Interviews de M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des PME du commerce et de l'artisanat, dans "Élysée reporter" de mars 1996, à France-Inter le 6 mars, RTL le 19 mars et dans "Sud-Ouest" le 25, sur la reprise et l'aide à la consommation, le contrôle des grandes surfaces, et les mesures pour le maintien du commerce en milieu rural.

Prononcé le 1er mars 1996

Intervenant(s) : 

Média : Elysée reporter - Emission L'Invité de RTL - France Inter - Presse régionale - RTL - Sud Ouest

Texte intégral

Date : mars 1996
Source : Élysée Reporter

Élysée Reporter : Comment faites-vous pour rester optimiste dans la situation économique actuelle ?

Jean-Pierre Raffarin : J'ai deux indicateurs objectifs qui justifient mon optimisme : le redémarrage de la consommation au mois de janvier et la hausse du moral des chefs des petites et moyennes entreprises. Nous avons suffisamment d'éléments pour annoncer la relance.

Je suis un adepte de Saint-Exupéry. « On n’a pas le droit d'être responsable et désespéré ».

Élysée Reporter : Les petits patrons ont donc le moral ?

Jean-Pierre Raffarin : Les chefs d’entreprise ont compris que la morosité était un virus qui paralyse ses victimes.

Élysée Reporter : Faut-il aujourd’hui créer son entreprise ?

Jean-Pierre Raffarin : Oui bien sûr.

Nous voulons faciliter la création de micro-entreprises dans la continuité de la loi Madelin, à laquelle nous venons de donner une extension importante.

Aujourd'hui, nous souhaitons une qualification de créateurs d'entreprises car il faut combattre leur taux de mortalité.

Élysée Reporter : Que vous disent vos concitoyens de Poitou-Charentes ?

Jean-Pierre Raffarin : Mes concitoyens me demandent de l'action - nous ne sommes pas en campagne électorale mais post-électorale - donc pas de discours mais des actes et des actions. Aujourd’hui, on nom demande des résultats, pas des promesses.

Élysée Reporter : Que faites-vous pour le commerce en milieu rural ?

Jean-Pierre Raffarin : Nous soutenons le développement du commerce multi-services avec l’opération « 1 000 villages ». Nous avons permis à de nombreuses communes de France de résister à la désertification commerciale et nous allons intensifier cet effort.

Cette année, 300 000 millions de francs seront consacrés à l'aide au commerce rural. L'aménagement du territoire et la bonne santé des PME c'est le même combat.

Élysée Reporter : Votre plan de bataille pour le bon pain ?

Jean-Pierre Raffarin : Mon action en faveur de la boulangerie est une action économique et culturelle.

C'est un choix de civilisation et de qualité. Nous ayons besoin des 35 000 boulangeries et de défendre le bon pain. Il faut faire passer ce message notamment auprès des jeunes.

Je ne souhaite pas que nos enfants voient seulement l'avenir de notre société au travers des grilles d’un chariot de supermarché.

La boulangerie est un des lieux de convivialité de nos villes et nos villages.

Élysée Reporter : Où en est l’Europe ?

Jean-Pierre Raffarin : L'Europe est un impératif. Je constate que, quand la classe politique doute de Maastricht, sur le terrain les PME du textile, les agriculteurs, les éleveurs, les viticulteurs, et bien d'autres, nous demandent la monnaie unique.

La réponse à la construction européenne, c'est une organisation plus solidaire des économies européennes.

Élysée Reporter : Comment va le Futuroscope ?

Jean-Pierre Raffarin : Le Futuroscope est une formidable réalisation d'aménagement du territoire.

C'est aussi un espoir.

Aucun rapport d’expert, aucun spécialiste ne pouvait inventer, dans un champ de betteraves, un projet de cette nature.

C’est la volonté et la capacité d’un homme.

René Monory

 

Date : mercredi 6 mars 1996
Source : France Inter/Édition du matin

A. Ardisson : Dans l'indifférence quasi générale, la discussion de la loi portant sur diverses dispositions d'ordre économique et financier se poursuit. C'est une espèce de loi fourre-tout, généralement les députés détestent ça. Etait-ce indispensable ?

