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Espace Schengen : le point en 8 questions-réponses

Temps de lecture  13 minutes

Par : La Rédaction

Qu'est-ce que l'espace Schengen ? Comment est-il organisé ? Quelles sont ses évolutions ? Alors que la Bulgarie et la Roumanie sont pleinement entrées dans Schengen le 1er janvier 2025, Vie-publique.fr fait le point sur l'espace Schengen.

L’espace Schengen désigne l’espace de libre circulation des personnes entre les États signataires de l’accord de Schengen. Au 1er janvier 2025, 29 États en font partie :

  • 25 des 27 États membres de l’Union européenne : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède. L'Irlande bénéficie d’un statut particulier et ne participe qu’à une partie des dispositions Schengen. Chypre n'est pas intégré ;
  • 4 États associés, non membres de l’UE : Norvège, Islande, Suisse et Liechtenstein.

Il s’agit de l’accord signé à Schengen (Luxembourg) le 14 juin 1985 par la France, la République fédérale d'Allemagne (RFA), la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. Il prévoit la réalisation progressive de la libre circulation des personnes au sein de "l’espace Schengen", sans contrôle aux frontières intérieures de cet espace. Il entre en vigueur en 1995 après ratification de la convention d’application de l’accord Schengen, signée en 1990.

La mise en place d’un espace de libre circulation au sein de l’espace Schengen signifie que toute personne, ressortissant de l’UE ou d’un pays tiers, une fois entrée sur le territoire de l’un des pays membres, peut franchir les frontières des autres pays sans subir de contrôles. En règle générale, pour se déplacer, elle n’a plus besoin de passeport. Les vols aériens entre villes de l’espace Schengen sont considérés comme des vols intérieurs.

  • L'espace Schengen, c'est quoi ?
  • 1985 : Schengen, village luxembourgeois.
  • Un accord de libre circulation est signé entre plusieurs pays européens.
  • Les pays signataires acceptent l'ouverture de leurs frontières intérieures.
  • Une fois entrées dans l'espace Schengen, les personnes ne font plus l'objet de contrôles frontaliers.
  • 1995 : entrée en vigueur de l'espace Schengen.
  • À ce jour, il réunit 25 États membres de l'Union européenne (UE).
  • Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède.
  • L'Irlande bénéficie d’un statut particulier et n’est liée qu’à une partie des dispositions Schengen.
  • Chypre n’en fait pas partie.
  • Il comprend aussi 4 quatre États hors UE : Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse.
  • Et pour les frontières extérieures ?
  • Frontex : C'est le nom de l'Agence européenne chargée de sécuriser les frontières extérieures.
  • 61 États hors Schengen sont exemptés de visas pour entrer dans cet espace.
  • Rétablir un contrôle aux frontières extérieures, c'est possible ? Oui.
  • Crise migratoire ; lutte contre le terrorisme ; crise sanitaire.
  • L'espace Schengen est la destination la plus visitée au monde.

L'accord en lui-même ne prévoyait pas de suspension. La convention d’application de l’accord de Schengen, signée en 1990, comporte une "clause de sauvegarde", au paragraphe 2 de l’article 2. Celle-ci autorise un État signataire à rétablir des contrôles à ses frontières, "durant une période limitée" et "lorsque l’ordre public ou la sécurité nationale l’exigent". 

Les pays qui suspendent Schengen ne ferment pas leurs frontières de manière étanche. Ils réintroduisent des contrôles aléatoires ou systématiques à leurs points d’entrée. 

Institué en 2006, le code frontières Schengen (CFS) fixe les règles relatives au franchissement des frontières extérieures de l'UE et au contrôle aux frontières intérieures. Il prévoit :

  • les conditions d’entrée dans l’espace Schengen pour les ressortissants de pays tiers ;
  • les contrôles des personnes aux frontières extérieures ;
  • les conditions de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures dans l'espace Schengen en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure.

Le code a été modifié en 2016 afin de renforcer la sécurité de l'espace Schengen. Auparavant, les ressortissants d'un État membre n’étaient soumis qu’à un contrôle minimal aux frontières extérieures. Désormais, l'article 8-2 du CFS prévoit des contrôles systématiques en entrée et en sortie de l’espace Schengen pour tous les voyageurs, y compris les ressortissants européens.

La Commission européenne a présenté le 14 décembre 2021 des propositions de révision du code frontières visant à améliorer le fonctionnement et la gestion de l'espace Schengen. Plusieurs États membres avaient auparavant rétabli des contrôles aux frontières intérieures face à la menace terroriste, lors des crises migratoires ou de la pandémie de Covid-19. 

Afin de préserver la libre circulation au sein de l'UE, la Commission propose notamment la mise en place d'une réaction coordonnée aux frontières intérieures en cas de menaces touchant la majorité des États membres. Le 6 février 2024, le Conseil et le Parlement européen sont parvenus à un accord sur une réforme des contrôles aux frontières intérieures et extérieures.

