Les enquêtes internationales administrées par l'Association internationale pour l'évaluation de la réussite éducative (International Association for the Evaluation of Educational Achievement, IEA) et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) n'ont cessé de s'étendre dans le monde depuis leur première apparition, dans les années 1960. L'accumulation successive de ces données a permis d'identifier les caractéristiques des systèmes éducatifs les plus performants dans l'amélioration des compétences des élèves en lecture, mathématiques et sciences, ainsi que de réduire les écarts de réussite en termes d'équité sociale. Sur la base de nombreux rapports, synthèses et recommandations, différents gouvernements utilisent ces résultats pour comparer l'efficacité de leur système éducatif dans la mise en œuvre des réformes.
Depuis, la première enquête du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) en 2000, la France se situe dans la moyenne de l'OCDE, avec de faibles variations d'un cycle à l'autre. Les résultats français font apparaître des difficultés récurrentes des élèves, notamment dans la compréhension et l'analyse des textes pour la lecture, les stratégies de résolution de problèmes en mathématiques, la créativité et la maîtrise des approches expérimentales en sciences. Cette situation contraste avec d'autres systèmes éducatifs comme ceux de Singapour, de la Chine (de Shanghai et de Pékin) et du Japon, ou encore du Canada (notamment l'Ontario), de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie (notamment l'État de Victoria) qui obtiennent de bons résultats. Au-delà de l'Australasie, certains pays européens comme la Finlande, ou l'Estonie, ont connu d'importants progrès. Comment expliquer ces réussites et ces différences entre pays mais aussi avec la France ?
Il n'y a pas d'explication unilatérale et sans équivoque. D'abord, les pays performants présentent des contextes historiques, culturels et politiques sensiblement différents. La France n'est pas Singapour, pas plus que son système éducatif n'est vraiment comparable à celui de la Finlande. Les bons résultats de l'ensemble des pays doivent aussi être jugés sur un temps long : celui des réformes structurelles et parfois consensuelles des gouvernements successifs. Malgré tout, certaines études comparatives soulignent des caractéristiques communes à ces systèmes éducatifs. Elles donnent à voir une adaptation des contenus scolaires, un développement de l'évaluation, des changements organisationnels et des pratiques collaboratives, et une refonte de la formation des enseignants.
Singapour ou l'innovation au centre du système éducatif
Du sous-développement à une politique des compétences du XXIe siècle
Singapour, ancienne colonie britannique, a acquis son indépendance en 1965. Peuplée d'environ quatre millions d'individus, la cité-État est progressivement sortie du sous-développement pour devenir une économie de la connaissance centrée sur les technologies numériques et l'innovation. Un effort important a été consacré à l'éducation par un gouvernement relativement stable et dirigiste. Pays d'immigration, avec un multiculturalisme ethnique, linguistique et culturel assumé, Singapour a abandonné progressivement sa politique centralisée tandis que son système éducatif faisait face à un taux d'échec et à un décrochage scolaires importants. En conséquence, le ministère de l'Éducation a mis en œuvre des programmes scolaires reconnaissant la diversité des rythmes d'apprentissage et des compétences des élèves tout en les formant aux soft skills (créativité, réflexivité, coopération, leadership). Les réformes successives ont donné plus d'autonomie qu'auparavant aux écoles primaires et secondaires tout en exigeant une amélioration des résultats. Le système de classement entre ces écoles a été progressivement abandonné pour donner priorité à la formation des enseignants, dans leurs pratiques pédagogiques et la maîtrise de situations d'apprentissage, tandis que le Premier ministre en personne préconisait d'"enseigner moins" mais d'"apprendre plus".
