Interview de M. Nicolas Sarkozy, député RPR, ancien ministre du budget, à RTL le 10 septembre 1996 et dans "La Tribune Desfossés" du 16 septembre, sur la réforme fiscale, les transferts de cotisations sociales sur la CSG et la politique monétaire.

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Média : Emission L'Invité de RTL - La Tribune Desfossés - RTL

Texte intégral

RTL - mardi 10 septembre 1996

M. Cotta : On ne vous a pas entendu depuis plusieurs semaines. Première question, naturellement, sur les impôts. La baisse de l'impôt sur le revenu est-elle, selon vous, de nature à susciter la confiance et la reprise de la consommation ?

N. Sarkozy : D'abord, je ne me suis pas précipité pour parler parce que je trouve que dans le brouhaha actuel, il est inutile d'en rajouter. Et deuxièmement parce que sur un sujet comme la réforme fiscale, il n'est pas inutile de réfléchir avant de parler. Ce sont des sujets complexes et difficiles.

M. Cotta : Alors, votre réponse, néanmoins ?

N. Sarkozy : D'abord, une réponse d'ensemble. Nous nous sommes suffisamment exprimés en faveur de la baisse des impôts – absolument indispensable – pour qu'aujourd'hui nous ne mégotions pas notre soutien à la réforme présentée par A. Juppé. Cette réforme aura tout mon soutien. On peut en discuter tel ou tel abcès, accès, aspect. C'est ce que je ferai d'ailleurs dans le cadre du débat parlementaire. Mais pour l'essentiel et pour l'ensemble, avoir repris le chemin de la baisse des impôts, c'était indispensable et c'était un bon choix.

M. Cotta : Alors tel ou tel aspect, dans quel sens ? Est-ce que vous pensez que l'augmentation des impôts locaux est de nature à compenser la baisse de l'impôt sur le revenu ?

N. Sarkozy : M. Cotta, c'est suffisamment difficile pour qu'on ne mélange pas les choses, si vous me le permettez. Le problème de la baisse des impôts concerne tout le monde. Il concerne l'État avec les impôts d'État. Il concerne les gestionnaires de la sécurité sociale avec les économies sur les dépenses de la sécurité sociale et concerne naturellement les gestionnaires locaux avec les impôts locaux. Mais ce n'est pas parce que pour les uns, cela augmente qu'il faut éviter que pour les autres cela baisse. Je dirais même au contraire. J'ajoute un deuxième motif de satisfaction, c'est la création des fonds de pension qui sont les compléments indispensables à nos retraites. Et je ne comprends pas le combat d'arrière-garde qui consiste à contester cette idée d'évidence. Nous avons besoin de fonds de pension pour compléter le financement de nos retraites. Alors je disais qu'il y a un certain nombre de points où moi, je continuerai le débat, sans remettre en cause mon soutien à la réforme.

M. Cotta : Par exemple ?

N. Sarkozy : Par exemple, l'ambition de la réforme. Je comprends bien qu'il y a des contingences, de disponibilités de finances publiques cette année, mais sur les cinq ans, je souhaite qu'on soit encore plus ambitieux.

M. Cotta : Vous auriez fait plus que 25 milliards ? 100 milliards, comme l'a dit E. Balladur ?

N. Sarkozy : Je ne présente pas les choses en disant : « Moi, j'aurais fait mieux ou moins bien » ! Je dis simplement que sur le chemin des cinq années, il faudra trouver les voies et les moyens pour aller plus loin. Deuxième problème, qui est plus difficile – et je ne dis pas que j'ai la réponse toute faite – : je suis préoccupé du nombre de contribuables qui sont exonérés de l'impôt sur le revenu.

M. Cotta : Vous pensez que cela altère la solidarité des Français ?

N. Sarkozy : Je sais bien que l'on a créé la CSG et le RDS, mais je dis quand même que l'impôt sur le revenu a, comme premier problème majeur, celui de peser trop fortement sur les classes moyennes. Il y a quinze à seize millions de foyers fiscaux qui sont imposables. Si l'on en retire deux millions, il me semble que cela risque de poser problème. Alors je sais bien que ce n'est pas facile.

M. Cotta : Problème financier ou problème de citoyenneté ?

N. Sarkozy : Plus l'assiette de l'impôt sur le revenu sera faible, plus son rendement sera faible. Et j'ajoute que je préfère un impôt à assiette très large et à taux très bas.

M. Cotta : Donc la CSG ?

N. Sarkozy : C'est encore une autre question. Troisième problème, A. Juppé a bien fait de supprimer un certain nombre d'avantages. Et je le soutiendrai y compris sur les avantages qui sont populaires.

