Les agences européennes ont différents statuts et rôles. Selon leur nature ou leur fonction, elles sont créées pour une durée limitée ou illimitée.
Le terme agence n'apparaît pas nécessairement dans l'intitulé de ces organismes, comme le souligne un rapport du Sénat sur l'évaluation de l'activité des agences européennes de 2009. On trouve aussi les termes fondation, office, observatoire, centre, autorité, collège… sans que ces appellations déterminent un statut particulier.
Les agences sont spécialisées et créées par le Parlement et le Conseil de l'UE afin de mener à bien des tâches scientifiques, juridiques ou techniques spécifiques.
Les agences de l'UE fournissent aux institutions et États membres de l'UE des avis fondés sur des données factuelles afin de les aider à élaborer des politiques et des législations aux niveaux national et européen. Elles contribuent à mettre en œuvre plus efficacement des politiques européennes et à répondre aux besoins identifiés par les institutions ou États membres.
Leurs domaines de compétences sont divers : alimentation, médicaments, éducation, produits chimiques, environnement, sécurité, transports…
Elles sont à distinguer des autres types d'institutions et d'organes de l'UE :
- les institutions :
- les organes, dotés de missions spécialisées (conseil, contrôle…) et aidant l'UE à accomplir ses tâches :
- Service européen pour l'action extérieure ;
- Comité économique et social européen ;
- Comité européen des régions ;
- Banque européenne d'investissement ;
- Médiateur européen ;
- Contrôleur européen de la protection des données ;
- Comité européen de la protection des données ;
- les services interinstitutionnels, dont la fonction est de soutenir les travaux des institutions, agences et organes (formation, développement du personnel, informatique, publication).
Dès 2008, la Commission européenne souligne que "depuis quelques années, le recours aux agences pour la mise en œuvre de tâches fondamentales fait partie intégrante du mode de fonctionnement de l'Union européenne. Ces agences appartiennent désormais au paysage institutionnel de l'Union. […] Elles aident la Commission à concentrer son action sur des tâches essentielles, ce qui lui permet de déléguer certaines fonctions opérationnelles à des organismes extérieurs. Elles soutiennent le processus décisionnel en centralisant les compétences techniques ou spécialisées disponibles au niveau européen et national. En outre, le développement des agences au-delà de Bruxelles et de Luxembourg renforce la visibilité de l'Union européenne." (Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil).
Les agences européennes ont des rôles divers, notamment relativement à l'exécutif européen ou aux États membres (assistance, conseil, mise en œuvre de programmes…).
Établir une typologie des agences européenne est complexe, puisque les différentes institutions de l'UE englobent selon des décomptes différents des organismes divers dans la catégorie des agences européennes. On peut distinguer quatre types d'agences selon leur nature, leur tâche ou même leur durée de création :
- les agences de régulation, ou décentralisées, créées pour une durée indéterminée et réparties dans toute l'Europe. Ces agences sont des organismes de droit public européen dotés d'une personnalité juridique propre, distinctes des institutions communautaires, selon le rapport du Sénat. Elles sont en général contrôlées par les États membres, via leurs conseils d'administration. En ce sens, elles sont indépendantes des institutions européennes. Selon le rapport de la CCE, "elles jouent un rôle important dans l'élaboration et la mise en œuvre des politiques de l'UE, en réalisant notamment des travaux d’ordre technique, scientifique, opérationnel et réglementaire". Leur fonction est aussi de soutenir la coopération entre UE et autorités nationales par la mise en commun de compétences et connaissances techniques et spécialisées des institutions européennes et nationales (denrées alimentaires, justice, médecine, sécurité des transports, toxicomanie…). Leur champ de compétences est autonome et très varié. Elles répondent à des besoins spécifiques stratégiques.
- les agences exécutives, créées pour une durée limitée (actuellement jusqu'au 31 décembre 2028). Ces entités juridiques sont chargées de gérer des missions spécifiques liées aux programmes de l'UE (pacte vert pour l'Europe, Horizon Europe…). Elles assistent donc l'exécutif européen, sous le contrôle de la Commission.