Une nouvelle gestion des ressources humaines centrée sur le développement professionnel
Le ministère singapourien de l'Éducation est passé d'une logique de recrutement à une logique de qualité dans la gestion des ressources humaines. Chaque école primaire ou secondaire est considérée comme une "organisation apprenante", les enseignants et les chefs d'établissement (ou directeurs d'école) doivent chercher en permanence de nouvelles idées et pratiques, mettre à jour leurs savoirs professionnels et les tester en situation. De fait, les modalités de recrutement et de préparation, le statut et la formation des enseignants ont été révisés. Alors que les exigences de recrutement étaient plus élevées, les néo-recrutés ont continué de bénéficier d'une garantie d'emploi et du statut de fonctionnaire. Mais leur entrée dans le métier, prise en charge par l'Institut national de l'éducation, s'est appuyée sur des programmes d'accompagnement et de développement professionnel intensifs. L'échelle de carrière et de rémunération permet aujourd'hui aux enseignants d'accéder à différentes positions de cadre intermédiaire dans les écoles, comme leaders ou mentors. Les chefs d'établissement et directeurs d'école, eux-aussi formés à un haut niveau, sont fortement incités à une mobilité verticale (des établissements au ministère ou inversement) et horizontale (du primaire au secondaire ou inversement) tandis qu'ils travaillent en réseau.
Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA)
Afin de saisir les différences transnationales en matière d'efficacité et de qualité de l'éducation, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a commencé à développer le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) dans les années 1990 pour mesurer les performances des élèves dans les compétences de base. L'administration du programme comprenait en 2000 28 pays de l'OCDE et 4 pays partenaires. Depuis, cette enquête conduite tous les trois ans auprès d'élèves de 15 ans n'a cessé de se développer. Elle comprenait 80 pays dans l'enquête de 2018.
Pour l'enquête PISA, l'OCDE définit d'abord des niveaux de compétences pour chaque domaine testé. Tous les pays participants doivent se mettre d'accord sur une même définition. Sur la base de ces niveaux de compétence, un consortium propose des questions à poser aux élèves. Les participants examinent ces questions et les évaluent selon leur pertinence pour mesurer les compétences dans leur propre pays. Après leur traduction et évaluation, les items font l'objet d'une sélection par l'ensemble des pays participants, pour définir la série finale qui sera retenue pour le déroulement de l'enquête.
Ensuite, les élèves retenus dans l'échantillon propre à chaque pays passent un test de deux heures en remplissant des livrets dans lesquels les questions sont distribuées de manière aléatoire. Les réponses des élèves sont synthétisées dans un score de réussite en appliquant des modèles complexes de réponse à l'item. Il s'agit d'estimer la difficulté de chaque question et son pouvoir discriminant selon les compétences des élèves. Ces résultats sont ensuite présentés dans des tableaux statistiques permettant de classer les pays selon les scores moyens obtenus par les élèves. Ils sont ensuite communiqués par l'OCDE.
L'influence de l'enquête PISA a éclipsé celle d'enquêtes comparables et plus anciennes menées par l'Association internationale pour l'évaluation de la réussite éducative (International Association for the Evaluation of Educational Achievement, IEA). Par leur taille et leur régularité, les enquêtes PISA, Trends in International Mathematics and Science Study (TIMSS) et Progress in International Reading Literacy Study (PIRLS) ont transformé les possibilités de recherche en éducation, tout en fournissant des données afin de comparer les politiques éducatives. Ces enquêtes complexes, accompagnées de rapports techniques volumineux, suscitent des débats et des controverses à l'échelle internationale, notamment sur la diversité culturelle des pays, la familiarité des élèves avec les procédures de test, les critères d'échantillonnage et de représentativité.
Source : Louis Volante, Sylke V. Schnepf et Don A. Klinger (dir.), Cross-National Achievement Surveys for Monitoring Educational Outcomes: Policies, Practices and Political Reforms within the European Union, Commission européenne, 2022.
