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© JeanLuc Ichard - stock.adobe.com

Réforme de l'audiovisuel public : l'essentiel en 5 questions

Temps de lecture  8 minutes

Par : La Rédaction

Le débat sur le projet de réforme de l'audiovisuel public à l'Assemblée nationale a été reporté. Prévue à l'Assemblée nationale le 23 mai 2024, la proposition de loi de réforme de l'audiovisuel public a été retirée de l'ordre du jour par le gouvernement. Mais en quoi consiste ce projet de réforme ? Le point en cinq questions avec Vie-publique.fr.

La proposition de loi actuellement en attente d'examen par les députés a été amendée par le gouvernement. Elle prévoit désormais une réforme en deux étapes :

  • la création en 2025 d'une "holding" (société mère) France Médias regroupant les radios et chaînes de télévision publiques, sauf France Médias Monde (FMM), Arte et TV5 Monde, ainsi que l'INA ;
  • la fusion en 2026 des sociétés de l'audiovisuel public.

Détenue entièrement par l'État, France Médias devra définir la stratégie de chaque société ("veiller à la cohérence et à la complémentarité de leurs offres de programmes" et des coopérations internes, notamment). Deux conventions stratégiques pluriannuelles (CSP) seront conclues pour cinq ans entre l'État et la holding France Médias et Arte France. 

Le texte prévoit d'autres mesures, notamment :

  • "une ressource publique de nature fiscale, pérenne, suffisante, prévisible et prenant en compte l’inflation" pour financer les médias publics (la suppression de la redevance télé en 2022 est compensée par une fraction de la TVA jusqu'à fin 2024) ;
  • un déplafonnement des recettes publicitaires ;
  • la diffusion des événements sportifs sur les chaînes publiques.

L'examen du texte en première lecture à l'Assemblée nationale, prévu les 23 et 24 mai, a toutefois été reporté. 

Réformer l'audiovisuel public est un sujet évoqué depuis une dizaine d'années dans plusieurs rapports. Principale raison : renforcer les médias publics face à la concurrence des plateformes internationales de vidéos et des réseaux sociaux qui a diminué l'exposition de l'audiovisuel public.

Un rapport d'information de 2015 préconisait la création d'une holding chapeautant les médias publics. Objectifs : mettre un terme à "la dispersion des tutelles" et privilégier les actions communes en particulier dans le numérique et au niveau territorial (France 3 et France Bleu devaient être regroupés dans un nouveau média "France Médias Régions").

Le rapprochement des médias est lancé par le gouvernement en 2019. Un premier projet de loi sur la communication audiovisuelle prévoit la création d’un groupe avec à sa tête une société mère unique, France Médias, rassemblant Radiofrance, France Médias Monde, TV5 Monde, l'Institut national de l'audiovisuel (INA), france.tv et Arte. Son examen a été abandonné lors de la crise sanitaire en mars 2020. 

Un nouveau rapport sénatorial en 2022 juge le modèle de holding insuffisant. La fusion des entreprises nationales de l’audiovisuel public dans une même structure serait plus adaptée pour faire face à la concurrence du numérique. Il s'agit alors de "maximiser les mutualisations pour supprimer les doublons et investir davantage dans le numérique pour défendre notre souveraineté audiovisuelle". Dans ce cadre, les sénateurs proposent la création "d'une structure commune réunissant l’ensemble des journalistes de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde" (une newsroom). 

Le sénateur Laurent Lafon et d'autres élus des groupes Union Centriste et Les Républicains, ont déposé le 21 avril 2023 une proposition de loi qui reprend en partie le rapport de 2015 et le premier projet de loi. Le texte propose essentiellement la création d'une holding France Médias regroupant France Médias Monde (RFI, France 24 et MCD), Radio France, France Télévisions et l’Institut national de l’audiovisuel (INA).

Le 13 juin 2023, le Sénat a voté la création de la holding, France Médias. La ministre de la culture s'était alors opposée à cette réforme, préférant renforcer les coopérations par projet.

