Texte intégral
Jean Arthuis
Mesdames, Messieurs, je voudrais vous dire combien je suis heureux, avec Alain Lamassoure, de vous retrouver au lendemain des vacances. J'espère que vous avez pu en profiter, c'est visible. Nous avions un premier point de presse de rentrée qui était prévu hier matin, et puis les circonstances m'ont encouragé à le déplacer de 24 heures, c'est ce qui nous vaut cette rencontre matinale un vendredi matin.
Bien sûr, comme le Premier ministre l'a souhaité hier soir dans son intervention télévisée, Alain Lamassoure et moi-même allons répondre à vos questions sur les modalités de cette grande réforme de l'impôt sur le revenu. Enfin la réforme attendue.
Très brièvement, en propos liminaires, je vais faire le point sur la situation de l'économie française et les perspectives macro-économiques, vous dire quelle est l'hypothèse de croissance que je retiens pour 1997, et puis un rappel très bref de la philosophie de la réforme et Alain Lamassoure vous indiquera très précisément quelles sont les modalités – on ne peut pas oublier les avantages qui, dans cette période de cinq ans, vont être remis en cause.
D'abord, sur les perspectives de l'économie française. Nous avons connu un premier semestre qui a été marqué par une croissance positive, sans doute inférieure à ce que nous attendions, un semestre à la vérité en apparence contrasté. Nous avons eu un premier trimestre encourageant, les données se sont révélées supérieures à ce que l'on attendait – plus 1,1 de croissance – et voici que nous prenons connaissance de la croissance du second trimestre, avec un moins 0,4, qui suscite des interrogations.
Je voudrais vous demander de prendre en considération la tendance, le semestre, et ne pas vous laisser impressionner par les données trimestrielles. Nous sommes en quelque sorte victime des méthodes statistiques. Vous savez que le premier trimestre a connu, par rapport aux trois années antérieures et aux trois années à venir une journée supplémentaire, et donc, ceci a suscité un surcroît de croissance. En revanche, le deuxième trimestre a connu, le 1er et le 8 mai, ce qui n'est pas nouveau, mais le 1er et le 8 mai sont intervenus en milieu de semaine, et ceci a pesé naturellement sur le rythme d'activité et sur la croissance.
Il faut donc retenir une progression de plus 0,7 pour le premier semestre, et non pas nous laisser impressionner par les données trimestrielles. C'est dans ces conditions que l'on peut considérer que la croissance française, au premier semestre, est sur la même tendance et sur le même niveau que la croissance allemande. On a pris connaissance des données de croissance en Allemagne : le premier trimestre était décevant alors que le second est apparu plus tonique, mais le niveau global est le même en Allemagne et en France.
Tout laisse à penser que le second semestre doit consolider la tendance du premier en ce qu'elle a de positif (0,7 %) et je crois donc que, dans ces conditions, nous serons en mesure de respecter au plan budgétaire notre engagement de tenir le déficit au maximum à 4 % du produit intérieur brut. J'affirme aujourd'hui, que les conditions seront réunies d'ici la fin de l'année pour que cet objectif soit tenu.
Pour ce qui est de la conjoncture, d'abord, la consommation des ménages a été bonne au premier semestre, + 3 % des produits manufacturés, les immatriculations de voitures restent à un rythme soutenu, + 16 % enregistrés depuis le début de l'année. Les dernières enquêtes de l'INSEE confirment que les entreprises anticipent une amélioration de leurs perspectives de production. Enfin, j'indique que nous avons des indicateurs très prometteurs en matière de logement et en matière de construction. Chez nos principaux partenaires, la situation s'améliore et donc cette convergence doit consolider notre situation.
Les évolutions restantes de l'activité ne peuvent que renforcer la résolution du gouvernement à tenir le cap de sa politique de maîtrise des dépenses publiques. Nous en avons fait la démonstration en 1995, nous avons tenu le déficit à 5 % du PIB, nous allons tenir notre objectif de 4 % en 1996 et en dépit des cotisations de protection sociale qui se sont avérées inférieures aux prévisions, mais je l'affirme, nous tiendrons l'objectif de 4 % en 1996.
S'agissant de 1997, nous avons obtenu un résultat qui est sans précédent. Le niveau des dépenses, qui apparaîtra dans le projet de loi de finances initial pour 1997, sera celui des dépenses 1996. Autrement dit, il y a reconduction des dépenses, en francs courants, c'est sans précédent.
Il y a, par ailleurs, d'importantes réformes structurelles engagées en matière de financement et de la protection sociale, en matière de maîtrise des dépenses, et c'est dans ces conditions que nous tiendrons l'objectif du 3 %. Cette stratégie ne peut que conforter le retour de la croissance et l'amélioration des anticipations. Au plan monétaire, nous avons une détente des conditions des taux d'intérêt et l'allégement, et la réforme des prélèvements obligatoires vont également dans le sens de cette consolidation des bonnes anticipations.
Je voudrais enfin préciser qu'en matière d'emplois, nous avons considérablement allégé les charges qui pèsent sur le travail, en particulier sur les salaires les plus modestes, et que dans ces conditions, on obtient une création nette d'emplois à un niveau de croissance de l'ordre de 1,5 %, alors que dans les années 1980, en deçà de 25 % de croissance, on ne pouvait obtenir de créations nettes d'emplois. À cet égard, je voudrais dire qu'on a accrédité l'idée que les suppléments de prélèvements obligatoires en 1995 se seraient élevés à 120 milliards ; je veux récuser cette information : c'est 80 milliards nets et non 120 qu'il faut prendre en considération, car il y a eu une quarantaine de milliards d'allégement de contributions.
Je rappellerai enfin que le choix qui a été fait, notamment en matière de TVA, a été en faveur de l'emploi. Le constat a été dressé que les entreprises françaises, en particulier les entreprises qui emploient une main-d'œuvre nombreuse, se trouvent confrontées à une concurrence internationale, à la globalisation de l'économie, et que pour résister à cette délocalisation d'emplois, il est important d'alléger le coût du travail. Les produits importés subissent la TVA au niveau des productions françaises, dès lors qu'il s'agit de consommation sur notre territoire, et c'est ce surcroît de ressources qui a permis de financer des allégements de charges sociales sur les emplois rémunérés au niveau du Smic et dans une proportion de 50 % au-dessus du Smic.
Enfin, nous avons eu à faire face au financement d'importants déficits accumulés de protection sociale. Voilà les précisions que je voulais apporter sur les décisions prises par notre gouvernement pendant l'année 1995.