Le 24 mai 2024, le Conseil de l'Union européenne a adopté le nouveau code Schengen. En cas d'urgence de santé publique de grande ampleur, les nouvelles règles prévoient désormais la possibilité – à la suite d'une décision du Conseil – de mettre en place des restrictions temporaires de déplacement harmonisées aux frontières extérieures de l'UE. Pendant la pandémie de Covid-19, l'UE n'a pu émettre que des recommandations non contraignantes à l'intention des États membres concernant des restrictions. Outre des restrictions en matière de déplacements, le Conseil peut également imposer des tests, une quarantaine et un isolement à domicile, ainsi que d'autres mesures en matière de santé pour les ressortissants de pays tiers qui entrent sur le territoire de l'UE.

Pour lutter contre l'instrumentalisation des questions migratoires comme cela a été le cas entre la Pologne et la Biélorussie par exemple, le code frontières Schengen modifié donne également à un État membre la possibilité de réduire le nombre de points de passage frontaliers ou de limiter leurs heures d'ouverture afin de renforcer les mesures de surveillance des frontières.

Les États signataires peuvent rétablir temporairement les contrôles à leurs frontières, en cas de menaces pour l’ordre public, la santé publique ou la sécurité, selon le CFS modifié (article 25 et suivants). 

La réintroduction du contrôle aux frontières intérieures doit être appliquée en dernier recours, dans des situations exceptionnelles.  La réintroduction des contrôles doit respecter le principe de proportionnalité. La procédure est précisée à l’article 26 du code frontières Schengen. Elle permet à un État de rétablir les contrôles à ses frontières au-delà des périodes renouvelables de 30 jours prévues.

La réintroduction du contrôle à leurs frontières nationales est une prérogative des États membres. La Commission peut émettre un avis sur la nécessité de la mesure et sur sa proportionnalité, mais ne peut pas opposer son veto à la décision d’un État membre de réintroduire le contrôle aux frontières. 

Les textes distinguent trois cas spécifiques :

  • cas prévisibles (articles 25 et 26 du CFS modifié). Pour les événements prévisibles (par exemple, les événements sportifs), la durée du contrôle aux frontières est limitée à 30 jours. En cas de menace prévisible (menace terroriste par exemple), elle peut dépasser 30 jours.
    Si nécessaire, la réintroduction du contrôle aux frontières peut être prolongée pour des périodes renouvelables pouvant aller jusqu’à 30 jours. La période totale ne doit pas dépasser six mois.
  • cas nécessitant une action immédiate (article 28 du CFS modifié). Lorsque des mesures immédiates doivent être prises pour répondre à une menace, un État membre peut réintroduire le contrôle aux frontières pendant dix jours sans notification préalable.
    Bien que la réintroduction des contrôles puisse être prolongée pour des périodes allant jusqu’à 20 jours, la durée totale du contrôle aux frontières ne doit pas aller au-delà de deux mois.

    Dans les deux cas (événements prévisibles ou cas nécessitant une action immédiate), l’État membre qui envisage d'introduire ou de prolonger le contrôle à ses frontières informe les autres États membres et la Commission des raisons du rétablissement ou, le cas échéant de la prolongation du contrôle. Le Parlement européen doit être informé des mesures prises.
  • cas dans lesquels des circonstances exceptionnelles mettent en péril le fonctionnement global de l’espace Schengen (article 29 du CFS modifié). Face à des circonstances exceptionnelles, lorsque le fonctionnement global de l'espace Schengen est menacé en raison de problèmes graves et persistants qui concernent le contrôle aux frontières extérieures de l'espace Schengen, et dans la mesure où ces circonstances constituent une menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure, le Conseil peut, sur proposition de la Commission, recommander à un ou plusieurs États membres de décider de réintroduire le contrôle aux frontières sur tout ou partie de leurs frontières nationales.
    Une telle recommandation n’est formulée qu’en dernier ressort pour protéger les intérêts communs au sein de l’espace Schengen et lorsque toutes les autres mesures, en particulier celles visées à l’article 21 du CFS modifié, demeurent inefficaces.

En l’absence de contrôles aux frontières intérieures, le système d’information Schengen (SIS) a été créé en 1990 pour sécuriser les frontières extérieures de l'UE. Il s'agit d'une base de données européenne permettant aux services responsables des contrôles aux frontières (policiers et douaniers) et aux autorités judiciaires d’un État Schengen de disposer de données sur :

  • les personnes recherchées ou disparues ;
  • les personnes sous surveillance policière ;
  • les personnes non ressortissantes d’un État membre de l’espace Schengen auxquelles l’entrée sur le territoire Schengen est interdite ;
  • les véhicules et objets volés ou disparus.

