Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Nous voici aujourd’hui devant le Sénat, dont l’intérêt pour les questions de transport est bien connu – je me souviens du débat organisé à l’automne 1993 –, et à qui reviendra le privilège de conclure la grande réflexion sur le transport ferroviaire que le gouvernement avait voulue en préalable à l’élaboration d’une véritable solution de redressement pour la SNCF.
À vrai dire, c’est en bonne partie le Sénat qui avait depuis plusieurs années, à l’initiative notamment de MM. HAENEL et BELOT, engagé ce débat. Et quand je dis conclure, il s’agit de la conclusion d’une étape essentielle certes, mais une étape seulement car l’avenir du transport ferroviaire et de la SNCF est devant elle, et devant nous.
Compte tenu de la place éminente du chemin de fer dans la politique des transports, compte tenu de l’attachement de tous les Français à la SNCF, compte tenu aussi de l’ampleur des enjeux financiers et budgétaires en cause, certaines options à prendre revêtent en effet le caractère de véritables choix de société.
Nous sommes donc, comme nous l’avons été pendant toute la phase de préparation de la réforme, à l’écoute de vos analyses et de vos propositions. Il appartiendra à Bernard PONS de vous présenter dans quelques minutes les grandes lignes de la solution française originale que nous avons bâtie ensemble pour assurer l’avenir du transport ferroviaire, à la suite du grand débat national qui vient de se dérouler dans l’ensemble du pays.
Je souhaiterais pour ma part, Mesdames et Messieurs les sénateurs, revenir sur les principales conclusions du débat national qui vient d’avoir lieu et rappeler à cette occasion les principales données du problème que nous avons à résoudre en insistant sur les aspects de méthode.
Le débat national
Je voudrais en premier lieu vous remercier d’avoir souligné la nécessité qu’il y avait à ouvrir ce débat. Les parlementaires qui se sont penchés sur la situation de la SNCF – et je voudrais citer devant votre assemblée notamment Messieurs HAENEL, BELOT et ABOUT –- avaient en effet souligné la nécessité d’une réflexion nationale.
Pendant de trop nombreuses années, les Français, et dans une large mesure les cheminots, ont été tenus dans l’ignorance de la réalité des causes et de la gravité de la situation qui met aujourd’hui la SNCF, vous le savez bien, Mesdames et Messieurs les sénateurs, en grand danger.
Pendant de trop nombreuses années, on avait préféré la fuite en avant dans l’endettement et les déficits au courage des adaptations nécessaires ; on avait préféré le non-dit à la lucidité et à la concertation, qui sont l’une et l’autre absolument indispensable pour mener à bien les réformes. On avait préféré le risque de l’enlisement à la préparation constructive du XXle siècle.
C’est pour rompre avec cette forme d’abandon de la SNCF à elle-même, alors qu’elle appartient à la Nation toute entière, qu’il fallait ouvrir une large confrontation des idées. Il fallait en effet une prise de conscience collective pour traiter ce problème trop longtemps différé.
C’est pourquoi, sur la suggestion de Jean MATTEOLI, Bernard PONS et moi avons proposé à Alain JUPPÉ d’engager ce grand débat national. Et nous l’avons voulu sans tabou, ni préjugé. Nous l’avons aussi voulu ouvert à tous et déconcentré sur tout le territoire.
Vous avez été informés, Mesdames et Messieurs les sénateurs, de chacune des étapes de ce débat, que je rappellerai brièvement. Nous avons tout d’abord demandé un rapport introductif à un groupe d’experts présidé par Claude MARTINAND. Puis le débat s’est déroulé au cours des mois de mars et avril au sein des conseils régionaux et des conseils économiques et sociaux régionaux. Leurs contributions ont alimenté les travaux du conseil économique et social et du Conseil national des transports que le gouvernement avait saisis. Je tiens à saluer la qualité de l’ensemble de ces réflexions très constructives
Ces échanges ont permis une prise de conscience collective et une diffusion d’un sujet trop souvent confiné jusqu’alors aux seuls milieux spécialisés. Il en est résulté une maturation des esprits, de tous les esprits, sans laquelle la solution que nous vous proposons n’aurait sans doute été ni concevable, ni acceptable. Il y a dans cette démarche, me semble-t-il, une exemplarité dont nous devons nous inspirer pour mener dans d’autres domaines la nécessaire réforme de l’État et du secteur public.