Quand la Chine de l'éducation s'est éveillée…
La modernisation du système éducatif chinois et le défi d'une société inégalitaire
Si la Chine est historiquement un pays de tradition centralisée, avec un État sous le contrôle du Parti communiste, les collectivités territoriales (provinces, municipalités, cantons) disposent d'une certaine autonomie dans la mise en œuvre des réformes, que celles-ci concernent l'offre d'éducation, le recrutement des enseignants et des chefs d'établissement (ou directeurs d'école), mais aussi les programmes scolaires et l'évaluation. Malgré un développement très important de la scolarisation, le système éducatif demeure fortement inégalitaire, notamment entre les régions rurales de l'Ouest et celles, urbaines, de l'Est, mais aussi dans l'accès aux meilleures écoles primaires et secondaires. Les pratiques consuméristes des parents d'élèves sur-valorisent l'éducation et un marché scolaire que le gouvernement chinois cherche pourtant à réguler. Les tests standardisés à différents niveaux de scolarité, et l'examen du gaokao (examen très sélectif pour l'entrée à l'université) exercent une pression forte sur les directions scolaires et les enseignants, mais aussi sur les élèves, pour améliorer les résultats. La modernisation du système éducatif, notamment par des démarches d'assurance-qualité, des efforts importants de qualification et la formation des enseignants, doit composer avec une culture héritée du confucianisme valorisant la modestie et l'humilité, le respect des aînés, mais aussi la persévérance et le sens du devoir. Ces valeurs, et la double journée de travail de l'élève chinois (travail à la maison et cours de soutien scolaire), peuvent expliquer en partie les bons résultats obtenus par les élèves chinois au PISA.
Sortir d'une "culture de l'examen" et favoriser les pratiques collaboratives
Reste qu'il existe d'autres facteurs explicatifs, comme l'attestent les études relativement récentes conduites au sein des deux métropoles de Shanghai et de Pékin, par les chercheurs Charlene Tan (Learning from Shanghai, Springer Singapore, 2013) et par Gu Mingyuan et ses collègues (Portraits of Chinese Schools, Springer Singapore, 2017). Les transformations de la formation initiale et continue des enseignants ont conduit ces derniers à tenir compte des apports de la psychologie cognitive et des recherches sur l'évaluation dans leur pratique pédagogique. L'auto-évaluation, comme les pratiques collaboratives hors de la classe, et un engagement des enseignants dans le projet d'école ou d'établissement font partie des attentes professionnelles.
Pour sortir d'une "culture des examens", les autorités chinoises ont fortement révisé les contenus scolaires afin que les enseignants prennent en compte le développement global de l'élève dans ses compétences cognitives, sociales, émotionnelles et physiques. Les instructions officielles préconisent aussi de réduire la charge de travail pour placer les élèves dans des situations de résolution de problème. Cela correspond à la vision de la plupart des enseignants, lesquels mettent l'accent sur le développement de l'être humain tout au long de la vie. Le mentorat couvre aussi tous les aspects de l'enseignement, comme l'observation et la critique des leçons, le partage des techniques pédagogiques mais aussi la programmation et la correction des devoirs des élèves. La collaboration entre enseignants prend la forme de groupes de recherche sur l'enseignement et de groupes de préparation de la leçon, des dispositifs empruntés à l'Union soviétique de la fin des années 1950.
Canada - Ontario : une gouvernance des territoires éducatifs qui fait système
Entre intervention et accompagnement : la mise en œuvre d'une stratégie nationale
Dans un système éducatif public canadien décentralisé, communautaire, fortement marqué par l'immigration et de fortes inégalités, la réforme conduite dans l'Ontario à partir de 2003 a généré des résultats exceptionnels en matière de réussite des élèves, tandis que le Canada s'est classé en 2012 au 7e rang (à égalité avec Taipei pour la lecture, 9e rang pour les sciences, et 13e rang pour les mathématiques dans le classement PISA. Selon l'OCDE, la stratégie nationale adoptée par l'Ontario est l'exemple d'un changement systémique combinant résultats élevés et développement professionnel dans un climat de confiance, de motivation et de respect mutuel (Michael Fullan et Santiago Rincon-Gallardo, "Developing high-quality public education in Canada: The case of Ontario", dans Frank Adamson et al. (dir.), Global Education Reform, Routledge, 2016). Cinq principaux leviers ont été mis en œuvre :
- un système d'accompagnement des écoles primaires et secondaires avec différents partenariats locaux selon leur degré de réussite ;
- des objectifs et des interventions ciblées sur les élèves et/ou les écoles les plus en difficulté ;
- le soutien des pratiques collaboratives et du développement professionnel au sein des équipes pédagogiques ;
- l'apport de ressources variées notamment dans l'éducation prioritaire afin de renforcer la qualité de l'enseignement et celle de la direction scolaire, la création de réseaux entre écoles pour diffuser et partager les pratiques réussies, la promotion d'une culture de l'évaluation et de la recherche pour informer les stratégies et les pratiques des enseignants ;
- la création d'un environnement politique et partenarial favorable aux écoles en termes d'initiatives et d'innovations.
