Déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et porte-parole du gouvernement, sur le budget de la communication pour 1998, au Sénat le 28 novembre 1997.

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Circonstance : Présentation du budget de la communication au Sénat le 28 novembre 1997

Texte intégral

Nous vivons l’ère du numérique, une époque de bouleversements technologiques dont le service public ne peut être absent. Le service public, pour continuer à remplir ses missions doit, participer, accompagner et pourquoi pas impulser ces bouleversements. Cette volonté politique forte, il ne suffit pas de l’affirmer, il faut aussi la traduire dans les actes, et plus précisément encore, dans le budget.

Soyons clairs ; le budget que je vous présente ici est un bon budget, puisqu’il progresse de 3,3 % et s’établit à 18 milliards de francs, soit 570 MF de plus qu’en 1997, ce n’est cependant qu’une étape. L’ensemble du secteur dont j’ai la charge, celui de la culture et de la communication avait été particulièrement malmené au cours des années précédentes. Il y avait beaucoup à faire pour atteindre les objectifs que nous nous étions fixés. Ces objectifs ne peuvent pas être atteints en un an. Mais, il fallait inverser la tendance. C’est ce que nous avons fait cette année.

Pour en revenir au budget que je vous présente aujourd’hui, celui de la communication, inverser la tendance, cela signifiait sortir d’une spirale infernale, qui menait progressivement mais inexorablement, à la mort du service public, sans que cette orientation soit débattue ou décidée au sein du Gouvernement ou du Parlement.

En étranglant financièrement les chaînes publiques, le précédent Gouvernement les contraignait à se lancer dans une course à l’audience, à chercher à rivaliser avec les chaînes commerciales pour conquérir les ressources publicitaires devenues indispensables à leur survie. En fixant à France Télévision une progression spectaculaire de ses ressources publicitaires en 1997 (+ 7 % pour F2, + 30 % pour F3), le but n’était plus alors de remplir des missions de service public, mais d’atteindre des objectifs commerciaux, de satisfaire les besoins des annonceurs. Il devenait alors facile de montrer que les chaînes publiques n’étaient plus différentes des chaînes privées, et on en justifiait ainsi aisément la disparition programmée.

De même, imposer un montant d’économies considérables à la Sept et la Cinquième (140 MF) en anticipant les conséquences de leur rapprochement revenait à affaiblir l’une et l’autre société.

Il fallait donc casser cet enchaînement. C’est ce que fait le projet de loi de finances pour 1998.

Ce budget est en progression de 3,3 %. Cette augmentation est très supérieure à celle du budget de l’État, ce qui est le résultat de négociations serrées avec le budget. Lorsque nous avons commencé les discussions, la position du budget était de partir de la progression du budget de l’État soit + 1,2 % pour établir la progression des ressources de l’audiovisuel public. C’est ainsi qu’en 1997, cette progression qui s’était arrêtée à 1,3 % (+ 236 M par rapport à 1996), ne couvrait même pas l’actualisation des dépenses au taux d’inflation constaté (1,9 %). C’est là un mauvais calcul, qui repose sur un présupposé faux : les deux termes de la comparaison ne sont pas équivalents. Le budget des organismes audiovisuels doit certes être établi selon la même démarche que les autres budgets publics, mais il doit aussi tenir compte de l’environnement concurrentiel au sein duquel les sociétés se situent : les ressources des chaînes privées progressent très régulièrement (+ 6 % pour TF1) ; si l’on n’y prend garde, le jeu devient vite très déséquilibré.

L’audiovisuel public est un service public à part entière, mais il faut l’aborder selon l’économie propre à ce secteur. Cela signifie que, traitant les organismes audiovisuels comme des entreprises, l’État doit leur assurer la sécurité financière sans laquelle elles ne pourraient vivre. En contrepartie, il faut leur demander une rigueur de gestion sans faille, leur imposer de faire toutes les économies qui peuvent l’être, pour utiliser au mieux les moyens qui leur sont alloués. J’ai pris la responsabilité d’augmenter la redevance de 35 francs, je veux que cet argent serve à améliorer le service rendu aux téléspectateurs. J’ai en outre conditionné l’octroi de ces moyens supplémentaires à la réalisation d’un montant d’économies de 153 MF (soit 0,85 % du budget de fonctionnement global) dont la répartition est laissée à l’appréciation des responsables des sociétés.

En augmentant la redevance, je me suis donnée trois objectifs assurer la pérennité des ressources des organismes, rétablir progressivement un meilleur rapport entre les ressources publiques et le ressources commerciales des chaînes, et améliorer le service rendu aux téléspectateurs.

