Texte intégral
La réforme de l'État constitue l'un des grands projets que le président de la République a demandé au gouvernement de conduire. Avec la réforme de la défense, du système de protection sociale, de l'école et de la fiscalité, elle doit contribuer à modeler une France plus solidaire, plus unie et plus forte.
En France, l'État est le garant du pacte républicain. Ce pacte repose sur les valeurs essentielles qui fondent notre société et qui ont pour nom liberté, et notamment liberté d'initiative et d'entreprise ; égalité, et précisément égalité des chances et égalité d'accès aux services publics ; fraternité, enfin, face aux difficultés et aux drames de la vie.
Aujourd'hui, pour donner toute sa force à ce pacte républicain qui soude la nation française, il ne faut pas moins d'État qu'hier, il faut un État plus moderne, plus fort et plus efficace. C'est parce qu'en quelques années, la France et les Français ont beaucoup changé que l'État doit se réformer. Notre société et notre économie sont devenues de plus en plus complexes en s'ouvrant sur le monde. Le niveau de formation des Français s'est élevé et leurs modes de vie ont évolué très vite. Pour s'adapter à ces transformations, l'État, s'il veut continuer à jouer le rôle qui est le sien, doit lui aussi faire un profond effort de renouvellement. Il l'a certes déjà entrepris, ici et là, mais de façon encore insuffisante : il faut accélérer cet effort, le généraliser et l'amplifier.
Depuis un an, le gouvernement, dans son ensemble, a beaucoup écouté et consulté, à Paris et en province, des citoyens, des responsables associatifs, des élus, des syndicalistes, des chefs d'entreprise, des fonctionnaires. De ce dialogue, il ressort que l'État doit non seulement faire évoluer ses structures et procédures, mais surtout qu'il doit changer de « culture ». Il doit aller vers plus de transparence, il doit désormais privilégier la participation et la responsabilité pour améliorer la qualité des services rendus au citoyen, qui est l'objectif central de cette réforme. Pour ce faire, il ne saurait y avoir de rupture brutale. Il faut, au contraire, une action durable, continue et en profondeur, valorisant les forces de notre administration, notamment sa compétence et son intégrité, et agissant sur ses points les plus faibles : sa lenteur, son opacité et, parfois, son manque de disponibilité.
La réforme de l'État a ainsi pour ambition, de rénover profondément notre administration en la rendant plus simple, plus proche et plus moderne, c'est-à-dire adaptée à son temps.
* Une administration plus simple d'abord
Simplifier les relations entre les citoyens et l'administration et améliorer la qualité de ces relations est, en effet, une réelle nécessité. Le gouvernement va s'y employer avec détermination au travers de cinq grands chantiers.
1. Au cours de l'été, le Conseil des ministres délibérera sur un projet de loi d'amélioration des relations entre les administrations et le public qui permettra de diviser par deux le délai de réponse des administrations. Parallèlement, les textes supprimant ou simplifiant près de 200 procédures administratives seront élaborés. Avec plus de 4 000 régimes d'autorisations administratives préalables, notre pays ne fait pas assez confiance aux individus et aux entreprises. Il faut desserrer le carcan et libérer les initiatives : c'est l'objet de ce premier train de simplifications.
2. Supprimer ou simplifier les procédures est une chose, encore faut-il éviter d'en créer de nouvelles. C'est pourquoi, depuis le 1er janvier, une étude d'impact accompagne chaque projet de loi. Cette étude, qui est transmise au Parlement, a notamment pour objet de vérifier que le projet de loi ne va pas créer de nouvelles contraintes injustifiées pesant sur les administrations, les particuliers ou les entreprises. Parallèlement, la codification généralisée des textes applicables sera menée à bien dans un délai de cinq ans.