Les enjeux financiers
L’ampleur de la crise, dont le traitement a été trop longtemps différé apparaît dans les chiffres, les recettes commerciales de la SNCF de l’exercice 1995 se montent à 40 milliards de francs, soit moins que le montant des charges salariales. Les concours publics ou parapublics sont de l’ordre de 50 milliards de francs, dont 18,5 il est vrai au titre des charges de retraite. Le déficit s’élève à 16,6 milliards de francs tandis que l’endettement accumulé au 31 décembre 1995 atteint près de 200 milliards de francs.
Ces enjeux financiers et budgétaires, qui frappent par leur importance, il convient de les garder à l’esprit à l’heure où, sous l’impulsion du Président de la République et du Premier ministre, le gouvernement engage courageusement, avec l’appui de sa majorité, l’effort de redressement budgétaire qu’attendent les contribuables. L’ampleur des sommes en jeu appellent, de la part de tous, un esprit de responsabilité et une grande vigilance. Il conviendra bien sûr de payer le prix du passé, mais il faut surtout s’inscrire dans une perspective d’avenir en veillant au meilleur investissement de l’argent public dans le transport ferroviaire, en sachant le cas échéant faire des choix responsables. Là encore, les choix devront être éclairés par des débats préalables, concertés, expliqués, partagés dans toute la mesure du possible. C’est une exigence moderne et démocrate ; c’est aussi une condition d’efficacité.
Une crise européenne
Je voudrais souligner que la crise du transport ferroviaire n’est pas propre à la France. À la vérité, tous les pays européens y sont confrontés et les mêmes phénomènes se retrouvent partout : baisse des trafics et des parts de marché, augmentation continue de l’endettement et des déficits nécessitant des concours publics de plus en plus élevés. La France est certes, contrairement à certaines idées reçues, le pays d’Europe où le ferroviaire garde encore en pourcentage du trafic la place la plus importante par rapport aux autres modes. Et c’est une chance.
Nous convenons tous, Mesdames et Messieurs les sénateurs, que la politique des transports doit être résolument conçue dans un cadre intermodal. Et c’est bien une approche intermodale et par le service rendu que nous avons retenue pour l’élaboration des schémas d’infrastructure de transports prévu par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, et qui feront l’objet de discussions auxquelles vous serez associés.
Mais, les transports, sont d’abord au service du développement économique et social. Or, que constatons-nous ? Ce sont en fait les évolutions des modes de vie et des techniques qui ont bouleversé le monde des transports ; qu’il s’agisse de la généralisation de la voiture individuelle, symbole de liberté et de conquête sociale ; qu’il s’agisse des programmes routiers et autoroutiers, mis en œuvre pour répondre à l’attente des élus et des populations de disposer d’une bonne desserte du territoire ; qu’il s’agisse des formes d’organisation développées par les entreprises industrielles privilégiant la flexibilité de la production et la qualité du service ; ou qu’il s’agisse de l’avion, qui s’est affirmé comme un mode de transport ordinaire sur destinations intérieures.
Face à ces bouleversements, le chemin de fer est trop largement resté en Europe sur un schéma d’organisation mis en place à l’époque où il représentait le mode de transport dominant, supposé universel, exploits à ce titre dans une logique d’offre. Par logique d’offre, j’entends un système dans lequel les services sont .définis davantage sur la base de considérations techniques qu’en fonction de besoins de la clientèle.
Le chemin de fer européen, et la SNCF tout particulièrement, a su s’adapter aux évolutions techniques, comme le prouve par exemple la réussite remarquable du TGV. Il n’a cependant pas suffisamment pris la mesure des évolutions nécessaires. Il s’est trop souvent réfugié dans une attitude défensive à l’égard des autres modes, spécialement de la route qui est devenu le mode de transport dominant.
