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© Eric Cabanis/AFP

Logement social : la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) en 6 questions

Temps de lecture  11 minutes

Par : La Rédaction

L'article 55 de la loi SRU impose depuis 2000 à certaines communes de disposer d'un nombre minimal de logements sociaux. La loi SRU est un outil qui favorise le logement social comme un service d'intérêt général et un instrument de la mixité sociale. Dans les faits, comment est-elle appliquée ? La réponse en 6 questions.

La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre 2000, dite "loi SRU", a été élaborée autour de trois objectifs :

  • favoriser une plus grande solidarité ;
  • encourager le développement durable ;
  • renforcer la décentralisation.

La loi SRU a pour objectif de :

  • faire évoluer le droit de l'urbanisme. Les schémas de cohérence territoriale (SCOT), permettant la conception et la mise en œuvre d'une planification stratégique intercommunale, remplacent les schémas directeurs. Les plans locaux d'urbanisme (PLU), qui fixent à l'échelle communale ou intercommunale les règles d'aménagement et d'occupation des sols, remplacent les plans d'occupation des sols. Les plans d'aménagement de zone sont supprimés ;
  • encourager le développement durable. La loi SRU a pour objectif d'éviter l'étalement urbain en supprimant la possibilité de fixer une taille minimale aux terrains constructibles et le contrôle des divisions de terrain ne formant pas de lotissements ;
  • privilégier les transports en commun. L'objectif est de réduire la place de l'automobile dans les zones desservies correctement par les transports en commun ;
  • modifier le droit du logement. En ce qui concerne la copropriété d'un immeuble, la loi impose un diagnostic technique préalable, la mise en conformité des règlements de copropriété, l'accroissement des sanctions à l'encontre des copropriétaires défaillants et un compte bancaire séparé. Le régime des copropriétés en difficulté est entièrement revu. En ce qui concerne la vente de terrains, la loi instaure le bornage obligatoire, un délai de rétractation de 10 jours et le diagnostic amiante ;
  • créer un équilibre social dans chaque territoire dans un contexte de pénurie de logements sociaux.

L'article 55 de la loi SRU oblige les communes de plus de 3 500 habitants (1 500 habitants dans l'agglomération parisienne) qui appartiennent à des agglomérations ou des intercommunalités de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants à disposer au moins, au sein de leur parc de résidences principales, de :

  • 25% de logements sociaux ;
  • 20% de logements sociaux dans les territoires moins tendus.

Hors de ces territoires, les communes de plus de 15 000 habitants qui connaissent une croissance démographique de plus de 5% et justifient d'un effort de production supplémentaire au vu du fonctionnement de leur marché local de l'habitat ont l'obligation de proposer au moins 20% de logements sociaux.

Chaque année, les services de l'État procèdent à un inventaire contradictoire avec les communes concernées afin de déterminer leur taux de logements sociaux relativement au nombre de résidences principales. Depuis la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration (3DS) du 22 février 2022, sont déduits de la liste des résidences principales les logements concédés :

Selon le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, pour l'année 2022, 2 157 communes entrent dans le champ d'application de la loi SRU, parmi lesquelles :

  • 1 159 ne respectent pas le taux de logements sociaux qui leur est imposé ;
  • 846 atteignent ou dépassent leurs taux cibles de logements sociaux.

En termes de logements sociaux, 54% des communes ne respectent donc pas leurs obligations, auxquelles il faut ajouter 152 communes exemptées de l'application de la loi SRU pour la période triennale 2023-2025 :

  • 25 communes au motif de l'inconstructibilité de leur territoire ;
  • 85 communes au motif de leur faible attractivité ;
  • 42 communes au motif de la faible demande de logements sociaux sur leur territoire.

Sont exonérées du prélèvement les communes :

  • bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale ;
  • bénéficiaires de la troisième fraction (ou "part cible") de la dotation de solidarité rurale, à savoir les 10 000 premières communes de moins de 10 000 habitants les plus défavorisées parmi celles éligibles aux deux premières fractions, et qui sont à moins de 5 points de leur taux cible ;
  • nouvellement entrantes dans le dispositif.

La commission nationale SRU, placée auprès du ministre du logement, est chargée de garantir l'homogénéité de la procédure d'exemption, d'assurer le respect de la réglementation et de préserver l'esprit du dispositif.

La commission nationale SRU rend des avis motivés sur :

  • les projets d'arrêtés de carence ou leur absence ;
  • l'exemption des communes ;
  • la conclusion des contrats de mixité sociale (CMS).

Les communes déficitaires doivent rattraper leur retard. Le préfet de département leur propose un contrat de mixité sociale (CMS), instauré par la loi 3DS, permettant d'atteindre leurs objectifs de rattrapage.

Elles sont redevables d'un prélèvement annuel sur leurs ressources fiscales, proportionnel à leur potentiel fiscal et au déficit en logements sociaux.

Tout montant investi dans des logements sociaux est déductible de ce prélèvement annuel. Un tel mécanisme est destiné à favoriser l'investissement dans des logements sociaux, puisque le taux de prélèvement peut ainsi être ramené à zéro.

