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Budget européen 2028-2034 : le cadre financier pluriannuel en sept questions

Temps de lecture  10 minutes

Par : La Rédaction

Le cadre financier pluriannuel (CFP) de l'Union européenne (UE) permet de traduire sur sept ans ses priorités budgétaires. Alors que la Commission européenne a présenté, le 16 juillet 2025, le budget 2028-2034 de l'UE dont le montant avoisine les 2 000 milliards d'euros, Vie publique fait le point sur le CFP en sept questions.

Le cadre financier pluriannuel (CFP) est le plan de dépenses traduisant les priorités financières de l'UE sur au moins cinq ans, dans la limite de ses ressources propres (article 312 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne [TFUE]).

Ce cadre, à la fois financier et politique, définit les dépenses et les montants disponibles pour les grands secteurs d'activité de l'UE.

Les CFP sont en général établis sur des périodes de sept ans. Le CFP 2021-2027 prévoit un montant de 1 074,3 milliards d'euros (Md€) en prix constants de 2018.

Une grande part de ce budget (93%) est consacrée aux dépenses d'investissement (politiques à destination des régions, des villes, des entreprises, des universités, des agriculteurs…).

L'UE présente ses dépenses sous forme de deux budgets :

  • le CFP (sur sept ans) qui "vise à assurer l'évolution ordonnée des dépenses de l'Union dans la limite de ses ressources propres" ;
  • le budget annuel (sur un an) qui garantit que les dépenses et les recettes annuelles de l'UE respectent le CFP.

Le budget de l'UE devant rester à l'équilibre, le CFP fixe un cadre aux budgets annuels sur une période de sept ans. Dans des conclusions de février 2025, le Conseil de l'UE souligne que le budget de l'UE pour 2026 "devrait être établi de manière prudente et laisser des marges suffisantes, sous les plafonds du cadre financier pluriannuel (CFP), pour faire face à des circonstances imprévues et relever les défis auxquels l'Union est confrontée".

Le CFP est adopté via un règlement. Le Conseil statue à l'unanimité, après approbation du Parlement européen.

Le Conseil et le Parlement européen partagent les compétences en matière budgétaire. Ils statuent sur le budget annuel conformément à une procédure législative spéciale. L'avant-projet de budget est présenté par la Commission au Parlement et au Conseil.

Les principales sources de recettes prises en compte par le CFP sont :

  • les contributions des États membres fondées sur leur revenu national brut (en moyenne 1% des richesses chaque année) ;
  • les ressources fondées sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ;
  • les droits de douane.

Ces ressources représentent 90% des recettes. Le reste provient d'excédents de recettes et d'amendes imposées aux entreprises contrevenant à la législation de l'UE.

Toutefois, le CFP 2021-2027 l'a montré, des ajustements peuvent être nécessaires en cours d'exécution.

L'UE a dû s'adapter aux crises survenues sur la période :

  • avec un plan de relance afin de faire face à la pandémie de Covid-19, Next Generation EU, doté de 750 Md€, financé entre autres par des emprunts communs ;
  • avec une enveloppe supplémentaire de 64,6 Md€ du CFP consacrée à la facilité pour l'Ukraine, à la gestion des frontières, aux technologies stratégiques, au soutien des États membres en cas de catastrophe naturelle.

Si le budget de l'UE ne lui permet pas d'avoir des dépenses supérieures à ses recettes, le financement via  des plans permet d'avoir recours à des emprunts.

Le Conseil rappelle, dans ses conclusions de début 2025, qu'il convient que la Commission européenne identifie, dans le projet de budget pour 2026, les redéploiements nécessaires pour financer les priorités du CFP 2021-2027 révisé. La Commission doit prendre en compte dans le projet de budget pour 2026 toutes ces priorités, y compris la migration.

L'ampleur des défis et des crises a nécessité une adaptation du CFP 2021-2027 à mi-parcours ainsi qu'un plan afin de faire face à une pandémie, poussant le budget européen dans ses limites, rappelle la Commission dans une communication du 11 février 2025.

Le prochain CFP devra prendre en compte les nouveaux enjeux d'un contexte géopolitique très difficile et le début du remboursement des emprunts de Next Generation EU, qui doivent débuter en 2028.

L'Europe doit rattraper son retard dans de nombreux domaines :

  • en 2023, les dépenses de recherche et développement représentent 2,22% (381 Md€) du produit intérieur brut (PIB) de l'UE (pour un objectif de 3%) ;
  • aucune entreprise européenne d'une capitalisation boursière supérieure à 1 000 Md€ n'a été créée au cours des 50 dernières années (contre six aux États-Unis) ;
  • entre 1999 et 2021, les dépenses combinées de défense de l'UE ont augmenté de 22%, contre 66% aux États-Unis, 289% en Russie et 579% en Chine ;
  • l'objectif d'investissements communs de 35% dans des projets européens de la base technologique et industrielle de défense (BITD) européenne, fixé il y a plus de 15 ans, est loin d'être atteint ;
  • cette coopération limitée au niveau des industries de défense nuit à la compétitivité des entreprises européennes, notamment du fait des duplications de projets ;
  • le financement de l'UE pour l'adaptation au changement climatique n'est pas pérennisé (les pertes sont estimées à 175 Md€, soit 1,4% du PIB européen, dans un scénario de réchauffement de 3°C)…

La mise en œuvre de l'actuel CFP fournit de nombreux enseignements. La flexibilité est essentielle afin de répondre aux crises. Or, cela est impossible dans le cas de fonds préprogrammés dès le départ, ce qui est le cas de 90% du CFP 2021-2027. Les crises depuis 2021 ont été gérées en réaffectant les fonds existants dans le cadre de procédures longues et complexes.