S'agissant de 1997 et de la préparation du budget, je vous ai dit que l'objectif de 3 % serait respecté. L'hypothèse de croissance que j'ai retenue est de 2,3 %. C'est sur cette base que nous avons préparé le projet de loi de finances pour 1997. Il s'agit d'une hypothèse prudente, qui se situe délibérément dans le bas de fourchette de prévisions de 2,25 à 2,5 que j'ai annoncée, il y a deux semaines. Cette hypothèse de 2,3 est voisine du consensus actuel des prévisions, elle est cohérente avec la prévision de croissance en République fédérale d'Allemagne, qui situe entre 2 et 2,5 %. Nous ne manquerons pas, bien sûr, au moment de la présentation du projet de loi de finances, de vous communiquer l'ensemble des données macro-économiques sur lesquelles notre projet de loi de finances sera adossé.
Je voudrais maintenant, très brièvement, revenir sur la réforme de l'impôt sur le revenu, et me réjouir de l'aboutissement de ce projet. Je crois qu'il ne faut pas hésiter à dire que c'est la grande réforme tant attendue de l'impôt sur le revenu. Cet impôt était trop lourd pour ceux qui avaient à l'acquitter. Cet impôt était devenu trop compliqué, et la législation devenait peu lisible, et certains ne manquaient pas de souligner qu'il devenait démotivant – démotivant pour ceux qui travaillent, pour ceux qui entreprennent, qui assument des risques, qu'il s'agisse des salariés, qu'il s'agisse des travailleurs indépendants, des agriculteurs, des artisans, des commerçants, des professions libérales, des industriels, bref, tous ceux qui participent à la production intérieure nationale. Les revenus du travail subissaient un impôt excessif, un impôt qui pénalisait l'emploi et qui pénalisait la croissance.
Voilà donc une décision majeure, un impact budgétaire significatif, dès 1997, allégement de 25 milliards, sur une période de cinq ans, l'allégement sera de 75 milliards, c'est-à-dire le quart du produit actuel de l'impôt sur le revenu. Ceci nous permet de proposer un barème, dont vous avez le détail dans le dossier qui vous a été remis.
L'ensemble des revenus d'activité vont pouvoir bénéficier de ces allégements. Je voudrais dire qu'il y a un effort particulier en faveur des familles, en faveur des ménages les plus modestes. Le nouveau barème comporte un net élargissement de la tranche à taux zéro ; la tranche à taux zéro, aujourd'hui, va de 0 revenu à 22 610 francs. Au terme des cinq années, cette première tranche sera à 40 190 francs. Il y a en faveur des familles et des revenus modestes, la suppression de la décote – peut-être faut-il revenir un tout petit instant sur ce mécanisme de décote – qui a été mis en place pour éviter la brutalité de l'entrée dans la cotisation. La règle aujourd'hui est que, pour ceux dont l'impôt est inférieur à 4 320 francs, pour ceux-là, il y a une entrée progressive. On retranche de 4 320 francs le montant de l'impôt qui est dû. Imaginez que votre impôt soit de 4 000 francs, pour calculer la décote, vous mettrez en évidence la différence entre 4 320 et 4 000 francs, c'est-à-dire 320 francs et vous déduirez 320 francs de votre impôt. Votre impôt étant de 4 000, vous soustrayez 320 francs, ça fait 3 680 francs. Si votre impôt est 2 500 francs, vous déduirez de votre impôt la différence entre 4 320 et 2 500 francs. C'est ce mécanisme-là qui va progressivement disparaître, pour laisser place à un élargissement de la tranche à taux zéro. Et la tranche à taux zéro privilégie le quotient familial. La décote était unique par foyer fiscal, et donc, quel que soit le nombre des personnes vivant au foyer, quel que soit le nombre d'enfants à charge, il y avait une seule décote. À partir du moment où la tranche à taux zéro se trouve substantiellement élargie, cet avantage est démultiplié en fonction du nombre de tranches, puisque le barème s'applique au revenu par tranche et non pas au revenu global du foyer.
Nous pourrons revenir sur cet aspect tout à l'heure si vous le souhaitez. Je voudrais, avant de donner la parole à Alain, souligner à quel point cette réforme est favorable à l'activité et à l'emploi. L'assiette de l'impôt sur le revenu étant très majoritairement composée de revenus d'activités, c'est naturellement à ceux-ci que profite l'allégement. En diminuant la taxation du travail, cette réforme constitue donc une forte incitation à la reprise de l'activité et à l'emploi. Il en est notamment ainsi aux deux extrémités du barème, pour les revenus les plus élevés, pour les revenus les plus faibles, mais vous verrez également dans les tableaux qui seront distribués que les revenus intermédiaires bénéficient eux aussi d'allégement très substantiels. On vous a donné quelques cas types de foyers fiscaux, pour des célibataires, pour des couples ayant ou non charge d'enfant, vous verrez que les avantages sont très significatifs.
Je crois pouvoir dire aussi que cette réforme va nous permettre de lutter plus efficacement contre les risques de délocalisation de certaines assiettes fiscales. Nous vivons à l'heure de la globalisation de l'économie, de la mondialisation, et il pourrait bien exister une sorte de compétition entre les États, et il pourrait bien y avoir des stratégies de vagabondage fiscal qui permettraient à certains d'aller se faire imposer ailleurs, au motif que la fiscalité y serait plus accueillante. D'une certaine façon, ce nouveau barème est une lutte contre l'hypocrisie fiscale.
Enfin, en atténuant l'impôt au moment où on devient imposable, je crois qu'on réduit ce risque de laisser en place des trappes à chômage. Lorsque des personnes privées d'emploi s'interrogent sur l'avantage qu'elles pourraient tirer d'un emploi, à un niveau de salaire correspondant à peu près au Smic, cette hésitation-là ne peut pas être encouragée. En allégeant l'impôt au bas de l'échelle, nous faisons disparaître ces mécanismes de trappes à chômage.
Je crois que cette réforme nous donne les éléments pour renforcer la confiance, pour nourrir la croissance, pour créer de l'emploi et contribuer, bien sûr à la cohésion sociale. Il ne s'agit pas de considérer que l'on s'arrêtera là. Dans les deux semaines qui viennent, au moment où nous présenterons le projet pour 1997, c'est-à-dire le 18 septembre, lors de son approbation par le conseil des ministres, on verra sur cinq ans quelles sont les marges potentielles dont nous disposons, et en fonction de la croissance et des plus-values fiscales qui pourront en résulter, nous commencerons à résorber les suppléments d'impôts qui ont été mis en recouvrement en 1995, à titre transitoire, en matière de TVA, en matière d'impôts sur les sociétés. Il n'est pas douteux qui s'accomplit, ou qui a été entrepris là est tout à fait essentiel. C'est parce que nous avons pu réduire la dépense publique, c'est parce que nous avons pu préparer un budget qui s'inscrit bien dans la réforme de l'État qu'au fil des années, nous allons pouvoir aller plus loin et plus fort dans la réduction des prélèvements obligatoires.
