Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres du comité des finances locales,
Les dotations de l’État aux collectivités locales, inscrites dans le projet de loi de finances pour 1998, traduisent pour la troisième année, la mise en œuvre du pacte de stabilité financière instauré en 1996.
La notion même de pacte ne repose pas, il est vrai, sur un accord formel entre l’État et les collectivités locales.
La discussion préalable avec les élus locaux a toutefois permis de dégager deux objectifs prioritaires : la nécessaire capacité de prévision des budgets locaux et l’association des collectivités locales à l’effort de réduction des déficits publics.
Ces objectifs ont été atteints.
S’agissant de la capacité de prévision, les règles d’indexation des différentes dotations ont été appliquées et la dotation globale de fonctionnement (DGF) a pu bénéficier d’une progression plus soutenue, liée à la croissance économique, alors que seule l’inflation était prise en compte en 1994 et en 1995.
En revanche, la maîtrise des déficits publics s’est traduite par la diminution de certaines dotations, ramenant l’augmentation des concours de l’État à la seule inflation des prix.
I. – La logique de maintien du pacte
Face à ce bilan, le Gouvernement a estimé qu’il était préférable de maintenir jusqu’à son terme, c’est-à-dire le 31 décembre 1998, ce dispositif. Ce choix a été fait pour respecter les engagements de l’État vis-à-vis des collectivités locales et notamment pour garantir l’évolution des dotations. Au demeurant, une modification de ces relations en cours d’année, alors même qu’il fallait préparer la loi de finances dans des délais très brefs, n’aurait pu être précédée de la concertation nécessaire.
L’improvisation n’est pas une bonne chose.
Au-delà de ces raisons, il y a plus important. La stabilité des finances publiques, pour l’État comme pour les collectivités locales, n’est pas une fin en soi. État et collectivités sont ensemble en charge de l’intérêt général et doivent dégager les moyens permettant de poursuivre des objectifs que la Nation a jugés prioritaires.
Il en est ainsi de la mise en œuvre du plan pour l’emploi des jeunes, où l’État sollicite l’engagement des collectivités locales. Je mesure bien l’effort ainsi demandé aux collectivités, déjà très engagées dans la mise en œuvre d’autres actions publiques. Mais vous avez noté que le projet de loi présenté par Madame Aubry ne propose pas seulement de nouvelles dispositions institutionnelles et encore moins un guichet de subventions automatiques. Il ouvre une démarche de négociations entre tous les partenaires locaux en vue de créer des activités utiles aux citoyens.
Cette démarche décentralisée correspond aux souhaits que vous avez souvent exprimés. Le succès de cette politique dépendra donc largement de l’élaboration conjointe entre l’État et les collectivités de conventions viables.
C’est pourquoi j’ai œuvré pour que soient maintenus les moyens financiers des collectivités, tels qu’ils résultent de l’application des règles définies en 1996.
C’est encore ce souci de respecter les engagements de l’État mais aussi celui de redonner aux collectivités locales des marges de manœuvre pour de nouvelles initiatives qui ont conduit le gouvernement à ne pas augmenter le taux de cotisation à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) en 1998. Chacun ici sait qu’un point de cotisation avoisine le milliard de francs pour les collectivités locales.
L’essentiel maintenant est de réfléchir à l’après-pacte. Le niveau de croissance économique susceptible d’être atteint sera évidemment la variable essentielle. Outre les mécanismes budgétaires qu’il conviendra de mettre en place, c’est sur les objectifs communs que le Gouvernement souhaite avoir une large concertation avec les élus locaux et, singulièrement, avec les membres du comité des finances locales.
II. – Une vision globale des relations financières
Je n’ose pas dire que l’année 1998 sera une année de quiétude mais le Gouvernement s’est attaché à réunir les conditions pour faciliter la réflexion des sujets difficiles.
Monsieur le secrétaire d’État au budget vous a déjà indiqué les chantiers que nous avons à ouvrir, en matière de fiscalité locale ou de révision des bases d’imposition. Dans ces deux domaines, je crois que votre comité partage les objectifs du Gouvernement : une meilleure répartition du poids de l’impôt et une plus juste appréciation des écarts de richesse entre les collectivités locales.