J.-P. Raffarin : Oui, c'est indispensable. Vous êtes un peu sévère avec le mot indifférence, je crois que c'est vrai que l'émotion internationale est très forte aujourd'hui et que les dispositions législatives qui sont prises apparaissent moins essentielles que la réaction nécessaire qu'il faut avoir pour défendre la paix dans cette zone de la Méditerranée. Mais je crois qu'il est important d'avoir un texte qui, entre deux lois de finances, permet des ajustements, il y a un certain nombre de décisions qu'il faut prendre. C'est un texte qui, par définition, est un véhicule juridique pas très bien identifié, en effet, puisqu'il faut mettre dans ce texte tout ce qui n'est pas dans la loi de finances précédente et tout ce qui doit être fait avant la prochaine loi de finances. Donc, on avait un certain nombre d'urgences, je pense par exemple à l'allégement fiscal pour les fonds de commerce. C'était important de le déclencher dès maintenant, donc il fallait le faire vite. Mais c'est vrai que cela, avec l'urbanisme commercial, les éléments sur la politique du logement, avec des éléments sur la consommation, en fait, tout ceci rassemblé dans ce véhicule juridique donne le sentiment d'être très touffu mais en fait, c'est parce que l'action gouvernementale est dense.

A. Ardisson : Entre les modifications apportées par le gouvernement à son projet initial et puis les amendements de la commission des finances, on ne sait pas ce qui va y avoir à l'arrivée et notamment en ce qui concerne les mesures de relance de la consommation et les allégements d'impôts annoncés si on emprunte pour acheter un bien de consommation ?

J.-P. Raffarin : C'est vrai qu'il y a eu un débat intéressant, hier soir, à l'Assemblée, sur les amendements que propose la commission des finances d'une part et les parlementaires d'autre part. Je crois que c'est d'ailleurs l'occasion de bien montrer comment peut fonctionner la relation entre le gouvernement et finalement la majorité. Souvent, on voit la majorité avoir des humeurs et on voit un certain nombre de leaders de la majorité un jour aller déjeuner à Matignon et le lendemain servir de la soupe à la grimace...

A. Ardisson : Mais à l'arrivée encore une fois ?

J.-P. Raffarin : Oui, tout cela est concret alors qu'on ne parle que des humeurs. Et par exemple, là, une coopération réussie. Regardez le texte sur la transmission d'entreprise. Nous perdons chaque année 60 à 80 000 emplois par des successions ratées. Le gouvernement avait présenté un texte, le Conseil constitutionnel a remis en cause ce texte, l'Assemblée s'est mise au travail. La commission des finances a élaboré, en coopération d'ailleurs avec le CNPF, la CGPME, beaucoup de partenaires y compris le gouvernement, un texte qui est aujourd'hui très intéressant et très important qui dit qu'on peut organiser la transmission d'entreprise de manière à alléger cette transmission en en diminuant le coût.

A. Ardisson : Cette fois, ça passera ?

J.-P. Raffarin : Ça va être débattu. Je pense qu'il y aura un accord à définir au fond entre le gouvernement et le Parlement, mais le travail qui a été réalisé est une manière très positive, une illustration de la coopération gouvernement-majorité.

A. Ardisson : Le crédit à la consommation. Que va-t-il se passer ? La commission n'y est pas favorable ?

J.-P. Raffarin : J'ai cru comprendre dans les débats d'hier qu'une majorité se dégagerait pour ce texte, donc je crois que la proposition sera retenue par l'ensemble du Parlement. Donc, je pense que nous aurons les allégements fiscaux nécessaires.