L'impôt sur le revenu, c'est une réforme considérable. C'est pour nous une grande réforme, mais au-delà de l'impôt sur le revenu, il faudra garder à l'esprit la nécessité d'alléger les prélèvements obligatoires. C'est vrai en matière de TVA, c'est vrai en matière d'IS, parce que l'engagement a été pris par le gouvernement de revenir aux taux antérieurs dès que possible. Il faudra aussi se préoccuper de l'allégement des charges sociales, qui pèsent sur l'emploi, et le coût du travail, c'est une exigence de compétitivité.
Voilà. Alain, est-ce que tu veux bien prendre le relais ?
Alain Lamassoure
Très bien. Alors, je vais donc, si vous le voulez bien, prendre les principales mesures prises en compte dans la réforme de l'impôt sur le revenu pour dire d'abord que c'est une vraie et une grande réforme et qu'un débat s'est noué depuis quelque temps dans le milieu politique, et notamment au sein de la majorité, sur le point de savoir s'il fallait réduire l'impôt sur le revenu ou s'il fallait le réformer. Le gouvernement a choisi de faire les deux, c'est-à-dire de réduire l'impôt sur le revenu pour rendre du pouvoir d'achat aux Français, comme l'a dit le Premier ministre, mais en même temps d'engager une réforme profonde, qui est la plus importante depuis l'institution de la forme actuelle de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, c'est-à-dire depuis 1959. Et je voudrais donc souligner que c'est la réforme la plus importante depuis cette époque et, en outre, depuis la création de l'impôt sur le revenu, à ma connaissance, c'est-à-dire en 1917, à ma connaissance, jamais une réduction aussi forte n'avait été prévue, puisque comme l'a indiqué Jean Arthuis, et comme l'a indiqué le Premier ministre, au terme des cinq ans pendant lesquels la réforme va se mettre en place, l'impôt sur le revenu sera réduit d'un quart, son rendement sera réduit d'un quart.
Pour cela, nous avons donc prévu une baisse de l'ensemble des taux du barème, qui passeront de 0 %, avec une entrée dans le barème à 7 %, jusqu'à 47 %, alors que, comme vous le savez, à l'heure actuelle, nous allons de 12 à 56,8 %. Ceci rapprochera notre barème des barèmes des impôts comparables de nos principaux concurrents européens ou extra-européens.
Pour parvenir à ces taux, nous agissons de deux manières, l'une consistant purement et simplement à les baisser et donc à accepter une baisse du rendement fiscal, et l'autre consistant à supprimer, pour simplifier l'impôt, un certain nombre d'avantages spécifiques de réductions d'impôts, d'abattements, ce qu'on appelle plus familièrement des niches, dont les effets économiques ou sociaux étaient devenus de plus en plus douteux avec le temps, et qui nous permettent de dégager des sommes d'argent que nous pouvons réutiliser pour des baisses supplémentaires du barème.
En gros, ordre de grandeur, la baisse des taux correspond à 100 milliards de francs sur cinq ans, se répartissant en trois quarts de baisses de rendement – 75 milliards, c'est le chiffre annoncé par le Premier ministre, et un quart obtenu en supprimant ou en réduisant un certain nombre de niches.
Alors, prenons, si vous le voulez bien, ces diverses niches supprimées, le financement interne en quelque sorte de la réforme par suppression de dépenses fiscales. Il y en a plusieurs catégories : l'élargissement de l'assiette, le quotient familial, les réductions d'impôts. Et puis, je rappellerai rapidement quelles sont, par contre, les dépenses fiscales ou les niches qui demeurent.
Dans ce qui a été supprimé au titre de l'élargissement de l'assiette, il y a les déductions forfaitaires supplémentaires pour frais professionnels dont bénéficient 110 catégories de salariés, dont certaines éminentes, ici représentées, et dont d'autres ne jouent pas le même rôle dans la vie économique et sociale.
Deux précisions : cette suppression, qui à terme sera totale au bout des cinq ans, sera progressive. Elle s'engagera pour la première fois en 1998, s'appliquant aux revenus de 1997. Pourquoi ? Parce que cette déduction forfaitaire supplémentaire pour frais professionnels sera supprimée, mais sera maintenue une possibilité que n'utilisent guère les salariés en question, mais qu'ils pourront utiliser, s'ils le souhaitent, de manière importante, qui est la possibilité de déduire les frais réels qu'ils engagent pour leur activité professionnelle en fournissant les pièces justificatives, et notamment des factures. Et donc, c'est à partir des revenus 1997 imposés en 1998 que cet avantage sera progressivement supprimé, donc sur 4 ans.
Deuxième précision très importante : cette mesure ne s'appliquera qu'à l'impôt sur le revenu et elle n'aura pas d'incidence sur l'assiette des cotisations sociales. Donc, les cotisations sociales des salariés en question continueront d'être calculées sur la base du revenu imposable tel qu'il est calculé aujourd'hui, en tenant compte de la déduction supplémentaire pour frais professionnels. Donc, il n'y aura pas de conséquence sur les cotisations sociales, sur l'assiette des cotisations sociales, et ceci devrait favoriser les relations entre les salariés en question et leurs employeurs.
Deuxième rubrique de l'élargissement de l'assiette : un aménagement de l'abattement de 10 % sur les pensions. Vous savez qu'une des particularités de notre impôt sur le revenu c'est que tous les salariés bénéficient et continueront de bénéficier d'un abattement de 10 % sur le revenu imposable, pour tenir compte de manière forfaitaire des frais qu'ils engagent dans le cadre de leur activité professionnelle. Et, cet abattement de 10 % pour frais professionnels bénéficie également aux retraités, bien que ceux-ci, par définition, n'aient plus de frais professionnels. À l'heure actuelle, en 1996, cet abattement est plafonné à 28 000 francs, il est proposé de réduire ce plafond de manière à ce qu'il ne bénéficie qu'aux retraités les moins favorisés, et de le réduire progressivement jusqu'à 12 000 francs en l'an 2000.