Nous aurons aussi à concevoir et à organiser l’après-pacte et à poursuivre la réflexion sur l’intercommunalité, laquelle trouvera sa place dans les travaux sur la fiscalité locale, au travers de la taxe professionnelle d’agglomération notamment et aussi dans une réflexion plus large sur une meilleure allocation des ressources entre collectivités.
Nous ne pourrons probablement pas nous dispenser d’un réexamen de la place de la dotation de fonctionnement des groupements de communes au sein de la DGF, afin de garantir à l’intercommunalité des ressources qui ne remettent pas en cause les autres fonctions péréquatrices de la DGF.
Ces projets, qui seront finalisés au début de l’année 1998, feront l’objet d’une concertation très étroite avec les représentants des élus locaux et en tout premier lieu avec votre comité.
Il en ira de même, s’agissant de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). La décision qui a été prise pour 1998 ne nous dispense pas, bien au contraire, de conduire rapidement une réflexion sur l’équilibre de l’institution et sa place dans l’équilibre global des régimes spéciaux.
Enfin, la réflexion devra progresser sur les charges nouvelles. Je pense, par exemple, aux normes relatives à l’eau. Le Premier ministre vient de confier à Madame Voynet et à moi-même une mission d’analyse de l’ensemble de nos modes de financements publics dans le domaine de l’eau.
En évoquant tous ces sujets, je mesure parfaitement l’ampleur de la tâche qui est devant nous, mais on ne peut pas retarder indéfiniment les échéances.
Ainsi la loi de finances qui est présentée aujourd’hui est-elle une étape importante, mais elle n’est qu’une étape. Elle vous indique toutefois clairement le souci du Gouvernement de garantir une règle du jeu précise et stable.
Cette étape franchie, nous devrons nous fixer un nouveau cap ; et pour cela, nous devrons avoir défini les principaux choix au printemps de 1998.
Je compte beaucoup, Monsieur le Président, sur votre comité, fort de ses dix-huit ans d’expérience et d’expertise, pour nous y aider.
J’en viens aux mesures arrêtées dans le projet de loi de finances.
Je rappellerai les mécanismes qui ont conduit à la fixation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour 1998 et des autres dotations au regard de l’évolution des indices réalisés et prévisionnels.
Je m’efforcerai ensuite de souligner les conséquences prévisibles de ces évolutions sur les différents concours ainsi ouverts aux collectivités locales, avant de préciser les échéances qui seront les nôtres à court et moyen termes.
III. – L’évolution du périmètre normé des dotations de l’État en 1998 et le traitement de la régularisation de la DGF pour 1996
Le périmètre du pacte de stabilité pour 1998 est analogue à celui de 1997 et de 1996.
Il évolue comme l’indice prévisionnel des prix hors tabac, associé au projet de loi de finances, soit 1,3% en 1998 pour atteindre 156,701 MdF.
Avec les ajustements techniques qui correspondent principalement à l’abondement du retour de fiscalité locale de La Poste et de France Télécom sur le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) et à l’intégration des instituteurs ayants-droit à la dotation spéciale instituteurs (DSI) dans le corps des professeurs des écoles, l’ensemble des dotations de l’État sous enveloppe se montera à 157,881 MdF, soit une progression légèrement supérieure à l’inflation prévue pour 1998.
La fixation du périmètre normé en 1998 découle de la décision du Gouvernement de traiter la régularisation négative de la DGF pour 1996 d’une façon qui soit neutre au regard du pacte, comme je vous l’avais précisé le 10 juillet dernier.
À cet égard, la DGF enregistre une régularisation négative de 750,4 MF.
Votre comité l’a constaté au cours de sa dernière séance. 103,576 MdF ont en effet été répartis en 1996 alors que le montant de la DGF aurait dû s’établir, si les indices avaient été connus avec exactitude à l’époque, à 102,826 MdF.
Conformément à l’article 52 de la loi de finances pour 1994, c’est à ce montant définitif que doivent être appliqués les indices économiques servant à déterminer le montant de la DGF pour 1997.
