Texte intégral
Monsieur le Rapporteur Général,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs,
C'est la seconde fois que j'interviens dans le cadre de ces rencontres parlementaires sur l'épargne et j'en suis extrêmement heureux parce que cette manifestation constitue maintenant un moment fort de notre réflexion collective sur le financement de l'économie. Le succès vous en revient pleinement, Monsieur le Rapporteur Général, et je tiens à vous en féliciter.
Vous avez décidé de placer ces 6° rencontres sous le thème de la réforme fiscale. Je considère ce choix comme particulièrement judicieux parce que 1996 a été une année décisive sur ce plan.
L'influence de la fiscalité sur les comportements d'épargne et de consommation des ménages n'est plus à démontrer. Nous devons donc être extrêmement attentifs aux décisions que nous prenons. C'est pour cette raison que je me suis attaché comme Ministre de l'économie et des finances à mener à bien la remise en ordre de notre fiscalité des revenus.
Mais avant de revenir la philosophie de la politique que nous poursuivons depuis maintenant plus d'un an et demi, je voudrais d'un mot insister sur le caractère vital pour notre économie d'une épargne bien orientée. Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Si l'on regarde le niveau de notre épargne nationale, notre situation est bonne. Celle-ci représente près de 20 % de notre PIB, ce qui place la France parmi les pays développés où l'épargne est la plus élevée. C'est un atout majeur pour notre économie parce que sans épargne intérieure suffisante pour financer le développement de l'investissement, il n'est pas de croissance saine et durable.
Notre singularité tient plutôt à l'affectation de notre épargne nationale, et en particulier à sa répartition entre le secteur privé et le secteur public. On voit bien que le gonflement apparent de l'épargne des ménages au cours de la première moitié des années 90 a été étroitement lié à la détérioration de nos comptes publics. Au surplus, au sein de ces derniers, une partie très significative de l'épargne est affectée aux dépenses courantes de l'État (110 milliards de francs en 1996) auxquelles nous devons ajouter le déficit de la sécurité sociale.
Dans ces conditions, la progression de l'épargne privée de précaution n'a pas véritablement permis d'accroître l'épargne nationale globale disponible.
Par ailleurs, la part de l'épargne liquide, notamment les organismes de placements en valeurs mobilières (OPCVM) monétaires, était, jusqu'à il y a peu, extrêmement forte en raison principalement du niveau élevé des taux d'intérêt et d'une fiscalité très favorable.
Cette situation pouvait-elle perdurer ? Je ne le crois pas. Elle revenait en effet à détourner nos ressources financières des placements en fonds propres des entreprises, qui conditionnent l'essor de l'activité productive.
Aussi le Gouvernement a-t-il souhaité adapter sa politique pour favoriser une réorientation de notre épargne. Deux grands objectifs guident mes actions. L'assainissement de nos finances publiques et le rééquilibrage de la fiscalité. C'est dans cette double exigence que s'inscrit enfin la création de fonds d'épargne retraite.
1. Le rétablissement de nos comptes publics est la clé de la reprise de notre économie. Le seul déficit acceptable est celui qui sert à financer des investissements publics. Lorsque l'emprunt est utilisé au financement des charges de fonctionnement de l'État, c'est l'économie productive qui est en voie d'asphyxie. En son temps déjà, Jacques RUEFF ne disait pas autre chose.
Vous comprendrez donc que j'ai mis toute mon énergie au service de l'assainissement de nos comptes. Ce n'est sans doute pas un projet politique, mais aucun projet politique ne peut se soustraire à cette nécessité.
J'ajoute que cette politique contribue à la baisse des taux d'intérêt, favorisant, par ce biais là aussi, une meilleure allocation de l'épargne. Cette politique porte ses fruits ; ne relâchons pas nos efforts.
2. Cette action s'est accompagnée d'une remise en ordre de notre fiscalité.
Quels sont les orientations de notre fiscalité en matière d'épargne ?
Nous souhaitons d'abord renforcer l'équité des prélèvements. Mais dans le même temps, nous ne devons pas perdre de vue que notre économie s'est mondialisée et que, dans ce cadre, l'épargne est une matière fiscale particulièrement volatile.
Nous devons adapter nos comportements à ce contexte nouveau. Au plan européen, il nous faut promouvoir un code de bonne conduite pour éviter les détournements artificiels de flux. Cette préoccupation a aussi été prise en compte dans les travaux du Gouvernement au plan mondial dans le cadre du G7.
Mais nous devons aussi intégrer cette contrainte dans notre politique fiscale en faveur de l'épargne. Équité et efficacité économique sont donc les deux références que nous devons concilier.
L'adaptation de notre fiscalité de l'épargne s'inscrit bien entendu dans la grande réforme de l'impôt sur le revenu, marquée par un abaissement de tous les taux du barème et la recherche d'une cohérence nouvelle pour un système fiscal devenu injuste et brouillé.
Le premier objectif de notre réforme a été globalement de rééquilibrer nos prélèvements obligatoires en faveur du travail. Un pays ne peut durablement prospérer si ceux qui travaillent et créent des richesses en viennent à se décourager et à se démotiver du fait des taxes auxquelles ils sont astreints. Ne dit-on pas également que certains seraient tentés de se faire imposer ailleurs ?