M. Cotta : Vous l'aviez préparé vous quand vous étiez au budget ?

N. Sarkozy : Oui, enfin écoutez, on ne peut pas vouloir moderniser l'impôt sur le revenu et ne pas toucher à des niches. Il fout avoir le courage de le dire ! En tout cas, je ne me prêterai pas à ce petit jeu qui consiste à dire qu'il faut baisser les impôts et ne pas remettre en cause certains avantages. II y en a cependant qui me posent problème aujourd'hui. C'est si on décidait de supprimer la déduction des intérêts d'emprunt pour achat d'un appartement ou d'une maison alors que nous sommes dans une crise immobilière dont nous avons bien du mal à sortir. Donc, vous voyez que pour l'essentiel, j'approuve la réforme. Il y a des domaines où je continuerai à peser de toutes mes forces de façon à obtenir une amélioration de cette réforme.

M. Cotta : Est-ce que vous pensez que ces mesures sont de nature à redonner confiance ou à relancer la croissance ? On s'aperçoit que huit personnes sur dix, selon le sondage de La Tribune d'hier assurent n'avoir pas l'intention de changer leurs habitudes d'achat. Est-ce que vous pensez qu'on est entré dans une phase très longue, définitive presque, de dépression en matière de consommation ?

N. Sarkozy : Plus ça va, plus en matière économique, je crois au pragmatisme et je m'éloigne des systèmes de pensée idéologiques. Je ne sais pas si cela va suffire à redresser la situation. Ce que je sais, c'est que si on ne l'avait pas fait, avec certitude, la situation se serait aggravée. Donc, il faut prouver le mouvement en marchant. Il faut faire cette baisse des impôts. On va bien voir ce que cela donne mais en tout cas, nous l'avions promis. Nous pensons que c'est de nature à redonner du dynamisme à l'économie française. Écoutez, finalement, en résumé, la France ne peut pas, de tous les grands pays développés, rester celui où la pression fiscale est aussi dévalorisante pour ceux qui investissent, qui travaillent et qui essayent de toutes leurs forces d'apporter un peu de dynamisme à l'économie de notre pays.

M. Cotta : Comment expliquez-vous que les clivages demeurent et qu'ils s'accentuent presque à l'intérieur de la majorité, et à l'intérieur du RPR surtout. On a l'impression que l'UDF réussit son unité mais pas le RPR, qui reste un peu déchiré par la campagne. Pourquoi ? Et où en êtes-vous de ce côté-là ?

N. Sarkozy : Ce n'est pas simple de vous répondre sans langue de bois et franchement, quel est le problème pour nous ? Naturellement, nous devons combiner deux idées qui sont apparemment contradictoires et qui sont l'unité et la diversité. L'unité parce que la majorité doit aller au combat des législatives en bon ordre – et de ce côté-là, on ne peut pas reprocher à A. Juppé de le souhaiter –et en même temps, la diversité parce que les problèmes sont si complexes qu'il faut que nous puissions en débattre. Et de notre côté, avec E. Balladur, à plusieurs reprises, nous avons suscité le débat. Prenez l'affaire du débat fiscal, on ne peut pas dire qu'en posant le problème de la baisse des impôts, nous ayons si peu que ce soit divisé la majorité. Le gouvernement nous a entendu. Finalement, ce qu'il faut, c'est essayer d'être constructif dans le débat et essayer d'éviter que les choses ne dérapent C'est plus simple à dire qu'à faire. Et pourtant, s'il n'y a pas de débat dans la majorité, alors craignons que cela ne serve qu'une seule catégorie : les extrêmes.

M. Cotta : Pourtant, quelle est votre stratégie à vous, N. Sarkozy ? Est-ce que vous pensez qu'à l'intérieur d'un système présidentiel, on peut rester à la marge ? Ou au contraire, est-ce qu'à un moment donné vous allez rentrer dans ce système présidentiel ?

N. Sarkozy : Moi, je vous remercie de vous occuper de mon problème personnel. J'ai d'autant de moins de sens à m'en peser que vous m'invitez. Cela a donc une signification. Je suis pleinement dans la majorité et pleinement au RPR. Mais en même temps, j'ai des convictions. J'ai envie de les mettre sur les tables et de faire participer l'ensemble de nos amis aux débats importants : le débat fiscal, le débat sur l'immigration, l'ensemble des questions qui se posent.