En ce qui concerne maintenant l'abattement de 20 %, vous savez que les salariés ainsi qu'un certain nombre de professions dont les revenus sont déclarés par des tiers, je pense aux agents généraux d'assurance ou aux architectes, bénéficient d'un abattement de 20 %, qui a été institué aux origines de l'impôt sur le revenu en 1959, et qui se justifiait à l'époque par le fait que ces personnes bénéficiant d'un revenu déclaré par des tiers, qui eux-mêmes ont un intérêt fiscal à les déclarer au fisc, puisqu'ils peuvent déduire les revenus qu'ils versent de leur propre bénéfice ou revenu imposable, donc cet abattement tenait compte du fait que certaines professions voyaient leurs revenus mieux connus ou mieux contrôlés par le fisc que d'autres. Donc, on avait évalué à 20 % du revenu, d'une manière forfaitaire, l'avantage que cela représentait. Un débat a eu lieu au sein du gouvernement sur le point de savoir s'il fallait supprimer cet abattement, s'il fallait le généraliser aux 10 % de contribuables qui, à l'heure actuelle, n'en bénéficient pas – leur nombre a beaucoup baissé – pour ensuite le supprimer et l'introduire dans le barème en l'utilisant pour baisser davantage les tranches du barème. Finalement, sur ce point, il a été décidé de conserver le 20 % tel qu'il fonctionne à l'heure actuelle, avec toutefois un changement, c'est-à-dire que les exploitants individuels, les entrepreneurs individuels, donc membres de professions libérales, commerçants, artisans ou agriculteurs, qui sont membres d'un centre de gestion agréé, qui vérifient leur comptabilité, et qui de ce fait bénéficient d'un avantage comparable, mais d'un avantage qui était curieusement un petit peu moindre, en distinguant ceux qui avaient moins de 478 000 francs de bénéfices et ceux qui étaient compris entre 478 000 francs et 680 000 francs, désormais ceux-là, ces entrepreneurs individuels, donc adhérents des centres de gestion agréés, bénéficieront exactement du même plafond que les salariés, puisqu'ils se trouvent rigoureusement, du point de vue du contrôle, dans la même situation que les salariés, il est apparu qu'il n'y a pas de raison de ne pas, sur ce point, les assimiler aux salariés. Donc plafond commun à 680 000 francs.
Nous proposons également de supprimer une anomalie de notre impôt sur le revenu qui concerne l'imposition des indemnités de repos des femmes en congé de maternité. Par suite d'une anomalie, lorsqu'une femme fonctionnaire prend son congé de maternité, les indemnités qu'elle reçoit, qui remplacent son revenu d'activité, sont imposées à l'impôt sur le revenu, ce qui est normal, puisque c'est le remplacement, encore une fois, d'un revenu d'activité. En revanche, s'il s'agit d'une salariée du secteur privé, jusqu'à présent, ses indemnités échappaient à l'impôt et donc, il est proposé de leur appliquer l'impôt.
Autre mesure, le plafonnement de l'avantage fiscal procuré par la demi-part supplémentaire de quotient familial accordée aux personnes seules ayant élevé un enfant. En effet, les personnes seules, qu'elles soient célibataires, divorcées ou veuves, qui ont élevé un ou plusieurs enfants, bénéficient, pour le calcul de leur impôt, d'un quotient familial d'une part et demie au lieu d'une part, même quand leur enfant est devenu majeur. Il est proposé de ne pas toucher à cet avantage dans le cas des veufs ou des veuves et, en revanche, il est proposé de réduire le plafond, et donc de réduire cet avantage pour les autres personnes seules, c'est-à-dire célibataires ou divorcées ; ce plafond, qui est actuellement de 15 900 francs, et qui donc sera maintenu à ce niveau pour les veufs et veuves, serait réduit en 1996 à 13 000 francs, les années suivantes à 10 000 francs.
Au titre des réductions d'impôts, donc des autres niches relatives aux réductions d'impôts, est supprimée la réduction d'impôts pour intérêts d'emprunts. Pour l'ensemble des réductions d'impôts que je vais citer maintenant, la suppression sera étalée sur cinq ans et sera progressive. C'est le cas donc pour la réduction d'impôts pour intérêts d'emprunts, qui sera progressivement supprimée pour les contrats de prêts nouveaux, et c'est un point très important. Nous ne remettons pas en cause les contrats de prêts en cours, et donc les personnes qui ont conclu des prêts pour acquisition de logement, y compris au début de 1996 pourront bénéficier des réductions d'impôts sur les intérêts de ces prêts pendant les cinq ans qui viennent. En revanche, pour l'avenir ce système est supprimé, étant donné que les constructeurs de logements, ceux qui font des travaux d'aménagement ou de réparation dans leur logement, bénéficieront d'autres types d'avantages, ils bénéficient déjà du prêt à taux zéro et ils bénéficieront d'autres possibilités de réduction.
La réduction d'impôts pour investissements immobiliers locatifs, ce qu'on appelle le dispositif Quillès-Maihaignerie, ne sera pas renouvelé non plus, elle s'appliquera jusqu'au 31 décembre 1997 et on la supprimera par la suite puisque, comme vous le savez, depuis le DDOF, un autre système d'aide aux propriétaires bailleurs a été mis en place avec la possibilité pour eux d'appliquer un amortissement sur leur investissement immobilier.
En ce qui concerne l'assurance-vie, il est proposé d'achever la réforme engagée dans la loi de finances pour 1996 et visant à supprimer les avantages fiscaux à l'entrée dans l'assurance-vie, c'est-à-dire aux primes payées par les souscripteurs d'un contrat d'assurance-vie. Ceci s'appliquera pour les contrats nouveaux, pour l'essentiel, mais pour les contrats anciens les avantages antérieurs ne seront pas remis en question.
Sera supprimée également la réduction d'impôts accordée au titre des dépenses de scolarité des enfants à charge, cet avantage faisant double emploi avec les aides accordées au titre de la garde d'enfants à domicile ou l'allocation parentale d'éducation, en ce qui concerne les aides budgétaires, ou faisant double emploi avec l'amélioration de la situation fiscale des familles que contient la réforme de l'impôt sur le revenu, et à laquelle Jean Arthuis a fait allusion.
Enfin, je passe rapidement sur les quelques mesures moins importantes. Ne sera pas reconduit le dispositif de rachat d'une entreprise par ses salariés, ni la réduction d'impôts au titre des versements des fonds salariaux.
Donc voilà les principales niches qui seraient supprimées ou réduites. En revanche, seront maintenues un certain nombre de déductions du revenu global : je pense aux pensions alimentaires, pour des raisons évidentes, je pense à la retraite mutualiste du combattant, je pense aux abattements pour les personnes âgées de plus de 65 ans. Sur le quotient familial, il n'y a pas d'autres modifications proposées que celles que j'ai indiquées en ce qui concerne les personnes seules ayant élevé au moins un enfant majeur. Sur les réductions d'impôts sont maintenus les dons aux œuvres et cotisations aux organisations syndicales, les frais de garde extérieure au domicile, la rente de survie épargne-handicap, les frais d'emploi d'un salarié à domicile, les grosses réparations et dépenses de ravalement dans les logements, essentiellement, et le bénéfice d'un minimum de perception fixé à 200 francs.
Voilà donc les principales dispositions que contient cette réforme.
Les grosses réparations, d'ailleurs, vont être regroupées dans un module unique. Il s'agira des frais de réparation que le propriétaire peut engager. On recherchera une formule de grande simplicité pour sa mise en œuvre. Jusqu'à maintenant, il y avait un plafonnement, c'était sur une base de 30 000 francs de dépenses, on ira à 40 000 francs, et le taux qui était de 25 % sera ramené à 20 %. Il s'agit de privilégier l'activité du bâtiment, peut-être aussi de se donner les moyens de lutter plus efficacement contre les tentations de l'économie parallèle.
