Image principale 1
Image principale 1
© Damien Meyer/AFP

Violences contre les enseignants : les recommandations du Sénat

Temps de lecture  3 minutes

Par : La Rédaction

Un rapport du Sénat dénonce l'aggravation de la violence dans les établissements scolaires. Les sénateurs formulent plusieurs propositions afin de protéger le personnel éducatif des menaces et agressions et "restaurer l’autorité de l’institution scolaire".

En juin 2023, le Sénat a lancé une mission de contrôle sur les menaces et agressions contre les enseignants, à la suite de l’assassinat du professeur Samuel Paty en 2020. Dans un rapport, rendu le 6 mars 2024, la commission d’enquête étudie les moyens de prévenir la violence dont sont victimes les membres du personnel éducatif.

Une hausse des contestations

La mission a constaté une violence généralisée dans les établissements scolaires, touchant à la fois le primaire et le secondaire. Les enseignants et le personnel administratif sont confrontés au quotidien à des marques d’irrespect, des insultes, des menaces, voire des agressions physiques. Dans le premier degré, ce sont plus de 222 000 enseignants qui ont été victimes d’atteintes à la personne ou aux biens au cours de l’année scolaire 2021-2022. 

Les rapporteurs dénoncent également une hausse des contestations de l'enseignement et de l'autorité du professeur, aussi bien de la part des élèves que des parents. Les valeurs de la République, telles que l’égalité entre les filles et les garçons, sont remises en cause. La laïcité, mal comprise, est rejetée par de plus en plus d'élèves, qui la voient comme une restriction et un principe opposé aux religions. Au sein du corps professoral, "un certain nombre de jeunes enseignants s'interrogent sur son utilité". 

Ces difficultés ne se limitent pas à certains établissements, mais touchent tous les territoires, aussi bien ruraux qu’urbains, favorisés ou populaires. Elles sont à l’origine de l’augmentation de l’autocensure chez les enseignants : 56% ont déclaré s’être déjà autocensurés dans le secondaire pour éviter d’éventuels incidents portant sur les questions religieuses en 2021 (contre 36% en 2018). 

Les membres du personnel éducatif se sentent souvent isolés et peu soutenus par leur hiérarchie. En 2021, seuls 54% des enseignants disent avoir reçu un soutien total de la part des personnels de direction.

38 recommandations pour protéger l’école et les enseignants

La commission d'enquête propose une série de recommandations pour faire face aux menaces et agressions dont sont victimes les membres du personnel éducatif :

  • défendre et promouvoir la laïcité au sein de l'institution scolaire, en recentrant notamment le contenu de l’enseignement moral et civique (EMC) sur les principes fondamentaux de l'école de la République ;
  • améliorer la formation des personnels pour faire face aux contestations d'enseignement et à la gestion des conflits ;
  • réaffirmer l'autorité de l'institution scolaire en créant, par exemple, une sanction pénale en cas de non-respect répété des règles de fonctionnement et de la vie collective des établissements ;
  • mettre fin au sentiment de "pas de vague" dénoncé par les enseignants par rapport à leur hiérarchie ;
  • assurer la sécurité des établissements scolaires et de leurs abords en généralisant des moyens d'alerte avec les commissariats ou les gendarmeries (bouton d’alerte, ligne directe…) ;
  • rendre les dispositifs administratif et policier de prévention plus efficaces avec l’octroi automatique de la protection fonctionnelle afin d’accompagner les agents victimes de violences et d’outrages (prise en charge des frais de justice, assistance juridique...) ;
  • fluidifier le parcours judiciaire pour les agents victimes, en permettant à l'administration de déposer plainte à la place d'un agent agressé.
  • Quelles sont les raisons de la crise de vocation du métier de professeur ?

    Alors, avant de répondre à votre question, permettez-moi de rappeler que les enseignants d’abord aiment leur métier, qu'ils s'y investissent, qu'ils l'ont choisi par amour de leur discipline, mais aussi par amour de la transmission de cette discipline, de cette matière.

    Et ça, c'est quand même à souligner, ça me semble vraiment important de le dire.

    Après, quand on parle de la question que vous me posez de cette crise de vocation, elle repose sur plusieurs facteurs explicatifs.

    Le premier, je crois, c'est d'abord le niveau qu’on demande aujourd'hui aux enseignants est très élevé.

    On demande un Bac + 5 depuis 2009.

    Et donc depuis 2009, on voit une baisse du nombre de candidats aux concours et notamment dans certaines matières qui sont aujourd'hui en vraie difficulté.

    Je pense aux mathématiques, capes de mathématiques, capes de lettres modernes, capes d'anglais par exemple, mais aussi le premier degré ou parfois, non seulement les postes ne sont pas pourvus, mais vous avez une sélectivité qui pose problème puisque dans certaines académies, dans le premier degré, vous avez un candidat, quasiment un candidat ou 1,1 candidat pour un poste.

    Donc là, on est obligé de quand même de sélectionner sinon il n'y a plus de concours, et puis, pour garder un certain niveau.

    Le résultat c'est que vous avez des postes vacants.

    Pour ces postes vacants on fait venir, on embauche des contractuels.

    Certains sont de très bons profs ou vont devenir de très bons profs.

    Pour d'autres, c'est plus difficile.

    Et les contractuels par définition sont plus ou moins bien formés.

    Donc ça pose des difficultés.

    Le deuxième point, et bien il concerne aussi, il touche aussi au premier point.

    Bac + 5, quand vous avez un capes de mathématiques à Bac + 5 ou un Bac + 5 en mathématiques, quand vous avez un niveau salarial que vous pouvez considérer légitimement comme pas assez élevé, et bien vous allez vers des professions qui sont bien plus rémunératrices.

