Déclarations de M. Guy Le Néouannic, secrétaire général de la FEN, et textes votés par le Conseil fédéral national de la FEN, sur la politique du gouvernement et l'action de la FEN, Paris les 25 et 26 septembre 1996, parus dans "FEN hebdo" du 11 octobre 1996.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conseil fédéral national de la FEN (CFN), à Paris les 25 et 26 octobre 1996

Média : FEN Hebdo

Texte intégral

Mes chers camarades,

Je le disais à Orléans au début de ce mois, rien ou presque ne nous aura été épargné en ce début d’année. Je ne voudrais pas, devant ce CFN, reprendre totalement l’analyse présentée lors de notre réunion de militants. Considérons que nous prolongeons aujourd’hui ce débat. Mais devant une instance comme le CFN nous devons approfondir certaines questions et arrêter les décisions nécessaires.

1 – La politique économique et sociale du gouvernement

Ce n’est par plaisir sadique que nous critiquons la politique économique du gouvernement mais parce que nous la jugeons mauvaise, et nous la jugeons mauvaise parce qu’elle échoue et que, malgré cela, le gouvernement s’obstine.

Mais regardons de plus près ce qui se passe.

La richesse nationale a enregistré un recul au second trimestre. Au total, la croissance pour 1996 ne devrait pas excéder 1,3% : on est bien loin des 2,8% prévus par la loi de finances 96 ! La consommation des ménages enregistre un nouveau recul.

La baisse graduelle des prix montre que nous sommes désormais entrés dans une période de déflation rampante. Cette situation entraîne une baisse de recettes des entreprises qui pourraient bien revoir encore en diminution leurs perspectives d’embauches et d’investissement.

Les recettes de l’État seront encore réduites. Bien évidemment cela pèsera sur la demande globale : le cercle vicieux n’en finit pas de se boucler.

La crise de la demande intérieure est grave, profonde. Ce n’est pas une pseudo-réforme de la fiscalité qui est nécessaire, mais une relance massive par le pouvoir d’achat. Les marges de manœuvre de redistribution, existent : 5% des ménages les plus riches détiennent 40% du patrimoine global ! Entre le pécule des moins bien lotis et les fortunes des plus nantis, c’est un écart de 1 à 75 qui se creuse…Mais on préfère réduire les tranches d’imposition sur les revenus les plus élevés ! On préfère agir sur les taxes indirectes qui creusent encore les inégalités ! on nous explique enfin qu’il n’est pas possible d’augmenter les recettes publiques, qu’il n’est possible que réduire encore les dépenses et pire l’investissement de l’État !

Depuis le début de 1996, la situation du marché du travail s’est à nouveau dégradée, prolongeant ainsi la tendance qui s’est amorcée dès la mi-95.

L’INSEE vient de confirmer la quasi-stagnation des effectifs salariés depuis un an dans les secteurs privés et semi-publics. L’UNEDIC de son côté estime que les créations nettes d’emploi entre juin 1995 et juin 1996 se seraient limitées à 15 300.
De plus, ce médiocre résultat n’aurait été obtenu qu’au prix d’une flexibilité croissante et notamment d’une forte progression de l’intérim et des contrats à très courte durée.

Cette évolution qui est la traduction directe d’une croissance faible et instable, explique la progression du chômage et du sous-emploi.

Cette nouvelle progression du chômage souligne aussi l’inefficacité des politiques publiques d’emploi malgré le déploiement de plusieurs mesures nouvelles depuis un an :
    - contrat Initiative Emploi (CIE),
    - renforcement de l’aide au premier emploi des jeunes,
    - promotion de l’apprentissage,
    - ristourne dégressive sur les cotisations sociales des bas salaires.

Tout ceci s’est traduit par d’importants transferts au bénéfice des entreprises au détriment des ménages via l’alourdissement de la pression fiscale qui les a en partie gagés…

Quelles sont les perspectives ?

Considérant que l’économie française ne crée pratiquement pas d’emplois en dessous de 2% de croissance, l’OFCE estime que la conjonction des politiques d’austérité budgétaire mises en œuvre par la quasi-totalité des pays de l’Union Européenne en 1996 et 1997 (voir ce qui est en train de se passer en Allemagne) risque de peser fortement sur la croissance de l’économie française l’an prochain. Dans cette hypothèse, le chômage ne pourrait que poursuivre sa progression et dépasse d’environ 120 000 nouveau chômeurs le niveau atteint fin 1996.

Dans le même pays, la réduction annoncée des aides publiques à l’emploi (de 15 à 20 milliards de francs) pourrait contribuer à aggraver encore cette situation si elle devait porter sur les dispositifs publics qui ont un impact direct sur le chômage, tels les CES ou les stages.

Enfin, il ne faut pas sous-estimer les effets sur l’emploi qu’auront l’an prochain les diminutions de dépenses de fonctionnement de l’ensemble des administrations publiques, dont les collectivités locales. Celles-ci pourraient en effet être conduites à supprimer des vacations et autres emplois précaires dont l’effet sur le chômage se cumulerait alors avec celui des suppressions de postes de fonctionnaires par ailleurs annoncées.

Les États-Unis et le Japon ont compris, eux, le double rôle des dépenses et de l’investissement publics : celui de soutenir la demande intérieure et donc l’emploi et celui de préparer l’avenir. En conséquence, ces deux pays connaissent de vastes programmes d’investissements publics à l’heure où en Europe on traque « la mauvaise graisse » !

Chez nous l’emploi n’est pas la priorité de l’action gouvernementale. Bien au contraire, l’emploi apparaît plus que jamais comme un solde soumis à la réalisation d’autres objectifs dont le coût social devient exorbitant.

Faudra-t-il que le chômage augmente encore et de combien pour que les pouvoirs publics et les acteurs économiques prennent conscience des périls que représente une telle situation pour l’avenir même de la démocratie ?

II – Budget 97

En tous cas ce n’est pas le projet du budget 97 qui peut nous rassurer.

Ce projet de « loi de finances » est en effet la parfaite traduction d’une politique libérale « pure et dure ».

La seule chose qui compte c’est de satisfaire aux critères de convergence du traité de Maastricht, et pour cela on décrète qu’il faut « assainir les finances publiques », par un processus de réduction du rôle de l’État.

La présentation du budget par le ministre de l’économie et des finances est éloquente.

Écoutons-le :
    - le projet de budget constitue un véritable tournant dans l’histoire de nos finances publiques…
    - … ce qui fait de ce budget un tournant, c’est que le mouvement de reflux de la dépense publique et des impôts qu’il amorce est destiné à être profond et durable…
    - … mettre nos services publics en phase avec leur temps, c’est recentrer l’État sur ses vraies missions. Notre politique de privatisations vise d’abord à cela…
    - … notre premier devoir est de ramener la dépense publique dans sont lit naturel. Plus d’un franc sur deux dépensé aujourd’hui sur le territoire national transite par un organisme public. C’est évidemment beaucoup parce qu’à ce niveau, la dépense publique étouffe la dépense privée créatrice de richesses et d’emplois. » (sic !)

Tout est dit dans ces quelques phrases ! Nous allons droit vers l’État minimum ! C’est la stricte mise en œuvre de la théorie économique libérale développée par Milton Friedman et mise en œuvre par Ronald Reagan et Margaret Thatcher.

On est loin des discours de la campagne présidentielle !

Réduction des dépenses, réduction des impôts, fond de pension, tout est lié pour permettre au secteur privé marchand de capter et de rentabiliser le maximum de capitaux. Monsieur Arthuis appelle cela « la libération des énergies productives du pays ».

La réduction des dépenses se traduira d’abord par 5 599 suppressions de postes dans les budgets civils.

Des créations sont seulement prévues dans deux secteurs.

L’enseignement supérieur pourrait se voir doté de 2 700 emplois supplémentaires sans que pour autant les taux d’encadrement s’améliorent de façon très significative au vu des retards accumulés. Mais globalement l’Éducation nationale perd 2 600 postes puisqu’on en a supprimé 5 300 dans les enseignements scolaires.

Dans l’armée, l’éternelle épargnée, 7 664 emplois nouveaux d’engagés compenseront en partie la disparition de la conscription.

Certains crédits augmenteront. C’est le cas de ceux consacrés au RMI qui progresseront de plus de 5%. Mais ce n’est pas pour améliorer la situation financière des bénéficiaires. C’est parce que leur nombre augmente : il a plus que doublé depuis 1989. Mais dans ses prévisions, le gouvernement prend en compte une économie de 500 millions théoriquement dégagée par l’application de l’obligation alimentaire. (Obligation pour les enfants de couvrir les besoins alimentaires des ascendants sans ressources… et inversement). Le gouvernement, voudrait culpabiliser les familles et les rendre responsables de l’exclusion générée par la situation économique, qu’il ne s’y prendrait pas autrement.

En conditionnant ainsi les bénéfices du RMI au niveau des ressources des parents du demandeur, le gouvernement, contrairement à ce qu’il prétend, ne cherche pas à éviter ce qu’il qualifie d’abus. Il ne vise pas que les demandeurs dont les parents disposent de revenus élevés. Les familles aux ressources moyennes sont elles aussi visées. C’est une forme de taxe sur l’exclusion qu’il met en place. C’est le principe même de solidarité nationale qu’il met en cause.

III – Réforme de l’impôt

C’est la même logique qui guide la réforme de l’impôt sur le revenu et que, sans pudeur, on ose qualifier de « socialement juste ».

Car la diminution des impôts se fera au bénéfice des tranches supérieures de revenus et au détriment des retraités et des ménages à revenu moyen. Le gouvernement, non seulement s’empresse de baisser la pression sur les hauts revenus mais, en bon libéral, se garde bien de compenser cette diminution par un accroissement de la fiscalité sur les revenus du capital et sur les patrimoines. Ainsi, l’effet redistributif se fera très inégalement et surtout en faveur des plus nantis.

De plus, il accroît encore le poids indirect, celle qui est la plus aveugle et la plus injuste. En transférant sur une consommation déjà défaillante le poids de la fiscalité, en ignorant les écarts de fortune et les inégalités qu’engendre une fiscalité mal répartie, le gouvernement s’assoit sur un principe constitutionnel. Faut-il le rappeler, le devoir d’assurer justice, équité et égalité dans la contribution à l’effort national figure dans la Déclaration des Droits de l’Homme !

Quant aux fonds de pension, ils sont surtout créés (je cite encore M. Arthuis) pour « canaliser davantage nos ressources financières vers les entreprises, qu’elles soient grandes ou petites ».