M. Cotta : Vous ne me répondez pas. Etes-vous prêt à vous rapprocher aujourd'hui d'A. Juppé et de J. Chirac après avoir été balladurien ?

N. Sarkozy : Je n'ai pas l'intention de ne plus être un ami d'E. Balladur et deuxièmement j'aimerais qu'on me cite un texte que je n'ai pas voté depuis un an que je suis revenu au Parlement. Et pourtant, moi, j'aime bien quand je vote dire ce que je pense. Et je crois que finalement dans la vie politique, on n'est jamais condamné parce que l'on parle franchement et qu'on s'exprime clairement.

M. Cotta : On vous attend au gouvernement ?

N. Sarkozy : Vous savez, il n'y a pas que lorsque l'on est aux affaires qu'on peut avoir un rôle dans la vie politique. Et finalement, la situation qui est la mienne ne présente pas que des désavantages. Je m'en aperçois chaque jour.

 

La Tribune Desfossés - 16 septembre 1996

La Tribune : La réforme fiscale annoncée par le Premier ministre vous donne-t-elle satisfaction ?

Nicolas Sarkozy : J'ai assez bataillé en faveur d'une réforme fiscale et d'une baisse d'impôts, pour ne pas mesurer aujourd'hui mon soutien à la réforme présentée par Alain Juppé. J'en approuve le principe, qui correspond aux souhaits que nous avions formulés. Le processus engagé me paraît déterminant pour l'avenir. Je ferai toutefois trois remarques. La première concerne l'ampleur de la baisse d'impôts envisagée. Je ne suis pas choqué que l'on commence par 25 milliards en 1997 car je suis bien conscient des impératifs qui pèsent sur les finances publiques. Il fallait faire un choix. Mais je crois qu'en revanche pour les deux ou trois prochaines années, on pourra et il faudra aller plus loin en termes d'allégements que les 75 milliards qui sont aujourd'hui prévus.

La Tribune : Seriez-vous favorable à la suppression de l’impôt sur le revenu ?

Nicolas Sarkozy : Qui oserait le promettre ? Ce ne serait pas sérieux. Je crois plutôt à l’adage : « Un bon impôt est un vieil impôt ». Bien au contraire, ma deuxième remarque concerne en effet l’exonération de 2 millions de contribuables à laquelle la réforme annoncée aboutit. Le rapport de la commission Ducamin, que j’avais installée en 1994, soulignait qu’il y a en France trop peu de contribuables acquittant l’impôt sur le revenu, et beaucoup moins que chez nos principaux partenaires. Il est vrai que le rapport La Martinière a modéré ce jugement du fait de la CSG et du RDS. Mais il reste qu’en France, moins de 15 millions de foyers payent cet impôt. Il était sans doute possible d’alléger le poids de l’impôt sans réduire aussi massivement le nombre de ceux qui l’acquittent. Nous l’avons fait en 1994 où, tout en réduisant l’impôt de 19 milliards de francs, nous avons réintroduit 200 000 contribuables dans le champ de l’impôt.

La Tribune : Mais vous n’aviez pas réduit ce qu’on appelle les « niches fiscales ». Approuvez-vous les initiatives du gouvernement à ce sujet ?

Nicolas Sarkozy : Je suis effectivement tout à fait favorable à l'effort pour supprimer certaines de ces « niches ». Il faut bien commencer par là si l’on veut réduire et simplifier l’impôt. Rien ne justifie, par exemple, la demi-part supplémentaire dont bénéficient les personnes seules ayant élevé un enfant, dans un système où le quotient familial compte autant. Je suis en revanche plus réservé sur la suppression de la déduction des intérêts d’emprunts alors que nous connaissons une crise de l’immobilier. Il faudrait au contraire réduire encore les droits de mutation à titre onéreux dont je vous rappelle qu’ils sont quatre fois plus élevés qu’en Allemagne et sept fois plus qu’en Grande-Bretagne.

La Tribune : Est-il justifié, selon vous, de relever le plafond qui limite l’abattement de 20 % dont bénéficient les non-salariés ?

Nicolas Sarkozy : Je ne peux pas être favorable à la suppression des « niches » et en approuver de nouvelles. Mieux vaudrait consacrer le coût de ce nouvel avantage, qui s'élève à plus de 700 millions, à la baisse des taux intermédiaires de l'impôt. De même, au lieu d'exonérer 2 millions de contribuables en relevant le seuil d’imposition, mieux vaudrait leur donner le même avantage en jouant sur le taux de TVA.

La Tribune : Dans la majorité, certains voudraient plutôt relever le taux de la TVA pour financer la sécurité sociale, afin que les produits importés prennent leur part du fardeau. Que leur répondez-vous ?