- les agences de politique étrangère et de sécurité commune (PESC), dont les tâches sont de nature technique, scientifique ou administrative (soutien et développement des capacités de défense, analyse des questions de politique étrangère, services de renseignement géospatial). Leur mission principale est d'aider l'UE et les États membres à mettre en œuvre la PESC, la politique de sécurité et de défense commune et l'action extérieure de l'UE. La dimension particulière de la défense européenne implique pour ces agences un statut juridique particulier.
- les agences et organes Euratom, destinés à soutenir la réalisation des objectifs du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom, 1957).
Le Réseau des agences de l'UE intègre en plus trois entreprises communes (alors qu'il en existe dix). Une des agences Euratom, par ailleurs, est une entreprise commune.
La CCE ne dénombre que trois types d'agences : exécutives, décentralisées et "autres organismes" ayant des "mandats spécifiques" et n'examine pas dans son rapport les entreprises communes.
L'article 187 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE, versions consolidées) prévoit que l'UE peut créer des entreprises communes ou toute autre structure nécessaire à la bonne exécution des programmes de recherche, de développement technologique et de démonstration de l’UE. Les membres de ces entreprises communes sont généralement l'Union européenne (représentée par la Commission européenne), des associations dirigées par le secteur industriel, ainsi que d’autres partenaires. Les entreprises communes établissent leur propre agenda en matière de recherche et accordent des financements principalement sur la base d'appels d'offres.
Les agences de régulation et PESC et les entreprises communes sont créées sur décision du Conseil de l'Union européenne.
Les agences Euratom sont instituées par le Conseil et le traité Euratom (ou ses modifications).
Les agences exécutives sont créées par la Commission et restent sous son contrôle afin d'exécuter un programme communautaire dont la Commission est responsable.
Un organisme peut être transformé en agence, afin que lui soient attribués plus de moyens ou d'élargir son champ d'action.
Europol, par exemple, est mise en place dès 1999, afin de faciliter les échanges entre les polices nationales. Mais ce n'est qu'en 2010 qu'Europol devient une agence, vouée à lutter contre la criminalité internationale (décision du Conseil du 6 avril 2009). Le 1er mai 2017, Europol devient officiellement l'Agence de l'Union européenne pour la coopération des services répressifs, après l’entrée en vigueur de son nouveau règlement fondateur.
Le Bureau européen d'appui en matière d'asile est devenu le 19 janvier 2022 une nouvelle agence de l'UE à part entière. L'objectif est d'améliorer le fonctionnement du régime d'asile européen commun en :
- fournissant une assistance renforcée aux États membres ;
- permettant la convergence des procédures d’asile et des conditions d’accueil.
Signe de ses compétences étendues, depuis le 31 décembre 2023, l’agence contrôle la manière dont les États membres mettent en œuvre la législation européenne sur les pratiques en matière d’asile et d’accueil.
L'Observatoire européen des drogues et toxicomanies (OEDT) est devenu l'Agence de l'Union européenne sur les drogues (EUDA) le 2 juillet 2024. Ses compétences et ses moyens sont renforcés afin d'améliorer :
- le traitement européen du domaine des drogues ;
- le soutien aux décideurs politiques et aux professionnels de ce domaine ;
- ses compétences d'observation et de surveillance afin de préparer l'UE aux nouvelles menaces et de renforcer ses interventions.
En juillet 2021, une proposition de règlement vise à créer une nouvelle agence décentralisée, l’Anti-Money Laundering Authority (AMLA) ou Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux. En 2022, Paris candidate pour accueillir la nouvelle agence. La procédure de désignation de la ville d'accueil de la nouvelle autorité est inédite. Tous les candidats ont été auditionnés le 30 janvier 2024 conjointement par le Parlement européen et les 27 États membres. Auparavant, seuls les États membres décidaient de l'implantation d'une agence. Mais dans un arrêt de 2022, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que le siège d'une agence doit être déterminé par les États membres et le Parlement européen. C'est finalement Francfort, en Allemagne, qui a été choisie pour être le siège de l'Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (ALBC) à partir de juillet 2025. Le règlement relatif à la création de l'ALBC est paru au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE) du 19 juin 2024.
Les données sont de 2023 et issues du rapport annuel sur les agences de l’UE relatif à l’exercice 2023 de la CCE, qui dénombre 43 agences et ne prend pas en compte les entreprises communes.