Alors que le texte revient devant le Parlement au printemps 2024, le gouvernement propose un amendement en commission des affaires culturelles : la fusion de l'audiovisuel public en 2026. Il est adopté par les députés (30 voix pour, 18 contre) le 14 mai 2024. Autres modifications : France Médias Monde (FMM) est exclu de la holding et les recettes publicitaires sont déplafonnées.

L'ensemble des syndicats est opposé au projet de holding et/ou de fusion des sociétés de l’audiovisuel public. Inquiets pour l'avenir des salariés, ils s'interrogent sur l'intérêt d'une fusion "qui s’annonce longue, complexe, anxiogène pour les salariés et sans réel objectif éditorial". Les syndicats de France Télévisions demandent par ailleurs "la mise en place rapide, au plus tard à l’automne 2024, d’un dispositif de financement pérenne et dynamique du service public audiovisuel", garantie d'indépendance.

Une tribune de l'ensemble des sociétés de journalistes (Le Monde, 22 mai 2024) dénonce cette réforme. "Non, les médias audiovisuels publics ne seront pas plus forts ensemble" car "les marchés, les usages, les modèles de production de la télévision et de la radio de service public ne sont pas les mêmes", affirment les journalistes. Ils craignent "un appauvrissement de l'offre d'information", et le risque "d'être plus sensibles aux pressions, notamment politiques, une fois réunis sous une seule et même direction." 

L'audiovisuel public représente 16 000 salariés et 4 milliards d'euros de budget (90% provenant de l'État) et comprend : 

  • France TV et sa plateforme numérique france.tv (France 2, 3, 4 et 5, France info, le réseau outre-mer La 1re ) : 2,57 milliards d'euros de dotation en 2024 et 8 825 salariés ;
  • Radio France (France Inter, France Culture, France Musique, FIP et Mouv', France Bleu, la chaîne d'information franceinfo) : 668 millions d'euros de budget et 4 400 salariés ;
  • France médias monde (RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya (MCD) : 304 millions d'euros de financement et 1 800 salariés ; 
  • l'Institut national de l’audiovisuel (INA) : 108 millions d'euros de financement et environ 900 salariés.

L'intégration de France Médias Monde (FMM) dans la holding fait l'objet de débats et n'est pas encore définitivement tranché. Arte (issue d'un traité franco-allemand) et TV5 (chaîne francophone internationale) ne sont pas concernées par le projet de réforme.

Un peu d'histoire

Depuis sa création, l'audiovisuel public a connu de nombreuses réformes.

  • 1949 : création de la radio télévision française (RTF) et création d'une redevance audiovisuelle
  • 1959 : nouveaux statuts de la RTF, placée sous l’autorité du ministre de l’Information
  • Loi du 27 juin 1964 transformant la RTF en Office de radiodiffusion et télévision française (ORTF)
  • Loi du 7 août 1974 : l'ORTF est démantelée et remplacée par sept organismes indépendants sans instance de coordination : Radio France, TF1 (Télévision Française 1), Antenne 2, FR3 (France Régions 3), TDF (Télé Diffusion Française), la SFP (Société Française de Production) et l’INA (Institut National de l'Audiovisuel).
  • Loi du 29 juillet 1982 : instauration de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (neuf sages), remplacée par la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL), puis le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en 1989 et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) en 2022
  • Loi du 1er août 2000 : création de France Télévisions ; France 24 est créée en 2006, l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF) en 2008 et devient France Médias Monde (FMM) en 2013
  • Loi de Finances rectificative du 16 août 2022 : suppression de la contribution à l'audiovisuel public ("redevance télé")

France Télévisions, Radio France, France Média Monde et Arte sont soumis actuellement à la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ("loi Léotard"). Les médias publics ont des missions de service public définies à l'article 43-11. Leurs programmes doivent se conformer à des exigences :

  • de diversité et de pluralisme ;
  • de qualité et d'innovation ;
  • de respect des droits de la personne et des principes démocratiques constitutionnels.

L'État conclut un contrat d’objectifs et de moyens (COM) avec chaque entreprise audiovisuelle publique (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Arte France et l'Institut national de l'audiovisuel). Le COM détermine la stratégie des entreprises et les ressources allouées pour une durée de cinq ans maximum.

Ils sont soumis à l'avis du Parlement et de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).

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