3. Les relations financières entre l'État et ses partenaires vont être profondément modernisées. Je citerai trois exemples :
- Nous allons d'abord entreprendre une importante simplification des dispositifs d'intervention financière de l'État en faveur des collectivités locales, des entreprises, des associations et des particuliers. Dans bien des cas, en effet, la superposition des procédures, la dispersion budgétaire, l'éclatement entre différentes administrations gestionnaires nuisent à la fois à la lisibilité des politiques publiques et à leur efficacité. Elles compliquent abusivement les services rendus par l'État.
- Autre exemple : les modalités de paiement des sommes dues à l'administration seront, elles aussi, simplifiées grâce au développement de l'usage de la carte bancaire dans les perceptions, les tribunaux, les universités, les hôpitaux.
- De même, une procédure sera expérimentée permettant à toute personne physique ou morale ayant une créance sur l'État, non contestée par ce dernier, d'être payée sans délai.
4. C'est, plus généralement, la qualité des services de l'administration qui fera l'objet d'engagements précis et affichés dans des « chartes de qualité ». Ces engagements concerneront notamment les délais de réponse. Cette démarche, déjà développée dans des entreprises publiques, comme EDF, et des organismes sociaux, est moins avancée dans les administrations de l'État. Elle sera mise en oeuvre, par exemple, dans les commissariats, pour l'enregistrement des plaintes, ou dans les préfectures pour la délivrance des titres.
5. Enfin, les pouvoirs du médiateur de la République seront considérablement élargis. Les Français pourront ainsi le saisir plus largement des difficultés qu'ils rencontrent dans leurs relations avec l'administration.
Toutes ces réformes constituent un ensemble ambitieux et cohérent et une avancée sans précédent des droits des citoyens à une administration plus simple, plus transparente et plus à l'écoute de leurs préoccupations. À terme, aussi rapproché que possible, elles doivent nous permettre d'écrire une véritable « charte du citoyen » qui énoncera solennellement ces droits nouveaux.
* Deuxième objectif : une administration plus proche
La décentralisation menée autour des années 80 a permis, en transférant des responsabilités de l'État vers les collectivités locales – communes, départements, régions – de rapprocher la prise de décision du citoyen. Mais il faut aujourd'hui aller plus loin ; le centre parisien de l'État est en situation de thrombose permanente. En cherchant à s'occuper de trop de choses, il est souvent conduit à mal décider et à perdre de vue l'essentiel de ce qui touche à la vie des Français.
Telle est la raison qui conduit le gouvernement à proposer d'accélérer fortement le mouvement de déconcentration, c'est-à-dire de mettre en place, au sein de l'État, une nouvelle organisation de la décision, et donc du pouvoir, plus proche des citoyens et plus simple.
Cinq réformes sont engagées à cette fin :
1. D'ici à la fin de 1998, la quasi-totalité des décisions individuelles concernant les particuliers ou les entreprises seront prises dans les préfectures.
2. Les préfets disposeront, à compter du 1er janvier prochain, au travers du fonds de réforme de l'État, de crédits leur permettant de mieux prévoir et surtout de réagir plus vite face aux problèmes spécifiques qui se posent dans chacun de leur département. Les problèmes des quartiers en difficulté, ceux du chômage, ceux qui résultent des catastrophes naturelles, ignorent, en effet, les subtilités des cloisonnements administratifs.
3. Nous allons lancer, dès janvier prochain, dans quelques départements de métropole et d'outre-mer, une expérience de réorganisation des services de l'État sur le territoire. Aujourd'hui, les services départementaux et régionaux de l'État correspondent trop à l'organisation des ministères à Paris, et pas assez aux besoins de la population sur le terrain.
4. Le dépassement des cloisonnements administratifs est aussi illustré par la création, dès cet automne, de « maisons de services publics » dans lesquelles on pourra trouver, à proximité de chez soi, une prise en charge de toutes les démarches administratives à accomplir. Les « maisons des services publics » seront créées en priorité dans les zones les plus menacées par la destruction du lien social : les banlieues et les régions rurales.