Il eût pourtant fallu, Mesdames et Messieurs les sénateurs, que le chemin de fer s’engage dans une coopération avec la route en jouant de leur complémentarité et de l’intermodalité. Les caractéristiques du chemin de fer lui imposent en effet d’adopter une attitude de partenariat avec le transport routier pour offrir un service « porte à porte ».
Certes, on peut considérer avec quelque raison que la structure des coûts des différents transports ne reflète pas assez les atouts du chemin de fer en matière d’environnement. Les discussions européennes les plus récentes montrent la nécessité d’approfondir les travaux d’experts sur cette question. Quoi qu’il en soit, cet argument a trop souvent servi d’alibi. Les observateurs les plus objectifs savent en effet que le facteur déterminant de la concurrence entre les modes de transport porte au moins autant sur le service que sur le prix. Il faut bien sur comprendre ici le mot service au sens large : rapidité, fiabilité, ponctualité, fréquence, confort, correspondances. C’est tout l’enjeu de la réorientation que le président LE FLOCH PRIGENT a engagée avec les premiers effets immédiats et concrets qu’il vient d’annoncer.
Pour autant, le chemin de fer n’est évidemment pas un mode de transport dépassé. Au contraire, et je souhaite l’affirmer avec force, le chemin de fer reste plus que jamais un mode de transport moderne. Le débat national a permis de souligner ses atouts, qui le rendent capable de satisfaire les besoins de ses clients, ce qui est bien le premier enjeu, tout en apportant des avantages collectifs en matière d’environnement, de sécurité, de service public et d’aménagement du territoire.
Le chemin de fer se révèle particulièrement performant sur de nombreux créneaux de transport. C’est le cas notamment des liaisons voyageurs sur grandes distances avec les TGV, des déplacements urbains et péri-urbains, où les usagers attendent beaucoup de lui, du transport de fret sur grande distance avec notamment le transport combiné. À cet égard, l’ouverture des frontières européennes, comme l’affirme le sénateur ABOUT dans son récent rapport, constitue bien une chance pour le chemin de fer car elle va lui ouvrir des champs d’expansion considérables, en particulier pour le fret en lui permettant d’accéder à des marchés où ses atouts trouvent bien à s’exprimer. La SNCF rénovée pourra s’y déployer avec les meilleurs atouts de succès.
Le service public
Enfin, je souhaiterais évoquer un dernier enjeu, celui du service public, auquel je sais votre assemblée particulièrement attentive. La question du service public est essentielle et souvent à l’origine d’incompréhensions. Je voudrais donc être très claire, en soulignant la pertinence de la définition qui figure à l’article 1 de la LOTI : le service public de transport, c’est « la satisfaction des besoins de l’usager dans les conditions économiques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité ».
Cette définition atteste bien que le service public, c’est le service du public. C’est-à-dire que le service public ne peut se concevoir dans une pure logique d’offre. Il faut du reste sans doute voir dans le fait que les clients ont trop souvent été négligés l’une des causes de désaffection pour le transport ferroviaire. Deux constats découlent des principes posés par la LOTI :
– le service public n’est pas lié à un mode de transport ou, si vous préférez, aucun mode de transport n’est un service public en soi ;
– il appartient à des autorités responsables de définir les missions de service public, et non aux opérateurs eux-mêmes ; dans le respect bien sûr des principes traditionnels fondateurs du service public : égalité d’accès et de traitement des usagers, continuité, adaptabilité.
Les conclusions du débat national
Le débat national a permis de bien cerner ces enjeux et de permettre une large prise de conscience. Il a également permis de faire ressortir quatre grandes conclusions, qui ont inspiré la solution que nous avons élaborée avec Bernard PONS :
Première conclusion une clarification des responsabilités respectives de l’État et de la SNCF est nécessaire, tout particulièrement sur l’infrastructure.
La confusion des responsabilités est source d’une certaine déresponsabilisation des acteurs. La question de l’infrastructure est bien au cœur de cette problématique, et justifie que la clarification soit prioritairement recherchée à son niveau.
