Moyens publics et pratiques dommageables à la biodiversité

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Pour faire face à l'effondrement de la biodiversité au niveau national et mondial, la France a défini en 2023 une stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) pour 2030, afin de réaliser l'identification, la réorientation voire la suppression progressive des subventions nocives pour la biodiversité. Ce rapport examine les moyens publics à destination des secteurs dont les activités ont un impact connu sur la biodiversité : l'agriculture, la forêt, la pêche, le transport maritime, la production énergétique et l'aménagement du territoire. Sur plus de 92 Md€ d'aides publiques examinées, 37 Md€ méritent d'être réexaminées, dont 20 Md€ en priorité. Ces montants identifient des financements dommageables à la biodiversité ou qui ne sont pas suffisamment documentés quant à leurs effets sur la biodiversité.

Introduction

1. La mission a recensé les financements publics accordés à des secteurs provoquant des pressions sur la biodiversité

1.1. Le champ d'analyse de la mission s'est restreint aux secteurs générant le plus de pressions sur la biodiversité qui représentent plus de 92 Md€ de moyens publics
1.1.1. La biodiversité et les services qu’elle procure sont soumis à cinq pressions anthropiques, de nature et d'intensité diverses
1.1.2. Au sein des cinq secteurs économiques retenus, certaines pratiques renforcent les pressions anthropiques
1.1.3. Les secteurs étudiés par la mission représentent plus de 92 Md€ de dépenses publiques, de toute nature, avec un soutien parfois essentiel à la viabilité économique de l'activité, comme pour l'agriculture et la pêche

1.2. La mission s'est attachée à recenser les moyens publics susceptibles d'encourager ou de permettre le maintien de pratiques dommageables à la biodiversité
1.2.1. L'absence de dispositifs directement dommageables à la biodiversité invite à élargir le champ de l'analyse
1.2.2. La définition d'un scénario contrefactuel est un préalable au chiffrage des moyens publics finançant des pratiques dommageables à la biodiversité
1.2.3. L'existence de données suffisamment précises sur les effets sur la biodiversité ou le montant des soutiens publics est un prérequis difficile à atteindre dans tous les secteurs et pour toutes les sources de financement

1.3. À partir de travaux existants, la mission a construit des cotations permettant d'identifier les dispositifs pouvant être améliorés pour préserver la biodiversité
1.3.1. De nombreux travaux se sont déjà penchés sur les effets sur la biodiversité des pratiques et des moyens qui les financent
1.3.2. Dans le périmètre traité par la mission, la démarche retenue se veut la plus opérationnelle possible
1.3.3. Une méthode qui s'appuie sur la littérature et les données existantes, dans un souci de prendre des décisions opérationnelles

2. La mission a recensé plus de 730 dispositifs, représentant plus de 92 Md€, au sein des secteurs étudiés

2.1. Plus de 250 dispositifs nécessitent un approfondissement au regard de leurs effets sur la biodiversité, pour un montant de 37 Md€, dont 20 Md€ sont à revoir en priorité

2.2. Les moyens publics bénéficiant à l'agriculture, plus de 31 Md€ par an, ne suffisent pas à enrayer la crise de la biodiversité observée sur les terres agricoles, et 26 % d'entre eux doivent faire l'objet d'une révision prioritaire
2.2.1. Des moyens importants, de toute nature, soutiennent un secteur structurellement dépendant du soutien public
2.2.2. La PAC encourage une évolution des pratiques agricoles encore insuffisante pour enrayer le déclin de la biodiversité
2.2.3. L'analyse menée grâce à l'appui des données du ministère de l'agriculture indique que près de 8,3 Md€, soit 26 % des concours au secteur, sont à approfondir en priorité car finançant potentiellement des pratiques dommageables à la biodiversité

2.3. Les soutiens en faveur des secteurs de la pêche, de l'aquaculture et du transport maritime s'inscrivent dans un modèle économique de secteurs ouverts à la concurrence internationale, dont la prise en compte des enjeux de biodiversité pourrait être renforcée
2.3.1. Dans les milieux marins, les pratiques non conditionnées en soutien du transport maritime, de l'aquaculture et de la pêche par arts traînants sont les plus dommageables pour la biodiversité
2.3.2. La mission a recensé plus de 2 Md€ de soutiens publics aux secteurs de la pêche, de l'aquaculture et du transport maritime, sans vision sur les financements apportés par les collectivités
2.3.3. Près de 740 M€ via 18 dispositifs publics de soutien aux filières maritimes concourent au maintien ou au développement d'activités dommageables à la biodiversité