D’abord, assurer la pérennité des ressources. J’ai pleinement conscience du fait que ce budget n’est qu’une étape, et qu’il faudra poursuivre nos efforts. L’audiovisuel sort d’une période de récession, qui a fragilisé les entreprises. J’ai souhaité sécuriser leurs ressources, leur donner une visibilité à long terme, qui leur permettre de mettre en place une stratégie dépassant les douze mois. En effet, une partie de l’augmentation de la redevance va servir à compenser une diminution des crédits budgétaires. Mais soyons clairs : ces crédits ont diminué de 798 millions en 96 et de 386 millions en 97. Il est très peu probable qu’ils atteignent à nouveau le montant d’1,4 milliard.

Dans ces conditions, et pour parler franchement, je préfère la pérennité d’une ressource affectée à des crédits que le budget ne pense qu’à rogner, ou à réguler quand il n’a pu en obtenir une diminution suffisante à ses yeux. Ainsi 35 MF ont été annulés en juillet 1997, au détriment de Radio France et de l’INA. Bercy, autant que vous le sachiez, cherche aujourd’hui à annuler en collectif 45 MF supplémentaires, ce que je ne laisserai pas faire. On ne peut pas gérer aujourd’hui les entreprises publiques de l’audiovisuel, dans un secteur où la concurrence est si vive, en amputant ainsi leurs crédits de façon aléatoire, et parfois en cours de gestion. Le sens de l’histoire, c’est sans doute que ces organismes soient financés entièrement par des ressources qui leur sont propres, qu’il s’agisse de la redevance ou de recettes commerciales. Celles-ci sont à mon sens nécessaires, dans une proportion raisonnable. C’est sur cette proportion qu’il faudra continuer à travailler.

Et c’est là, le second but que j’ai poursuivi en augmentant la redevance. J’ai en effet veillé à stabiliser le niveau relatif des ressources publicitaires dans le financement de France Télévision. Celles-ci ont connu au cours des dernières années, et tout particulièrement l’an dernier une forte évolution due à la croissance du marché publicitaire. Les chaînes publiques ont besoin de ces ressources pour se développer, et il ne serait pas logique, compte tenu du souci de maîtriser les dépenses publiques de les en priver. Mais si la recherche d’une audience forte fait aussi partie des missions du service public, au service de tout le public, il faut trouver, entre le financement public et ces ressources commerciales, un équilibre satisfaisant.

J’aurai bien évidemment préféré vous présenter aujourd’hui un budget montrant une diminution de la part des recettes commerciales dans les ressources totales des chaînes. Compte tenu de la diminution des crédits budgétaires, cela n’a pas été possible. Ce sera la prochaine étape : j’y veillerai et je compte aussi sur le Parlement pour me soutenir dans cette démarche. Mais déjà en 1998, la part de financement public dans le total des ressources du secteur public audiovisuel est maintenue à 69 %.

Troisième objectif : que l’augmentation de la redevance serve à améliorer le service rendu. Pour cela, j’ai retenu deux priorités : la qualité et l’innovation, domaines dans lesquelles le service public doit être une référence.

C’est autour de ces deux axes que s’organisent les mesures nouvelles décidées en 1998.

La qualité des programmes d’abord : la Sept-Arte et la Cinquième avaient été lourdement pénalisées en 1997, et n’avaient plus les moyens de remplir leur mission spécifique, celle de produire ou d’acquérir des programmes culturels et éducatifs. Le budget de la Sept-Arte augmente donc de 7,3 % et celui de la Cinquième de 6,7 %. Avec respectivement 44,9 et 17 Millions de francs supplémentaires à consacrer à l’amélioration de leur grille, la Sept-Arte et la Cinquième pourront offrir aux téléspectateurs des programmes plus attractifs et plus conformes à leur mission.

France 2 et France 3 voient également progresser leurs ressources, dans le but de développer une politique de programmes de qualité, au service de tous les publics. De même, Radio France bénéficie d’une mesure nouvelle en faveur de la création et de l’innovation dans ses programmes.

Après la qualité des programmes, l’innovation est le second axe de ce budget.

L’évolution technologique nous a fait passer d’une télévision de programmes diffusés à une télévision de programmes choisis. La rapidité avec laquelle le magnétoscope a pénétré dans les foyers en était un premier signe. Je crois beaucoup à la poursuite de ce mouvement qui amènera chacun à utiliser à son rythme, selon ses besoins et ses envies, les programmes qui seront disponibles. Tel est le sens des deux grandes innovations qui seront financées dans le budget pour 1998 : la Banque de programmes et des services de la Cinquième, et le centre de consultation du dépôt légal des programmes audiovisuels à la Bibliothèque François Mitterrand.

400 sites, 200 centres sociaux et 200 établissements d’éducation seront équipés en 1998 pour recevoir l’offre de la BPS : les enseignants, formateurs ou animateurs pourront ainsi sélectionner et télécharger les programmes qu’ils souhaiteront utiliser. Cette expérience grandeur nature permettra de préciser les besoins et le cas échéant d’améliorer cette offre, qui sera ensuite progressivement étendue.