Nicolas Sarkozy : Je suis contre le mélange de genres. Comment maîtriser les dépenses de la sécurité sociale s’il suffit de relever chaque année le taux de la TVA d’un point pour financer les dérapages ? Et s’il s’agit d’instaurer une taxe à l’importation, a-t-on réfléchi au risque du choc en retour, de la part des pays qui nous exportent certes leurs produits mais qui importent aussi les nôtres ? Or je rappelle que la France exporte plus qu’elle n’importe. Mettre le doigt dans cet engrenage, c’est prendre le risque d’être emporté tout entier.

La Tribune : Que pensez-vous du transfert des cotisations maladie sur la CSG ?

Nicolas Sarkozy : Je comprends bien l'idée, qui relève d’une bonne inspiration, qui préside à ce choix. Il s’agit d’asseoir les recettes de l’assurance-maladie sur un spectre plus large que les seules cotisations des salariés. J’attire cependant l’attention et je mets en garde : le consentement à l’impôt repose sur sa transparence et sur sa compréhension. Je souhaite donc une architecture générale qui se répartirait ainsi : les cotisations seraient notre assurance contre la maladie ou la vieillesse ; la CSG compenserait, au titre de la solidarité, les cotisations de ceux qui ne peuvent pas les payer, avec la TVA et la TIPP, l’impôt au service du fonctionnement de l’État. Si on transfère une partie des cotisations sur la CSG, que devient la CSG ? Et que devient cette belle idée, qui distingue ce qui relève de l'assurance et ce qui relève de la solidarité ? J'ajoute que la simplicité doit présider à toute réforme fiscale, or on crée une double CSG, dont une partie est déductible du revenu imposable et l’autre partie ne l’est pas. Si l’on veut simplifier, il y a mieux à faire.

La Tribune : Dans quel état d'esprit abordez-vous le débat parlementaire sur la réforme fiscale ?

Nicolas Sarkozy : Comme un membre de la majorité qui approuve la direction retenue par le gouvernement mais qui a des convictions propres, j'apporterai ma contribution de façon constructive. Avec Edouard Balladur, nous avons démontré qu'il était possible de susciter un débat fiscal. Nous devons maintenant le conduire à terme. Le gouvernement est allé dans ce sens alors qu'il y a huit mois, beaucoup nous disaient que c'était impossible. Le débat fiscal commence. La réforme annoncée l'ouvre plutôt qu'elle ne le ferme. J'ai bien l'intention d'y participer pleinement.

La Tribune : La baisse d’impôts peut-elle avoir des effets positifs sur l’activité économique ?

Nicolas Sarkozy : J’en ai la conviction. Nous avions atteint un niveau intolérable. J’ajoute que, sans cette baisse d’impôts, les effets négatifs auraient été plus importants encore. Je conviens cependant que ce n’est pas parce qu’on baisse les impôts de 25 milliards que tout sera résolu, comme par un coup de baguette magique. On ne fait là que desserrer un des freins qui ralentissent l’activité. Il y en a d’autres.

La Tribune : Quel est votre diagnostic de la situation économique ?

Nicolas Sarkozy : On a longtemps entendu ceux qui, à la moindre brise, annoncent le retour de l'inflation. On voit maintenant se lever une autre école qui avec le même sens de la démesure, ne nous parle que de déflation en comparant la situation d'aujourd’hui à celle des années 30 même si dans certains secteurs les pressions à la baisse des prix sont incontestables. Je voudrais me situer dans une position médiane, non par goût mais par pragmatisme. Le pragmatisme est la valeur la plus utile et la plus pertinente pour conduire une politique économique. Prenez la question monétaire, pourquoi serait-elle sanctifiée ? Pourquoi ce débat serait-il tabou ? Je souhaite que les Français fassent l'effort de regarder attentivement ce qui se passe ailleurs. La démonstration est faite aujourd'hui que la politique monétaire peut contribuer fortement à la croissance d'une économie. Elle n'explique pas tout, mais elle a démontré son efficacité potentielle. Les États-Unis ont rarement été aussi prospères, grâce notamment à la politique remarquable pour eux, conduite par la Réserve fédérale depuis le début des années 90. Mon diagnostic est donc simple. La France connaît une croissance trop faible. Toutes les manettes doivent être actionnées dans le même sens : celui qui permettra de retrouver un taux de croissance dynamique. Avec la réduction d'impôts, la poursuite et, si possible, l'amplification de la baisse des taux d'intérêt se révéleront être des éléments décisifs.