Les entreprises vont pouvoir investir… avec l’argent des salariés ! Mais pourquoi ne le font-elles pas ? Les différentes enquêtes menées auprès de leurs dirigeants montrent que ce n’est pas par manque de capitaux ni à cause du taux d’intérêt élevés mais pas frilosité dans une conjoncture incertaine. Dans ces conditions il vaut mieux risquer l’argent des autres…

Les fonds de pension pourraient aussi avoir un autre but. Facultatifs demain pour les salariés du secteur privé, ils pourraient être rendus obligatoires, pour tous, après-demain.

Ce serait une remise en cause du système actuel.

Ainsi, après la réforme de 93 du système de retraite de la Sécurité sociale, ce pourrait être la remise en cause des régimes complémentaires obligatoires gérés paritairement et fonctionnant sur le principe de la répartition. On sait que l’ARRCO et surtout l’AGIRC (réservé aux cadres) connaissent des difficultés.

Le danger n’est pas pour le présent, il est pour demain !

Je crois dans ces conditions qu’il est nécessaire de rappeler notre ferme attachement au code des pensions civiles et militaires.

Aménagement du territoire

Il est un sujet sur lequel le Gouvernement ne met pas le phare en ce moment, c’est la question de l’aménagement du territoire. Depuis longtemps, il ne fait plus de ce dossier une priorité.

Il est néanmoins nécessaire de ne pas occulter cette dimension dans notre analyse globale et notre vigilance. Un certain nombre d’orientations arrêtées dans le cadre de la préparation de la loi sur le schéma national s’inscrivent dans les objectifs gouvernementaux en matière de politique économique, d’emploi, de fiscalité, de réforme de l’État.

C’est donc dans un contexte de pré-dépression, marqué par un pessimiste ambiant assez fort que nous nous sommes placés à cette rentrée.

IV. Situation à l’Éducation Nationale

1. Nous sommes à quelques jours de la grève du 30 septembre.

Allons à l’essentiel car vous connaissez tous la chronologie de nos initiatives avant l’appel à la grève et les circonstances de l’annonce du 3 septembre – FEN-Hebdo et FEN-Actualités les ont développés.

Et l’essentiel, c’est que le gouvernement entreprend une politique de régression pour l’éducation. Je ne reprends pas ici ce que je viens de dire à propos du budget !

Dès cette rentrée :
    - en réduisant les recrutements (les listes complémentaires des concours sont bloquées) ;
    - en mettant au chômage des milliers de non titulaires,
    - en continuant de ne pas appliquer la loi de programmation pourtant très modeste.

Pour l’avenir ; avec la suppression de 5 000 postes et de nouvelles réductions de crédits de fonctionnement.

Même si la qualité de l’éducation ne se réduit pas aux seuls moyens, des ponctions aussi drastiques ne peuvent manquer de l’affecter gravement. Par son rôle dans la lutte contre l’exclusion, le service public d’éducation devrait au contraire être, aujourd’hui, renforcé et amélioré pour le rendre plus efficace pour les plus démunis. Au lieu de cela, le gouvernement prévoit de l’obérer et d’aggraver le chômage en recrutant moins.

C’est sur ces points que nous devons mettre l’accent pour notre grève du 30 septembre parce qu’ils portent sur l’essentiel.

Ils justifient, en outre, l’action spécifique Éducation Nationale – distincte de l’action Fonction Publique.

Pour la grève, la mobilisation est en marche, vous nous en parlerez.

La FCPE lors de son C.A. du 14/09, a décidé d’appeler ses adhérents et l’ensemble des parents à manifester leur opposition au projet de budget 1997 et d’envisager toute forme d’action pour que l’éducation redevienne la priorité de la Nation.

J’en profite pour préciser que nous avons eu une rencontre très fructueuse avec la FCPE qui conduit une action sur la gratuité à laquelle nous serons associés, comme tous les autres syndicats de l’Éducation. Cet œcuménisme n’empêche pas la FCPE d’avoir de convergences profondes et réelles avec nous sur le rôle de l’école, son fonctionnement et son ouverture.

La FEP-CFDT (enseignement privé) s’y associe (par crainte de retombées de la parité ! C’est la nouvelle version de l’arroseur arrosé).

La SNPT (1er syndicat de policiers de la FASP) nous apporte son soutien.

L’enjeu est important. La grève et les manifestations doivent être réussies. Le succès de l’action Éducation Nationale conditionne la dynamique de l’action Fonction Publique qui la prolonge.

2. Deux initiatives

Par ailleurs, à cette rentrée, on observe deux initiatives qui ne sont pas de même nature mais qui sont issues de même horizon : la mouvance communiste.

Un manifeste « défendre et transformer l’école pour tous » signé par 150 universitaires, pas tous communistes. Certains mêmes sont proches de nous (Louis Legrand – André Giordan). Vous disposez du document. C’est un texte « attrape tout » où peuvent trouver leur compte les progressistes et les « élitistes de gauche ».

Une pseudo consultation annoncée par la FSU « L’école à l’écoute des Français » dont la fonction est essentielle sinon exclusivement électorale. C’est un support de campagne habile. Il s’agit d’un questionnaire massif doublé d’un sondage de la SOFRES qui porte sur 1 000 personnes. La DFSU fait campagne sur l’idée qu’elle est (enfin !) ouverte à l’idée d’une adaptation de l’école à la société, elle qui, dans les faits, l’a toujours empêché. Mais qui se souvient de La Rochelle ?

Il ne faut pas nous laisser voler nos idées et rappeler l’avance que nous avons avec « l’école de l’an 2 000 » et « l’école pour vivre ensemble ». Comment nous servir de ce travail pour participer au débat sur la fonction et le sens de l’éducation et aider les syndicats dans la campagne des professionnelles ? Je vous pose directement la question.

3. Enseignements Supérieurs. Mais on ne peut parler d’Éducation Nationale sans dire un mot du Supérieur

1ère remarque : l’ampleur des mouvements de l’an dernier a contraint le Ministre à tenir ses engagements tant en postes qu’en crédits pour les travaux d’urgence.

2ème remarque : préventivement, le Ministre évite tout conflit dans le Sup, mais c’est peut-être illusoire car le nombre de mètres-carrés n’a pas augmenté.

3ème remarque : la diminution des moyens affectés aux enseignements scolaires aura des conséquences sur le Sup à moyen terme : préparation et orientation des élèves, profit des postes d’enseignants, etc.

Un mot sur l’amiante. Le comité anti-amiante et l’intersyndicale des personnels de Jussieu ont décidé de participer de nouveaux aux réunions de la « mission de Jussieu ». Ils s’en étaient retirés début août, constatant qu’il n’y était plus question de déménagement que de « désamiantage ».

Aujourd’hui ils demandent que les travaux commencent impérativement au printemps 97. La FEN, qui a toujours soutenu les personnels de Justice dans leur combat, souhaite que la programmation du désamiantage se fasse dans les plus brefs délais.

4. Formation professionnelle

Toujours dans ce chapitre Éducation Nationale les trois points qui touchent à la formation professionnelle :

a) Mise en œuvre du protocole FEN-CNPF

Le 18 juin 1996, la FEN et le CNPF ont signé un protocole pour l’information et l’orientation des élèves. Ce protocole est un acte concret du partenariat Éducation -Économie, concept porté par notre organisation depuis la fin des années soixante-dix.

Vous connaissez le contenu du texte de cet accord. Je me bornerai donc ici à rappeler que ce protocole est le cadre d’une action partenariale pour favoriser la construction progressive du projet personnel et professionnel de l’élève. Il définit le rôle de chaque partenaire, système éducatif – entreprise, dans le respect des prérogatives de chacun d’entre eux.

Par ce protocole, la FEN entend agir au niveau local, au service des jeunes. Bien évidemment il n’est pas question que nous nous substituons aux institutions ni aux acteurs qui ont en charge l’information et l’orientation des élèves. Notre ambition se limite à jouer notre rôle syndical en soutenant ou en initiant des actions qui favorisent l’information des élèves sur les métiers et les parcours de formation.

Il appartient à nos militants, dans chaque région, de rechercher les modalités d’une action partenariale avec les objectifs du protocole. Pour favoriser les contacts et l’échange d’informations entre les partenaires signataires de l’accord, les secrétaires régionaux de la FEN seront invités à participer le 24 octobre, à Paris, à une rencontre nationale avec les responsables régionaux du CNPF.

b) Mission de Virville

A la fin de l’année 1995, le Ministre du Travail et des Affaires Sociales a confié au secrétaire Général de Renault, Michel de Virville, une mission pour préparer le toilettage du dispositif de formation professionnelle issue de la loi de juillet 1971. La FEN a rencontré à deux reprises Michel de Verville : en févier et en juin dernier, à la veille de la remise de son rapport au Ministre Jacques Barrot.

Le pré-rapport, dont nous avons eu communication, présente une série de propositions qui touchent :
    - aux formations jeunes sous contrat de travail,
    - à la formation des salariés,
    - aux financements des actions de formations.

Parmi les propositions du rapporteur, un certain nombre d’entre elles ont notre accord, notamment celles qui ont pour objectif d’ouvrir un droit à un temps de formation pour chaque salarié et à encourager la validation des acquis.

Par contre, nous sommes en désaccord avec ses propositions pour les formations jeunes qui favorisent les formations sous contrat de travail au détriment des formations sous statut scolaire, ainsi que sur la place prépondérante donnée à l’entreprise, dans la réorganisation du financement des formations initiales et continues.

Pour la FEN, la formation professionnelle doit être un outil au service de la promotion social et du développement économique. Pour cela, la demande des individus : jeunes, salariés, demandeurs d’emploi, dit être prise en compte au même titre que les besoins des entreprises. Or en l’état, les propositions de Virville font la part trop belle à l’économie.

La Ministre du Travail et des Affaires Sociales doit s’inspirer des propositions de Virville pour soumettre, cet automne, un projet de loi au Parlement. Il nous faut donc être particulièrement vigilant.

c) Formation continue des adultes

Lors du CFN de juin, je faisais part de notre différent avec le Ministère de l’Éducation Nationale à propos de deux projets de circulaire sur le GRETA. S’appuyant sur les propositions élaborées en 1995, la FEN est intervenue, en accord avec ses syndicats nationaux concernés, pour obtenir une modification substantielle des projets de la Direction des Lycées et Collèges.

Le contenu de la circulaire publiée au B.O. du 5 septembre, marque une évolution positive dans les intentions du Ministère sur ce dossier :
    - la formation continue des adultes y est affirmée comme une mission de service public au même titre que la mission e formation initiale et d’éducation,
    - dans le cadre d’une logique d’éducation permanente, les recteurs sont priés d’élaborer un plan d’action soumis à l’avis du CACFC. Le plan d’action doit s’articuler autour des priorités, qui vont dans le sens de nos revendications, telles que la valorisation des formations et des diplômes, la recherche du partenariat et la place du service public dans le Plan Régional de Développement des Formations,
    - néanmoins, nous sommes réservés sur les mesures concernant la gestion des GRETA et notamment sur le rôle du contrôleur assigné au DAFCO,
    - enfin cette circulaire n’apporte aucun élément nouveau sur la réorganisation des GRETA. Pourtant leur évolution est inéluctable au regard des changements intervenus dans le champ de la formation professionnelle continue,
    - Nous poursuivrons d’ailleurs la réflexion fédérale à ce sujet et des propositions seront soumises au cours de ce trimestre au Bureau fédéral.