La plupart des agences européennes sont presque entièrement financées sur le budget général de l'UE. Les autres sont totalement ou partiellement financées par des redevances, frais, taxes ou droits payés par les industries, et par des contributions directes des pays qui participent à leurs activités.
Le budget total des agences s'élève en 2023 à 4,4 milliards d'euros (contre 4,5 milliards en 2022), ce qui représente 3% du budget de l'UE pour 2023.
La CCE compte à part le budget du Conseil de la résolution unique (CRU), qui établit des règles, des procédures et des modalités pratiques harmonisées pour les résolutions bancaires dans l’UE. Dans le cadre de l'union bancaire, le mécanisme de résolution unique vise à garantir la résolution d'une crise bancaire. Le budget 2023 du CRU s'élève à 13,6 milliards d'euros (contre 11,3 milliards en 2022) et est constitué de contributions versées par les banques pour mettre en place le fonds de résolution unique et financer les dépenses administratives du CRU.
Les budgets des agences décentralisées et des autres organismes couvrent les dépenses :
- de personnel ;
- administratives ;
- opérationnelles.
Les agences exécutives mettent en œuvre les programmes financés sur le budget de la Commission. Leurs budgets couvrent leurs dépenses :
- de personnel ;
- administratives.
En 2023, les agences exécutives gèrent au nom de la Commission une part du budget général de l'UE qui représente 18,7 milliards d'euros (budget opérationnel).
Hormis la CRU du secteur bancaire, l'agence ayant le budget le plus élevé en 2023 est Frontex, l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, avec 829,4 millions d'euros (contre 693,1 millions en 2022). L'agence qui a le budget le moins élevé est l'Agence d'approvisionnement d'Euratom.
Au 31 décembre 2023, 16 146 agents étaient employés par les agences (contre 15 775 agents en 2022), ce qui représente 18% de l'ensemble du personnel de l'UE :
- fonctionnaires ;
- agents temporaires et contractuels ;
- experts nationaux détachés.
Frontex dispose du plus grand nombre d'agents (2 238 en 2023, contre 2 063 en 2022), l'Agence d'approvisionnement d'Euratom a le plus faible effectif (16 en 2023, contre 17 en 2022).
Dans l'audit pour 2023 de la CCE, sur les 43 agences examinées, 39 ont reçu une opinion d'audit favorable pour leurs paiements. Les quatre qui ne l'ont pas reçue sont :
- l'Institut européen d’innovation et de technologie (EIT) ;
- l'Autorité européenne du travail (AET) ;
- l'Agence pour la cybersécurité (ENISA) ;
- l'Agence pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (EU-LISA).
La CCE a émis une opinion avec réserve pour l'EIT à cause du niveau estimatif d'erreurs dans les subventions qu'il gère. Pour les trois autres agences, à cause des irrégularités décelées dans les procédures de marchés publics ou lors de la mise en œuvre de ces derniers.
Le Réseau des agences de l'UE en dénombre 51. Le moteur de recherche des institutions de l'Union européenne en dénombre 45 en sélectionnant les quatre types d'agences (Rechercher tous les organes et institutions de l’UE), 55 en ajoutant au filtre de résultats les entreprises communes de l'UE (Rechercher tous les organes et institutions de l’UE). Le rapport de la CCE en compte 43.
Certaines agences ont une durée d'existence limitée (agences exécutives), ce qui rend le décompte encore plus complexe.
Ces différences illustrent ce que, déjà en 2009 et alors qu'il existait déjà 43 agences, le Sénat appelait l'"agenciarisation" de l'Europe : "La multiplication, en dehors de toute cohérence d'ensemble, des agences européennes permet d'externaliser certaines tâches de la Commission, au risque, parfois, de s'apparenter à un phénomène de démembrement de l'administration communautaire, préjudiciable à l'exercice des responsabilités."
Plusieurs raisons expliquent ce phénomène selon le Sénat :
- un accroissement progressif des compétences de l'UE, favorisant celui des agences ;
- les élargissements successifs de l'UE, chaque État membre revendiquant son agence ;
- la volonté de dépassionner des antagonismes d'ordre politique, voire idéologique. Par exemple, la mission de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies est marquée par un contexte d'opposition entre États membres sur les politiques à mettre en œuvre dans ce domaine ;
- la survenue de crises majeures (vache folle, naufrage de l'Erika, pandémie de Covid-19, par exemple, qui ont entraîné la création ou le renforcement de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, de l'Agence européenne de sécurité maritime ou de l'Agence européenne des médicaments) ;
- une plus grande souplesse en matière budgétaire et en capacité de recrutements de personnels souvent très spécialisés ;
- une plus grande réactivité et une meilleure visibilité de l'action de l'UE.