Deuxième conclusion : un effort financier important doit être engagé afin de désendetter la SNCF et de la responsabiliser en créant les conditions d’une mobilisation autour d’un objectif crédible de redressement.
Troisième conclusion : si désendetter la SNCF est nécessaire, cela ne suffira pas à résoudre tous les problèmes sans changements internes appuyés, d’une part sur une priorité accordée au client et au service, d’autre part sur une véritable maîtrise des coûts, aucun redressement durable n’est possible. La reconquête des clients est bien au cœur du redressement du transport ferroviaire. II faut redonner aux voyageurs, comme aux chargeurs, le goût de reprendre le train. Des performances nouvelles et mesurables devront être atteintes : les contribuables et les clients doivent « avoir pour leur argent » et la mesure des progrès doit être transparente.
Quatrième conclusion : il faut franchir une étape nouvelle de la régionalisation des services régionaux de voyageurs : il s’agit d’un facteur de modernisation essentiel tant pour la SNCF que pour ses clients et pour le service public. Je sais à cet égard la part que certains d’entre vous, en particulier le sénateur HAENEL, ont joué dans la maturation de cette réforme et je veux les saluer. Je me réjouis sincèrement que le long processus qu’il a animé avec passion et compétence puisse devenir réalité, sur les bases même qu’il avait proposées et que nous avions longuement travaillées ensemble.
Cette nouvelle étape dans un processus de coopération, déjà ancien et fructueux, entre les régions et la SNCF est prévue par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire. Elle doit permettre de rapprocher l’usager de la définition de l’offre de transport et de définir, au plus près des besoins, les missions de service public pour ces services qui sont ceux de la vie quotidienne.
Conclusion
C’est à partir de ces conclusions que nous avons, Bernard PONS et moi, proposé au Premier ministre d’adopter un projet de solution française originale et novatrice pour l’avenir du transport ferroviaire. Cette solution, que Bernard PONS vous présentera dans un instant, repose, vous le savez, sur deux piliers équilibrés :
– une nouvelle organisation du chemin de fer en France permettant de traiter durablement le problème de l’infrastructure et de désendetter la SNCF de 125 milliards de francs ;
– le lancement expérimental de la régionalisation.
À travers cette solution, la France fait la preuve, non seulement qu’elle ne reste pas en marge du mouvement des réformes structurelles engagées dans de nombreux pays européens, mais également qu’il existe, dans ce domaine aussi, une voie de modernisation respectueuse de nos spécificités et de nos valeurs.
Mais, il importe de bien mesurer les enjeux :
– d’une part, les enjeux financiers, budgétaires en particulier : le redressement de la SNCF sera nécessairement long et coûteux ;
– d’autre part, la nécessité d’une véritable rénovation interne accompagnant les mesures structurelles que l’État pourra décider.
Les cheminots, vous le savez comme moi, vivent l’attachement à leur métier et à leur entreprise avec une passion réelle et la fierté de ceux qui servent le public. La SNCF ne se redressera ni sans les cheminots, ni contre eux. Ils sont et seront au contraire les premiers acteurs de l’ambition qu’il nous appartient, tous ensemble, de donner aujourd’hui au transport ferroviaire.
Vous l’aurez compris, Mesdames et Messieurs les sénateurs le gouvernement est prêt pour sa part à poser avec vous les bases nouvelles et confiantes de cette ambition. Je vous remercie.
Le débat national sur l’avenir du transport ferroviaire
1. Déroulement du débat national
Bernard PONS et Anne-Marie IDRAC ont décidé en janvier 1996 d’engager un débat national en préalable à l’élaboration de solutions de redressement pour la SNCF.
Le principe de ce débat, suggéré par Jean MATTEOLI, avait été souhaité par les cheminots et le gouvernement à la fin de l’année 1995, afin de donner à la réflexion sur l’avenir du transport ferroviaire un cadre qui soit à la mesure de la place du chemin de fer dans la politique des transports, mais aussi à la mesure des choix que la Nation doit arrêter pour faire face à une crise sans précédent.