Juste un mot sur la création de fonds d'épargne-retraite. J'ai lancé la concertation, il y a une semaine, sur la base d'une proposition de loi émanant de plusieurs députés. La discussion, vous vous en souvenez, peut-être a été ouverte le 30 mai. Nous avons eu la discussion générale. Le gouvernement se proposait de déposer des amendements, et donc pour ouvrir une concertation, j'ai préparé un texte qui prend appui sur la proposition de loi et les amendements du gouvernement.
Il s'agit de permettre la constitution de plans d'épargne-retraite, qui devient un produit facultatif, à la discrétion des salariés comme des entreprises. Il ne s'agit pas de remettre en cause le socle qu'est la retraite par répartition, mais de donner la possibilité de constituer un supplément sous forme de pension. J'ai dit sous forme de pension, mais la concertation nous permettra d'entendre les souhaits qui pourraient être exprimés de sortir en capital. C'est la concertation qui nous permettra de statuer et d'aller au Parlement avec l'ensemble des avis des partenaires concernés. Il s'agit de fonds dédiés et les gestionnaires peuvent être des compagnies d'assurance, des banques, des organismes de prévoyance, des mutuelles. Bref, c'est un champ très largement ouvert. Peut-être aurai-je l'occasion de répondre à telle question que vous souhaiteriez poser à ce sujet.
Je crois que le mieux maintenant serait peut-être que nous répondions à vos questions.
Q. : Est-ce que vous maintenez la prévision de croissance de 1,3 %pour cette année ?
R. : Oui, je maintiens la prévision de croissance de 1,3 % pour cette année, et je confirme que cette année, le budget de l'État sera exécuté avec un déficit contenu à 288 milliards.
Q. : Est-ce qu'il va y avoir des… de l'État ?
R. : Nous n'en sommes pas là. Nous aviserons d'ici la fin de l'année, mais nous avons, en matière fiscale, des éléments contrastés. Il y a notamment un produit d'impôt sur les sociétés qui est plus consistant que nous ne l'avions prévu.
Q. : Comment vous… … % sur un déficit budgétaire de… ?
R. : Le déficit de l'État, je vous l'ai dit, sera contenu dans la prévision. Nous avons des indications encourageantes de la part des administrations locales et, en tout état de cause, le déficit de la Sécurité sociale agrégé avec l'ensemble des organismes de protection sociale, l'ensemble de ces éléments fera apparaître un besoin de financement des administrations publiques contenu dans une enveloppe de 4 % du produit intérieur brut.
Q. : …
R. : Je veux dire que les collectivités locales connaissent un équilibre satisfaisant.
Peut-être, pour compléter sur ce point, si tu permets. Comme l'indiquait Jean Arthuis, en ce qui concerne l'exécution du budget de l'État proprement dit, nous avons eu une bonne surprise en ce qui concerne les entrées de l'impôt sur les sociétés, notamment comparées aux rentrées assez décevantes de cet impôt de l'année dernière. Nous allons publier dans quelques jours, l'exécution du budget à la fin juillet, dans le cadre de la mensuelle de l'exécution budgétaire, qui montrera que nous sommes, à ce stade de l'année, à un déficit inférieur de 8 milliards de francs, au déficit enregistré à la même date l'année dernière, et ceci alors que des recettes importantes, qui l'année dernière avaient été comptabilisées au premier semestre, ne sont pas encore encaissées. Je pense notamment aux prélèvements sur la Caisse des dépôts. Nous avons également eu une bonne surprise sur les prélèvements qui représentent notre contribution au financement du budget européen, qui sont en baisse sensible du fait de la non-exécution d'une partie des dépenses du budget européen dans ce début d'année 1996.
En ce qui concerne la Sécurité sociale, par rapport aux prévisions du début d'année, il est clair que le régime général connaîtra un déficit supérieur. En revanche, l'UNEDIC connaît des excédents très importants et très supérieurs à ce que l'on envisageait au moment où a été élaboré… (fin de la face) … l'objectif de 4 % pourra être respecté dans l'exécution du budget 1996, et c'est naturellement très important pour nous, puisque nos capacités à tenir nos objectifs 96 sont importantes pour la crédibilité de nos objectifs 97. Nos objectifs 96 étaient crédibles parce que nous avons su tenir les déficits en 95 comme nous l'avions annoncé, nous avons continué pour la suite.
Q. : En ce qui concerne la fiscalisation des cotisations sociales, je voudrais savoir s'il y a un calendrier des échéances sur d'éventuels transferts suivant que l'objectif de 1,3 % … … et pourquoi le gouvernement n'est pas plus brutal … … ?
R. : Le gouvernement se garde de toute brutalité. C'est un principe fondamental. C'est un mouvement considérable qui s'accomplit. C'est une façon de donner corps au projet qu'a présenté le Premier ministre d'une cotisation universelle maladie, et d'éviter que seuls les revenus du travail soient soumis à cette contribution. Il faut néanmoins rester mesuré dans la mise en œuvre de ce processus, parce que pour certains revenus, toute démarche précipitée pourrait susciter des inquiétudes. Monsieur Barrot va tenir une conférence tout à l'heure, à 10 h 30 sur ces questions sociales. C'est une voie dans laquelle il faut avancer avec mesure, très progressivement.
Q. : S'il vous plaît, vu l'élargissement de l'assiette de la CSG, combien va être prélevé sur les revenus de placements, en plus ?
R. : L'élargissement de l'assiette de la CSG, l'élargissement à des revenus qui, jusqu'à maintenant n'y contribuaient pas, c'est vrai pour les revenus fonciers, c'est vrai pour les revenus de placements, pour les dividendes, le produit est de l'ordre de 7 milliards de francs. Mais ceci est la mise en œuvre d'une décision qui a été rendue publique le 15 novembre 1995. Ce n'est pas à proprement parler une novation.
Q. : Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment vous parvenez à 25 milliards de suppressions d'avantages fiscaux à l'échéance de la réforme, car si on additionne les différentes… que vous donnez sur les mesures, on a 16 milliards de … ?
R. : La suppression des niches sur les cinq ans génère un surcroît d'impôt de l'ordre de 20 milliards, et non pas 25. Vingt milliards.
Je voudrais, sur ce point particulier, préciser en outre que pour ceux qui sont aujourd'hui bénéficiaires de ces avantages spécifiques, pour ceux-là, du fait du barème, qui est révisé à la baisse très substantiellement, il n'y aura pas à l'issue de cette réforme de pénalisations. Ils seront parmi les bénéficiaires de cette réforme. Bien sûr, pas dans la même proportion, mais ils resteront eux aussi très largement bénéficiaires.