C’est avec le même souci de valoriser le patrimoine audiovisuel et de répondre aux besoins de l’enseignement et de la recherche scientifique qu’est lancé un plan de numérisation des archives, et que sera ouvert en juillet 1998 le centre de consultation de l’Inathèque à la Bibliothèque François Mitterrand. 42 millions de francs y seront consacrés.

Voilà donc très rapidement présenté le budget de la communication. Bien sûr, il ne répond pas à toutes les demandes des organismes, mais après la période très difficile qu’ont connue les sociétés de l’audiovisuel public, il permet de repartir sur des bases saines. Un certain nombre de projets qui nous avaient été présentés n’ont pu être réalisés cette année, soit parce qu’ils n’étaient pas assez avancés (et je pense à la chaîne des régions), que leurs objectifs n’étaient pas assez précis, comme dans le cas du Mouv’, soit pour de simples raisons budgétaires. Nous commençons dès aujourd’hui à travailler pour que ceux qui présentent un intérêt pour le public puissent être affinés et pris en compte.

Nous avons dû également cette année porter, sans pouvoir les remettre en cause compte tenu de leur degré d’avancement, les projets immobiliers décidés par le Gouvernement précédent, qu’il s’agisse du siège commun de France 2 et de France 3 ou du siège et des installations de RFO en Guyane et Guadeloupe. Le budget que je vous présenterai l’an prochain ne sera plus grevé par ces opérations très lourdes.

Je voudrais à présent vous donner quelques éléments sur les aides à la presse.

Pour la presse écrite mon budget exprime clairement le choix que je fais en faveur d’un plan de développement des quotidiens, ainsi que des hebdomadaires locaux. Ce secteur joue un rôle essentiel pour le pluralisme et la démocratie. Il est également un facteur de la cohésion et du lien social. Il ne faut pas non plus sous-estimer sa contribution dans l’activité économique, notamment locale. Simultanément la presse quotidienne et assimilée supporte aujourd’hui des charges particulières, qui tiennent au poids de ses rédactions, à son histoire sociale, avec ses répercussions dans ses coûts de fabrication, sans parler des contraintes de son transport et de sa distribution, afin d’être disponible pour le lecteur, avant que celui-ci n’entame sa journée de travail.

La presse quotidienne doit absolument réussir la modernisation de ses structures, tout en enrichissant sans cesse ses contenus. C’est pourquoi j’ai annoncé très tôt ma volonté d’une action délimitée dans le temps, tout à fait significative, un véritable plan, en direction des entreprises. Celle-ci s’est ouverte, vous en avez pris connaissance, par une première étape de concertation menée par moi-même le 2 octobre dernier. Elle se traduit déjà dans les orientations du budget 1998.

Portage et multimédia

À l’intérieur d’une enveloppe qui progresse peu, il est vrai (1 %), nous avons opéré des choix simples et clairs. Ceux-ci s’expriment d’abord en faveur du portage puisque celui-ci se voit doter d’une aide qui triple passant de 15 millions de francs à 45. En outre les remboursements de cotisations sociales du portage pour les quotidiens nationaux, passent de 2,4 millions de francs à 8 millions. Je vous fais remarquer que je viens de faire déboucher le décret permettant de verser les 15 millions prévus pour cette forme de distribution dans le budget 1997.

Mes orientations prennent également la forme d’une aide au développement du multimédia, plusieurs fois promise par mes prédécesseurs, mais jamais budgétée. Nous dotons cette action essentielle pour l’avenir de nos journaux de 15 millions de francs. Il s’agit là bien sûr d’une première étape qui nous permettra de mieux apprécier les besoins dans ce domaine pour les années à venir.

Nos missions traditionnelles :

Nous n’avons pas oublié pour autant les missions traditionnelles de l’État en faveur de la presse quotidienne à faibles ressources publicitaires, de même que le soutien à la diffusion de la presse française à l’étranger. Vous noterez également le coup de pouce donné à l’AFP.

SNCF et Télécoms

D’aucuns objecteront que ces choix se font essentiellement par redéploiement. Les remboursements à la SNCF reculent en effet de 45 millions de francs. Il faut savoir que cela permet de maintenir le soutien au transport des quotidiens essentiellement nationaux, à hauteur de 70 %. En revanche, le taux des magazines devrait redescendre de 30 à 22,5 %. Le recul des remboursements téléphoniques enregistre l’ouverture du marché téléphonique, avec l’existence de plusieurs opérateurs, diversifiant chacun leur offre tarifaire, alors que globalement les niveaux de tarifs ont déjà et devraient encore baisser.

Vous le voyez ce budget est donc marqué par la contrainte générale que s’est donné le Gouvernement, il permet toutefois d’esquisser clairement une orientation en faveur des quotidiens qui se concentrent sur des leviers de développement.