5. Enfin, tous les anciens élèves de l'École nationale d'administration exerceront, pendant deux ans au moins, au cours des six premières années de leur carrière, une responsabilité opérationnelle dans des administrations de terrain, afin de connaître la réalité concrète des problèmes. Cette mesure commencera à s'appliquer dès l'année prochaine.
Mais s'il faut ainsi décider moins à Paris, il faut aussi y décider mieux. La transformation de « l'État central », l'État parisien, constitue donc un volet déterminant de la réforme de l'État.
Quelle que soit la compétence des fonctionnaires qui y travaillent, les administrations centrales n'assurent pas toujours, aujourd'hui, dans les conditions d'efficacité satisfaisante leurs missions fondamentales : élaborer les politiques publiques, évaluer leurs résultats, assurer la tutelle des établissements et entreprises publics.
Il faut donc, pour améliorer la qualité de la décision publique, renforcer les capacités d'élaboration et d'évaluation des politiques publiques de l'État central. Celui-ci est en outre devenu trop lourd et trop complexe par le nombre excessif de ses directions d'administration centrale et de leurs effectifs parfois disproportionnés par rapport à ceux des services directement au contact des citoyens. Cette importante réforme sera, bien entendu, conduite en concertation avec les personnels et leurs organisations syndicales représentatives.
* Troisième objectif : une administration plus moderne et plus responsable
Si le principe d'autorité demeure inhérent à l'existence même de l'État, le principe de responsabilité doit être renforcé dans tous les domaines.
Il doit d'abord être à la base d'une profonde rénovation des relations entre l'État et les fonctionnaires qu'il emploie.
Les hommes et les femmes qui servent l'État sont sa vraie richesse. Ils attendent de lui plus d'écoute et plus de considération.
Ceci suppose d'abord une attention permanente aux conditions dans lesquelles travaillent les fonctionnaires. Je pense par exemple à la qualité des locaux administratifs. Contrairement à ce que tendraient à faire croire certains discours démagogiques, peu de fonctionnaires travaillent dans les palais nationaux : combien de tribunaux, de commissariats, de bureaux de préfectures, d'universités sont encore vétustes et inadaptés ? Nous devons donc poursuivre, avec patience et ténacité, un effort constant de mise à niveau.
S'agissant des relations sociales à l'intérieur de l'État, soyons clairs : le gouvernement n'a pas l'intention de remettre en cause le statut de la fonction publique. Nous en fêtons cette année le cinquantenaire ; il a démontré qu'il constituait, à condition qu'on sache en exploiter toutes les potentialités, un cadre moderne et, à bien des égards, irremplaçable pour organiser la carrière et fixer les droits et devoirs de ceux qui ont choisi la mission de servir l'État.
Cinq thèmes majeurs de réflexion sont, en fait, ressortis de la concertation approfondie qui a eu lieu avec les syndicats de la fonction publique et avec de nombreux agents de l'État à Paris, comme en province ; les métiers, la mobilité, la transparence, la participation, l'encadrement supérieur de l'État.
Sur ces cinq sujets majeurs, j'ai demandé au ministre chargé de la fonction publique de faire des propositions, dès l'automne, en liaison avec tous les intéressés, et en particulier, avec les organisations syndicales représentatives, afin de profondément rénover les pratiques existantes dans le respect des droits des fonctionnaires. Les hommes et les femmes qui servent l'État doivent ainsi se trouver au coeur de la réforme que nous entreprenons. Cette réforme se fera avec eux, elle est la leur.
Tels sont les grands objectifs et les principaux points d'application de la réforme de l'État que le gouvernement a engagée et qu'il a l'ambition de conduire au cours des prochaines années. Préparée dans la transparence et la concertation, mise en oeuvre de façon déterminée mais progressive, évaluée à chaque étape, la réforme de l'État va permettre de redonner aux Français l'État dont ils ont besoin : un État à la fois fort et proche, simple dans ses relations avec le public, un État qui écoute et qui comprend, avec qui on peut dialoguer et qui fournit rapidement un service de qualité. Le succès de la réforme de l'État devra être un succès pour tous les Français.