Q. : Je voudrais vous poser une question concernant les barèmes et les tranches de barèmes. Je vois dans le barème qu'on a une baisse très spectaculaire des taux, comme l'indiquent vos statistiques, mais il y a un truc un peu bizarre, c'est l'évolution des tranches. Je prends un exemple des tranches. Je prends un exemple : prenons quelqu'un qui gagne 120 000 francs par part fiscale. On va voir qu'il est autour de 35 % actuellement, il va passer à 33 % en 1997 et il va repasser à 35 % en 2001, c'est-à-dire que celui-là n'aura pas l'impression d'avoir économisé beaucoup d'impôts. Et en fait, ce qui est très bizarre, c'est que vous avez fait bouger les tranches en même temps que les taux. Je prends un autre exemple : la personne qui est imposée à 47 % en 2001, le sera à partir de 233 620 francs, ce qui correspond à la tranche à 48 % en 1997. Alors est-ce que vous pouvez nous expliquer comment, par quelles subtilités, pour avez fait bouger l'épaisseur des tranches en même temps que vous avez réduit le barème très fortement ?
R. : D'abord, ce qu'il faut, pour la bonne compréhension de tous les contribuables, c'est qu'on fasse sans doute un peu de pédagogie sur le calcul de l'impôt sur le revenu. Il m'est arrivé de rencontrer des personnes qui me disaient : « mais moi, je suis imposé à 35 %, parce que j'ai une fraction de mon revenu qui me fait entrer dans cette tranche ». Et d'autres qui me disaient : « mais ce n'est pas la peine que je travaille plus, parce que si je passe dans la tranche supérieure, c'est tout mon revenu qui va être imposé à ce niveau-là ». Donc, quel que soit le niveau du revenu, il faut prendre en considération les différentes marches de barème, et calculer globalement l'impôt mis en recouvrement. Il peut y avoir, en effet, optiquement, à la lecture du barème, des interrogations, mais nous vous ferons parvenir des courbes qui mettent en évidence, en fonction des revenus, le niveau de l'impôt, aujourd'hui sur le barème 1996, le niveau d'impôt tel qu'il résultera du barème 1997, sur les revenus 1996, et le niveau d'impôt sur le revenu 2000 mis en recouvrement en 2001, et vous constaterez qu'il y a une progressivité très régulière, et qu'il n'y a pas ce sursaut que vous redoutez à la lecture du barème.
Il faut bien comprendre la logique du barème progressif. C'est un peu complexe. Dans le cas que vous citez, effectivement quelqu'un qui touche 120 000 francs aujourd'hui est assujetti à 35 %, comme taux maximum, comme taux marginal. L'année prochaine, il sera à 33 % comme taux marginal et in fine, il sera à 35 % comme taux marginal. Mais comme l'ensemble des taux en dessous aura baissé, la dernière année, en 2001, il paiera quand même beaucoup moins d'impôts qu'aujourd'hui. Il faut bien voir que quand vous êtes en haut, avec un taux maximum élevé, et qu'on baisse les tranches en dessous, vous bénéficiez de la baisse des tranches en dessous. Et même, à la limite, on peut très bien imaginer un contribuable qui reste à un taux maximum de 40 % inchangé pour lui au bout de cinq ans, mais dont l'impôt baisse considérablement si les autres tranches en dessous vont elles-mêmes baisser. Il faut bien comprendre cette logique du barème progressif.
Q. : J'aurais une deuxième question : qu'est-ce que c'est que l'excédent de la CADES qui… ?
R. : La CADES, vous avez des recettes qui sont un prélèvement, et puis en dépenses vous avez des remboursements d'emprunts. Dans le remboursement d'emprunt, vous avez de l'intérêt et du capital. Le capital n'entre pas dans le calcul des déficits. Voilà ce que ça veut dire.
Q. : Qu'est-ce que qui va se passer sur les taxes au niveau du prélèvement direct ?
R. : Nous n'avons pas l'intention de pratiquer des reprises d'avantages pour ce qui est – mais là, je ne veux pas anticiper sur notre prochain rendez-vous que nous aurons le 18 septembre. En matière de carburant, il s'agira de tenir compte de l'inflation ; ce ne sont pas des hausses à proprement parler, ce sont des ajustements.
Q. : … sur la fiscalité, vous avez parlé de l'élargissement de l'assiette, de 7 milliards au total. Mais comme les salariés vont globalement payer un peu moins… … qui va payer plus et combien ? Surtout, de combien va être la … ?
R. : Vous verrez tout à l'heure avec Monsieur Barrot, il y a deux prélèvements supplémentaires qui interviendront pour contribuer au financement de la protection sociale, c'est, d'une part la taxe sur les tabacs et, d'autre part, sur les alcools.
Q. : … intégralement ou… ?
R. : Non, les suppléments.
Q. : De combien ?
R. : Une somme élevée.
Q. : 10 % ?
R. : Non, non, ce ne perturbe pas l'équilibre des avantages. La logique, c'est pour le budget de protection sociale, c'est la santé qui est en cause et les deux lignes mises à contribution, c'est l'alcool et le tabac. Je pense qu'il y a une corrélation.
Q. : Et… ?
R. : Nous nous reverrons, Monsieur Millési, dans deux semaines. Ce matin, nous nous concentrons sur la réforme de l'impôt sur le revenu. Vous êtes déjà…
Q. : Il vaudrait peut-être mieux se concentrer sur les hausses de… ?
R. : Non, non. Je voudrais vraiment que nous puissions pratiquer une information aussi claire que possible, et éviter ce type d'interrogations un peu suspectes. En aucune façon, il ne s'agit de reprendre d'une main ce qu'on aura donné de l'autre. C'est une réforme sans précédent, c'est un effort qui va au-delà, me semble-t-il, de ce qui était attendu, alors, évitons des messages qui pourraient obscurcir cette bonne nouvelle, cette bonne nouvelle que la réforme ait pu enfin aboutir et que le gouvernement, dès la première année, mette au pot une contribution aussi importante – 25 milliards dès la première année !
Q. : Comment est-ce qu'on peut expliquer … … cette imposition importante… ?
R. : Encore une fois, Monsieur Best, nous avons rendez-vous dans quinze jours, le budget est un document très… non pas complexe, mais enfin dont le contenu est fait d'éléments très divers. Ce matin, ce que je puis vous dire, avec conviction et sans aucun doute, c'est que nous respecterons l'objectif de contenir nos déficits publics, les déficits des administrations publiques à 3 % du PIB.
Q. : Pour l'ensemble des déficits budgétaires, la limite sera bien de 245 milliards ?
R. : Nous avons eu un débat d'orientation budgétaire au printemps. Nous avons à prendre en considération un déficit avant allégement, et nous aurons un déficit après l'allégement de 25 milliards que nous venons de décider. Et globalement, nous serons à 3 %.
