L'affaire des viols de Mazan a mis en évidence une situation de soumission chimique. De tels faits ont été décrits cliniquement, en France, dès 1982.
Un rapport de la députée Sandrine Josso et de la sénatrice Véronique Guillotin, remis le 12 mai 2025, vise à quantifier la sous-estimation statistique très significative de ce mode opératoire se déroulant principalement dans les cercles amical ou familial à partir de médicaments détournés de leur usage.
Qu'est-ce que la soumission chimique ?
La soumission chimique est définie par l'article 222-30-1 du code pénal comme "le fait d'administrer à une personne, à son insu, une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle".
Cette définition ne prend pas en compte les situations de vulnérabilité chimique, consistant en une prise volontaire de substances psychoactives par la victime potentielle, qui fragilisent puis annihilent sa résistance. L'agresseur exploite alors l'altération de son discernement.
En 2022, sur 97 victimes de soumission chimique, 82,5% sont des femmes ayant entre 9 mois et 90 ans. La plupart du temps les auteurs sont des hommes.
Soumission chimique : une "estimation infinitésimale des situations"
Police et gendarmerie nationales ont enregistré :
- moins de 5 faits de soumission chimique en vue d'un viol ou d'une agression sexuelle en 2016 ;
- 327 faits de soumission chimique en vue d'un viol ou d'une agression sexuelle en 2024.
Même en augmentation, ces chiffres présentent une "estimation infinitésimale des situations".
Le rapport avance plusieurs explications à l'absence de chiffres plus élevés :
- le manque d'informations, tant chez les victimes que chez les professionnels susceptibles de le détecter ;
- le symptôme d'amnésie caractéristique de ce mode opératoire, privant la victime de tout souvenir ;
- la disparition rapide des drogues ou des médicaments administrés dans les sang et l'urine ;
- l'absence d'organisation sur l'ensemble du territoire de capacités de prélèvements biologiques 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ;
- la méconnaissance du caractère indispensable d'une analyse des résultats, dans des laboratoires de toxicologie agréés par des experts en mesure de comparaître devant une cour d'appel ou une cour d'assises ;
- l'assimilation des victimes à de "mauvaises victimes", du fait d'une description incomplète et fluctuante sous l'effet des substance nuisibles et du trouble de stress post-traumatique.
L'augmentation des cas s'explique par la multiplicité des drogues, leur facilité d'approvisionnement en ligne ou la multiplication des plateformes d'échanges entre agresseurs sur le dark web, accompagnée d'un sentiment d'impunité.
Vulnérabilité chimique : un phénomène ignoré
La vulnérabilité chimique désigne "l'état de fragilité d'une personne induit par la consommation volontaire de substances psychoactives la rendant plus vulnérable à un acte délictuel ou criminel". Les victimes de ce type d'agression, 90,5% de femmes, ont majoritairement consommé :
- de l'alcool (69%) ;
- du cannabis (21%).
Les symptômes sont similaires à ceux de la soumission chimique. Les femmes ne dénoncent pas les faits à cause :
- de la honte ou de la culpabilité ;
- de la peur de perdre la garde de leurs enfants.
L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) regroupe la soumission et la vulnérabilité chimiques sous le terme d'"agressions facilitées par les substances".