En 2018, l'UE a adopté de nouvelles règles pour moderniser le SIS qui intègre des catégories de signalements supplémentaires :

  • pour les personnes ou suspects recherchés inconnus dont les empreintes ont été découvertes sur des lieux d'infractions graves ou terroristes ;
  • pour les enfants risquant d'être enlevés par un parent ou les personnes vulnérables (risque de mariage forcé, mutilation sexuelle féminine, trafic d'êtres humains...) ;
  • pour les contrôles d'investigation ;
  • pour les décisions de retour de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

Depuis mars 2023, la version renouvelée du SIS contient des données biométriques (photographies, empreintes palmaires et digitales, traces digitales et palmaires, registres d'ADN pour les personnes disparues).

Plusieurs systèmes informatiques sont consultés par les autorités dans l'ensemble de l'UE pour protéger les citoyens, lutter contre la criminalité et sécuriser les frontières :

  • le système d'information Schengen (SIS) ;
  • le système d'information sur les visas (VIS) qui sert à enregistrer et contrôler les personnes demandant un visa de court séjour pour entrer dans l’espace Schengen. Un nouveau règlement adopté en mai 2021 prévoit d'améliorer ce système et d'y inclure les visas de long séjour et les titres de séjour ;
  • le système européen de comparaison des empreintes digitales des demandeurs d’asile (Eurodac) qui contient les empreintes digitales des demandeurs d'asile enregistrés dans les États membres de l'UE ;
  • les données de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol).

Trois autres systèmes d’information européens centralisés sont actuellement en développement :

  • le système d’entrée/de sortie (EES) qui enregistrera les données relatives aux entrées et sorties ou aux refus d'entrée des ressortissants de pays tiers franchissant les frontières extérieures de l'espace Schengen. Ce dispositif sera déployé en octobre 2025 au sein de l’espace Schengen.
  • le système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS) qui permettra de suivre les ressortissants de pays tiers n'ayant pas besoin de visa pour entrer dans la zone Schengen. L’ETIAS devrait être opérationnel au dernier trimestre 2026 ;
  • le système européen d'information sur les casiers judiciaires (ECRIS-TCN) qui contient des informations sur les condamnations pénales des ressortissants de pays tiers. Dans ce contexte, la France a mis en œuvre par ordonnance du 8 décembre 2022 : le règlement (UE) 2019/816 du Parlement européen et du Conseil, qui met en place le système centralisé ECRIS-TCN ainsi que la directive (UE) 2019/884 du Parlement et du Conseil, relative aux échanges d'informations relatives aux ressortissants de pays tiers et au système ECRIS. Les deux textes européens ont créé un fichier européen centralisé, qui permet de rechercher si un étranger non européen ou un apatride a été condamné dans un pays membre. L'ordonnance fiabilise aussi la recherche d'antécédents par l’usage des empreintes digitales.

L'ETIAS (European Travel Information and Authorization System) est un nouveau système d’autorisation concernant les voyages semblable aux programmes en vigueur aux États-Unis (ESTA) ou au Canada (AVE). Il vise à renforcer les contrôles de sécurité effectués sur les ressortissants de pays non membres de l'UE voyageant sans visa vers l’espace Schengen.

Qu'est-ce que l'ETIAS ?

En mars 2021, le Parlement européen et le Conseil européen ont trouvé un accord sur le règlement ETIAS. Il est prévu que ce système voit le jour fin 2026.

L'ETIAS sera obligatoire pour les ressortissants de 60 pays qui ont un accord d'exemption de visa avec les pays de l'espace Schengen (Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande, Australie, Etats-Unis, Canada...). Ces voyageurs devront obtenir une autorisation ETIAS avant de se rendre dans la zone Schengen et fournir des informations personnelles qui seront ensuite recoupées avec des bases de données de sécurité (SIS, VIS, Europol, Eurodac).

Cette autorisation électronique permettra aux voyageurs de se déplacer librement dans l'espace Schengen à des fins commerciales ou de tourisme pour une durée maximale de 90 jours. Elle sera valable 3 ans et pour des entrées multiples sur le territoire. 

L’Agence européenne Frontex a été créée en 2004 pour aider les États membres de l’UE et les pays associés à l’espace Schengen à protéger leurs frontières extérieures. Les États membres sont responsables du contrôle de leurs frontières, mais la coordination de leurs actions est assurée par l’agence. 

La crise migratoire et les attentats terroristes de 2015 ont mis en évidence la nécessité de renforcer les frontières extérieures de l'UE. En 2016, Frontex devient l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes et voit ses attributions et ses moyens renforcés.

Outre le contrôle des migrations, l'agence a désormais une responsabilité accrue dans la gestion des frontières et la lutte contre la criminalité transfrontalière. Elle dispose également d'une réserve de 1 500 garde-frontières et garde-côtes avec des moyens d'intervention rapides pour intervenir en cas de situation d'urgence. Un nouveau règlement adopté en 2019 prévoit le déploiement d'un nouveau contingent permanent de 10 000 garde-frontières et garde-côtes à l’horizon 2027.