En laissant de côté les entreprises communes, les listes suivantes prennent en compte toutes les organisations mentionnées.
Les 35 agences décentralisées sont localisées dans toute l'Europe :
- Agence de l'Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER, Ljubljana, Slovénie) ;
- Autorité européenne des marchés financiers (ESMA, Paris, France) ;
- Agence de l'Union européenne pour la formation des services répressifs (Cepol, Budapest, Hongrie) ;
- Agence de l'Union européenne pour le programme spatial (Euspa, Prague, République tchèque) ;
- Agence de l'Union européenne pour l'asile (AUEA, La Valette, Malte) ;
- Agence de l'Union européenne pour la cybersécurité (Enisa, Athènes, Grèce) ;
- Agence de l'Union européenne pour la sécurité aérienne (AESA, Cologne, Allemagne) ;
- Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer (ERA, Valenciennes, France) ;
- Agence de soutien à l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (office de l'Orece, Riga, Lettonie) ;
- Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA, Vienne, Autriche) ;
- Agence européenne de contrôle des pêches (AECP, Vigo, Espagne) ;
- Agence européenne des médicaments (EMA, Amsterdam, Pays-Bas) ;
- Agence européenne pour l'environnement (AEE, Copenhague, Danemark) ;
- Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (EU-LISA, Tallinn, Estonie) ;
- Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA, Bilbao, Espagne) ;
- Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM, Lisbonne, Portugal) ;
- Autorité bancaire européenne (ABE, Courbevoie, France) ;
- Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP, Francfort-sur-le-Main, Allemagne) ;
- Autorité européenne du travail (ELA, Bratislava, Slovaquie) ;
- Centre de traduction des organes de l'Union européenne (CDT, Luxembourg, Luxembourg) ;
- Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC, Solna, Suède) ;
- Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop, Thessalonique, Grèce) ;
- Conseil de la résolution unique (résolution bancaire dans l'UE, CRU, Bruxelles, Belgique) ;
- Agence européenne des produits chimiques (ECHA, Helsinki, Finlande) ;
- Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA, Parme, Italie) ;
- Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound, Dublin, Irlande) ;
- Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust, La Haye, Pays-Bas) ;
- Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol, La Haye, Pays-Bas) ;
- Fondation européenne pour la formation (ETF, Turin, Italie) ;
- Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex, Varsovie, Pologne) ;
- Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE, Vilnius, Lituanie) ;
- Agence de l'Union européenne sur les drogues (EUDA, Lisbonne, Portugal, remplace l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies [OEDT]) ;
- Office communautaire des variétés végétales (OCVV, Angers, France) ;
- Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (OUEPI, Alicante, Espagne) ;
- Parquet européen (Luxembourg, Luxembourg).
Les 3 agences de PESC sont situées dans l'ouest de l'Europe :
- Agence européenne de défense (AED, Bruxelles, Belgique) ;
- Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (IESUE, Paris, France) ;
- Centre satellitaire de l'Union européenne (CSUE, Madrid, Espagne).
Les 6 agences exécutives sont situées à Bruxelles, en Belgique :
- Agence exécutive pour le Conseil européen de l’innovation et les petites et moyennes entreprises (EISMA) ;
- Agence exécutive européenne pour la recherche (REA) ;
- Agence exécutive européenne pour la santé et le numérique (HaDEA) ;
- Agence exécutive européenne pour le climat, les infrastructures et l’environnement (Cinea) ;
- Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture (EACEA) ;
- Agence exécutive du Conseil européen de la recherche (Ercea).
Les 2 agences Euratom sont situées au Luxembourg et en Espagne :
- Agence d'approvisionnement d'Euratom (ESA, Luxembourg, Luxembourg) ;
- Entreprise commune Fusion for Energy (F4E, contribution de l'UE au réacteur thermonucléaire expérimental international, ITER, Barcelone, Espagne).
Cinq agences sont donc situées en France. L'ALBC ouvrira à Francfort en juillet 2025.