Q. : Autrement dit, c'est France Télécom qui finance la baisse d'impôt ?
R. : Ce que je puis vous dire, c'est que la soulte de France Télécom, dont chacun sait qu'elle est indissociable du mécanisme de versement des pensions aux anciens de France Télécom, la société anonyme France Télécom versera à l'État chaque année, au titre des charges de pensions, sa contribution en tant qu'employeur, restituera à l'État le prélèvement fait sur les salariés fonctionnaires de France Télécom, donc le budget de l'État aura une recette constituée par ce flux qui viendra de France Télécom, et versera aux retraités de France Télécom, ceux qui ont eu le statut d'agents publics, la pension auxquels ils ont droit. Mais comme subsistera un léger déséquilibre, autrement dit, il en coûtera plus à l'État de prendre en charge chaque année les pensions que France Télécom ne versera – France Télécom versera ce que verse un employeur dans un système concurrentiel – France Télécom s'oblige à verser à l'État un capital qui permet à l'État d'opérer un placement, générateur d'un revenu, et c'est ce revenu annuel qui viendra équilibrer le flux de ressources provenant de France Télécom et celui du versement des retraites. La position que nous avons prise consiste à inscrire dans un fonds dédié, et non pas dans le budget de l'État, le produit de cette soulte de France Télécom. Donc, le niveau du déficit du budget de l'État ne sera pas affecté.
Il se trouve qu'au regard des critères pris en compte par l'Union économique et monétaire, cette ressource a le caractère de prélèvement et qu'elle vient en déduction des besoins de financement des administrations publiques. Mais le budget 1997 s'inscrit dans une perspective quinquennale, qui vous sera présentée au moment de la présentation du projet de loi de finances pour 1997, et vous verrez quelle est l'option que nous prenons en matière de dépenses publiques, vous verrez que l'équilibre est assuré et qu'au-delà de 1997, nous tenons le déficit public, alors même qu'il n'y aura pas de ressources exceptionnelles France Télécom, nous le tenons à 3 % ou en deçà de 3 %.
Autrement dit – et je voudrais bien insister là-dessus, parce que certains d'entre vous, avec humour, l'autre jour, sur une grande chaîne de télévision, ont présenté l'opération de la soulte comme de la prestidigitation, en montrant d'ailleurs un prestidigitateur et en disant : « le gouvernement a trouvé un système formidable pour gagner près de 40 milliards de francs ». Il n'y a pas de prestidigitation. L'origine de cette soulte a été expliquée par Jean Arthuis, personne d'ailleurs ne la conteste. À partir de ce moment-là, la question se pose de savoir ce que nous en faisons et comment nous le retraçons dans notre comptabilité. Et nous avons choisi la solution la plus orthodoxe, la moins critiquable, et nous attendons d'ailleurs, avec intérêt, les critiques qui pourraient nous être faites éventuellement au Parlement, tant du point de vue des règles de la comptabilité publique française que du point de vue des règles européennes. Et concrètement, en vertu des règles de la comptabilité publique française, ça ne sera pas comptabilisé comme une recette courante de l'État, et donc à la question que vous posez : est-ce que c'est la soulte qui vous sert à financer la baisse d'impôt, réponse : non. Parce que la soulte n'aura pas d'effet sur le déficit budgétaire de l'État. C'est important. Ce n'est pas l'argent de France Télécom que l'État distribue aux Français.
Q. : Monsieur Arthuis… un déficit avant allégement d'impôt et après allégement d'impôt…
R. : La présentation du budget de l'État se fait sur la base de règles répondant à une exigence de transparence. Il n'y aura pas inscription en recettes de l'État du produit de cette soulte, ceci est bien clair. Nous avons une obligation, c'est de tenir notre déficit public en deçà de 3 %. C'est vrai pour 1997. Et certains pourraient se dire : mais alors, que faites-vous-en 1998, lorsque vous n'aurez pas cette soulte de France Télécom ? Eh bien, je vous dis qu'en 1998, les dispositions sont prises pour que cette politique engagée pour tenir la dépense publique – il ne s'agit pas d'avoir, en 1996, une pression très vive pour présenter un budget dont le niveau des dépenses reste identique à celui de l'année précédente, en francs courants, il y a toute la réforme de l'État qui est engagée, et dont la conséquence doit être, effectivement, la réduction des dépenses publiques, en tout cas, une bonne maîtrise de la dépense publique.
Vous constaterez aussi que d'autres décisions qui sont prises, en matière de protection sociale. Les réformes résultant des ordonnances fin 1995, premier semestre 1996, ces réformes-là se mettent tout juste en place, et elles vont être complètement opérantes dans les mois qui viennent, et c'est donc en 1997/1998 que nous allons obtenir la pleine efficacité de ces mesures, et c'est tout cela qui contribuera à un équilibre des finances publiques, à un besoin de financement des administrations publiques inférieur à 3 % au-delà de 1997, sans la contribution exceptionnelle de cette soulte.
Q. : Est-ce que les contribuables mensualisés vont pouvoir ressentir cette… ?
Q. : Oui. D'abord, ils le ressentiront tous lorsque, pendant l'été 1997, seront notifiés les avis de recouvrement. Et pour que cet allégement de l'impôt sur le revenu soit perceptible dès les premiers versements, nous proposerons au Parlement d'alléger corrélativement les tiers provisionnels et les versements mensualisés.
Q. : Vous avez dit tout à l'heure…
R. : Non, je n'ai pas dit cela. Il s'agit d'étaler dans le temps, parce qu'il faut que chacun puisse bien tenir son budget. On en tient compte pour chaque versement mensuel ou chaque versement trimestriel, pour le constater également au moment où vient le paiement du solde.
Q. : Vous voulez vous engager sur cet impôt pour maintenir le déficit plus…
R. : Attendez. Il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté. À partir du moment… d'abord, nous ne devrons pas poser comme principe que le déficit est une bonne chose. Lors du débat de redressement budgétaire nous avons eu l'occasion de vous dire qu'il était urgent de faire déficit de fonctionnement et de commencer à rembourser nos emprunts. Nos engagements internationaux nous prescrivent également de ne pas envisager de repassera au-delà de 3 %. Il ne s'agit pas de dire : mais c'est seulement 3 %, c'est de tendre vers un déficit inférieur à 3 %.
Q. : Il y aura un calendrier de réduction de la dépense publique et un calendrier aussi dans la loi quinquennale ?
R. : Vous aurez une projection quinquennale qui fera apparaître ce que nous semble réaliste, qui fera apparaître également les contraintes et les exigences que nous devons respecter pour bien gérer les finances publiques.