A. Ardisson : Sur les intérêts payés sur un emprunt ?

J.-P. Raffarin : Absolument, pour faciliter la consommation parce que c'est notre problème aujourd'hui, il faut stimuler la consommation et donc, quand on emprunte pour consommer, on va mettre des dispositifs fiscaux pour alléger ces charges qui pèsent sur les ménages. Donc, c'est une orientation qui, je crois, sera décidée par le Parlement. Mais il faut naturellement être prudent car le Parlement est souverain et nous aurons le débat cet après-midi. Mais je pense qu'au fond, ce que demande la commission des finances de l'Assemblée, et elle a raison de poser cette question, c'est l'ensemble d'une réflexion sur la politique fiscale. On reproche un peu d'avoir là un allégement fiscal et d'avoir eu un certain nombre de mesures qui faisaient en sorte qu'il puisse y avoir des allégements fiscaux mais que toutes ces mesures sont partielles. Et la commission nous demande une vision globale de la fiscalité. C'est ce qu'A. LAMASSOURE a répondu en disant qu'il fallait remettre l'ensemble de la fiscalité en chantier pour avoir, à l'horizon 98 dit-il, une réforme fiscale plus vaste et plus large. C'est une réforme importante qu'il faut engager mais elle est compliquée aujourd'hui, donc il faut du temps pour la mettre en place.

A. Ardisson : Réforme fiscale en 98 et en attendant carotte fiscale pour dépenser ?

J.-P. Raffarin : Exactement, stimulation car nous avons besoin de cette consommation. On sent bien aujourd'hui que la bataille de ce pays, c'est l'emploi. Et pourquoi l'emploi pose aujourd'hui un problème parce qu'on sent qu'il y a une certaine morosité. Comment la combattre ? Par la relance de la consommation, la dynamique nouvelle que nous sentons sur le terrain. J'ai plusieurs indicateurs pour être optimiste aujourd'hui. D'abord en janvier, la consommation est repartie, avec des résultats importants et plus que ceux de l'année dernière. Le moral des patrons de PME est aussi en hausse. Ce sont des indicateurs qui montrent qu'il y a un frémissement et que dans ce pays, on sent une mobilisation pour l'emploi. Et au fond, c'est cela qui est essentiel. Pourquoi y-a-t-il trop d'épargne ? Parce qu'en fait, il y a une sorte d'épargne de précaution sociale. Les gens sont inquiets, les Français se protègent sur l'avenir et en fait, c'est la baisse du chômage qui est la meilleure balance.

A. Ardisson : Et pendant ce temps-là, V. GISCARD D'ESTAING dit : arrêtez de taper sur A. JUPPÉ. Qu'en pense le secrétaire général de l'UDF que vous êtes par ailleurs ?

J.-P. Raffarin : Il est clair qu'une fois de plus, je suis d'accord avec V. GISCARD D'ESTAING. Ce n'est pas une surprise pour vous mais ça me conforte dans ma loyauté vis-à-vis du président de l'UDF. Je crois qu'il est clair qu'on ne gagnera pas les élections législatives de 98 sans A. JUPPÉ. D'abord parce qu'il est Premier ministre et que c'est sur son action que se feront les élections mais aussi parce qu'il est le président du RPR. Il faut donc mieux l'aider à réussir plutôt que de chercher sans cesse à lui compliquer la tâche.

A. Ardisson : C'est un véritable soutien à A. JUPPÉ ou c'est un missile contre F. LÉOTARD ?

J.-P. Raffarin : Ça n'est un missile contre personne. Il est clair qu'un certain nombre de dirigeants de l'UDF ont des attitudes peu lisibles pour l'opinion publique. Il faut que la majorité réfléchisse à l'image qu'elle présente à l'opinion. On demande au gouvernement d'être lisible. La réforme de la défense nationale, lisible, la réforme du paysage commercial, la position vis-à-vis des grandes surfaces, lisible, la politique de la ville, lisible, le gouvernement a fait des efforts de lisibilité. Il faut que la majorité fasse également des efforts de lisibilité. Donc, soutien actif, oui à l’imagination, oui à la proposition mais pas d’ambiguïté quant au soutien.

