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Affaires courantes : quel contrôle parlementaire des gouvernements démissionnaires ?

Temps de lecture  4 minutes

Par : La Rédaction

Estimant que les situations de gestion des affaires courantes pourraient se multiplier après les deux mois de maintien en fonctions du gouvernement Attal à l'été 2024 et une semaine après la censure du gouvernement Barnier, un rapport de l'Assemblée plaide pour un contrôle parlementaire renforcé de l'action des gouvernements démissionnaires.

Entre la démission du gouvernement Attal, remise le 8 juillet au Président, qui l'a acceptée le 16 juillet, et la nomination d'un nouveau gouvernement le 21 septembre, 67 jours se sont écoulés, une durée inédite, bien que la Constitution ne fixe pas "de durée maximale" de la période d'expédition des affaires courantes.

Une mission flash de l'Assemblée nationale, qui s'est constituée au sein de la commission des lois durant l'automne, a rendu, le 11 décembre 2024, son rapport d'information sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire.

La gestion des affaires courantes à l'été 2024

Un gouvernement "[perd] sa légitimité politique" de par l'acceptation de sa démission par le président de la République ou à la suite d'une motion de censure. Jusqu'à la nomination des membres d'un nouveau gouvernement, il est réputé gérer "les affaires courantes". Cette "notion jurisprudentielle et coutumière", non définie par la Constitution, relève d'un "usage républicain" ; elle désigne une restriction du champ d'action gouvernemental à la gestion de la continuité de l'État et des services publics.

Durant l'été 2024, la mission constate l'absence de "violation manifeste ou importante du périmètre des affaires courantes" et une "réelle retenue" du nombre d'actes édictés par le gouvernement démissionnaire :

  • 340 décrets, contre 774 durant la même période, en 2023 ;
  • 1 659 arrêtés, contre 2 540 pendant l'été 2023.

Que recouvre la notion d'affaires courantes ?

Parmi les affaires courantes on distingue :

  • les affaires ordinaires, qui "forment le flux quotidien des décisions de pure administration que traite le gouvernement" ;
  • les affaires urgentes, qui correspondent aux décisions devant être arbitrées sans délai, sous peine de "préjudice à la continuité des services publics ou aux intérêts de l'État".

Cependant, plus la période d'expédition des affaires courantes se prolonge, plus le champ des affaires courantes s'étend, "des affaires non ordinaires entrant progressivement dans le champ des affaires urgentes".

Quelques actes pris par le gouvernement démissionnaire relevaient des affaires urgentes et non des affaires ordinaires. L'édiction d'un certain nombre d'actes réglementaires a "suscité des doutes", note la mission. Inversement, certaines mesures ont dû être ajournées, notamment dans le cadre de la procédure budgétaire ou pour des projets de loi près d'aboutir. Mais, aucun acte n'a été suspendu ou annulé par le juge administratif, signe du respect d'un cadre fixé par le Conseil d'État et le Secrétariat général du gouvernement, dans deux notes de juillet 2024.

Cependant, le Parlement n'a pu siéger que quinze jours durant cette période, qui "détonne par la faiblesse du contrôle parlementaire". Et la mission s'interroge sur la légitimité d'un gouvernement en l'absence d'Assemblée nationale, "alors même qu'il ne peut pas être renversé".

Onze propositions de l'Assemblée pour contrôler les gouvernements démissionnaires

Selon le rapport, qui appelle à renouveler les relations entre Parlement et gouvernement démissionnaire, le contrôle du gouvernement en période d'affaires courantes doit aussi bien "passer par la mobilisation des outils de contrôle existants que par des évolutions institutionnelles". À cette fin, il formule onze propositions, notamment :

  • renforcer le contrôle de l'activité gouvernementale au sein des commissions permanentes ;
  • instaurer, sur le modèle de la loi de 1955 sur l'état d'urgence, une information du Parlement sur l'activité du gouvernement démissionnaire et prévoir un rapport du gouvernement à l'issue de cette période de gestion des affaires courantes ;
  • permettre le dépôt de questions écrites ;
  • prévoir la tenue de séances de questions au gouvernement ;
  • prévoir la réunion de plein droit du Parlement au terme d'une période de quinze jours d'affaires courantes ;
  • permettre au gouvernement démissionnaire de faire une déclaration suivie d'un débat et éventuellement d'un vote (article 50-1 de la Constitution).

Enfin, l'Assemblée plaide pour une révision constitutionnelle permettant d'"encadrer et de sécuriser la fonction législative du Parlement", en particulier si la période d'affaires courantes se prolonge.