Sur ce dossier très sensible, au regard es licenciements de contractuels, entraînés par la baisse du chiffre d’affaires des GRETA, j’invite les syndicats nationaux et les membres du CFN à faire connaître leur point de vue dans le débat.

5. Jeunesse et sports

En abordant maintenant l’Éducation Populaire et la politique de la jeunesse je ne sors pas du chapitre « Éducation ».

La FEN, la SEP et le SNAPS ont été ensemble particulièrement actifs en juillet. Deux projets émanant du ministère du Budget mettaient en cause à plus ou moins brève échéance l’existence même du ministère de la Jeunesse et des Sports. Je veux parler, d’une part de la fermeture de l’INJEP, établissement de formation et de recherche (qui, à l’occasion accueille des stages de la FEN) et d’autre part du détachement des cadres techniques en lieu et place de leur affectation auprès des Fédérations sportives. La FEN et les syndicats concernés sont intervenus auprès du Premier ministre, du ministre de la Fonction publique, du ministre de la Jeunesse et des Sports et même à l’Élysée.

Les personnels ont été mobilisés. La pression tant syndicale qu’associative a été maintenue jusqu’au retrait annoncé de ces deux projets qui a consacré le recul du gouvernement. Mais le budget n’a pas désarmé. Il a programmé la suppression de 150 postes au Ministère de la jeunesse et des sports, soit 2,1 % des effectifs. Ainsi, le ministre de la Jeunesse et des Sports remporte la médaille d’or des suppressions de postes.

Projet inacceptable, alors même que dans les discours officiels, il n’est question que d’insertion sociale et d’intégration.

L’heure est à nouveau à la mobilisation. Et nous sommes bien là dans le cadre de l’action Fonction Publique arrêtée pour le 17 octobre. La FEN naturellement, apportera également son soutien aux actions spécifiques que les syndicats Jeunesse et Sports engageront pour la défense du service public et de l’emploi.

V. Société

Mais je ne saurais passer sous silence devant ce CFN un certain nombre de questions que je classe dans le chapitre : société.

Et il faut bien commencer par une série de drames.

Quant l’enfant n’est plus qu’un bien de consommation.

C’est tout d’abord l’horreur révélée par l’affaire Dutroux en Belgique.

C’est au milieu de l’émoi soulevé par ces découvertes que s’est tenu à Stockholm du 27 au 31 août le premier congrès mondial contre « l’exploitation sexuelle d’enfants à de fins commerciales ». Question qui toucherait près de deux millions de jeunes dans le monde entier, en France y compris. L’exploitation sexuelle est d’autant plus odieuse qu’elle a pour finalité de « vendre » l’enfant comme un bien de consommation. Tout le reste n’est que prétexte, comme les ignobles tentatives d’explications fumeuses des tenants « du nouvel amour » qui déclarent vouloir enseigner aux enfants les plaisirs du corps… les « plaisirs » enseignés sont les dépravations des adultes et non les plaisirs des enfants.

Ce qui a été au centre de débats de Stockholm, ce sont bien les principes de base de la civilisation au-delà des cultures, traditions, situations politiques ou économiques : c’est l’ancrage de l’homme dans le monde, sa relation profonde à l’existence : « si nous acceptons un monde où les enfants sont des marchandises, nous aurons perdu le droit de nous appeler civilisés ».

Alors à quoi aura servi cette conférence ?

Tout d’abord à commencer à lever un tabou :
- on a pu enfin parler au grand jour de la prostitution enfantine,
- ensuite les 126 pays présents ont adopté à l’unanimité un tête-à-tête et un projet d’action dont chaque mot et chaque virgule ont été pesés, étudiés, réfléchis. Ce texte qui ne peut être qu’un compromis, est avant tout une base, le début d’un processus. Il est bien sûr sans valeur juridique mais pas sans valeur morale puisqu’il y a engagement de chaque pays à renforcer les mesures législatives pour lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants d’ici l’an 2000. Il y a aussi engagement à informer, à prévenir et éduquer les enfants, les familles, l’opinion publique. Il y a enfin engagement à protéger l’enfant, à le considérer non plus comme coupable mais comme victime.

C’est indéniablement un pas important qui a été franchi. L’hypocrisie est brisé, le fléau est identifié et dénoncé, comme en sont identifiés les vecteurs :
    - il faut mettre un terme aux agissements des pédophiles et soigner des individus qui sont souvent des malades,
    - il faut arrêter, condamner et briser les trafiquants d’enfants qui exploitent la misère morale et matérielle,
    - il faut enfin se battre pour faire reculer toutes formes de misère :
        - misère matérielle qui rabaisse les individus et les amène à accepter l’inacceptable,
        - misère morale que seule l’Éducation peut faire reculer.

Une humanité qui accepte qu’on utilise ses enfants pour faire du profit est une humanité qui se meure.

Violence

Et puis voici que les questions de violence reviennent dramatiquement sur le devant de la scène au travers de la mort de deux jeunes à Marseille et à Montereau. Deux circonstances différentes mais où l’on ne peut se contenter d’invoquer la fatalité ou de considérer que nous ne sommes pas concernés parce que cela s’est passé hors du milieu scolaire.

L’image de la banalisation de la violence qui s’offre aux jeunes au travers du comportement des adultes, des médias, de la vie sociale et politique n’est pas acceptable.

Certes, c’est à tous les niveaux de la société qu’il faut s’attaquer à ce problème, dans tous les compartiments de la vie. Car qu’y a-t-il de plus violent, chargé de haine et de menaces, de mort, qu’un discours sur l’inégalité des races ; quelle est la valeur de l’exemple dans les méthodes brutales et stupides d’interpellation des « sans-papiers », que deviennent les valeurs dans un monde où la politique construit sciemment l’insécurité de l’emploi ?

Alors n’est-il pas temps de réaffirmer que l’éducation n’dst pas seulement la transmission des connaissances ?

Mais par-delà les mots, quelle place réelle y a-t-il réellement dans l’organisation scolaire, dans l’enferment disciplinaire, dans la course aux diplômes, pour l’éducation de l’Homme, du citoyen ? Ne sommes-nous pas en train d’abandonner le terrain de la morale et de livrer la jeunesse à ceux qui n’attendent que de l’exploiter dans leur propre intérêt partisan qu’il soit politique ou mystique ?

Nous n’avons pas condamné, au contraire, l’initiative du ministre de l’Éducation nationale. Il est utile, je crois de frapper l’opinion, d’interpeler les jeunes. Mais que restera-t-il de ces deux heures de réflexion dans quelques semaines, dans quelques mois, si cette démarche ne s’inscrit pas dans la continuité de l’acte éducatif ?

Mettre en place des « comités contre la violence » :
    - pourquoi pas, si le ministre ne se contente pas, comme trop souvent de l’effet d’annonce, si la volonté est réellement de faire prendre en charge cette question par les jeunes eux-mêmes, de voir les familles s’y impliquer (et hélas nous savons bien que celles qui devraient le faire sont justement celles qui ne le peuvent plus…),
    - pourquoi pas, il ne s’agit pas, une fois de plus, de réunir une assemblée de notables,
    - pourquoi pas, si cela se traduit réellement par des actions de terrain… mais vous nous direz ce que vous en pensez.

On aura aussi remarqué, à ce propos, que le Premier ministre s’était une nouvelle fois mis en avant en se rendant dans un établissement de Montpelier ; il y a quelques mois, le 20/02/96 il nous avait rassemblé à Matignon à grands renforts médiatiques pour entendre nos propositions et nous ne pouvons oublier que la montagne avait accouché d‘une souris…

     Laïcité

A cette occasion A. Juppé a fustigé avec justesse le Front National et son leader. C’est sans doute en montrant aux jeunes le vrai visage de tels individus, en démontant leurs théories et en faisant connaître leurs programmes et leurs objectifs que l’on luttera plus efficacement contre ce mal qui gangrène notre société.

Mais combien le discours serait plus crédible si les premiers dirigeants de notre pays se montraient enfin soucieux de respecter le caractère laïque de notre République. Il est vraisemblable que la visite du Pape avec les valeurs réactionnaires qu’il promeut, le scandale des financements publics et les conditions matérielles dans lesquelles elle s’est déroulée, le sens que l’Église a voulu donner à ces évènements en cherchant à faire du baptême de Clovis l’acte fondateur de notre pays, auront finalement abouti largement à l’inverse de l’effet escompté. Nous avons dit à cette occasion par la déclaration du CNAL publiée dans deux grands quotidiens ce que nous avions à dire. Dans de nombreux lieux, ont été déposés des recours contre les financements publics contraire à la loi. Des meetings et diverses manifestations ont été organisés notamment à Tours et à Reims.

Mais une fois de plus, il faut nous convaincre que certains ne renonceront jamais à mettre à mal le principe de séparation des Églises et de l’État.

VI. Fonction publique

1. Accord Durafour

La commission de suivi de l’accord Durafour s’est réunie en juillet.

Ce fut une commission difficile. Difficile parce qu’il s’agit de l’étape des caractère atypiques, et parce que parvenu en fin de protocole (7e tranche d’application), il convient de régler tout ce qui a été mal réglé précédemment, ou ne l’a pas été, et de résoudre les difficultés d’application qui se sont posées au fur et à mesure des étapes précédentes. De plus, faut-il rappeler que ces discussions se déroulent dans un contexte budgétaire difficile.

Le ministre a admis qu’une dernière réunion de la commission de suivi serait nécessaire fin 96 pour faire le bilan et régler ce qui ne l’aurait pas encore été.

Les syndicats nationaux et les sections départementales et régionales ont reçu une circulaire qui donne le détail des sujets traités par la commission.

Si les positions du gouvernement n’ont pas évolué concernant les ingénieurs d’études et les documentalistes, en revanche, des améliorations ont été obtenues par les personnels de direction et les inspecteurs de l’Éducation nationale, les inspecteurs Jeunesse et Sports, les assistants ingénieurs.

Pour les bibliothécaires, les attachés de conservation et les chefs de travaux d’art, le ministre a refusé toute revalorisation, mais a fini par accepter de fusionner les deux classes.

Après des résultats de la commission, chaque statut particulier concerné devra faire l’objet d’une modification, soumise au comité technique ministériel correspondant, avant publication au Journal Officiel pour application au 1er août 1996.