 

Date : mardi 19 mars 1996
Source : RTL/Édition du soir

J.-M. Lefébvre : Vous avez contesté, pour la première fois, en justice devant le Conseil d'État, le feu vert donné à un hypermarché dans la banlieue de Tours. Pression accrue contre les grandes surfaces ?

J.-P. Raffarin : Il s'agit d'un cas d'espèce particulièrement préoccupant, puisque nous sommes dans le chef-lieu de l'Indre-et-Loire, Tours, où il y a une saturation en matière d'hypermarchés. Une nouvelle autorisation déstructurerait le paysage commercial de cette ville et de ce département. Il me paraît nécessaire, au moment où le Parlement débat de nouvelles règles pour le paysage commercial, d'envoyer un message clair : nous n'approuvons pas les ouvertures d'hypermarchés dans ce pays. Nous considérons, aujourd'hui que nous sommes à saturation.

J.-M. Lefébvre : C'est haro sur la grande distribution ?

J.-P. Raffarin : Ce n'est pas haro sur la grande distribution. Je défends tous les commerçants. Dans ce pays, nous n'attaquons pas les distributeurs. Nous voulons chasser des mauvaises pratiques. J'aimerais bien pouvoir être le ministre des commerçants comme le ministre des agriculteurs, mais nous avons aujourd'hui un abus de position dominante exercé par certains. Ce n'est pas le cas de tous les distributeurs. Un certain nombre de distributeurs sont sensibles à l'aménagement du territoire, à la qualité du produit. Mais, de temps en temps, on trouve un certain nombre de comportements qui sont très abusifs. Nous avons le sentiment que ces excès de pouvoir sont en train de se multiplier. On veut rééquilibrer le paysage commercial français au profit des petites entreprises du commerce et de l'artisanat. Nous voulons chasser les mauvaises pratiques. Il ne s'agit pas de faire de la distribution un bouc émissaire, nous ne les agressons pas. Nous agressons un certain nombre de pratiques qui pénalisent l'emploi, les petites entreprises.

J.-M. Lefébvre : Vous allez présenter un projet de loi sur la réforme de la loi Royer qui va encore plus freiner le développement des grandes surf aces ?

J.-P. Raffarin : Nous voulons maîtriser l'urbanisme commercial. Cela ne veut pas dire l'asphyxier, bloquer le système, mais simplement qu'on le maîtrise : qu'il ne soit plus possible, aujourd'hui, d'ouvrir un supermarché de 999 m2 sans autre autorisation que celle d'un maire avec un permis de construire. Nous voulons que l'ensemble du processus d'instruction de l'ouverture d'une grande surface soit transparent ; qu'on puisse en informer l'ensemble des acteurs économiques, les élus et les professionnels. Il faut donc veiller à un certain équilibre, notamment au profit des centres-villes. Nous avons besoin de nous lancer dans une reconquête commerciale des centres-villes. Cela concerne divers magasins : les grands magasins, certains magasins spécialisés qui ont besoin de participer à cette reconquête. Beaucoup de métiers sont aujourd'hui menacés par ce déséquilibre. Le secteur de la boulangerie c'est important, mais aussi la boucherie, les crémiers... Si l'on veut défendre la France et ses fromages, il nous faut des crémiers de qualité, professionnels. Tout ceci fait partie de l'art de vivre. Ce combat économique est aussi un combat de culture.

J.-M. Lefébvre : La présidence de l'UDF : le candidat pour vous ?

J.-P. Raffarin : Le Parti populaire pour la démocratie française rassemble les anciens Clubs perspectives et réalités et de nouveau adhérents. C'est le troisième pôle de l'UDF. L'UDF a toujours fait le choix de l'innovation dynamique. Dans cette campagne, l'innovation dynamique c'est A. MADELIN. Mais ce qu'il me paraît important de souligner aujourd'hui à la veille du Conseil national, c'est que je ne voudrais pas que le rendez-vous de Lyon soit l'élimination de GISCARD. Ce serait une sombre manœuvre. Nous sommes nombreux à aller à Lyon pour partager une conviction. L'auteur de la fondation doit aussi être acteur de la rénovation. On peut lui succéder, on ne peut pas le remplacer. GISCARD est nécessaire à l'UDF.