Le gouvernement a voulu un débat sans tabou, ni préjugé. Il a été introduit par le rapport d’un groupe de travail présidé par Claude MARTINAND, dont les conclusions ont été rendues le 29 février. Il s’est ensuite déroulé, dans le courant des mois de mars et d’avril, au sein des conseils régionaux et des conseils économiques et sociaux régionaux. Puis, au niveau national, au conseil économique et social les 23 et 24 avril et au conseil national des transports les 27 mars et 12 avril.
Les délais annoncés par le gouvernement ont été tenus. Compte tenu du caractère national du débat et des enjeux budgétaires, il était normal que le débat trouve sa conclusion au Parlement, le 11 juin à l’Assemblée nationale puis le 25 juin au Sénat.
2. Ses conclusions
Le débat a permis de souligner les atouts du chemin de fer, capable de satisfaire les besoins de ses clients tout en apportant des avantages collectifs en matière d’environnement, de sécurité, de service public et d’aménagement du territoire.
Il a aussi fait ressortir quatre grandes conclusions :
– une clarification des responsabilités de l’État et de la SNCF est nécessaire, tout particulièrement sur l’infrastructure ;
– il faut qu’un effort financier important soit engagé afin de désendetter la SNCF et de la responsabiliser en créant les conditions d’une mobilisation autour d’un objectif crédible de redressement ;
– le désendettement est aussi nécessaire qu’insuffisant : sans changements internes, traduisant une priorité accordé au client et au service, aucun redressement durable n’est possible ;
– il faut engager la régionalisation qui est une réforme essentielle tant pour le chemin de fer que pour le service public de transport.
Une solution française originale pour le chemin de fer
Bernard PONS et Anne-Marie IDRAC ont présenté à l’Assemblée nationale une réforme en profondeur de l’organisation du transport ferroviaire, qui constitue une solution française originale. Cette réforme ambitieuse :
– préservé l’unité de l’entreprise, chargée à la fois de l’exploitation ferroviaire et de la gestion de l’infrastructure ;
– clarifie les responsabilités de l’État et de la SNCF sur l’infrastructure, en conduisant l’État a assumer la responsabilité financière du réseau ;
– allège la SNCF de la charge de la partie de sa dette liée à l’infrastructure.
Cette solution française originale apporte une réponse structurelle et pas seulement financière aux difficultés de la SNCF. Elle s’organise autour de deux piliers.
Une nouvelle organisation pour le chemin de fer permettant un désendettement de 125 milliards de francs de la SNCF
Bernard PONS et Anne-Marie IDRAC ont annoncé une nouvelle organisation du chemin de fer en France permettant le désendettement de la SNCF à hauteur de 125 milliards de francs.
Un établissement public sera créé pour exercer, pour le compte de l’État, la responsabilité de propriétaire du réseau. Cet établissement assumera, pour le passé comme pour l’avenir, la responsabilité du maintien et du développement du réseau et percevra les redevances pour l’utilisation des infrastructures.
La gestion des infrastructures demeurera confiée à la SNCF qui sera rémunérée à ce titre par l’établissement public.
Le nouvel établissement reprendra les 125 milliards de francs de la dette que la SNCF avait contractée à ce jour pour financer les infrastructures et recevra les actifs constituant l’infrastructure ferroviaire, y compris les actifs fonciers et immobiliers (à l’exception des bâtiments exclusivement dévolus au transporteur ferroviaire et des immeubles à vocation sociale).
Ces actifs ferroviaires n’ont pas vocation à être vendus pour rembourser la dette. Il ne s’agit donc pas d’une structure de cantonnement de dette, mais d’une structure destinée assumer durablement la responsabilité du réseau ferroviaire et de son financement.
Cette réforme met fin à une ambiguïté entre les responsabilités de l’État et la SNCF. Elle pose les bases d’un renouveau du chemin de fer en France au prix du plus gros effort financier jamais consenti par l’État pour une entreprise.
L’expérimentation de la régionalisation des services régionaux de voyageurs
Le débat national a confirmé que la régionalisation des services régionaux de voyageurs constitue l’un des vecteurs les plus prometteurs de modernisation du chemin de fer et du service public de transport.