2. Résorption des emplois précaires

La transposition du protocole d’accord en projet de loi a fait l’objet de deux séances du Conseil Supérieur de la Fonction publique. Le FEN-Hebdo 591 du 13 septembre vous a totalement informés sur ce sujet.

Notre vote portait, mais chacun l’a bien compris, sur le texte et non sur la façon dont il peut être appliqué en raison de la politique budgétaire du gouvernement et particulièrement de la situation des auxiliaires à cette rentrée.

3. Départs anticipés

Dans le CFN de juin, la négociation sur la transposition de l’accord UNEDIC à la Fonction publique a abouti à un accord que nous avons signé le 16 juillet avec les autres fédérations de fonctionnaires, à l’exception de la CGT, qui est pourtant signataire de l’accord UNEDIC.

Cet accord ouvre pour l’année 1997 la possibilité de prendre un congé de fin d’activité. Je vous renvoie ici à la circulaire adressée le 10 juillet au SN et SD.

4. Renouvellement du conseil supérieur de la Fonction publique de l’État

Pour éviter un risque d’annulation du décret de janvier 1995 modifiant la composition du Conseil Supérieur, le gouvernement a préparé un nouveau texte fixant les règles d’attribution des sièges.

Le décret a été publié fin juillet, et le Conseil Supérieur a été recomposé à l’identique. L’UNSA a 4 sièges, la CGT, FO et la CFDT également, la CFTC et la CGC ont 1 siège chacune et la FSU a 2 sièges.

La modification concerne la définition des organisations qui peuvent prétendre avoir un siège de droit, avant la répartition à la proportionnelle. Elle a remplacé la notion « d’interministériel et interprofessionnel » par celle d’une représentativité s’étendant à « un nombre important de ministère et de professions… ».

5. Statut de la Fonction publique

Le conseil Supérieur a été saisi, en septembre d’une série d’articles de loi modifiant le statut général des fonctionnaires.

Il s’agit de l’élargissement de l’ouverture de la Fonction publique au pays de l’espace économique européen (Norvège, Islande, Liechtenstein) et de la création d’une possibilité de détachement aux fonctions publiques des pays européens.

Un article renforce la protection due aux fonctionnaires par l’administration en cas de poursuites pénales.

Le congé de longue durée est étendu aux « déficits immunitaires acquis » (essentiellement le SIDA).

Le congé d’adoption est amélioré pour les enfants de plus de 3 ans et jusqu’à la fin de l’âge de la scolarité.

6. Réforme de l’État

Nous avions, sur cette question, défini notre position lors du CFN des 17 et 18 janvier 1996. Nous y sommes revenus à propos d’un texte déposé à la fin du CFN des 19 et 20 juin 1996 par G. Contremoulin. Je m’étais engagé à reprendre le débat lors de ce CFN et c’est la raison pour laquelle le projet de texte qui vous sera soumis aborde cette question.

Je rappelle pour mémoire ce qui nous a guidés depuis le début :

1) La réforme de l’État est une nécessité urgente, impérieuse qui s’articule avec notre mandat permanent portant sur la modernisation et la rénovation des services publics. Cette exigence syndicale forte avait conduit à l’élaboration de la circulaire de 1989 dite circulaire « Rocard » dont nous avisons, après un débat approfondi, approuvé les orientations.

La circulaire Juppé de juillet 21995 s’inscrivait formellement dans le prolongement de cette politique. Elle posait, néanmoins, deux problèmes lourds :
    - elle n’avait pas été concertée,
    - Ee elle contenait des ambiguïtés inquiétantes.

Nous avons interpelé le premier ministre sur ce sujet le 7 septembre 1995. Il nous a répondu, à l’époque, par l’affirmation de sa bonne foi Républicaine.

Puis nous parlâmes d’autre chose lors du mouvement social de novembre-décembre dernier.

Dominique Perben fut chargé début janvier 1996 de reprendre le dossier.
Il le fit sur la base :
    - d’un préambule incontestable, qui reprenait quelquefois au mot près nos mandats, …et …,
    - de propositions diverses regroupées par grands chapitres qui recoupaient généralement les préoccupations que nous avions avancées.

L’ensemble étant soumis à une concertation en deux temps : la première phase s’est achevée en mai et la seconde phase débute ce mois-ci de façon différenciée (niveau interministériel ou ministériel).

Nous nous sommes inscrits depuis janvier 1996 dans ces discussions, c’était notre mandat. Mais les menaces lourdes pesant sur les emplois au budget 1997 changent profondément le contexte.

L’annonce de suppression massives d’emplois et les orientations du projet budget connotent et orientent différemment la volonté réformatrice affichée et rendent vains les appels à l’engagement des fonctionnaires, engagement sans lequel toute réforme est vouée à l’échec.

Quelle est donc la situation aujourd’hui ? Le gouvernement cherche à avancer sur plusieurs terrains.

Un projet de loi va être débattu au Parlement. Il vise à :
    - accélérer le traitement des demandes et de réclamations des usagers,
    - renforcer le rôle du médiateur,
    - développer les « maisons des services publics.

Une mise en œuvre de la démarche expérimentale des contrats de services. C’est un terrain qu’il nous faut aborder avec circonspection et les expérimentations devront être passées à la loupe.

Une concertation sur la réforme de notation est actuellement en cours à partir d’une problématique datant… de 1991. Une réunion de syndicats nationaux s’est tenue le 18 septembre et une synthèse sera faite au sein de l’UFF-UNSA. Sur ce sujet, nous ne déconnectons pas cette question de notre réflexion, infiniment plus vaste, sur l’évaluation.

Deux sujets sont aujourd’hui difficiles et peuvent être conflictuels :
    - la réorganisation des administrations centrales,
    - la réorganisation des services déconcentrés.

Une grande vigilance s’impose en relation étroite avec les personnels concernés pour réagir et, le cas échéant, agir. Nous répondrons sur ce sujet aux demandes des syndicats pour décider et mettre en œuvre une stratégie commune.

Deux autres sujets sont pour l’instant laissés de côté alors que nos syndicats avaient dit leur intérêt pour ces questions. Il s’agit de la décentration et de la réduction du nombre de corps dans la Fonction publique.

Notre stratégie doit donc s’articuler à plusieurs niveaux :
    - rester l’organisation syndicale du changement et des évolutions qui place les usagers et les personnels au centre de ses préoccupations,
    - occuper le terrain de la concertation pour faire de la clarté, orienter, contester,
    - s’opposer résolument à toutes mesures qui iraient à l’encontre de nos mandats, de l’intérêt des usagers et des personnels,
    - mener l’action au plan général pour qu’une politique budgétaire aberrante ne réduise pas à néant les évolutions que nous avons voulues ou que nous exigeons. Ce qui nous renvoie au 30 septembre et au 17 octobre.

VII. L’action…

Car il faut bien terminer par l’action. Et je veux insister sur ce que je disais déjà à Orléans. Nous savons tous qu’engager nos collègues dans deux grèves successives n’est pas chose facile. Mais avions-nous le choix ?

Renoncer à agir dans l’Éducation serait admettre que l’Éducation ne soit plus désormais la première priorité de la Nation, ce serait renoncer à toutes nos ambitions pour l’école de la République.

Renoncer à agir contre le budget serait accepter le moins d’État, la régression sociale l’exclusion.

Non, nous n’acceptons pas le slogan : on ne change pas une politique qui perd.
Ce qui se passe est trop grave pour l’avenir et nous avons la responsabilité d’expliquer et de convaincre de la spécificité, de la complémentarité et de la nécessité de ces deux actions.

VIII. Les élections professionnelles

J’ai évoqué longuement à Orléans l’importance de la série d’élections professionnelles qui vont se dérouler jusqu’au printemps prochain. Je ne vais pas reprendre ici ces propos auxquels je vous renvoie et que vous avez approuvés. Je vous sais tous conscients de l’importance des enjeux. Aujourd’hui, il faut nous donner les moyens de gagner. Et gagner c’est se battre sur tous les terrains : C’est se mobiliser et être visibles dans les deux actions dans lesquelles nous sommes déjà engagés.

Gagner, c’est se structurer, s’organiser au plan le plus décentralisé et en fin de journée syndicats et SD seront réunies à cet effet.

Mais gagner c’est avant tout gagner la bataille des idées avec nos collègues, avec les jeunes, avec les parents, avec l’opinion publique. J’y reviens un instant, il n’est plus temps de singer Bayrou et de présenter des questions en guise de solutions, de s’apercevoir avec des années de retard que l’on pourrait bien travailler autrement ; il faut faire connaître nos propositions, débattre sur ces bases et propositions à tous ceux qui le veulent d’avancer sur cette voie. C’est je crois aussi la meilleure façon de préparer notre congrès.

 

Date : 11 octobre 1996
Source : Fen Hebdo

Vie de la Fen

Réponse du Secrétaire général

Mes chers amis,

Deux ou trois points un peu disparates que je ne veux pas oublier.

Vous avez entendu, il y a à peine quelques instants ce que nous a dit Jean-Yves Rocca à propos de l’amiante et des informations recueillies aujourd’hui même. Je pense que ces informations doivent être portées à la connaissance de tous. Je souhaite, Jean-Yves, que tu puisses préparer une information aussi complète que possible pour nos publications.

Daniel Merlin a souhaité et il a raison que les syndicats nationaux mettent à disposition des sections départementales de la FEN des matériels de syndicalisation, je crois qu’il n’y a rien de plus frustrant que de se trouver en face d’un collègue et de ne pouvoir au moment où il le demande faire autre chose que de le renvoyer vers un syndicat qui n’est pas là ou qui n’a pas de représentant dans le département. Je m’adresse donc aux syndicaux nationaux pour qu’ils fassent cet effort de diffusion de matériel en direction des sections départementales. S’ils ont un problème la FEN bien sûr les relaiera avec grand plaisir.

     Aménagement du territoire

A propos de l’aménagement du territoire, c’est Charles Sera qui a abordé cette question, l’UNSA a été saisie par l’union régionale UNSA Midi-Pyrénées de cette espèce de cogitation de Bruxelles sur les perspectives, le projet, je ne sais comment appeler cela, de découpage des régions y compris en associant certaines régions frontalières ? Le Conseil National de l’Aménagement du Territoire (CNAT) n’a été saisi de rien. De telles orientations n’ont été débattues nulle part et effectivement les élus eux-mêmes protestent.

Alors l’UNSA saisit cette semaine de cette question le Ministre concerné, c’est-à-dire Mr Gaudin ainsi que le délégué régional à la DATAR, Raymond-Max Aubert.

Sur les orientations qui se dessinent concernant le DATAR, je vous renvoie à ce que j’indiquais hier-matin, la fiche qui se trouve dans les cahiers du CFN. La problématique qui se décide ici dans le cadre de la préparation de la loi sur le schéma national, est toute teintée de libéralisme. Là comme ailleurs, elle serait et devrait être combattue par l’UNSA si c’est la ligne que le gouvernement compte maintenir. Il faut donc sur ce dossier comme sur beaucoup d’autres être vigilants et attentifs et n’hésitions pas à multiplier les interventions, les pressions, les actions nécessaires. Et là, dans un cadre UNSA.

