelle que la loi a soumis la saisie-vente au principe de subsidiarité ; seul, le silence du débiteur après l'injonction de communiquer de l'huissier ne permet pas la saisie-vente sans l'autorisation du juge.

Vous estimez qu'une telle pratique risque de paralyser le système de recouvrement des petites créances.

Cette critique ne m'a pas échappé. Mais je crois qu'il ne faut pas l'exagérer. En réalité, la question mérite une réflexion sereine et approfondie pour que soient assurés l'efficacité et l'équilibre du système de recouvrement des créances, et naturellement, je suis tout à fait prêt à l'envisager avec vous.

D. – Je voudrais, à présent, évoquer la question de la réforme des ventes aux enchères publiques.

J'ai écouté avec attention vos propositions relatives à la création d'une profession de l'exécution et votre ambition de voir conférer à votre profession le monopole des ventes judiciaires.

Comme vous le savez, la réforme des ventes aux enchères a pour origine la mise en demeure adressée par la Commission de Bruxelles à la France et la nécessité d'adapter le système français au droit européen.

Mais si j'ai souhaité depuis longtemps que le droit français soit mis en conformité avec les normes communautaires, j'ai voulu également préserver les acquis qui correspondent à notre tradition française.

Vos propositions méritent d'être étudiées, mats elles s'inscrivent dans une réforme de grande ampleur qui nécessite une réflexion qui ne peut être menée à la hâte.

En l'état, compte tenu des exigences communautaires au plan des délais, la réforme engagée doit être poursuivie sans bouleverser notre paysage judiciaire, au sein duquel les ventes forcées obéissent, de longue date, à une réglementation spécifique qu'il convient de préserver.

Je souhaite terminer mon propos sur les questions de coopération internationale.

Depuis mon arrivée Place Vendôme, j'ai tenu à donner une impulsion particulière à un domaine qui est de la plus grande importance pour le rayonnement de la France : la coopération juridique et judiciaire, internationale.

Cette coopération a pour objectif d'assurer la place du droit écrit et notre pays est le principal chef de file de ceux qui partagent ce système juridique.

La profession d'huissier s'intègre parfaitement dans ce dispositif, et j'ai pu constater l'ouverture internationale dont elle fait preuve en apportant sa contribution à la réflexion des États qui reconstruisent un État de droit, et travaillent sur la question primordiale de l'exécution des décisions de justice.

Il y a quelques mois, j'ai eu le plaisir d'ouvrir au Sénat, le séminaire de l'Association ARPEJE de coopération juridique dont votre profession est un des moteurs avec les avocats et les notaires.

Récemment encore, Monsieur le Président Soulard vous m'accompagniez en Roumanie et, j'ai pu constater que les autorités de ce pays ont été vivement intéressées par notre conception française de l'officier public ministériel.

En Europe même, les huissiers doivent jouer un rôle actif, et enrichir, par leur expérience de praticien, la coopération judiciaire prévue par le Traité de Maastricht, afin que celle-ci soit directement orientée vers la simplification de la vie des citoyens.

C'est ainsi que j'ai pu demander à la Présidence italienne de l’Union Européenne, lors du conseil des Ministres de la Justice et de l'Intérieur de Rome, que figure parmi les priorités du programme pluriannuel de coopération judiciaire, le « Titre exécutoire européen ».

Nul n'ignore en effet que la première formulation de cette excellente idée revient aux huissiers de justice.

De même ai-je tenu à ce que vous soyez étroitement associés et consultés sur le projet de convention relatif à la simplification de la transmission des actes, actuellement négocié à Bruxelles entre les 15 États de l'Union Européenne.

Je sais, à cet égard, que votre avis a été sollicité par la Commission et je ne doute pas que votre contribution permettra la réalisation d'un travail efficace et concret.

C'est à l'aune de ce dynamisme et de ce rayonnement, autant ou plus qu'à celle de vos difficultés présentes, que vous devez mesurer l'avenir de votre profession.

Vous avez ouvert votre propos, Monsieur le Président, en me disant que je trouvais devant moi une profession inquiète. Je prends acte de cette inquiétude.

J'en prends acte et je la comprends.

Ce que je peux vous garantir, c'est que vous ne serez pas pris entre la rigueur de la conjoncture économique et l'indifférence des pouvoirs publics.

Nous avons la volonté que nos professions libérales, nos professions réglementées, nos professions juridiques et judiciaires, puissent connaître un développement à la mesure de celui du marché du droit et de la justice.

J'ajoute, qu'au-delà des difficultés dont vous me faites part, j'ai la plus grande confiance dans l'avenir de votre profession.

Les huissiers ont, d'ores et déjà, opéré la synthèse de deux traditions particulièrement fortes en unissant le dynamisme des professions libérales à une véritable éthique de service public.

Ils se trouvent aujourd'hui à la jonction de deux aspirations les plus fortes de cette fin de siècle : le droit et l'information.

Je suis persuadé qu'ils sauront comme leurs aînés, faire preuve d'initiative pour répondre à cette demande sociale et je leur renouvelle l'assurance, le plaisir et l'intérêt que les services de la Chancellerie auront, sous ma direction, à collaborer avec eux à perfectionner l'État de droit, dont nous sommes ensemble comptables.