Or, il s’avère que les indices utilisés pour la loi de finances pour 1997 sont différents de ceux constatés aujourd’hui. L’inflation pour 1997 se situe à 1,1% au lieu de 1,3% envisagé et la croissance du PIB 1996 est de 1,2% au lieu de 1,3% initialement prévu.
L’indice nominal définitif d’évolution de la DGF pour 1997 est donc de 1,70% au lieu de 1,95%, nécessitant un recalage de la base qui s’élève désormais à 104,574 MdF au lieu des 104,881 MdF ouverts en loi de finances initiale.
Cette base révisée de la DGF pour 1997 a été indexée selon les règles du pacte sur une progression de 2,40%, qui résulte d’une inflation estimée à 1,3% pour 1998 et d’une progression du PIB de 2,2% en 1997. Le montant de la DGF inscrit dans le pacte en 1998 s’élève donc à 107,084 MdF.
Les collectivités locales ne percevront cependant que 106,333 MdF, compte tenu de l’imputation de la régularisation négative de 750 MF que j’évoquais précédemment. L’indice réel de progression de la DGF qui sera répartie en 1998 s’établit ainsi à 1,38% par rapport au montant inscrit en loi de finances pour 1997.
Le Gouvernement a décidé toutefois que cette régularisation serait neutre au regard du pacte en 1998.
Vote comité avait à cet égard esquissé le 10 juillet dernier un contenu à cette neutralité en faisant valoir :
- d’une part, que la dotation de compensation de la taxe professionnelle 1996 avait déjà absorbé les 750 MF de surestimation de la DGF ;
- mais qu’en revanche l’enveloppe du pacte avait été surestimée de 300 MF, du fait de la prise en compte d’une inflation plus importante que celle finalement constatée.
Le Gouvernement a fait sienne votre démarche et la dotation de compensation de la taxe professionnelle sera abondée de 450 MF en 1998.
Son montant s’élève ainsi à 13,996 MdF puisque le Gouvernement a de surcroît confirmé l’abondement complémentaire de 300 MF, issu des amendements parlementaires de 1996.
Au total, la diminution de la dotation de compensation de la taxe professionnelle a pu être ainsi contenue en deçà de 5%.
IV. – Évolution des dotations en 1998
Comme vous le savez, cette évolution est prévue par la loi et liée à la valeur des indices prévisionnels associés au projet de loi de finances.
1) Les dotations de fonctionnement qui recouvrent la DGF, la dotation spéciale instituteurs (DSI), la donation élu local, le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) et le fonds national de péréquation (FNP) s’élèvent en 1998 à 112,853 milliards de francs, en progression de 1,78%.
La masse de la DGF mise en répartition donc de 1,38% par rapport à celle répartie l’an dernier, soit un rythme légèrement supérieur à l’inflation.
Cette progression un peu supérieure à celle de 1997 devrait permettre cependant de dégager des marges de manœuvre plus favorables pour la dotation d’aménagement et la mise en œuvre de la péréquation au sein de la DGF, au travers de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR).
Le montant à répartir au titre de la DGF des communes et de leurs groupements progressera de quelque 1,206 MdF. Le comité des finances locales devra cette année encore arbitrer entre la progression de la dotation forfaitaire, celle de la dotation des groupements de communes existants et des nouveaux groupements créés en 1997 et l’augmentation de la DSU et de la DSR.
Nous n’avons pas encore d’indications sur le développement des groupements intercommunaux, celui déterminant fortement l’évolution de la DSU et de la DSR.
Cependant, compte tenu des estimations retenues pour la dotation forfaitaire et en prévoyant la progression de l’intercommunalité en 1998 à des niveaux proches de ceux de 1997, le solde à répartir pour la DSU et la DSR devrait permettre une croissance de ces deux dotations, respectivement entre 2% et 3,5% pour la première et entre 4,5% et 6% pour la seconde, selon les choix que fera votre comité en janvier prochain.
La dotation spéciale instituteurs évolue comme la DGF (1,38%), mais son montant tient compte de l’intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles et donc de la réduction du nombre d’ayants-droit.
