Texte intégral
Q. : Quelles sont les principales mesures de la loi sur la fonction publique ?
R. : Ce texte est la traduction législative d’un très largement accord que j’avais conclu avec les organisations syndicales au cours du printemps dernier, puisque six organisations syndicales sur sept l’avait signé sur deux points.
Tout d’abord, sur la résorption de l’emploi précaire. Cela signifie la titularisation de 150 000 personnes qui sont aujourd’hui employées par l’État, les collectivités locales, les hôpitaux sur des contrats divers et variés qui sont très souvent précaires au sens habituel du mot. Nous avons mis en place un dispositif, que nous avions négocié auparavant, qui va permettre à ces personnes de pouvoir rentrer, dans les quatre ans qui viennent, de manière classique dans l’administration. Cela ne coûtera rien à ces administrations puisque ces gens sont d’ores et déjà payé, mais cela leur procurera un avantage social : une sécurité qu’ils ne connaissent pas aujourd’hui.
L’autre élément important du projet de loi, c’est la transcription pour les fonctionnaires de l’accord qui avait été conclu dans le secteur privé en septembre 1995. Cet accord prévoit le départ en préretraite à 58 ans des personnes qui le souhaitent avec en contrepartie l’embauche d’un jeune. Il m’a semblé intéressant de l’étendre à l’administration, d’autant plus qu’il permettra en 1997 d’avoir un recrutement plus important et d’embaucher environ 15 000 jeunes malgré les baisses des effectifs prévues par le budget. Ce sont les deux principales modalités de ce projet de loi.
Q. : Cette démarche n’est-elle pas en contradiction avec la réduction des déficits publics ?
R. : Non, dans la mesure où ce sont des mesures qui sont positives sur le plan social pour les personnes et qui en même temps ne coûtent rien puisque, en réalité, c’est une sorte d’échange de bons procédés. C’est la démonstration de deux choses, me semble-t-il. D’abord que l’on peut avancer sur le plan social en période difficile à condition d’avoir un peu d’imagination. La deuxième démonstration qu’apporte ce texte, c’est qu’on peut, dans ce pays malgré les difficultés, restaurer le dialogue social et passer des contrats. Depuis le mois de janvier 1996, j’ai signé trois accords avec les organisations. Ceux que je viens d’évoquer et un troisième sur la formation continue qui n’a pas besoin d’expression législative, que je viens de signer avec six organisations sur sept, la septième étant la CGT qui participe aux négociations mais ne veut pas signer et considère que ce n’est pas son rôle. On voit bien là qu’on peut restaurer le dialogue et qu’on peut avoir une politique contractuelle dans la fonction publique.
Q. : Mais la titularisation va constituer un engagement sur la durée, donc un alourdissement…
R. : Je ne l’alourdis pas. Je reconnais que ces personnes vont rester. Mais rentrons un peu dans le détail : les personnes qui sont concernées sont des gens qui au cours des huit dernières années ont travaillé à temps plein pendant au moins quatre ans pour leur administration. Ce sont donc des gens qui ont donné satisfaction et ce sont des gens que l’on a envie de garder. Donc, ça ne constitue pas en soi un alourdissement de la charge publique. (…) Ces personnes passeront un concours spécifique qui permettra de vérifier effectivement leurs capacités professionnelles. J’ajoute que ce dispositif va nous permettre de régler pour l’essentiel un problème dont on a beaucoup parlé ces derniers temps qui est celui, lancinant, des auxiliaires de l’éducation nationale, qui va trouver là une première réponse assez satisfaisante, je crois.
Q. : Où en est-on de la réforme de l’État ?
R. : Nous travaillons actuellement sur trois dossiers qui sont d’actualité. Le premier concerne la simplification des relations entre l’administration et les administrés, avec des éléments très concrets comme, par exemple, l’obligation pour l’administration de répondre lorsqu’on la sollicite, la possibilité pour un citoyen de ne pas avoir à courir d’un guichet à l’autre lorsqu’il s’est trompé mais l’obligation pour l’administration de faire suivre son dossier. Il y a également la transformation d’un certain nombre de systèmes d’autorisations en simples systèmes de déclaration, ou encore le fait que, si vous n’obtenez pas de réponse de l’administration, cela voudra signifier à l’avenir qu’elle a donné son accord. Ce texte de loi arrive à la commission des lois de l’Assemblée nationale au début du mois de janvier et sera, je pense, approuvé par l’Assemblée au cours de ce même mois de janvier.
Nous travaillons également sur deux autres sujets. D’abord, la réforme de l’organisation des ministères pour en alléger la dimension et pour la restructurer de manière à ce qu’ils se concentrent sur leur tâche naturelle qui est celle de la législation, de la stratégie et du contrôle des politiques et qu’ils se défassent de la mauvaise habitude d’intervenir au coup par coup dans la mise en œuvre des politiques sur le terrain. Cette réforme est en pleine actualité puisque nous avons déjà eu un certain nombre de réunions à l’hôtel Matignon pour qu’elle aboutisse dès le début de l’année 1997. Le troisième dossier, qui est très important et dont le président a beaucoup parlé lors de ses déplacements en province, est ce que l’on appelle la déconcentration. Cela veut dire donner aux fonctionnaires sur le terrain la responsabilité et la possibilité de décider par eux-mêmes. Sur ce sujet, j’ai déjà fait quelques propositions au Premier ministre et nous en avons déjà débattu avec un certain nombre de membres du Gouvernement. Je pense que le Premier ministre rendra publique certaines orientations très novatrices dès le début de l’année prochaine. On pourrait, par exemple, citer la déconcentration financière : elle consiste à donner aux préfets, et à leurs collaborateurs des possibilités de gestion financière par enveloppe globale, à charge pour eux ensuite de la répartir sur le terrain, plutôt que d’attendre, par des tuyaux verticaux depuis Paris, l’affectation. Je crois que cela ferait gagner beaucoup du temps à tout le monde et finalement beaucoup d’argent.