C'est le paradoxe de la politique fiscale suivie au cours des années 80 : elle avait privilégié les revenus financiers au détriment des revenus du travail. Nous avons choisi de rééquilibrer les plateaux de la balance. Nous le faisons en combinant la réforme de l'impôt sur le revenu et celle du financement de la protection sociale.
Mais l'allégement du barème de l'impôt sur le revenu est aussi le moyen d'atténuer la surfiscalisation des placements à risque par 'rapport aux produits de taux. Avant la réforme, les revenus des fonds propres comme les revenus fonciers, qui sont imposés au barème progressif de l'impôt sur le revenu, pouvaient être taxés jusqu'à 56,8 %, que dis-je, 61,7 % avec les prélèvements sociaux.
Dans le même temps, les produits de taux ne subissaient qu'un prélèvement forfaitaire de moins de 20 % y compris les prélèvements sociaux. Rien ne justifiait un tel écart.
Cette anomalie nous a conduit à opter pour la baisse du barème progressif de l'impôt. À l'issue de la réforme, le prélèvement marginal sur les produits à risque sera réduit pour toutes les catégories de revenu. Au maximum, il sera de 52,9 %.
Cela vaut bien entendu pour les revenus rémunérant les fonds propres, c'est-à-dire les dividendes. Il en va de même pour les revenus d'investissement dans la pierre.
S'agissant de l'immobilier, vous savez que cette réorganisation des taux d'imposition s'intègre dans un effort d'ensemble pour rééquilibrer notre fiscalité de l'épargne, dans laquelle le logement était pénalisé. Je citerai deux mesures importantes à mon sens :
– le relèvement à 14 points du taux de la déduction forfaitaire, mesure qui bénéficie désormais à tous les propriétaires bailleurs ;
– la possibilité donnée aux contribuables de déduire un amortissement accéléré lorsqu'ils acquièrent des logements neufs destinés à la location.
Ainsi encourageons-nous une part de l'épargne à se diriger vers la construction. C'est un vecteur puissant de création d'emplois.
Concernant l'équité des prélèvements, nous devons constater que le régime fiscal des produits de taux en vigueur en 1993 n'était pas satisfaisant.
Nous avons corrigé ces excès : d'abord dans le cadre de la loi de finances initiale pour 1996 avec notamment une extension du champ de l'imposition des plus-values sur OPCVM monétaires désormais taxées au premier franc.
Nous avons achevé ce rééquilibrage avec l'extension de la CSG l'ensemble des produits financiers, exception faite bien sûr des livrets A, des livrets d'épargne populaire, des livrets jeunes, et des Codevi. Il n'est plus possible aujourd'hui, comme je l'ai pourtant entendu récemment, de dire que l'épargne la moins risquée bénéficie d'un traitement privilégié au regard de la CSG. J'observe d'ailleurs que ceux qui s'expriment ainsi avaient directement vicié le système.
Les produits de l'assurance vie eux-mêmes bénéficient certes d'une exonération d'impôt sur le revenu au-delà de huit ans de conservation, mais ils sont dans tous les cas assujettis à la CSG et au RDS au taux global de 3,9 %.
3. Le dernier volet de notre politique de l'épargne sur lequel je voudrais mettre l'accent est la création des fonds d'épargne retraite. L'utilité économique et sociale de ces produits est maintenant bien connue.
Permettez-moi tout de même d'insister sur l'apport majeur que ces fonds d'épargne retraite constitueront pour les fonds propres de nos entreprises. Il n'est pas d'entreprise solide et conquérante sans fonds propres stables et suffisants. Les fonds d'épargne retraite seront une contribution décisive à cette exigence.
Le dispositif que nous avons conçu répond pleinement à cette attente. La sortie, vous savez que j'y suis attaché, se fera prioritairement en rente, ce qui aboutira nécessairement à une proportion importante de placements en actions. Ainsi cette épargne irriguera-t-elle les fonds propres des entreprises.
Ma conviction est que les fonds d'épargne retraite seront des gages de solidarité, de responsabilité et d'efficacité économique et sociale. Ils permettront à chacun, quel que soit son niveau de revenu, de compléter sa retraite ce base, et il n'y aurait pas de plus grande injustice que d'empêcher nos concitoyens d'utiliser leur épargne pour conforter la sécurité de leurs vieux jours.
On parle beaucoup ces derniers temps des risques que ces produits nouveaux feraient courir à nos régimes de base et complémentaires. Non, je le dis tout net, les fonds d'épargne retraite ne vont pas cannibaliser nos retraites par répartition. En musclant nos entreprises au contraire, ils stimuleront les créations de richesses et d'emplois et augmenteront donc les ressources des régimes de base dans le moyen et le long terme.
Notre projet, en particulier la possibilité d'une exonération ces abondements patronaux dans la limite de 85 % du plafond de la sécurité sociale, a reçu l'appui des partenaires sociaux le mois dernier. C'est la raison pour laquelle j'entends profiter de sa seconde lecture cet après-midi à l'Assemblée Nationale pour le faire aboutir enfin.
Voilà, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire aujourd'hui sur la fiscalité de notre épargne. Notre pays a un atout majeur qui est celui de son niveau d'épargne. Notre ambition est de créer le cadre économique, fiscal et réglementaire qui permette la meilleure allocation de ces ressources au profit de l'activité et de l'emploi. Nous sommes sur la bonne voie ; gardons le cap.
Je vous remercie de votre attention.