Les dépenses sont bloquées sur sept ans dans le CFP, ce qui signifie un décalage entre la conception de la politique et sa mise en œuvre.

Il existe plus de 50 programmes de dépenses dans le budget, sans compter les programmes hors budget. L'accès au financement de l'UE est entravé par la complexité de son budget. Par ailleurs, la mobilisation d'investissements privés est complexe et difficile dans le cadre du budget à long terme (transition verte, capital-risque…).

La Commission européenne s'appuie entre autres sur des conclusions de la Cour des comptes européenne (CCE) afin de dessiner les contours du futur CFP, qui doit répondre à des critères de performance, de simplification et de responsabilisation.

Si le CFP et le budget annuel contribuent à promouvoir des priorités telles que l'action climatique, la biodiversité ou l'égalité des sexes, des améliorations de la performance restent nécessaires. En ce qui concerne la responsabilisation, la CCE identifie comme facteurs d'amélioration une meilleure traçabilité des fonds de l'UE et une responsabilité renforcée.

Le nouveau CFP aura pour objectif le début du remboursement de Next Generation EU, la dette devant être remboursée à l'horizon 2058. Une modernisation du CFP est donc nécessaire et ne peut se faire sans de nouvelles ressources propres.

Dès 2020, le Parlement européen, le Conseil et la Commission se sont accordés sur une feuille de route afin d'introduire de nouvelles ressources (Accord interinstitutionnel entré en vigueur le 16 décembre 2020). Un paquet sur la prochaine génération de ressources propres a été présenté en 2021 et ajusté en 2023, plus tôt que prévu, qui comprend des propositions sur :

  • le système d'échange de quotas d'émission ;
  • le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ;
  • une ressource propre liée aux bénéfices du secteur des entreprises ;
  • une ressource propre fondée sur le premier pilier de l'accord OCDE-G20 sur un niveau minimal d'imposition pour les plus grandes entreprises, c'est-à-dire sur un système d'attribution des droits d'imposition des plus grandes multinationales aux juridictions où les bénéfices sont réalisés.

Dans ce contexte, la Commission appelle le Conseil à reprendre d'urgence les travaux sur la question des nouvelles ressources propres, conformément à l'accord interinstitutionnel de 2020 et à la déclaration de Budapest sur le nouveau pacte pour la compétitivité européenne.

La CCE a publié, le 16 juin 2025, une analyse de la communication du 11 février 2025 de la Commission européenne. Les pistes proposées par la CCE sur l'amélioration du CFP concernent :

  • sa simplification en matière de dépenses ;
  • sa flexibilité ;
  • la traçabilité totale de son financement ;
  • l'obligation de rendre compte de la totalité des dépenses, moyennant un audit externe indépendant.

La CCE demande qu'un mandat sans équivoque lui soit donné afin de procéder à l'audit et ainsi contrôler l'intégralité des dépenses relevant du prochain CFP. 

L'élaboration du prochain CFP s'appuie sur une analyse commune en vue de la proposition de la Commission :

  • consultation des parties prenantes aux niveaux politique et institutionnel (Parlement européen, Cour des comptes européenne, Comité des régions, Comité économique et social européen…) ;
  • dialogue continu avec les représentants des États membres ;
  • participation des citoyens, via une consultation publique sur le financement des priorités.

C'est dans ce cadre que la Commission européenne a présenté, le 16 juillet 2025, le prochain budget de l'UE 2028-2034 qui avoisine un montant de 2 000 Md€ soit "1,26% du revenu national brut moyen de l'UE entre 2028 et 2034".

 

Ce nouveau CFP a plusieurs particularités :

  • une plus grande flexibilité, octroyant une capacité d'action et de réaction rapide ;
  • des programmes financiers plus simples, rationnalisés et harmonisés ;
  • des plans de partenariat national et régional ayant un impact ciblé et regroupant entre autres la politique agricole et la politique de cohésion ;
  • une stimulation de la compétitivité afin de sécuriser les chaînes d'approvisionnement européennes et développer l'innovation ;
  • un paquet équilibré de nouvelles ressources propres, réduisant au minimum la pression sur les fiances publiques nationales.

La proposition fixe six priorités stratégiques, en s'appuyant entre autres sur les résultats de la consultation publique :

  • investir dans le capital humain, les États membres et les régions ;
  • promouvoir l'éducation, les droits sociaux et la démocratie ;
  • stimuler la prospérité grâce à la compétitivité, à la recherche et à l'innovation ;
  • protéger les personnes et renforcer la préparation et la résilience ;
  • protéger l'Europe ;
  • établir des partenariats pour une Europe plus forte sur la scène internationale.

La proposition de la Commission doit néanmoins encore être négociée avec le Parlement européen et le Conseil de l'UE avant son adoption finale et son entrée en vigueur en 2028.