     Notre action syndicale

Puisqu’il y a eu beaucoup de sages dans ce Conseil national, si nous ne voulons pas nous contenter de la maxime de Confucius à propos du chemin dont on ne sait pas où il va, je crois qu’il faut que nous sachions effectivement où aller. Face à une société assez désemparée, face au syndicalisme morcelé, ce que les uns et les autres avez souligné, je crois qu’il n’y a qu’une seule voie : réagir. Il nous faut absolument refuser le nihilisme et la désespérance. Il nous faut plus que jamais nous battre pour transformer la société car la logique actuelle dans laquelle nous enferme la politique gouvernementale est une logique sans issue. Il nous faut absolument dépasser la seule attitude défensive. Je considère en effet que se défendre c’est déjà envisager la défaite.

La stratégie libérale défie le syndicalisme, je suis bien d’accord, alors donnons-nous les moyens de relever ce défi.

Comment se donner les moyens ? D’abord en avançant nos propositions face à ce que nous voulons contester. Encore convient-il de contester à juste titre. Bien cibler, bien cerner, les objectifs qui sont poursuivis et réagir lorsque nous les jugeons nuisibles. C’est en avançant nos propositions que nous aussi nous présenterons un projet. Mais là comme ailleurs, on ne prête qu’aux riches et il faut savoir valoriser notre image. Et valoriser notre image c’est aussi traiter des vrais problèmes. C’est partir de ce qui préoccupe nos collègues, tous nos collègues et pas facilement d’ailleurs les aspects les plus corporatifs.

Je crois qu’on ne ramènera ou qu’on amènera au syndicalisme les jeunes que si nous sommes capables d’aborder les questions qui les passionnent. C’est donc sur cette double démarche : avancer nos propositions, valoriser notre image en parlant des réalités et des préoccupations de nos collègues que je crois utile, nécessaire, indispensable de développer pour les semaines et les mois à venir notre action dans tous les compartiments de notre action syndicale.

     Les libertés

Alors développer notre action syndicale, valoriser notre image, c’est aussi rester fidèle à nos valeurs et c’est aussi donc réagir à l’actualité. Nous l’avons fait depuis cette rentrée à propos des sans-papiers, nous l’avons fait à propos du pape, de sa visite, de dérives de la République. Il nous faut le faire aussi je crois pour tout ce qui met en cause la liberté et les droits de l’Homme. Je n’ai pas évoqué dans mon rapport introductif les questions des libertés au plan international et pourtant vous avez vu qu’il s’est passé un certain nombre d’évènements au cours de ces derniers mois, l’actualité immédiate de ces dernières heures notamment dans certains pays est dramatique.

On peut constater ce que l’on pouvait craindre c’est-à-dire que le retour d’une droite dure en Israël remette aujourd’hui en cause non seulement le processus de paix mais la paix elle-même. Ces dizaines de morts hier, si mes informations sont exactes, c’est le redémarrage de la violence. Là aussi c’est se remettre des années en arrière et c’est casser tout un processus si lent et si long auquel nous avions contribué à notre faible place mais à notre juste mesure. Je cois que nous ne pouvons pas simplement nous contenter de dénoncer cela à cette tribune, il nous faut aussi réagir et c’est pourquoi je vous propose que nous exprimions notre désapprobation auprès de l’Ambassade d’Israël et du gouvernement Israélien, que nous manifestions notre inquiétude auprès de nos collègues de l’Histadrout. Nous devons leur demander ce qui se passe, comment ils réagissent, ce qu’ils font et que nous saisissons notre Internationale de cette question, car elle me semble trop silencieuse sur ce sujet.

Mais valoriser notre image, avancer notre projet, ouvrir de perspectives c’est aussi bien sûr lutter contre le racisme, contre le fascisme. Plusieurs interventions au Conseil national ont mis en évidence ce que je traduis par un sentiment à la fois de colère et d’impuissance. Impuissance car nous sommes tous exaspérés, révoltés, agacés, je ne sais quels termes employés par cette progression incessante du Front National. Colère car notre premier réflexe est parfois de chercher à interdire. Le débat d’hier avec Paul Bouchet, a marqué une approche différente et intelligente qui pose le problème, j’allais dire enfin, objectivement et totalement. Paul Bouchet nous a annoncé des assises qui se tiendront le 18 octobre prochain. Je crois qu’il est de notre devoir de les suivre, de faire connaître, de valoriser cette réflexion et cette approche. Je suis persuadé que ce sont des sujets comme cela, parce qu’ils nous passionnent, qu’ils peuvent passionner n’importe lesquels des adhérents de n’importe quel syndicat ? Et c’est peut-être par là – sachons nous éloigner du corporatisme (et ce n’est pas pour cracher sur le corporatisme bien sûr) – mais c’est peut-être par ce bout là qu’il faut commencer à reconquérir le terrain perdu.

Indépendamment du fait que cela permet d’avoir des collègues, les camarades qui peuvent trouver là une meilleure image du syndicalisme, je crois aussi que c’est en abordant ce questions-là, avec eux, avec toutes les catégories de personnels et si possible plus largement que nous pourrons lutter plus efficacement contre les idées préconçues sur lesquelles s’appuie le Front national.

Je ne vais pas reprendre cette image avec vous qui pourtant est juste « ça ne sert à rien de cassé le thermomètre, il faut combattre la fièvre ».

     La laïcité

Ceci intègre parfaitement dans notre combat laïque. Quelques interventions hier sur la venue du Pape. Nous avons tous jugé juste le positionnement du CNAL. Mais il va revenir le Pape, celui-là ou un autre, l’été prochain, pour la fête de la jeunesse catholique. Alors, il faut tirer les enseignements de ce qui s’est passé et de ne pas se tromper de combat. Puisque nous jugeons que nos positions sont justes, essayons de rassembler sur nos positions, de regrouper sur les valeurs qu’à défendues le CNAL. Redonnons au CNAL, proposons-lui de se redonner son rôle original, celui qui lui permettait de s’adresser à un certain nombre de forces démocratiques dans ce pays. Il faut le faire avant l’été prochain sinon nous serons comme cette fois-ci contraints de réagir sur l’évènement, alors n’attendons pas.

Certes, ce 1er trimestre va être largement occupé par d’autres préoccupations, les actions, les élections professionnelles, et après nous avons notre congrès. Mais c’est aussi une façon de construire notre image et de valoriser nos propositions. N’hésitons pas à chaque fois que cela est possible à organiser des colloques, des débats, diverses réunions. Ne laissons pas sur ce terrain de champ libre, pas plus d’ailleurs que sur la lutte opiniâtre qu’il faut continuer à mener, bien évidemment, pour contrer toutes les initiatives qui mettent en péril les principes mêmes de la Constitution et la règle de la séparation des églises et de l’État.

Je crois que vous avez apprécié l’intervention de Roger Arnardi, ce matin à ce propos. C’est vrai que depuis plusieurs mois nous menons sur ce terrain des actions juridiques pour demander l’annulation des subventions illégales versées aux organismes de gestion d’établissements privés. Pour vous donner une petite idée de ce qui est en cours :
    - deux recours en Cour Administrative d’appel,
    - trois appels en Conseil d’État,
    - une trentaine de recours administratifs – non compris 6 ou 7 recours pour les financements par les collectivités territoriales de diverses manifestations liées à la venue du pape.

Cette action de longue haleine commence à porter ses fruits et permet par la jurisprudence qui en découle d’ailleurs de limiter les interventions des collectivités locales. Nous ferons le point précisément mais il faut encore laisser la justice suivre son cours, car des recours sont très ciblés autour de la loi de 1905 et nous ne pouvons anticiper les résultats que nous attendons.

Les derniers jugements sont tous positifs et en particulier le jugement du Tribunal Administratif de Clermont -Ferrand contre le département de la Haute-Loire dont le président doit être un certain Barrot. Nous aiderons bien sûr nos représentants UNSA dans les CESR à réagir lors des votes du budget 1997. Il y a d’ailleurs à ce propos, un dossier programmé dans un prochain FEN-Actualités sur ces questions-là.

Mais c’est bien sûr dans nos secteurs directs de compétences, de responsabilité qu’il faut absolument aussi valoriser notre image, et avancer nos idées, offrir des perspectives et faire savoir que nous sommes riches de travaux et de propositions.

Je me suis un peu passionné hier soir, dans une autre réunion. Passionné parce que je sais bien toutes les difficultés de fonctionnement dans une section départementale. Je sais bien l’égoïsme naturels des syndicats nationaux. On n’y peut rien, c’est comme ça. Ça ne sert à rien, en ce moment, de nous torturer sur notre fonctionnement plus ou moins bon et qu’il faudra certainement améliorer. Aujourd’hui l’enjeu c’est de nous vendre intelligemment. Lorsque je disais que nous sommes riches de travaux et de propositions, ce que j’attendais c’est qu’ensemble nous soyons capables de dégager un certain nombre d’axes sur lesquels nous dirions à nos copains « voilà ce que nous prenons comme axe prioritaire pour attaquer le terrain. C’est ça, ce n’était pas autre chose. » Bien sûr lorsque l’on dit cela, automatiquement, lorsque l’on est en charge d’une responsabilité départementale, on se dit mais avec qui vais-je faire ça et je comprends votre réaction. Vous la vivez mais il faut la dépasser.

     La charte des personnes handicapées

Nous sommes riches de propositions et d’idées. Dans ce FCN, nous allons voter une Charte à propos du handicap et je rejoins totalement les propos de Luc Bentz, ce matin. Ce ne doit pas être un texte que nous votons pour nous donner bonne conscience. Ce texte c’est la transcription, l’affirmation d’un droit qui nous caractérise, qui caractérise notre attachement aux valeurs de la République, qui caractérise notre attachement à la laïcité. Alors ne le laissons pas tomber, ce texte, faisons-le vivre. Il y a partout dans vos départements, dans vos régions, des établissements gérés par des organisations qui sont co-auteurs de cette charte. Allons sur place, allons les voir, profitons de ces établissements pour alerter l’opinion, pour faire connaître ce que nous disons sur le handicap au travers de la presse locale, c’est comme cela aussi que nous valoriserons notre image.

     L’éducation nationale

Je suis encore d’accord, Luc Bentz, avec toi. Il faut afficher nos priorités pédagogiques et éducatives et les exprimer de façon forte. Ne soyons pas paralysé par la campagne de pub de la FSU. Soyons sérieux. Qui en province lit Le Monde ? Qui à Paris lit Le Monde ? Les masochistes comme vous et moi… et même Libé. Hier matin était publié dans Libération l’indice de lecture des différents journaux. Je n’oserais pas poser cette question à propos de l’Humanité.