Bernard PONS et Anne-Marie 1DRAC ont décidé d’engager l’expérimentation dès le 1er janvier 1997 pour une période de deux ou trois ans dans six régions volontaires : Alsace, Centre, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cette phase expérimentale se déroulera selon les principes recommandés par l’audit réalisé en mars 1996 pour l’association des présidents de conseils régionaux (APCR), l’État et la SNCF : transparence, réversibilité, transfert de compétence sans transfert de charge.
La régionalisation porte sur les seuls services régionaux de voyageurs et pas sur l’infrastructure, dont le caractère national se trouve confirmé par la création du nouvel établissement public.
Conformément au vœu des régions volontaires, la quote-part de la contribution financière que l’État versait jusqu’à présent à la SNCF leur sera directement versée pendant la période expérimentale. Il appartiendra alors à ces six régions de convenir par convention avec la SNCF des services à assurer.
L’État assurera une coordination au niveau national, qui permettra de suivre l’expérimentation avec l’ensemble des 22 régions.
Les décisions annoncées par Bernard PONS et Anne-Marie IDRAC traduisent une ambition forte pour le chemin de fer de la part du gouvernement et de la Nation toute entière. Il incombe à l’entreprise et aux cheminots de se montrer en retour à la hauteur de l’effort exceptionnel que le contribuable va ainsi consentir au moment où les choix budgétaires sont particulièrement difficiles.
L’État prend ses responsabilités et crée les conditions du redressement sur des bases désormais saines. Il marque sa confiance dans la capacité de l’entreprise, dans ce nouveau cadre, à se mobiliser pour s’engager dans la voie d’un redressement durable à travers l’élaboration et la mise en œuvre de son projet industriel.
Le projet industriel de la SNCF
Dès sa nomination, Bernard PONS et Anne-Marie IDRAC ont demandé au président de la SNCF de rétablir les conditions du dialogue social et de lancer l’élaboration d’un « projet industriel » qui devrait être achevé à l’automne.
Le projet industriel doit, conformément au principe d’autonomie de gestion, permettre à la SNCF de définir, dans la concertation, sa stratégie et les modalités de mise en œuvre de celle-ci.
Cette démarche va désormais prendre toute sa dimension, après l’assainissement financier de la SNCF et la détermination d’un cadre clair de responsabilités sur l’infrastructure.
D’ores et déjà, la direction de la SNCF et les organisations syndicales ont pu dresser un constat commun de la situation de l’entreprise et se concerter sur l’identité et les missions de celle-ci. Sur la base de ces travaux préliminaires et de l’enquête menée auprès de la clientèle, le projet industriel fixera les grandes orientations stratégiques de l’entreprise pour les années à venir et indiquera, pour chacune des activités de la SNCF (fret, grandes lignes, TER, Île-de-France, SERNAM, gares, gestion de l’infrastructure), les actions à engager dès la fin de l’année en cours.
À la différence des « plans d’entreprise » qui avaient accompagné la signature des contrats de plan 1985-1989 et 1990-1994, le projet industriel n’est pas conçu comme une programmation pré-établie, une fois pour toutes et pour cinq ans, de l’ensemble des moyens de redressement de l’entreprise. Il convient en effet de chercher à adapter constamment les stratégies et l’offre de la SNCF aux évolutions de la demande de la clientèle.
Le projet industriel a pour ambition de donner des impulsions fortes à l’entreprise. La SNCF doit désormais se fixer pour règle d’être suffisamment réactive pour s’adapter en permanence aux évolutions de son environnement.
Dans le nouveau cadre de responsabilités décidé par l’État, le gouvernement entend que le projet industriel ait pour principaux objectifs :
– la reconquête de la clientèle fret et voyageurs ;
– le retour à un équilibre durable de chacune des activités du transporteur ferroviaire ;
– l’amélioration continue des performances de l’activité de gestion de l’infrastructure réalisée pour le compte du nouvel établissement public.
Compte tenu des mesures arrêtées par le gouvernement, la mise en œuvre du projet industriel, sur la base d’objectifs partagés, ambitieux mais réalistes, doit assurer à la SNCF un redressement durable.