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Réserve d'or de la Banque de France : à quoi sert-elle ?

Temps de lecture  7 minutes

Par : La Rédaction

La France détient une réserve d'or de plus de 2 400 tonnes. C'est la Banque de France qui est chargée de sa conservation et de sa gestion. Quel est le rôle de cette réserve ? À quoi sert-elle et peut-on la vendre ? Vie-publique.fr fait le tour en 5 questions.

Avec 2 436,8 tonnes d'or, la France détient la quatrième réserve mondiale derrière les États-Unis, l'Allemagne et l'Italie (ou cinquième si on inclut celles du Fonds monétaire international avec environ 2 800 tonnes). 

Ce volume représente environ 78 millions d'onces (une once équivaut à environ 31 grammes). Comme les réserves de change, la réserve d'or apparaît dans le bilan de la Banque de France et elle est inscrite dans son actif.

Le code monétaire et financier assigne, dans son article L141-2, à la Banque de France la mission de détenir et de gérer les réserves d'or de l'État. Elle les conserve dans un lieu particulièrement sécurisé, appelé "la Souterraine", sous son siège à Paris. 
 

En valeur, le stock français d'or a longtemps représenté moins de 5% du PIB français. La récente hausse du cours de l’or a modifié la donne. Avec un cours de l'once d'or à plus de 3 600 euros à la mi-décembre 2025 (environ 4 250 dollars), la valeur du stock d'or de la France s'élève à un niveau théorique de plus de 300 milliards d'euros, ce qui correspond à environ 10% du PIB, estimé à 2 974 milliards d'euros en valeur en 2024. 

Le stock d'or a fortement varié au cours du XXe siècle. Très faible à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, il augmente au début des années 1950, notamment pour respecter les Accords de Bretton Woods

La réserve nationale d'or atteint son plus haut dans les années 1960, puis décline, avant de stagner depuis 2009. Entre 1999 et 2019, la vente de ces réserves était encadrée par le Central Gold Bank Agreement (CGBA) dans un but de stabiliser le cours mondial de l'or qui avait beaucoup baissé durant les années 1990.

Le stock d'or est un actif de réserve. Il contribue à la solidité du bilan de la Banque de France et à sa crédibilité pour la mise en œuvre de la politique monétaire, notamment. "Il n'y a aucun projet de le faire varier dans les années qui viennent, ni à la hausse, ni à la baisse", indique la Banque de France.

L'or est une valeur refuge en période de crise. Détenir une réserve d'or contribue à garantir la valeur de la monnaie émise et peut représenter une protection contre l'inflation et la dévaluation monétaire.

Les dernières ventes d'or effectuées par la Banque de France datent de 2009. Ces ventes ont été définies dans un programme portant sur 589 tonnes d'or (environ 20% du stock) étalé entre 2004 et 2009. Il faisait suite à un accord entre l'État et la Banque de France en vue de gérer plus activement les réserves de change, y compris l'or. 

À la suite de la crise financière de 2007-2008, l'or s'est nettement apprécié. Des banques centrales ont alors stoppé leur programme de cession. De son côté, la Banque de France a continué à vendre : 124,6 tonnes en 2007, 102,9 en 2008 et 56 en 2009. Dans son rapport annuel de 2012, la Cour des comptes estime que "le résultat de ce programme n'est pas aussi satisfaisant, en raison de l'appréciation du cours de l'once d'or à partir de 2005". 

En mars 2025, la Banque de France a annoncé dans son rapport annuel avoir subi une perte nette de 7,7 milliards d'euros en 2024. La perte opérationnelle s'est même élevée à près de 18 milliards d'euros, mais a pu être réduite grâce à l'activation d'un fond pour risques. La récente hausse du cours de l'or sur les marchés est ainsi une bonne nouvelle qui peut renforcer la stabilité et la crédibilité de la Banque de France. 

La dette publique dépasse 100% du PIB français : fin 2024, elle a atteint 3 305 milliards, correspondant à 113% du PIB. L'intérêt de l'utilisation des réserves d'or de la France pour réduire la dette doit être examiné selon trois critères :

  • Niveau et valeur des réserves d'or : si la Banque de France vendait aujourd'hui l'intégralité de son stock d'or, cette vente, aux prix de marché en septembre 2025, pourrait rapporter environ 250 milliards d'euros. Même si ce volume est significatif, il ne représente qu’une fraction de la dette publique totale de la France (environ 7%). L’impact sur la dette serait donc très limité ;
  • Stabilité économique et crédibilité : les réserves d'or jouent un rôle important pour la crédibilité de la banque centrale dans la mise en œuvre de la politique monétaire. La réserve est considérée comme un actif de dernier recours pour les banques centrales qui contribue à la stabilité économique. La perte enregistrée par la Banque de France en 2024 illustre l'importance de détenir un tel actif ;
  • Impact sur les marchés : afin d'avoir un effet financier rapide, la Banque de France devrait mettre en place une vente concertée de son stock. Une telle vente massive pourrait entraîner des répercussions sur les marchés financiers, notamment sur le prix de l'or et la confiance des investisseurs.

La vente des réserves d'or pour réduire la dette publique représente ainsi une mesure peu durable et potentiellement risquée, notamment face aux méthodes classiques de gestion de la dette publique, telles que la réduction des dépenses, l'augmentation des recettes ou la restructuration de la dette. 

Depuis la création de l'euro et l'appartenance de la Banque de France à l'Eurosystème, le contrôle des réserves d'or détenues par les banques centrales nationales est devenu plus complexe. Les banques nationales restent propriétaires de leurs réserves, mais la BCE a son mot à dire dans la gestion de leurs réserves d'or et de change. Ceci découle de sa mission de gestion de l'euro.

C'est la Banque de France qui assure la détention et la gestion des réserves françaises en or en vertu de l'article L141-2 du code monétaire et financier. Cette responsabilité fait partie des nombreuses missions de service public que l’État a confiées ou transférées par la loi à la Banque de France, comme tenir le compte du Trésor, gérer les réserves de change ou gérer la commission qui traite du surendettement des ménages. 

La question de la propriété des réserves d'or s'est posée en Italie où, en novembre 2025, un projet d'amendement parlementaire a proposé que l'or détenu par la Banque d'Italie appartienne au "peuple italien". 

Cet amendement, retiré depuis, pouvait remettre en cause l'indépendance de la Banque d'Italie. En outre, il pouvait conduire à ce que la banque centrale du pays agisse sous contrainte du gouvernement, ce qui aurait pu être interprété comme une menace pour la stabilité de l'euro. Depuis l'instauration de la monnaie unique, les réserves d'or (tout comme les réserves de devises) des banques centrales de l'Eurosystème servent à sous-tendre la crédibilité de l'euro. Elles sont un instrument de stabilité monétaire et non pas une ressource budgétaire.

Dans l'actuelle architecture de la monnaie unique, les banques centrales nationales opèrent sous la coordination de la Banque centrale européenne (BCE) pour définir et mettre en œuvre la politique monétaire commune, tout en conservant l'autonomie de leur bilan respectif. Cette architecture implique que les banques centrales nationales ne peuvent pas recevoir d'instructions des gouvernements nationaux. 

Si l'indépendance des banques centrales, y compris sur la gestion des réserves d'or ou de devises, est co-constitutive de l'euro et bénéficie d'un large consensus, certaines forces politiques, y compris dans le Parlement européen, ne partagent pas cette vision au nom de la souveraineté nationale.