C’est l’Équipe qui arrive en tête bien sûr… C’est un détail.

Mais c’est surtout l’angle d’attaque de cette campagne qui ne doit pas nous effrayer. Que signifie cette campagne ? Ça signifie : attendez ne bougeons pas, discutons, mais surtout ne bougeons pas ! Je suis tenté de dire « Bayrou, Deschamps, même combat ».

Ce n’est pas en copiant que nous serons nous-mêmes. Ce n’est pas en faisant de la pub dans ces mêmes journaux que nous allons gagner. Non au contraire, ce n’est pas en tournant le dos à la promotion de nos idées, c’est-à-dire en renonçant à la campagne « Éduquer pour vivre ensemble » que nous les ferons connaître, nos idées. Je plaide exactement pour l’inverse, battons-nous sur le thème de « l’éduquer pour vivre ensemble » parce que c’est ainsi qu’on peut faire vivre nos valeurs.

Il y a un domaine où l’on peut largement faire la différence c’est ce qu’a dit Annie Bérail, la formation professionnelle des adultes, au travers du rôle des GRETA. Voilà des sujets sur lesquels nous pouvons nous battre et avancer nos propositions.

Dans ce débat-là, notre rôle est triple. Il faut certes, analyser et faire connaître les dangers d’une politique que nous avons affronté sur :
    - le budget,
    - la formation professionnelle,
    - l’étranglement de l’éducation par le budget, et par la réduction des recrutements,
    - la différence qu’il y a entre le discours du ministre et la réalité de sa pratique.

Il faut combattre ce qui est dangereux par l’action et c’est nécessaire comme l’ont montré par exemple l’intervention de Philippe Niemec et celle de Michel Crispin qui nous a décrit la situation dans l’académie des Antilles ? Quand je dis action dans l’Éducation, je ne parle pas que de la situation des enseignants. Et je reprends ce que proposait ce matin Jean-Claude Montagne. Je me tourne vers tous les syndicats concernés par les IATOS. Il demande que l’on valorise le rôle, les missions et l’action éducative des IATOS :
    - dans nos publications,
    - par un document national bien illustré pour une large diffusion, il faudra trouver les moyens mais surtout il faudra l’établir, donc se mettre ensemble pour le faire,
    - par des interventions auprès des élus et de notre administration, donc sur la base d’un document, ça me semble logique.

Il nous demande :
    - de faire signer une pétition,
    - de faire voter des motions dans les CA et les CTP.

C’est le rôle de la FEN d’aider à mettre tout cela en œuvre. Je propose donc aux syndicats concernés, de se réunir dans ce but, dans les prochains jours.

L’éducation, ce n’est pas seulement les enseignants, pas seulement les IATOS mais c’est l’éducation elle-même et Maryse Le Moel mais aussi Michel Marucelli, Gérard Contremoulin, ont justement insisté sur la nécessité, faisant référence à ce que j’avais dit hier, de développer ces thèmes, de ne pas oublier ce qui s’était passé lors de la conférence de Stockholm. C’est-à-dire d’aller dans le sens d’une rénovation à la citoyenneté, d’un développement de l’éducation civique et d’une éducation aux Droits de l’Homme…

Nous partageons, je crois cette pré—occupation et on peut regretter que ce sujet reste trop fréquemment absent de réflexions officielles sur l’éducation. Je rappelle ici le travail important effectué au sein de la CNCDH. Nous entrerons en 1997 dans la décennie des Nations Unies pour l’éducation aux Droits de l’Homme. Un travail d’ailleurs conduit conjointement par la CNCDH et la commission française de l’UNSCO, deux instances dans laquelle siège la FEN.

Levons simplement une ambiguïté. Sur cette question nous avons toujours défendu l’idée d’un travail transdisciplinaire. Je ne pense pas qu’ajouter une discipline aux disciplines existantes résoudrait le problème, d’autant plus que l’éducation à la citoyenneté doit se traduire aussi dans les faits par une rénovation de la vie scolaire, et également par une éducation à la vie tout court. Le travail que nous avons mené à propos de violences l’a bien montré.

Profitons de cet élan provoqué par cette prochaine décennie. Dans cette réflexion générale répétons nos propositions pour lutter contre la violence. Ici aussi, Jean-Yves Rocca a raison, attention à l’empilement des structures. Il y en a déjà beaucoup, mais jouent-elles toutes bien leur rôle ? Les jeunes en particulier sont-ils toujours bien responsabilisés ?

     Réforme de l’État

Vigilance, méfiance à propos de la réforme de l’État. Je pense que mes propos d’hier matin dans le rapport introductif était sans ambiguïté. Les citations que j’ai faite d’Arthuis sur le moins d’État, ne peuvent laisser planer aucun doute. Nous ne pouvons donc pas nous inscrire dans la perspective d’une réforme de l’État qui aurait cet objectif, Gérard, ceci pour répondre à ta question lorsque tu demandais si de cette analyse, nous tirions la même conclusion.

Pour autant cela doit-il nous amener à pratiquer le boycott, la chaise vide ? Ce n’est pas dans nos habitudes. Faut-il abandonner le terrain de lutte, c’est dangereux. Ce serait en tout cas, pour moi, contraire à tout ce que je dis depuis le début de cette réponse, avançons nos idées. Cela doit-il nous conduire à tout globaliser, à tout rejeter ? L’effarant exemple qui est rapporté dans la revue « Services Publics » et qui est la traduction directe du salaire au mérite, qui, d’après l’article, a été accepté par les syndicats locaux, est à la fois l’illustration des intentions libérales mais aussi de l’état bien triste du syndicalisme en certains points du territoire. Mais, je ne pense pas, pour autant, que cela soit la condamnation du principe même de l’évaluation qui a servi de prétexte à cette entreprise. Et je me réjouis de voir que nous commençons à nous comprendre. Tu nous rejoins, en effet, lorsque tu dis : « pas d’évaluation sans définition d’objectif et pas de définition d’objectif sans participation des agents. Il faut respecter les principes de clarté et d’égalité. Tout ça constitue les éléments d’une gestion moderne des ressources humaines ». Je partage et je signe. Mais autre sujet, ou peut-être est-ce que j’interprète mal, tu me sembles contester l’idée même d’un remaniement de l’organisation des services fondées non plus sur la base des ministères, mais sur la base plus générale des missions de l’État. Pourtant c’est une idée que nous avons portée nous-mêmes, en dénonçant le cloisonnement des administrations, les gaspillages en moyens qui nuisent à l’essentiel, le maquis des services et de bureaux pour les usagers. Nous avons plaidé pour une réorganisation administrative fondée sur les missions… mais c’était sous la gauche, c’était sous Rocard. L’idée serait-elle devenue fausse sous la droite ? Je ne pense pas que nous puissions le dire. Ce qui nécessite, par contre, notre vigilance c’est de savoir de quelle organisation on parle, de quels regroupements, sur quelle logique et dans quel but ?

Mais nous pouvons rejeter ainsi l’idée même du « guichet unique ». Alors, il nous faut nous armer, pour ne pas tomber dans le travers de l’exemple sur la notation que tu as cité. Saisissons-nous de cette proposition de la Fonction publique qui dégage 750 000 F pour financer des stages organisés par les fédérations de fonctionnaires pour leurs militants sur les questions de la réforme de l’État à partir d’un contenu décidé par elle. Armons-nous et ne rejetons pas l’idée. Mais débattre de la réforme de l’État ce n’est pas renoncer à se battre sur les orientations sur le budget qu’on nous prépare, sur la nécessité de défendre les services publics, d’où le 17 octobre qui concerne les 3 Fonctions publiques car, je vous renvoie à ce que je disais hier matin, les restrictions budgétaires auront, de toute façon, de répercussions et pèseront sur les collectivités et de plus on sait bien la valeur de l’exemple dans ce domaine…Alors nous devons nous préparer à deux grèves, disait Hervé Baro hier soir Robert André à l’instant. Je sais que ce ne sera pas facile. Certains d’entre vous s’interrogent en se demandent qu’il n’aurait pas été plus opportun de n’en faire qu’une pour être assurés de mieux la réussir.

Hervé disait sincèrement : « je pense que ces deux actions étaient et sont inévitables. Nous ne pouvons pas, dans l’Éducation nationale, ne pas agir face à la situation de l’emploi et face à un mauvais budget ».

Je partage son point de vue et je crois qu’en fait, nous la partageons tous. La difficulté n’est pas dans la justesse du mot d’ordre, tu as raison Robert, la difficulté est dans notre capacité à entrainer, à convaincre. Donc, nous n’avons pas le choix, pour convaincre il faut être convainquant ce qui explique pourquoi je me fâchais hier soir. Hier soir, ne soyons pas pessimistes, pouvions-nous effectivement dans l’Éducation nationale, prendre le risque de rester hors du mouvement spécifique, qui, de toute façon, aurait eu lieu ? Moi j’ai encore gardé en mémoire, certains reproches qui nous été adressés en décembre dernier n’est-ce pas mon camarade. Pouvions-nous rester en dehors du mouvement même si nous savons bien, tu as raison Robert encore une fois, que personne ici ne peut affirmer qui va entrainer tous ces adhérents derrière lui. Mais on ne nous juge pas aujourd’hui sur le résultat, il vaut mieux qu’il soit bon, on nous juge d’abord sur ce que nous avons l’intention de faire et sur notre incitation à l’action. C’est peut-être triste mais c’est aussi un élément que nous devons prendre en compte dans notre réflexion sur l’état du syndicalisme.

Alors, on peut regretter à l’infini la succession et la proximité des deux grèves mais il n’est plus temps, c’est fait, et nous n’avions pas le choix. Attention encore une fois quand je disais ne soyons pas pessimistes, soyons optimistes. N’opposons pas l’action à la recherche des résultats des négociations. Des accords y comprise cette année nous en avons signé sur la cessation progressive d’activité, sur la cessation anticipée d’activité, sur la formation continue. Nous sommes réformistes parce que si c’est nécessaire nous savons passer à l’action mais nous ne passons pas à l’action pour l’action nous passons à l’action avec des propositions et c’est là où l’on peut faire la différence. Dans ce propos où je parle d’action et je voudrais faire écho à ce qu’est venu nous dire notre camarade hier à propos de situation de cette entreprise Bap de Chevigny St Sauveur. Je pense qu’il avait raison de dire que le combat qui se déroule là-bas, ce combat pour l’emploi, c’est aussi notre combat. Alors je vous propose un petit texte de soutien à ces travailleurs qui luttent pour leur avenir et je vous lis, je ne pense pas qu’il pose problème.