    Ça, c'est un vrai problème.

    Troisième point, je crois, c'est l'image dégradée du métier et notamment cette image, je le pense sincèrement, renvoyée par la presse, par les faits divers.

    Et par définition la presse ne vous dit pas que, au quotidien, ça se passe très bien dans les écoles et qu'il se passe des choses formidables.

    Pourtant, c'est la réalité, quels que soient les territoires.

    Mais c'est sûr qu'elle va parler des difficultés, des difficultés que rencontrent les enseignants pour enseigner, des difficultés que rencontrent les élèves qui sont dans les établissements scolaires, notamment dans les espaces qu'on appelle des espaces de relégation sociale.

    Pour le dire autrement, dans les banlieues des grandes métropoles où vous avez des élèves qui à la fois rencontrent des difficultés mais qui aussi peuvent en poser.

    Et cette image de difficulté du métier peut aussi être un repoussoir pour des jeunes qui se disent « je ne vais pas aller passer cinq dix ans dans une banlieue difficile. »

    Dernier point le métier de professeur, il faut, je crois qu'il faut aussi l'avoir en tête, ce n'est pas faire ses 18 heures de cours quand on est un prof certifié, 19 avec l'heure supplémentaire obligatoire et rentrer chez soi.

    D'abord, il y a toute la présence au collège dans les tâches administratives que l'on demande de plus en plus aux professeurs dans les établissements et puis il y a toute la charge de travail, la charge de travail à la maison.

    Et puis avec les interfaces, aujourd'hui, les ENT comme on dit, les outils numériques qui nous permettent de discuter avec les parents et de répondre surtout aux parents et aux élèves.

    Et bien finalement, on a quand même ce travail-là, on a cette charge mentale permanente.

    Donc voilà, selon moi, les quatre raisons principales de la désaffection relative, mais qui existe, du métier d'enseignant.

  • Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les enseignants ?

    Aujourd'hui, les problèmes rencontrés par les enseignants sont multiples, et notamment, un que je pense, nous sous-estimons d'une manière générale qui est le problème disciplinaire.

    C'est-à-dire que vous avez des élèves plus remuants que d'autres qui, pour des raisons sociales notamment, sont plus en difficulté, même dans les relations sociales.

    C'est très difficile à gérer.

    Le rôle de l'enseignant n'est pas d'exclure de la classe.

    Il faut inclure les élèves.

    Mais c'est très difficile parfois de garder certains élèves qui posent d'énormes problèmes.

    Et nous n'avons pas de structures aujourd'hui adaptées ou de procédés ou de processus adaptés pour faire face à ces difficultés.

    Donc ça, c'est une première difficulté du quotidien.

    Deuxième point, il y a aussi, depuis maintenant peut-être une vingtaine d'années, un phénomène qui monte, qui est la remise en cause de l'enseignement.

    On en a vu l'acmé, on va dire, avec l'assassinat le terrible assassinat de Samuel Paty, mais qui, je crois, est symptomatique d'une réalité qui est une réalité qui touche beaucoup de territoires où des élèves se permettent aujourd'hui, et parfois des parents se permettent aujourd'hui de remettre en cause ce que dit le professeur et derrière le professeur, ce que dit l'école de la République.

    Là, je crois qu'on a un problème, parce que la contestation n'est pas acceptable.

    Un élève en classe peut ne pas adhérer.

    D'ailleurs, l'école de la République ne demande pas l’adhésion à ce que l’on dit, mais il n'a pas le droit de contester ce que dit l'enseignant qui lui base son savoir sur la science.

    Parce que la science est démontrable et a priori acceptable par tous.

  • Comment a évolué le corps enseignant depuis les années 1990 ?

    Alors le corps enseignant est très divers.

    Mais ce que nous pouvons constater, je crois depuis depuis une vingtaine d'années maintenant, c'est une évolution importante de ce corps enseignant que l’on peut illustrer peut-être d'abord par la chute du taux de syndicalisation.

    On était à 45 % de professeurs syndiqués au début des années 1990.

    On est aujourd'hui à 30 % et je pense que ça, ça va encore diminuer puisqu'on en est à 18 % des professeurs de moins de 30 ans qui sont adhérents à un syndicat.

    Or, un syndicat, qu'est-ce que c'est ?

    C'est une association qui défend les intérêts communs des enseignants.

    Et donc il y a une espèce de déperdition, de perte, en tout cas du sentiment d'intérêt commun, d'intérêt général de la profession.

    Et au-delà de cela, ce que l'on peut constater, et c'est vrai, notamment dans les jeunes générations de professeurs qui rentrent dans le métier, c'est une conscience politique, citoyenne, moins importante que les générations précédentes.

    On devient aujourd'hui enseignant beaucoup parce qu'on aime sa discipline.

    Pas nécessairement en ayant conscience que on va faire ce que disait Ferdinand Buisson, c'est-à-dire faire des républicains.

    Ferdinand Buisson disait le rôle de la République, c'est de faire des républicains.

    Or, le rôle de l'école, c'est aussi c’est à elle qu’échoit ce rôle de faire des républicains.

    Et c'est ce que rappelle d'ailleurs l'article 111-1 du code de l'éducation : faire partager les valeurs de la République.

    Aujourd'hui vous avez, je crois, beaucoup d'enseignants qui se vivent comme des individus, alors peut-être que je généralise trop et pas nécessairement comme faisant partie d'un corps professionnel dont la mission est bien sûr la transmission des connaissances, mais aussi de construire le citoyen de demain.