Gouvernance systémique et ingénierie de la réforme pour une amélioration continue
Ce choix de gouvernance a permis de recruter des professionnels de terrain fortement expérimentés travaillant aux côtés des hauts fonctionnaires au sein du ministère de l'Éducation. Cela a contribué à une meilleure compréhension des effets potentiels des programmes d'action publique dans les écoles. La combinaison de dirigeants de haut niveau, de professionnels aguerris, et d'experts/chercheurs a facilité la mise en œuvre d'une réforme très utile au ministère pour parvenir à des améliorations sensibles aux différents échelons du système éducatif. Le Secrétariat pour la littératie et la numératie a été établi afin de piloter le changement et d'obtenir des résultats dans la conduite des programmes et des initiatives à l'échelle territoriale selon une dynamique d'amélioration continue.
Des équipes régionales composées de cadres relaient l'action du Secrétariat en travaillant étroitement avec les directions des écoles pour coordonner, accompagner et évaluer les transformations en cours. Pour cela, ces cadres ont été formés à de nouvelles compétences de leadership, de résolution de problèmes et de mentorat. Des financements supplémentaires ont été accordés pour créer des équipes en charge de l'amélioration continue des pratiques pédagogiques, travaillant en réseau, dans une approche volontairement intégrée et systémique centrée sur le développement professionnel des enseignants.
Finlande : consensus éducatif et professionnalisme exigeant
Une gouvernance décentralisée au service d'un projet de justice sociale
Dominée longtemps par la Suède, menacée par la Russie puis l'Union soviétique, la Finlande, à l'origine un pays agraire et pauvre, a fait de l'éducation publique un moyen d'émancipation civique et sociale dans l'affirmation d'une langue et d'un État fort, tourné vers la justice sociale. L'attachement des Finlandais à un projet égalitaire s'est doublé d'un régime politique de consensus et de compromis, notamment après la guerre civile de 1918 et la collaboration néfaste avec le régime nazi. Après la seconde guerre mondiale, le développement du système éducatif s'est fait à l'ombre de l'État-providence et de généreuses institutions sociales, dans un corporatisme assumé et une grande unité culturelle.
Ce n'est qu'à partir des années 1980 qu'était mise en cause une gouvernance centralisée de l'éducation au profit d'un transfert de responsabilités aux municipalités. Dans les années 1990, l'État a décidé d'arrêter son contrôle sur les programmes scolaires nationaux, de supprimer l'inspection et l'approbation des manuels scolaires, de détacher les emplois du temps des disciplines scolaires, et de mettre fin au découpage de la semaine selon un ratio entre le nombre de classes et le nombre d'enseignants.
Autonomie locale et professionnalisme des enseignants
Le transfert des prérogatives de l'État aux collectivités locales s'est fait dans un contexte d'émergence, en Finlande comme en Europe, de la nouvelle gestion publique, c'est-à-dire de l'idée que les politiques publiques pouvaient s'inspirer du management du secteur privé. L'État visait ainsi des objectifs d'amélioration de l'efficacité et de la performance des organisations scolaires, de rationalisation de l'offre, de limitation des budgets publics, alors que le ministère finlandais de l'Éducation accordait plus d'autonomie locale aux écoles.