2.4. La forêt ne fait pas tant l'objet de dépenses publiques défavorables que de pratiques, publiques et privées, insuffisamment orientées vers la préservation de sa biodiversité
2.4.1. Les dépenses publiques en faveur de la forêt sont réparties entre de nombreux programmes du budget de l'État, de quelques fonds européens et régionaux
2.4.2. Les financements de la forêt répondent principalement à la pression du changement climatique, mais ils peuvent néanmoins avoir un effet dommageable sur la biodiversité

2.5. Les financements aux énergies, représentant plus de 21 Md€, produisent des dommages à la biodiversité dans leur composante "production", en matière d'aménagement du territoire
2.5.1. Dans le secteur de l'énergie, les dommages causés à la biodiversité relèvent aussi de l'aménagement du territoire
2.5.2. Les dépenses publiques en faveur du secteur de l'énergie identifiées par la mission dépassent 21,6 Md€ en 2024 (PLF)
2.5.3. Les subventions publiques à revoir représentent 68 % des dépenses en faveur du secteur de l'énergie

2.6. L'aménagement du territoire, et en particulier la politique du logement, ont été soutenus par la puissance publique
2.6.1. La mission a identifié 34,7 Md€, via plus de 300 instruments, de soutiens publics susceptibles d'avoir un impact en matière d'artificialisation des sols
2.6.2. La mission a identifié 2,7 Md€ de dépenses nécessitant des approfondissements prioritaires au regard des pratiques dommageables à la biodiversité via leur impact sur l'artificialisation des sols, et 9,5 Md€ de
financements dont l'impact sur la biodiversité devrait faire l'objet d'un suivi

3. Construits pour des objectifs autres que la préservation de la biodiversité et inscrits dans des systèmes économiques et sociaux complexes, les modifications des dispositifs identifiés par la mission nécessitent une véritable planification pour qu'elles soient acceptées et mises en œuvre par les parties prenantes

3.1. Tout en invitant à améliorer la connaissance des effets sur la biodiversité et en ayant conscience des environnements complexes des secteurs étudiés, la mission préconise de réorienter et de redéfinir les dispositifs insuffisamment conditionnés en matière de biodiversité

3.2. La politique agricole commune peut faire l'objet d'adaptations permettant de renforcer la protection de la biodiversité des milieux agricoles dans le cadre de la préparation du prochain cycle de la PAC

3.3. L'amélioration de la biodiversité en forêt relève avant tout d’une révision des méthodes de gestion forestière, publique et privée, plus que de dispositifs financés et dommageables à la biodiversité
3.3.1. La gestion durable est censée être obligatoire pour la forêt publique et privée, avec prise en compte de tous les enjeux de préservation de la biodiversité
3.3.2. Au regard des faibles moyens concernés et de l'éclatement de la politique publique, les pistes de réflexion invitent à mieux identifier les structures en charge de la forêt pour mieux mobiliser son potentiel favorable à la biodiversité

3.4. La pêche et le transport maritime, secteurs exposés à la concurrence internationale et soutenus massivement par la puissance publique, peuvent faire l'objet d'un accompagnement pour réduire leurs effets sur la biodiversité
3.4.1. L'amélioration de la connaissance des soutiens publics aux activités maritimes est indispensable pour suivre et évaluer leurs impacts sur la biodiversité
3.4.2. La pêche et le transport maritime français s'inscrivent dans un contexte international qui limite les marges de manœuvre à l'échelon national, mais l'ampleur des soutiens publics apportés à ces secteurs offre
néanmoins une opportunité pour faire évoluer leurs pratiques

3.5. Le secteur de l'énergie, tant dans son volet production que pour son volet consommation, présente des marges d'amélioration importantes au regard des moyens qui sont apportés sur ces deux volets
3.5.1. Dans le secteur de l'énergie, la mission invite à améliorer la connaissance de l'impact des aides sur la biodiversité
3.5.2. Propositions relatives aux subventions finançant la production d'énergies dommageables
3.5.3. Propositions relatives aux soutiens publics en faveur de la consommation d'énergie dommageable à la biodiversité

3.6. La mise en œuvre de la politique du ZAN et les chantiers sur la politique du logement doivent être des opportunités pour réduire l'artificialisation des sols dans le cadre de l'aménagement du territoire
3.6.1. L'amélioration de la connaissance et le suivi de l’impact en termes d'artificialisation des soutiens publics au logement, à la construction et à l'aménagement du territoire reposent sur la mise en place d'indicateurs et de méthodologies transparentes au niveau de tous les acteurs de l'aménagement du territoire
3.6.2. Le renforcement de la conditionnalité des aides au logement et des dotations d'aides à l'investissement des collectivités, ainsi que l'adaptation des fiscalités du logement, de la construction et de l'aménagement du
territoire sont essentiels pour atteindre les objectifs du ZAN

Conclusion

  • Type de document : Rapport d'inspection
  • Pagination : 503 pages
  • Édité par : Inspection générale des finances : Inspection générale de l'environnement et du développement durable