Après les événements de mars 2022 consécutifs à l’assassinat d’Yvan Colonna en prison, le "processus de Beauvau", à l’initiative du ministre de l’intérieur, avait débouché sur un accord de principe d’un statut d'autonomie de la Corse "au sein de la République". Un projet d'écriture constitutionnelle concernant ce statut avait d'ailleurs fait l’objet d’un large consensus au sein de l’Assemblée de Corse en mars 2024.
C'est dans ce contexte que la commission des lois de l'Assemblée nationale s'était saisie de ce sujet avant que ses travaux soient interrompus par la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024. Ce n'est donc qu'en décembre 2024 que la commission a repris ses travaux avant de remettre son rapport sur l'avenir institutionnel de la Corse le 28 mai 2025.
Plus récemment, le projet de loi constitutionnelle pour une Corse autonome au sein de la République a été présenté au Conseil des ministres du 30 juillet 2025. Ce texte sera discuté au Sénat durant l'automne 2025.
Un territoire aux particularismes marqués
Dans son rapport, la mission d'information de l'Assemblée nationale reconnaît les limites du statut actuel de collectivité unique de l'île, en vigueur depuis 2018, qui, bien qu'ayant doté la Corse de compétences élargies, "n’a pas permis de lever toutes les contraintes qui pèsent sur l’adaptation du droit positif aux réalités de l’île".
Une croissance démographique depuis les années 2010
Île montagneuse de 8 680 km2, la Corse compte, en janvier 2025, une population de 360 200 habitants dans un contexte de forte dynamique démographique depuis les années 2010 avec une croissance de 1% par an sur dix ans. Toutefois, cette dynamique repose exclusivement sur un solde migratoire positif qui compense un solde naturel déficitaire. Les pôles urbains d'Ajaccio et de Bastia regroupent 44% de la population de l'île.
La mission revient sur les particularismes de l'île qui peuvent plaider pour un statut d'autonomie :
- l’existence d’une culture régionale forte, notamment linguistique ;
- les spécificités territoriales, dont le caractère insulaire qui rend la Corse dépendante des liaisons maritimes avec le continent ;
- la discontinuité géographique de l’île, avec l’enclavement de certains territoires en zone montagneuse ;
- la pression immobilière et démographique, en particulier dans les deux pôles urbains Ajaccio et Bastia ;
- la part importante de résidences secondaires qui génère une pression foncière ;
- la complexité administrative liée à l’existence de deux départements, la Corse-du-Sud et la Haute-Corse, même si cette particularité permet de "conserver le lien de proximité avec les territoires".
La mission pointe également deux domaines sensibles :
- la gestion des ports et des aéroports (manque d'investissements, infrastructures insuffisantes, surcoût du fret et du transport passagers...) ;
- la gestion des déchets (absence de plan de prévention et de gestion, mauvaise connaissance des différents gisements de déchets, organisation quasi oligopolistique...).
Dans la perspective d'un statut d'autonomie pour la Corse, les rapporteurs soulignent leur volonté de voir le "processus de Beauvau" aboutir à un projet d'écriture constitutionnelle. Les rapporteurs préconisent la mise en place d'un "calendrier rapide" avec une présentation d'un projet de loi constitutionnelle en Conseil des ministres pendant l'été et un dépôt au Parlement ce qui pourrait permettre de réunir le Congrès à Versailles d'ici la fin de l'année 2025.
Un "statut d'autonomie au sein de la République" ?
Le projet de loi constitutionnelle pour une "Corse autonome au sein de la République" reprend ce projet d'écriture constitutionnelle. Il accorde un statut d’autonomie dans la République à la Corse, en relation avec ses spécificités et lui octroie des pouvoirs d'adaptation et d’édiction de normes. Il précise également les modalités de contrôle de ces pouvoirs et prévoit qu'une loi organique devra fixer les conditions dans lesquelles seront exercés ces nouveaux pouvoirs normatifs.
Le texte prévoit la création d'un nouvel article 72‑5 dans la Constitution de 1958. Ce nouvel article a pour objet de reconnaître formellement le statut d’autonomie à la Corse et ses particularités qui sont de nature à justifier que les normes applicables dans cette collectivité puissent être différentes du reste du territoire. Son premier alinéa dispose ainsi que "la Corse est dotée d’un statut d’autonomie au sein de la République, qui tient compte de ses intérêts propres, liés à son insularité méditerranéenne et à sa communauté historique, linguistique, culturelle, ayant développé un lien singulier à sa terre".