Les enseignants ne se sont pas opposés aux réformes. Ils bénéficient de fait d'un bon statut professionnel, d'une grande confiance et d'un respect des élèves comme des parents, et de bonnes conditions de travail (en termes d'équipement, de taille des classes, de rémunération). Les enseignants finlandais développent des compétences professionnelles de haut niveau grâce à une formation poussée jusqu'au doctorat, ce qui les familiarise avec l'expérimentation et la recherche-action dans les classes. Si les écoles sont soumises à une démarche d'assurance-qualité, la Finlande s'est refusée à des évaluations nationales systématiques (celles-ci sont limitées à un échantillon) comme à une publicité des résultats sous forme de classement. Reste qu'une certaine souplesse a été accordée récemment aux municipalités pour déroger à la carte scolaire, alors que certaines écoles finlandaises développent des cours spécialisés ou à options pour répondre aux nouvelles stratégies éducatives des familles.
Les données du Programme international pour le suivi et les acquis des élèves (PISA) : une composante de la stratégie européenne pour l'éducation et la formation tout au long de la vie
Dans l'Union européenne (UE), l'éducation relève du principe de subsidiarité, de sorte que la responsabilité première de la gouvernance des systèmes éducatifs incombe aux États membres. Cela limite le rôle de la Commission et du Parlement européen. Toutefois, au cours de la dernière décennie, le suivi des politiques d'éducation a été guidé par un cadre stratégique pour la coopération européenne dans le domaine de l'éducation et de la formation tout au long de la vie.
La mise en œuvre de la stratégie européenne s'appuie de fait sur des indicateurs et des dispositions pour le suivi de l'éducation au niveau de l'UE. L'un des sept indicateurs utilisés en 2020 pour une projection en 2030 est fondé sur les données du Programme international pour le suivi et les acquis des élèves (PISA) : le taux de jeunes de 15 ans ayant des compétences insuffisantes en lecture, en mathématiques et en sciences doit être inférieur à 15 %. D'autres indicateurs concernent l'amélioration de la réussite dans les compétences numériques, la scolarité à 3 ans des élèves à l'école maternelle, la lutte contre le décrochage, l'amélioration des qualifications dans l'enseignement supérieur.
Ces critères et ces indicateurs de référence permettent d'accompagner les politiques d'éducation, de soutenir le dialogue entre États membres, et de donner une impulsion aux réformes par un système de suivi facilitant un cadre de travail et de coopération entre représentants nationaux.
Il est attendu que la coopération entre les États membres renforce la qualité de l'éducation, l'éducation inclusive, l'égalité filles-garçons et la lutte contre les stéréotypes de genre, les dimensions écologiques mais aussi numériques des systèmes éducatifs européens. Il est aussi proposé aux États membres une politique ambitieuse de l'orientation pour réduire l'échec scolaire tout en améliorant la réussite des élèves en difficultés dans l'enseignement secondaire et supérieur.
Source : "Achieving the European Education Area", Commission européenne, 2020.
France : une performance moyenne en l'absence d'une ingénierie de la réforme
Selon les enquêtes internationales ou celles conduites par la direction de l'Évaluation, de la Prospective et de la Performance (DEPP) du ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, la France n'a pas particulièrement réussi à améliorer sa position dans le classement PISA. Plusieurs explications peuvent être avancées au regard des expériences accumulées par les pays hautement performants, même si leurs choix de politique éducative ne sont pas facilement transférables.
En effet, la complexité du système de gouvernance du système éducatif français ne favorise pas une mise en œuvre efficace des réformes. La transmission de normes ou d'instructions officielles, avec une chaîne hiérarchique descendante, et une compartimentation entre secteur primaire et secteur secondaire, conduit à une perte d'information et de cohérence préjudiciable à une compréhension claire des enjeux au niveau des écoles. Comparativement aux pays les plus performants, qui ont bien réussi à articuler prise de décision et mise en œuvre opérationnelle, la technostructure du ministère de l'Éducation français, tout comme ses cadres intermédiaires, demeure souvent prisonnière de logiques formelles et prescriptives. Cela se fait au détriment d'un accompagnement et d'une coordination efficace des équipes pédagogiques dans les écoles et d'une mise en œuvre effective des réformes.
