Dans une décision du 28 mars 2025, l’Autorité de la concurrence considère qu'il y a eu abus de "position dominante" de la part de la marque Apple dans la mise en place du dispositif de ciblage publicitaire App Tracking Transparency (ATT) durant une période s’étendant d’avril 2021 à juillet 2023. Le dispositif élaboré par la firme américaine imposait aux entreprises tierces une procédure particulièrement complexe de recueil du consentement à l'exploitation des données personnelles.
Selon l'Autorité, la "non-neutralité" du dispositif pénalisait particulièrement les petits éditeurs, plus dépendants de "la collecte de données tierces pour financer leur activité".
Un préjudice pour les éditeurs d'application et les fournisseurs de services publicitaires
L’App Tracking Transparency répond en partie au règlement général sur la protection des données (RGPD) en demandant aux usagers, préalablement à l’installation d’une application sur un iPhone ou un iPad, leur consentement à la communication de leurs données personnelles.
Si l’Autorité considère que l’objectif "n’est pas critiquable en soi", elle juge les modalités de sa mise en œuvre "abusives au sens du droit de la concurrence" dans la mesure où ce dispositif rend le procédé plus complexe pour des applications tierces (double consentement requis) que pour ses propres applications, faussant ainsi la "neutralité" du dispositif.
Avant même la mise en place de ce dispositif, plusieurs acteurs de la publicité en ligne avaient saisi l’Autorité considérant que l’ATT causait "un préjudice économique certain aux éditeurs d’application et aux fournisseurs de services publicitaires". L’Autorité avait alors décidé de ne pas prendre de mesures conservatoires mais de poursuivre l’instruction sur le fond.
Une collaboration étroite avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)
Selon l'Autorité, le système mis en place par Apple "engendre une multiplication des fenêtres de recueil de consentement compliquant excessivement le parcours des utilisateurs d’applications tierces au sein de l’environnement iOS" ce qui d'ailleurs avait déjà été observé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) dans un avis de 2022.
Auparavant, la CNIL avait déjà sanctionné l’entreprise américaine pour avoir porté atteinte à l’article 82 de la loi informatique et libertés concernant la directive ePrivacy, la firme se dispensant du consentement des utilisateurs pour ses applications propres jusqu’à la mise en œuvre de l’iOS 15.
L’Autorité rappelle que la décision d’une sanction à l’encontre d’Apple s’appuie sur un travail de collaboration avec la CNIL. L'Autorité évoque les engagements pris par les deux institutions dans le cadre de leur déclaration conjointe signée en décembre 2023 "Concurrence et données personnelles : une ambition commune".
Au niveau européen, en septembre 2024, Apple a fait l'objet d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), pour avantages fiscaux, la condamnant à rembourser 13 milliards d'euros à l'Irlande. Dans un second arrêt du 10 septembre 2024, la CJUE condamnait aussi Google, un autre géant du numérique, pour "abus de position dominante".