La Tribune : Les taux d’intérêt ne sont-ils pas « historiquement bas » en France ?

Nicolas Sarkozy : Ils ont baissé de façon incontestable. Il convient de saluer cette performance. Mais le Président de la République lui-même, dans son message du 14 juillet, a regretté à juste raison qu'ils soient encore trop élevés en termes réels. La question d'un assouplissement raisonnable de notre politique monétaire en matière de taux d'intérêt à court terme se pose aujourd'hui. J'affirme que l'on peut s'interroger sur ce sujet tout en étant convaincu de l'impérieuse nécessité de la construction européenne, de l’utilité de la monnaie unique et de l'importance de la coopération franco-allemande. S'il en était besoin, je précise que je ne suis pas du tout de ceux qui pensent que la dévaluation d’une monnaie soit susceptible d'améliorer durablement la compétitivité d'une économie. À l'inverse, je suis, comme beaucoup, préoccupé par le niveau anormalement bas du dollar par rapport au couple franc-mark.

La Tribune : Regrettez-vous la politique monétaire suivie par la crise de 1993 ?

Nicolas Sarkozy : Non, car le gouvernement d’Edouard Balladur a pu, dans des conditions pourtant bien difficiles, retrouver assez rapidement le chemin de croissance. Celle-ci aurait-elle été plus forte si les taux avaient baissé encore plus rapidement ? Chacun peut avoir sa conviction. La question n'est plus là aujourd'hui. La politique monétaire n'est pas une fin en soi. Elle est un moyen au service de la prospérité économique et de la création d'emplois, spécialement quand, par la double conjonction de la compétition internationale et du niveau du chômage, il n'y a pas de risque d’inflation.

La Tribune : Jusqu’où faut-il aller, selon vous, dans la réduction de la dépense publique ?

Nicolas Sarkozy : Après la baisse des impôts et des taux d'intérêt, la diminution des dépenses publiques est effectivement la troisième priorité. C'est cette politique économique, cette voie médiane, qui permettra de réduire les déficits. Car il n'y aura pas de réduction des déficits s'il n'y a pas de retour à la croissance. J'approuve la décision de ne pas remplacer tous les fonctionnaires qui partent en retraite. Je préfère le nouveau cadrage du contrat initiative-emploi au schéma initial. On ne pouvait pas continuer comme cela. Et je suis prêt à soutenir de nouveaux efforts d'économies.

La Tribune : Approuvez-vous la revalorisation des traitements des fonctionnaires qui se profile ?

Nicolas Sarkozy : Il n'est pas interdit d'être habile, lors d'une rentrée sociale qu'on annonce agitée. Tout est question ensuite d'application et de mesure. Je jugerai quand nous aurons des chiffres. Mais on ne peut pas réduire les effectifs des fonctionnaires et donner le sentiment que les traitements sont gelés pour plusieurs années.

La Tribune : Êtes-vous favorable à la création des fonds de pension ?

Nicolas Sarkozy : Je suis tout à fait favorable aux fonds de pension. Ils peuvent permettre d'apporter un complément aux régimes de retraite obligatoire. En outre, on ne peut pas passer son temps à dire aux Français que la retraite par répartition ne permettra pas d'assurer le financement des retraites sans trouver les voies et moyens pour solutionner ce gigantesque problème. Les fonds de pension seront la troisième voie de financement des retraites, après la sécurité sociale et les régimes complémentaires Agirc et Arrco. En outre, la création des fonds de pension fera le plus grand bien au marché boursier français, donc à nos entreprises qui y trouveront les fonds propres dont elles ont besoin. S'il y a création des ronds de pension, il faut un avantage fiscal à l'entrée plutôt qu'à la sortie. Bien entendu, dans cette hypothèse, l'utilité d'un régime fiscal préférentiel pour l'assurance vie se justifie moins, voire plus du tout.

La Tribune : Que pensez-vous des projets du gouvernement concernant la réforme du RMI ?

Nicolas Sarkozy : Nous devons avoir le courage de dire à nos compatriotes que les prestations de solidarité doivent être réservées à ceux qui en ont besoin. De ce point de vue, force est de reconnaître qu'il y a eu des dérives s'agissant de l'octroi du RMI. J'ajoute que l'on peut difficilement réclamer une politique en faveur de la famille quand cela arrange et la refuser quand il s'agit de mettre chacun devant ses responsabilités, très clairement l'obligation alimentaire familiale ne me choque pas lorsqu'il s'agit de ramilles aisées.