Alors que la question de l'autonomie des écoles est loin de faire consensus dans notre pays, les systèmes éducatifs plus performants, plus décentralisés, soutiennent les initiatives et les innovations à l'échelon local. Les cadres adaptent des modalités de supervision et d'intervention inversement proportionnelles au succès des écoles en se centrant plus particulièrement sur la résolution des problèmes. Les programmes scolaires fixent quelques grands objectifs et compétences à maîtriser par les élèves, mais ils sont moins détaillés qu'en France. Les équipes pédagogiques peuvent alors adapter les exigences ministérielles en se focalisant sur les progrès des élèves et leurs modalités d'apprentissage en situation. Contrairement à une structure classe qui demeure relativement rigide côté français, ces enseignants adoptent des dispositifs pédagogiques plus flexibles, en aménageant les emplois du temps et en développant des modes de coopération informels et transversaux. Alors qu'en France les pratiques d'évaluation sont peu diversifiées à des fins d'apprentissage individuel des élèves, les systèmes éducatifs plus performants font de l'évaluation sommative et formative un outil de régulation quotidien des pratiques pédagogiques et de la collaboration entre enseignants.
Enfin, les pays performants ont investi fortement dans la formation initiale mais aussi continue en intégrant les résultats de la recherche internationale. Alors qu'en France, les réformes successives de la formation des enseignants n'ont pas permis d'obtenir les résultats escomptés, ces systèmes éducatifs ont été capables de développer une ingénierie de développement professionnel continu des équipes pédagogiques en facilitant sur le terrain des pratiques collaboratives, l'échange d'expériences, l'apprentissage entre pairs, le mentorat. Les liens entre l'enseignement et la recherche ont été renforcés tandis que les directeurs d'école et chefs d'établissement étaient invités comme leaders à s'occuper davantage des questions pédagogiques et de l'animation des groupes d'enseignants.
Plus d'autonomie, plus de flexibilité, plus de personnalisation
Que peut-on retenir de ces éléments de comparaison nécessairement limités à quelques pays ? Au-delà des différences historiques et culturelles, notons une transformation importante de la gouvernance de ces systèmes éducatifs pour rendre les organisations scolaires plus autonomes et plus flexibles. Cette autonomie s'est construite sur des relations de confiance et de respect mutuel, mais aussi sur de nouvelles exigences professionnelles. Si une certaine pression sur les résultats peut être observée dans certains cas, les pratiques collaboratives, le mentorat et le développement professionnel sont considérés comme des leviers tout aussi importants pour améliorer la réussite des élèves dans les compétences de base en littératie et numératie. Remarquons qu'une certaine souplesse est donnée aux équipes pédagogiques afin de personnaliser les situations d'apprentissage et d'élargir les activités d'enseignement au développement des compétences sociales, civiques et émotionnelles des élèves. C'est une leçon retenue par le Portugal, qui a commencé à appliquer ces principes dans son système éducatif, notamment à partir d'une restructuration complète des emplois du temps des écoles sur l'année scolaire, avec des résultats qui intéressent fortement l'OCDE.
Parallèlement, le travail des cadres, notamment celui des chefs d'établissement et des directeurs d'école, a été le plus souvent profondément révisé presque partout dans le monde. Il leur est demandé d'animer les équipes pédagogiques, de faciliter la coopération entre enseignants et la mutualisation des pratiques, de veiller à leur accompagnement et au développement professionnel, de travailler en réseau avec d'autres écoles. Enfin, tous ces pays ont fourni des efforts importants pour investir dans la formation initiale et continue des enseignants comme dans celle des cadres, tout en révisant les modalités d'entrée dans le métier, la gestion des carrières et des rémunérations, ainsi que les conditions de la mobilité professionnelle.
Pour aller plus loin
"Rapport annuel du conseil d'évaluation de l'école – campagne d'évaluation des établissements 2020-2021", rapport disponible sur le site Vie-publique.fr, mars 2022.
Louis Volante, Sylke V. Schnepf et Don A. Klinger (dir.), Cross-National Achievement Surveys for Monitoring Educational Outcomes: Policies, Practices and Political Reforms within the European Union, Commission européenne, 2022.