Q. : Avec un objectif final sur le niveau des… ?
R. : L'objectif est de réduire les prélèvements obligatoires. Nous avons un engagement de 75 milliards. Nous espérons bien aller au-delà, parce que vous verrez l'hypothèse de croissance que nous retiendrons pour cette projection quinquennale, mais cette hypothèse de croissance devra s'analyser comme le minimum de croissance. Si nous faisons des réformes, si nous allons avec détermination vers ces allégements des prélèvements obligatoires, c'est pour mieux mobiliser les forces vives du pays, et donc contribuer à la croissance, et je compte sur vous pour qu'on ne puisse pas dire : ils ne voient pas d'amélioration de leur croissance ; nous fixerons un minimum avec le ferme espoir que la croissance sera supérieure, qu'il en résultera des plus-values fiscales et qu'en conséquence, nous pourrons alléger corrélativement les prélèvements obligatoires.
Q. : Première question : je voudrais comprendre pourquoi vous ne touchez pas aux déductions fiscales concernant les DOM-TOM et les Quirin… Deuxième question concernant l'assurance-vie et l'épargne retraite, les fonds d'épargne retraite, je ne comprends pas pourquoi vous conservez les mécanismes fiscaux concernant l'assurance-vie alors que vous vous apprêtez à lancer les fonds d'épargne retraite, et troisième question, est-ce que Monsieur Peyrelevade sera toujours président du Crédit Lyonnais lundi ?
R. : Sur la loi Pons, elle vient à échéance en 2001. Sur les Quirin, le Parlement vient de se prononcer. Il n'est pas apparu opportun de remettre en cause une décision qui a été prise et complètement assumée il y a quelques moins. Sur l'épargne-retraite… Pardonnez-moi, voulez-vous reformuler votre question sur l'épargne-retraite ?
Q. : Concernant l'épargne-retraite, je ne comprenais pas pourquoi vous maintenez les avantages fiscaux sur l'assurance-vie… alors que vous allez lancer des plans d'épargne retraite qui, eux, n'en bénéficieront pas… d'assurance-vie mais les revenus ne sont pas imposables.
R. : Dans l'assurance-vie, vous avez un système dans lequel le versement annuel n'ouvrira plus droit à avantage.
Q. : …
R. : Attendez ! L'assurance-vie, pour l'instant, c'est quoi ? On contribue chaque année, et puis à l'issue du contrat on perçoit un capital. La contribution annuelle ne vient pas en déduction du revenu imposable chaque année, et corrélativement, puisqu'on n'a pas bénéficié d'avantages à l'entrée, on n'est pas imposé à la sortie. C'est bien clair ? Si vous optez pour un système d'épargne retraite, dans lequel, à l'entrée, votre effort est reconnu et l'on vous autorise à déduire de votre revenu imposable votre contribution, puisque vous avez bénéficié de cet avantage à l'entrée, à la sortie, la pension que vous percevez entre dans votre revenu imposable.
Q. : Comme n'importe quelle retraite.
R. : C'est clair ?
Q. : Reste le fait que l'assurance qui permet une sortie en rente est supprimée ?
R. : Oui, mais là, comme il n'y a pas eu d'avantage à l'entrée, il n'y a pas d'extravagance à ce qu'à la sortie, il n'y ait pas de pénalisation. Pour ce qui est du Crédit Lyonnais, votre interrogation m'étonne. L'État, actionnaire majoritaire a confié une mission au conseil d'administration du Crédit Lyonnais. Nous y travaillons régulièrement et je ne vois pas pour quel motif tel président, en particulier celui du Crédit Lyonnais, ne serait pas à l'œuvre ; au contraire, il y a un redressement qu'il faut consolider.
Q. : Pour compléter, en évoquant la réforme… ?
R. : Non, nous n'apportons pas de modifications. Nous allons voir si certaines pratiques ne peuvent pas être un peu mieux encadrées. Je pense, par exemple, aux avances qui peuvent être contractuellement consenties par des compagnies d'assurance. Il faut se demander si dans cette hypothèse, les fonds sont bien immobilisés. Mais en dehors de cela, le gouvernement n'a pas l'intention de remettre en cause le régime actuel.
Q. : Sur le Crédit Lyonnais, est-ce que le règlement du Crédit Lyonnais pèsera sur le budget ?
R. : Non. Mais attention. Je veux dire que cela ne pèse pas sur le déficit, sur les opérations en capital qui transitent par le compte d'affections spéciales. Il s'agit d'affecter des produits de privatisation à des opérations de recapitalisation.
Q. : Vous avez dit tout à l'heure que les organismes gestionnaires pouvaient être des compagnies d'assurance, des mutuelles… Vous avez donc l'intention de modifier la… qui a été distribué…
R. : Non. Vous avez peut-être lu un document qui était un document provisoire. Et j'ai lancé une consultation auprès de tous ces partenaires.
Q. : Compte tenu des réformes que vous avez annoncées aujourd'hui et de celles qui vont affecter les financements de… Est-ce qu'elles sont susceptibles d'évoluer ? … ?
R. : Pour ce qui est de l'État, nous aurons un allégement significatif des prélèvements obligatoires, d'autant que, vous le savez bien, pendant l'année 1996, notamment au premier semestre, des décisions ont été prises pour introduire un amortissement exceptionnel sur les investissements immobiliers locatifs, pour encourager l'investissement dans les entreprises, en accélérant l'amortissement des investissements, pour soutenir la consommation, pour permettre de renoncer à des placements qui bénéficient d'exonération, sous réserve d'affecter le produit des liquidations de plan d'épargne divers, ceci se traduit en 1997 par des allégements d'impôts assez substantiels. Globalement, c'est 13 à 14 milliards.
Q. : … ?
R. : Encore une fois, ce ne sont pas les mêmes personnes. Dans le cas de la Sécurité sociale, de la CSG, c'est-à-dire de l'extension de la CSG, elle s'applique à des revenus qui, jusqu'à maintenant, étaient exonérés. Et cette disposition est la conséquence d'une décision annoncée par le Premier ministre le 15 novembre, ce n'est pas une novation. Pour ce qui est du point de CSG supplémentaire déductible – et Monsieur Barrot, tout à l'heure, va vous en parler, c'est pour cela qu'il va falloir qu'on arrête, sinon vous n'auriez pas le temps d'aller chez Monsieur Barrot et d'être à l'heure chez lui – là encore, c'est une opération qui permet de mieux répartir la charge et, tout en demandant à chaque Français de verser 1 % sur ses revenus, de libérer corrélativement les salariés, qui étaient pratiquement les seuls à y contribuer jusque-là. Donc, c'est une mesure qui est inspirée par un souci d'équité. Nous avons les uns et les autres accès à des services de soins, à des services de santé, sans discrimination liée à nos situations sociales et à nos revenus, c'est donc une participation qui est le fait de l'ensemble des revenus de la communauté nationale.
Si vous le voulez bien, nous allons en rester là. Naturellement, d'autres questions seront posées dans les jours qui viennent.
Nous sommes à votre disposition et je vous remercie d'être venus ce matin.