J.-M. Lefébvre : Dans quel état d'esprit se trouve V. GISCARD D'ESTAING ?

J.-P. Raffarin : Il a déjà pris du recul sur toute la vie partisane. Fondateur de l'UDF, l'UDF a besoin de lui. Il en est le fédérateur. Ce qui est inquiétant, c'est de voir des tensions internes qui pourraient conduire à l'éclatement. Or pour gagner en 1998, à côté du RPR, on a besoin d'une grande force au centre, libérale et européenne. L'UDF est nécessaire à l'équilibre de notre vie politique, et les idées de GISCARD sont nécessaires. On ne peut pas éliminer l'intelligence de GISCARD pour l'avenir de l'UDF.

 

Date : 25 mars 1996
Source : Sud-Ouest

Sud-Ouest : Quel bilan peut-on dresser à ce jour des efforts accomplis en faveur du maintien ou du retour de commerces en milieu rural ?

Jean-Pierre Raffarin : Je considère pour ma part, ce bilan encourageant. C’est vrai, la désertification menace déjà un huitième du territoire métropolitain, et 43 % des alimentations de proximité ont disparu. Dans ce contexte, il nous semble évident que le maintien d’une activité commerciale de base est, au même titre que l’école, l’une des conditions de la survie des villages.

C’est en outre un facteur souvent essentiel d’animation locale et de développement d’activités nouvelles.

Ce déclin n’est pas une fatalité. Mon ministère encourage les initiatives des communes rurales et des entrepreneurs privés, reposant sur un projet économiquement viable, en leur apportant une aide permettant de mobiliser toutes les énergies et les financements autour de ce projet.

Cette action de l’État, connue sous le nom d’opération 1 000 villages de France, vise à la création ou au maintien d’activités commerciales et artisanales dans les communes de 2 000 habitants.

Plus de 900 opérations ont déjà été subventionnées depuis le lancement de l’opération 1 000 villages par mon prédécesseur, Alain Madelin, en 1993. Bien sûr, il est difficile de faire un bilan, faute de recul suffisant.

En revanche, une enquête a été menée par mes services sur les opérations d’aide au dernier commerce rural financées par le ministère sur la période 1976-1993. Si l’immense majorité de ces commerces sont toujours en activité – ce qui était loin d’être évident – lorsqu’on regarde en détail, on s’aperçoit que si le commerce est resté, le commerçant, lui, a souvent changé.

Cela s’explique par le fait que la commune, propriétaire des murs, s’est efforcée, dans la plupart des cas, de maintenir une activité commerciale, n’hésitant pas à changer d’exploitant lorsque celui-ci a souhaité s’arrêter.

Le succès que rencontre l’opération 1 000 villages montre qu’elle répond à un besoin vivement ressenti par la population de nos campagnes. Encore faut-il que les habitants qui souhaitent le maintien de ces commerces ne les oublient pas dans leur comportement de consommateur.

Néanmoins, je peux quand même vous donner ce chiffre dispositif : sur le terrain, 85 % des maires interrogés s’estiment satisfaits ou très satisfaits des résultats de l’implantation d’un commerce multiservices dans le cadre de 1 000 villages.

Sud-Ouest : D’autres actions sont-elles envisagées ? Lesquelles ?

Jean-Pierre Raffarin : La redynamisation du commerce et de l’artisanat en milieu rural est essentiellement assurée par la combinaison de deux types de procédure : l’opération de restructuration de l’artisanat et du commerce (ORAC), qui vise à restructurer le tissu professionnel au niveau du bassin d’emploi en aidant à la modernisation des commerces et des ateliers artisanaux, et l’opération 1 000 villages de France dont nous venons de parler.

Je suis moi-même un élu du monde rural, et je souhaite apporter une attention accrue au sujet dont nous venons de parler, mais je ne pense pas que cela passe par de nouvelles procédures car les entreprises, comme les élus, ont besoin de stabilité et de transparence dans les aides existantes ; c’est pourquoi j’ai décidé de pérenniser l’opération 1 000 villages plutôt que d’en créer une autre [illisible].