Le produit de ce prélèvement doit être utilisé pour développer le logement social et est affecté :

Le préfet de département peut établir un constat de carence en cas de non-respect des objectifs triennaux de production de logements sociaux par une commune. Le constat de carence entraîne plusieurs conséquences :

  • les pénalités peuvent être majorées jusqu'à cinq fois le montant du prélèvement initial ;
  • l'obligation de réaliser au moins 30% de logements locatifs sociaux dans toutes les opérations de construction de plus de 12 logements ou de plus de 800 m2 de surface de plancher ;
  • la reprise automatique du droit de préemption urbain (DPU) par le préfet ;
  • l'interdiction de la vente de logements par les organismes d'HLM en l'absence d'un CMS, sauf au bénéfice d'autres organismes.

Pour l'année 2022, le prélèvement annuel sur les communes déficitaires représente 203 millions d'euros. Une fois déduites les dépenses des communes concernées en faveur du logement social (subventions ou vente de terrains aux bailleurs sociaux, par exemple), ce montant s'établit à 113 millions d'euros, dont 39 millions d'euros issus de majorations de carence au titre de la période 2017-2019.

Plusieurs lois sont venues compléter la loi SRU et plus particulièrement ses dispositions relatives à l'obligation pour certaines communes de disposer d'un taux minimal de logements sociaux :

  • la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public favorise la construction de logements sociaux et relève l'objectif de logements sociaux de 20% à 25% pour les communes de plus de 3 500 habitants, tout en quintuplant les pénalités en cas de non-respect de ces dispositions ;
  • la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite "loi ALUR", instaure la possibilité pour les communes déficitaires de déduire de leurs pénalités les dépenses engagées en faveur du logement social ;
  • la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté prévoit la possibilité pour le préfet de délivrer des autorisations d'urbanisme dans les communes qui ne respectent pas les dispositions de la loi SRU en matière de logements sociaux. Elle renforce les obligations des communes dans lesquelles la demande de logement social est la plus forte ;
  • la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite "loi ELAN", rend obligatoire l'avis du maire pour toute opération de vente de logements sociaux dans les communes n'ayant pas atteint le taux de logements sociaux exigé par la loi SRU. Elle élargit le décompte des logements sociaux et crée un échéancier sur 15 ans pour les communes entrantes dans le dispositif. Enfin, le texte met en place un dispositif expérimental de mutualisation des obligations SRU en intercommunalité ;
  • la loi 3DS du 21 février 2022 prolonge le dispositif SRU au-delà de 2025. Les communes retardataires bénéficient de plus de temps et les objectifs de logements sociaux peuvent être définis localement, au travers du CMS, signé entre le préfet et le maire. Certains logements concédés à des militaires ne sont plus décomptés dans le parc de résidences principales au regard duquel le taux de logements sociaux est calculé. Le texte met fin à l'expérimentation de mutualisation des obligations SRU en intercommunalité instaurée par la loi ELAN.

Un projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables, présenté en conseil des ministres du 3 mai 2024, visait à atténuer les dispositions de l'article 55 de la loi SRU (assouplissement des quotas minimaux de logements sociaux). Présenté avant la dissolution de l'Assemblée nationale, le projet de loi n'a pas été examiné par le Parlement.

Selon un rapport de février 2021 de la Cour des comptes, la loi SRU a incontestablement eu un effet positif, avec, par exemple, la production de 210 000 logements sociaux entre 2017 et 2019 dans les communes soumises à la loi et un objectif triennal de 107%. Dans les faits, plus de la moitié des communes sont sous les seuils fixés par la loi SRU et doivent verser un prélèvement, avec l'obligation d'atteindre les objectifs SRU en 2025 au plus tard.

La Cour des comptes souligne que ces résultats contrastés sont dus aux différents aménagements de l'article 55 de la loi SRU, qui ont rendu son application complexe et sujette à différentes interprétations. La Cour suggère de ne pas attendre 2025 pour corriger les faiblesses du dispositif et "concourir plus effectivement à la mixité sociale".

Dans un rapport de mai 2021, le Sénat pointe les limites de la loi SRU. Même si le texte marque un tournant en exigeant la répartition homogène sur tout le territoire du logement social, il n'est pas possible de gommer en 25 ans plus d'un siècle d'urbanisme. Les difficultés locales de mise en œuvre ne sont pas suffisamment prises en compte. Toutefois, la moitié des 1,8 million de logements sociaux construits en 20 ans l'ont été dans les communes déficitaires. Mais la loi, souligne le Sénat, n'a pas permis de faire progresser la mixité sociale alors que c'était sa finalité. Elle n'a pas empêché une aggravation de la ségrégation de 10% des ménages les plus pauvres. Les quartiers où il y a beaucoup de logements sociaux se sont paupérisés.

Un rapport de l'Assemblée nationale d'avril 2023 rappelle que si un certain nombre de communes ne satisfont pas aux objectifs fixés, elles n'ont pas forcément constitué de réserves foncières qui pourraient garantir une dynamique de construction soutenable financièrement. Ce même rapport signale que l'objectif fixé par l'article 55 ne prend en compte que le nombre de résidences principales. Or, les communes comportant une part plus élevée de résidences secondaires se voient ainsi fixer des objectifs plus réduits, qui ne sont parfois pas respectés. Le rapport préconise la prise en compte de la part de résidences secondaires dans le calcul de l'objectif SRU.