« Le Conseil Fédéral National de la FEN réuni à Créteil les 25 et 26 septembre 1996 exprime son soutien total aux salariés de l’entreprise BAP de Chevigny Sains Sauveur en Côte d’Or qui luttent pour la « légitime défense de leur emploi ». »

Ce combat pour l’emploi rejoint le nôtre quand nous défendons les services publics et celui de l’éducation en particulier, où les suppressions d’emplois vont aggraver la fracture sociale en pénalisant les usagers qui en ont le plus besoin.

Le CFN appelle à la solidarité financière pour ces travailleurs de l’entrepris BAP non rémunérés depuis 100 jours.

Nous publierons si vous êtes d’accord cet appel dans notre presse syndicale avec un CCP. Les chèques à notre trésorier, seront les bienvenus.

     Vie interne

Bien sûr il me faut aussi aborder un petit problème de vie interne. L’essentiel de l’intervention de Jean-Jacques Romero a porté en fait sur le positionnement du SNPDEN. Je ne vais pas rouvrir le débat sur les regrets que tu as exprimés, la FEN naguère si puissante et qui s’est épuisée en conflit et en scission. Je maintiens que notre histoire, notre nature, notre ligne d’hier, d’aujourd’hui et de demain c’est l’unité. La clarification que nous avons conduite dans la FEN à partir du congrès de Clermont-Ferrand avait pour objectif, justement de redonner un sens à l’unité, terme qui ne parvenait plus à dissimuler des divisions profondes, des comportements fractionnels et en fait, scissionnistes. Il ne faut pas confondre causes et conséquences et je refuse cette culpabilisation, cette sorte de renoi dos à dos que suggérais ton intervention.

Depuis Perpignan, nous nous sommes attachés à substituer à la FEN unitaire dans son apparence, une FEN réellement unie dans ses valeurs, dans ses projets, dans sa pratique syndicale. On adhère librement à la FEN. Et le SNPDEN a choisi librement de le faire. Il a d’ailleurs, il n’y a pas si longtemps, consulté ses adhérents sur cette question (c’était lors du congrès précédent). J’imagine que ce choix s’est fait en conscience sur une adhésion aux valeurs et aux principes contenus dans le préambule de nos statuts et à partir d’une certaine conception du rôle du syndicalisme de transformation sociale auquel nous nous référons.

Si je rappelle tout cela, ce n’est pas pour remuer le passé, c’est pour ne pas le laisser trahir. Ainsi donc, selon moi, le SNPDEN pose malle problème ou incomplètement. Je t’ai bien entendu Jean-Jacques, il faut par-dessus tout préserver le SNPDEN de l’éclatement. C’est bien faire le choix du fait unitaire en occultant le débat sur les fondements de l’unité. Mais ce choix est pour l’instant celui de ton syndicat et se traduit par l’interrogation que tu as exprimée : sommes-nous prêts à accepter le principe de la double affiliation ?

Tu l’as reconnu, et je t’en remercie, nous n’avons pas jeté d’huile sur le feu, bien au contraire. A Orléans je disais et je me cite « le SNPDEN nous posera sans doute officiellement la question prochainement. J’allais dire c’est fait. Il conviendra de voir en quels termes exacts nous sommes interrogés. Mais il est évident que cette demande pose problème, car elle est hors norme au regard des règles de vie de notre fédération, (et plus généralement de toutes les organisations syndicales françaises) et hors norme au regard des choix qui fondent l’adhésion de syndicats dans la fédération et qui sont notamment retranscrits dans le préambule de nos statuts ».

Personne n’a rebondi sur ton propos. Ce qu’implique une telle demande, peut-être si lourd de conséquence. Si lourd de conséquence, quelque-soit la réponse qu’il faudra y apporter, que tu comprendras que je n’y réponde pas, ici, seul, de cette tribune.

La FEN, fédération de Syndicats Nationaux, appartient à ses syndicats, et par-delà à chacun de leurs adhérents. Ce sera avec eux qu’il nous faudra réfléchir. Mais le moment nous paraît totalement inopportun. Ce n’est pas à la veille d’élections professionnelles où nous allons affronter à la FSU que l’on peut engager sereinement un tel débat.

D’ailleurs l’attitude du SNPDEN lors de ces élections professionnelles, la manière dont il traduira son appartenance à la FEN, pèsera aussi dans ce débat. Tu le dis toi-même : donnons-nous du temps.

Au prochain congrès du FEN, une nouvelle équipe sera élue. Il sera temps, ensuite, de voir comment les choses auront évolué.

Mais je veux attirer, l’attention de chacun sur les propos d’Hervé Baro, hier, lorsqu’il soulignait cette continuelle propension du syndicalisme français à l’émiettement donc à l’affaiblissement. Tu qualifiais, Jean-Jacques ; la situation de ton syndicat de « fragile équilibre » et je retiens « équilibre ». La raison, comme le discours sur l’unité commanderaient plutôt de ne pas rompre cet équilibre. Aujourd’hui, et tu ne démentiras pas, le SNPDEN ne peut rien reprocher à sa fédération ni dans l’appui à vos revendications, ni dans la place qui lui est faite dans les instances officielles. C’est d’ailleurs qu’il faut chercher la raison de ta demande et je crains que cela nous renvoie aux vieux démons dont nous nous sommes, pour notre part, débarrassés.

     En conclusion

Mais je ne voudrais pas terminer par cette note peu solennelle. En fait, derrière nos débats il y a deux questions essentielles qu’Hervé Baro a bien cernées.

Le rôle et la place du syndicalisme aujourd’hui, son rapport à la société, à la politique, ce qui nous renvoie à l’actualité ou à la non actualité indépendamment de la commémoration du 90e anniversaire de la Charte d’Amiens.

Il citait hier des propos de deux anciens responsables du bureau confédéral de la CGT, Alain Obadia et Sylvie Salmon que je répète à nouveau. « Si elles ont l‘ambition de peser sur les choix de société les organisations syndicales doivent avoir l’intelligence et le courage de surmonter les handicaps qui sapent leur existence et construire un dialogue permanent propice à l’élaboration d’un projet syndical qui les fassent passer d’une attitude de simple défense des acquis çà une dynamique de conquête. »

Même si je juge cette réflexion pertinente, surtout lorsque l’on parle de projet qui a été aussi mon fil directeur, cette réflexion ne me paraît pas achevée. Que signifie « surmonter les handicaps qui sapent leur existence ? Que signifie construire un dialogue permanent ? » De quels handicaps, s’agit-il : de la division ? Et pour élaborer un projet syndical commun, ne faut-il pas d’abord partager les mêmes valeurs ? Nous ne pouvons échapper à cette question.

Aujourd’hui, dans le paysage syndical, avec qui avons-nous quelque chance de partager les mêmes valeurs et de pouvoir un jour construire un projet syndical ?

Poser cette question c’est déjà en partie y répondre. Mais, comme l’a si bien rappelé ce matin, je ne sais plus qui d’ailleurs, « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ».

Valorisons nos idées, notre projet. Si nos idées sont justes, elles finiront par s’imposer et c’est ainsi que nous mesurons note succès.

Permettez-moi à mon tour une citation : « je suis bien comme Flaubert, j’affirme que le succès n’est pas un objectif, c’est un résultat ». Alors bon courage !

 

Date : 11 octobre 1996
Source : Fen Hebdo

Conseil fédéral national des 25 et 26 septembre 1996

Textes votés

1. Deux temps forts pour l’action !

Moroses pour le présent, inquiets pour l’avenir ; les français n’ont pas le moral. L’emploi stagne ; le nombre des exclus augmente ; les jeunes ont de plus en plus de mal à s’insérer dans le monde du travail. Et le gouvernement s’obstine dans sa politique économique qui mène la France à la récession. Écrasement ou éclatement social ? Les raisons de se battre sont évidentes. Il faut imposer au gouvernement de changer de politique. Aujourd’hui, sa priorité réelle, malgré ses discours, n’est pas l’emploi, mais la monnaie. Il a tort. C’est la relance sociale qui créera le dynamisme économique et par voie de conséquence, l’équilibre monétaire. Et pour cela il faut très vite aller vers la monnaie unique européenne quitte, pour cela, à revoir les critères de convergence du traité de Maastricht.

     Une économie atone et une rigueur renforcée

L’économie française est atone. La réalité dément les prévisions optimistes des pouvoirs publics. La baisse des prix, en juillet, illustre ce manque de dynamisme. La reprise annoncée pour le second semestre de 1996 n’est pas au rendez-vous. Le chômage va encore s’aggraver.

Dans ce contexte l’État renforce sa politique de rigueur en voulant réduire, à marche forcée, le déficit public avec pour objectif affiché de satisfaire aux critères du traité de Maastricht sur l’instauration de la monnaie européenne unique.

Nous récusons la logique libérale qui conduit à présenter les déficits publics comme la cause des taux d’intérêts élevés et par la même source de ralentissement de la croissance.
En définitive la politique gouvernementale entraîne la France dans un processus de récession.

Nous refusons une telle perspective, allant à l’encontre de l’intérêt de la collectivité nationale et donc des citoyens.

     Fiscalité : une réforme électoraliste au bénéfice des plus riches

Après avoir augmenté, en 1996, les prélèvements obligatoires de 120 milliards de francs, le Premier Ministre, par souci électoraliste, vient d’annoncer une baisse de l’impôt sur le revenu de 25 milliards de francs en 1997. Cette mesure est prise au prétexte de la relance de la consommation : à l’expérience du plan de relance de janvier 96 on peut douter de son efficacité.

Cette « réforme » par contre va accentuer le déséquilibre entre la fiscalité directe et la fiscalité indirecte qui constitue la première source des recettes de l’État. Elle aggravera l’injustice fiscale. Ainsi, après l’augmentation de la TVA en 1996 et l’augmentation de taxes annoncées pour 97, taxes subies par l’ensemble de la population, cette « réforme » de la fiscalité profitera, pour l’essentiel, aux seuls foyers fiscaux disposant des revenus les plus importants. La justice sociale comme la solidarité nationale n’y trouveront pas leur compte. Une fois de plus les réductions d’impôts annoncées s’inscrivent dans une logique économiquement libérale.

     Le Budget de l’État

Le projet de budget pour 1997 illustre la dérive libérale du gouvernement qui prétend, à la fois, réduire les dépenses publiques, le déficit, les impôts et recentrer l’État sur ses missions régaliennes.

La FEN condamne cette politique qui se traduit par 5 600 suppressions de postes, pour l’essentiel dans les enseignements scolaires, alors que la formation des jeunes est primordiale pour l’avenir du pays.

A l’exception de la défense nationale cette austérité budgétaire n’épargne aucun secteur, notamment la recherche publique qui subit de plein fouet la tempête portée par le vent libéral alors qu’elle doit rester, comme l’éducation, une priorité nationale. Elle prive l’État des moyens nécessaires à toute relance de l’économie et menace la France de récession.