Les zones rurales sensibles feront sans doute, dans un avenir proche, l’objet d’une plus grande attention de la part des pouvoirs publics, bien que les outils d’intervention ne changeront guère.

Sud-Ouest : Le monde rural n’est-il pas plus demandeur que le commerce lui-même qui, lui, recherche une certaine rentabilité ?

Jean-Pierre Raffarin : Il est normal, je dirai même qu’il est indispensable, qu’un exploitant recherche la rentabilité de son entreprise. Au demeurant, la viabilité de l’exploitation est l’une des conditions sine qua non, avec l’absence de risque de distorsion de concurrence, à l’obtention de subventions de mon ministère dans le cadre de l’opération 1 000 villages en France.

Car chacun le comprendra, il est utopique de vouloir émettre des commerces dans toutes les communes qui en sont aujourd’hui dépourvues, car toutes n’auront jamais une clientèle suffisante et je me refuse à envisager la mise en place d’un « commerce sous perfusion ».

Il est vrai que le commerce a une véritable fonction sociale : si les élus demandent des commerces, c’est bien parce qu’ils représentent une fonction d’échanges et pas seulement une fonction d’approvisionnement.

Sud-Ouest : Comment et en quoi toutes ces actions s’inscrivent-elles dans la mise en place du nouveau paysage commercial que le gouvernement entend promouvoir ?

Jean-Pierre Raffarin : L’objectif du gouvernement en matière de commerce répond à une double préoccupation : d’une part, assurer un accès au commerce pour l’ensemble de la population, y compris dans les zones qui perdent des habitants ; d’autre part, accompagner la modernisation de l’appareil commercial de proximité et préserver un équilibre entre les différentes formes de distribution [illisible].

Je travaille dans plusieurs directions afin d’aborder le problème dans sa globalité.

Il faut d’abord limiter la croissance des grandes surfaces : c’est l’objet de la loi Royer, qui devra être votée avant l’été. Afin de pouvoir travailler sereinement d’ici là, le gel législatif de la création de surfaces de plus de 300 m2 vient d’être adopté au Parlement.

Il faut également travailler au nouveau dynamisme commercial des centres-villes. Un groupe de travail, composé d’experts et de parlementaires, va procéder à de larges auditions pour me faire des propositions avant la fin de l’année.

Je réfléchis par ailleurs à une structure proche de celle de l’ANVAR pour favoriser l’innovation dans le commerce. Par exemple, le domaine de la monétique est peu investi par les chercheurs. Le gouvernement d’Alain Juppé a procédé, dès juillet 1995, à une première ouverture grâce à l’extension des procédures SOFARIS et CODEVI aux entreprises et aux services aux particuliers.

D’autres élargissements de la pratique de l’innovation seront nécessaires demain pour l’avenir de l’artisanat et des services.
Troisième axe : il faut améliorer les relations entre fournisseurs et distributeurs. C’est l’objet de la loi sur la concurrence en cours de discussion au Parlement, mais aussi de tous les accords interprofessionnels.

Enfin, il faut travailler au maintien du commerce, voire à sa réimplantation dans les zones où son activité est difficile. C’est le cas de certains quartiers en difficulté où le gouvernement a prévu des aides fiscales et sociales, voire des zones franches, dans le cadre du plan de relance pour la ville, présenté à Marseille, le 28 janvier.

C’est pour toutes ces raisons que nous avons organisées, avec la direction du commerce intérieur, les 1res Rencontres du commerce et du monde rural, lundi à Poitiers, 1 000 personnes pour 1 000 villages y participeront sur le thème « Comment dynamiser plus l’espace rural ».

Toutes ces actions en faveur du commerce rural s’inscrivent donc dans le nouveau paysage commercial annoncé par le Premier ministre, à Bordeaux, au mois de novembre dernier, lors de la présentation du plan PME.