Les dotations de l’État au FNPTP et au FNP évoluent comme les recettes fiscales nettes de l’État, soit 4,35% en 1998.
En outre, le FNPTP bénéficiera de l’abondement de 1,336 MdF constitué par le retour de fiscalité locale payée par La Poste et France Télécom, en application de la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service de la poste et des télécommunications.
Une partie de ce fonds sera consacrée, comme en 1997, à la compensation d’exonérations de la taxe professionnelle prévue dans le cadre du pacte de relance pour la ville. La contribution du FNPTP à cette compensation a été de 468 MF en 1997, c’est-à-dire le maximum autorisé par la loi, qui a prévu de la limiter à la croissance annuelle du produit de la fiscalité de La Poste et France Telecom.
En 1998, la contribution devrait être limitée à 570 MF, ce qui porte les dotations de l’État au FNPTP à 2,320 MdF, soit une augmentation de 29% par rapport à 1997.
Ce montant permet d’envisager plus favorablement la répartition entre les différentes parts du fonds, principalement la dotation de développement rural (DDR) au profit notamment de l’intercommunalité et le fonds national de péréquation (FNP). Ce dernier constitue le levier le plus puissant pour nourrir la péréquation des dotations au bénéfice des communes pauvres en ressources fiscales et notamment la taxe professionnelle.
2) Les dotations d’équipement inscrites dans le pacte de stabilité recouvrent la dotation globale d’équipement et les dotations d’équipement scolaire. Elles progressent comme la formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques, soit 2,5% en 1998, pour s’établir à près de 10 milliards de francs.
Après deux années de baisse consécutive à la suppression de la première part destinée aux villes en 1996, la dotation globale d’équipement (DGE) progresse en 1998 de 2,5% pour s’établir à 5 105 MF.
3) Les dotations de financement des transferts de compétences (dotation générale de décentralisation, DGD Corse et DGD formation professionnelle) progressent au même taux que la DGF (1,38%). Elles atteindront un total de 20,973 MdF.
Compte tenu des ajustements techniques, la seule DGD s’élèvera à 14,593 MdF en 1998, soit une progression de 1,55% par rapport à 1997, rythme supérieur à celui de l’inflation.
4) Les concours hors pacte de stabilité
Le Fonds de compensation de la TVA (FCTVA), le produit des amendes de police ainsi que les subventions des différents ministères ne sont pas intégrés dans le périmètre normé.
Le prélèvement au titre des amendes de police progressera de 5,4% en 1998 pour s’établir à 1,95 MdF.
Le FCTVA est inscrit à hauteur de 20,72 MdF au projet de loi de finances pour 1998, montant supérieur aux crédits qui seront consommés en 1997, soit 20,3 MdF. Ce montant est comme chaque année une estimation qui peut faire l’objet de rectifications en fonction des droits ouverts aux collectivités locales.
Ainsi, les mesures qui ont été arrêtées par le Gouvernement sur l’évolution des dotations dites « actives » respectent-elles très scrupuleusement les textes. J’oserais dire même qu’elles les interprètent quand il y a place à interprétation dans un sens qui n’est pas défavorable aux collectivités locales.
5) Les dotations dites passives
C’est la même démarche qu’a adoptée le Gouvernement s’agissant des dotations dites « passives », c’est-à-dire les compensations des exonérations et des dégrèvements des impôts locaux.
Ces compensations continuent de connaître une croissance particulièrement rapide. Même si la suppression de l’exonération des droits de mutation à titre onéreux permet de contenir la dérive enregistrée les années précédentes, elles atteignent encore un total de 59,3 MdF, dû principalement à l’augmentation des dégrèvements de taxe professionnelle.
Vous observerez que la présentation de ce que vous appelez le « bas du tableau » rompt avec les années précédentes puisque aucune mesure n’est proposée qui puisse réduire les compensations versées aux collectivités locales. Je n’insisterai pas car chacun a en mémoire le débat de l’an dernier sur la taxe professionnelle.
Telles sont les principales données de la loi de finances pour 1998 concernant les collectivités locales que je souhaitais porter à votre connaissance.