     La protection sociale

La réforme du financement de la sécurité sociale ne saurait se limiter à un changement des modalités de contributions des personnes. La contribution des entreprises ne doit plus être assise sur les seuls salaires versés. Elle doit se référer à la totalité des richesses produites. Il revient au gouvernement de prendre ses responsabilités conformément aux engagements pris devant le Parlement le 15 novembre 1995.

Sous réserve d’inventaire concernant les modalités d’application aux fonctionnaires actifs et retraités, nous estimons positivement les propositions gouvernementales relatives à :
    - l’élargissement de l’assiette de la CSG à l’ensemble des revenus de capitaux soumis à la contribution au remboursement de la dette sociale,
    - l’abaissement de la cotisation d’assurance maladie pour les salariés et son transfert sous forme de CSG.

Toutefois nous condamnons :
    - la déductibilité de la CSG assise sur les revenus de capitaux,
    - l’absence d’engagement clair quant à la réalisation de la cotisation maladie universelle.

Revendiquant depuis plusieurs années une réforme structurelle de la sécurité sociale et plus particulièrement de l’assurance maladie, nous exigeons que celle qui se met en place s’inscrive dans une politique ambitieuse de santé publique inscrivant parmi ses priorités l’éducation sanitaire et la prévention.

Considérant que le gouvernement renie ses engagements envers les personnes âgées dépendantes, la FEN appelle ses retraités à participer aux manifestations du 22 octobre afin d’exiger la mise en place d’une prestation autonomie relevant de la sécurité sociale. Elle invite les actifs les actifs à exprimer leur solidarité.

     Les fonds de pensions

L’instauration de fonds de pension constitue une menace pour les régimes obligatoires de retraite. La FEN rappelle son attachement au code des pensions civiles et militaires fondé sur la Fonction publique de carrière. Elle s’opposera à toute tentative visant à le remettre en cause.

     Les services publics en danger

Les menaces se précisent sur les services publics.

La conférence intergouvernementale qui s’est ouverte à Turin le 29 mars 1996 n’a pas encore été saisie par le gouvernement français de propositions d’amendements qui rééquilibrent la place des services publics dans le traité de l’union européenne. Cette situation est d’autant plus anormale que la commission européenne vient de se prononcer en ce sens. Dans ces conditions, la concurrence est une arme redoutable qui déstabilise les missions des services publics. Après France-Télécom, Air-Inter, c’est désormais La Poste, EDF, la SNCF qui sont menacés.

Les fonctions publiques, quant à elles, sont frappées de plein fouet par la politique forcenée de réduction des déficits publics avec ses conséquences graves, détérioration du service aux usagers, licenciement de non-titulaires, aggravation des conditions de travail des personnels, rétrécissement des possibilités de changement de grade et de corps, gel des rémunérations et des pensions.

Quelle cohérence pour un gouvernement qui incite le patronat à embaucher et qui entend restreindre durablement ses propres recrutements ?

Jamais pourtant les services publics n’ont été l’objet d’attentes aussi fortes, jamais ils n’ont assumé de responsabilités aussi lourdes. Alors que les fractures sociales s’amplifient, ils restent souvent le dernier lien d’une société qui se délite.

     La réforme de l’État

La réforme de l’État qui reste une exigence citoyenne forte est décrédibilisée.

Depuis des années la FEN demande à l’État de mettre en place une politique qui vise à rapprocher les services publics des usagers, à simplifier et à accélérer les procédures administratives, à déconcentrer sa gestion, à simplifier et à clarifier l’organisation des corps de la fonction publique, à développer la formation des personnels… or certaines options – en particulier dans la circulaire du 6 septembre 1996 – retenues par le gouvernement pour la réorganisation des administrations déconcentrées menacent leurs missions.

De surcroit les suppressions d’emplois et les restrictions de crédits compromettent le bon fonctionnement des services publics et rendent illusoire la volonté affichée par le gouvernement d’engager une réforme concertée.

Aujourd’hui les premières expérimentations soulèvent certaines inquiétudes de la FEN exige que ces expérimentations locales fassent l’objet d’une évaluation contradictoire associant les représentants des personnels et des usagers. La synthèse nationale de ces évaluations et les propositions qui en découleraient doivent être soumises aux conseils supérieurs des fonctions publiques.

La FEN rappelle son attachement aux principes d’égalité et de continuité, notamment territoriale, des services publics.

Trop de distorsions rentre les mots et les actes accroissent le malaise, obèrent les démarches de modernisation et de rénovation et imposent l’appel aux actions fortes des personnels avec le soutien des usagers.

     Le service public d’éducation menacé

Conséquence d’un budget 1996 insuffisant que nous avions combattu, la rentrée scolaire est mauvaise. La diminution des crédits de fonctionnement contredit les discours officiels sur les réformes.

Des milliers de non-titulaires ne retrouvent pas d’emploi et les titulaires académiques voient leur condition d’emploi se dégrader. Les recrutements sont rognés. Les remplacements des personnels, notamment IATOS sont très mal assurés.

Le budget 1997 qui se prépare marque une rupture fondamentale. Désormais, pour le gouvernement, l’éducation n’est plus prioritaire. Malgré les besoins et les attentes du public, elle est sacrifiée au nom de la lutte contre les déficits publics. Inacceptable, choix politique à courte vue : c’et l’avenir que le gouvernement obère pour respecter des équilibres monétaires aléatoires.

C’est pourquoi la FEN et quasiment toutes les fédérations de l’éducation nationale ont appelé à la grève le 30 septembre, veille de la rentrée parlementaire. Pour défendre et améliorer le service public d’éducation menacé dans ses missions et dans l’offre de formation initiale et continue qui jouent un rôle irremplaçable dans la lutte contre l’exclusion. Au-delà de cette grève, il faudra continuer l’action pour un autre budget et de meilleures conditions de travail.

Au cours de l’été, la FEN a conduit une action efficace pour empêcher le démantèlement de l’INJEP (Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire) et la suppression de la mise à disposition de cadres techniques aux fédérations sportives qui étaient en préparation. Reste à surveiller de près le budget jeunesse et sports qui, comme tous les budgets, est menacé de régression.

     Laïcité : en appeler à l’opinion

Les interventions de la puissance publique pour assurer la promotion et le financement de la visite du Pape rompent avec le principe constitutionnel de la laïcité.

La FEN a soutenu les initiatives locales visant à contester auprès des tribunaux administratifs les subventions octroyées par les collectivités locales. Elle a exigé du ministre de l’Éducation Nationale le retrait du rectorat de Reims impliqué dans une association créée pour la venue du Pape.

Dans le cadre du CNAL, notre fédération a diffusé un appel à l’opinion par voie de presse pour rappeler nos positions et pour mettre en garde la puissance publique contre des initiatives qui remettraient en cause les fondements de l’unité nationale.

La FEN appelle ses syndicats nationaux et ses sections régionales et départementales à donner la publicité la plus large à cet appel auprès des collègues et dans l’opinion.

     Agir dans la clarté

Le dialogue social est en panne alors que les offensives se développent contre la justice sociale, les services publics. Une politique économique ultra-libérale et dogmatique enfonce le pays dans la récession alors que les exclusions se développent, et en particulier, le chômage. Il faut donc agir !

La FEN soutient la campagne de l’UNSA « les services publics, une chance pour l’Europe ».

Dès juillet, avec ses syndicats nationaux et au sein de l’UFF-UNSA, la FEN a pris un certain nombre d’initiatives qui se concrétisent par deux journées de grève et de manifestations annoncées :
    - le 30 septembre 1996 tous les personnels du service public d’éducation et de la jeunesse et des sports seront dans l’action,
    - le 17 septembre 1996 l’ensemble des fonctionnaires des trois fonctions publiques participeront massivement la grève et aux manifestations :
        - pour défendre et promouvoir les services publics,
        - pour l’emploi et la titularisation des non-titulaires,
        - pour contraindre le gouvernement à renoncer aux suppressions massives d’emplois,
        - pour un budget qui donne à la fonction publique les moyens de sa modernisation, de sa rénovation et de son développement,
        - pour que le gouvernement renonce au gel des rémunérations et des pensions en 1996 et l’ouverture immédiate de négociations,
        - pour la réhabilitation du dialogue social et de la politique contractuelle.

Les enjeux imposent la participation massive des personnels de l’éducation, de la recherche, de la culture et de la justice à ces actions.

2. Pour une nouvelle politique d’immigration

La FEN demande instamment que les textes législatifs et réglementaires sur le droit et le séjour des étrangers soient réformés. A ce propos, elle rappelle son attachement au droit du sol et sa volonté de voir facilitées les procédures d’accès à la nationalité française.

Le mouvement des « sans-papiers » qui dure depuis 5 mois a confirmé les incohérences de notre législation qui se traduisent par des situations humainement dramatiques et inacceptables. Les modifications législatives successives (12 depuis 1984) et plus particulièrement les lois de 1993 (Pasqua/ Méhaignerie) que nous avions condamnées ont entraîné des conditions très difficiles de mise en œuvre qui aboutissent parfois à de contradictions ou à des impasses tant sur le plan humain. Les parents étrangers d’enfants français ne sont par exemple ni expulsables ni régularisables.

Le droit d’asile, lui-même, est appliqué de façon très restrictive par les autorités françaises.

La FEN a toujours déploré une approche répressive et politicienne de l’immigration qui déstabilise la population étrangère dans son ensemble dont le nombre reste constant depuis des dizaines d’années et qui nourrit, dans notre pays un fort sentiment raciste et xénophobe, et la suspicion fréquente à l’égard des étrangers.

La France doit reconnaître que cette population immigrée, au fil des ans, a montré sa volonté et sa capacité d’intégration, et son rapport au développement économique, social et culturel de notre pays.

Sans ignorer les impératifs de la lutte contre l’immigration clandestine, notamment en s’attaquant réellement aux filières de travail clandestin, la FEN considère que « l’immigration zéro » n’est qu’un slogan démagogique et irréaliste.

C’est sur une conception conforme aux traditions d’accueil de la patrie des Droits de l’Homme, respectueuse des textes fondamentaux de la République et des conventions internationales que devrait se construire une véritable politique d’immigration pour notre pays.

Cette politique de l’immigration devrait conjuguer la maîtrise des flux migratoires avec le respect du droit d’asile, du principe de dignité et de la protection de la vie familiale et la volonté d’intégrer les personnes immigrées installées régulièrement sur le territoire français et respectueuses des lois de la République.
Elle devrait trouver son prolongement pans une politique européenne conforme aux engagements de la Convention de Genève sur le droit d’asile et à la Convention européenne des Droits de l’Homme. Elle devrait s’accompagner d’une augmentation de l’aide publique aux pays d’émigration en l’articulant aux critères du développement durable.

C’est cette politique que la FEN revendique.