Texte intégral
Monsieur le Premier ministre,
Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les maires,
Mesdames, Messieurs,
C'est la seconde fois que j'interviens devant votre assemblée, où se retrouvent, dans leur diversité, les représentants des élus des villes de France. Je félicite l'ensemble des associations qui ont pris l'initiative de cette rencontre, permettant que la réflexion engagée il y a deux ans débouche sur la " charte de l'urbain " qui vient d'être présentée. Je tiens à remercier de son accueil Jean-Marie BOCKEL, président de l'Association des maires des grandes villes de France. J'associe à ces remerciements la Fédération des maires des villes moyennes et l'Association des maires des villes et banlieues qui ont organisé conjointement cette manifestation, ainsi que les autres associations d'élus qui y participent. J'avais annoncé, lors de votre première conférence, la création de l'Institut des Villes ; je salue le dynamisme dont il fait preuve sous l'impulsion de Edmond HERVÉ.
Vous l'avez rappelé, Monsieur le Président : aujourd'hui, 80 % des Français vivent en milieu urbain. C'est là une profonde mutation de notre pays, qui fut un des plus ruraux d'Europe occidentale. Les villes sont des pôles de développement sur lesquels se fonde le dynamisme de notre pays. Mais elles concentrent aussi un grand nombre des difficultés auxquelles notre société est confrontée. Enfin, les villes doivent nouer une relation équilibrée avec les territoires qui les entourent, les villages, terroirs et campagnes qui font la richesse du territoire français. Il y a là matière à un grand débat national, que les prochaines échéances électorales permettront d'approfondir. Au cours de cette journée de travaux, vous avez abordé le rôle des villes dans notre organisation territoriale. Je voudrais apporter ma contribution à votre réflexion.
Les Villes ont un rôle essentiel à jouer dans notre organisation territoriale.
Elles ont été des points d'appui pour le vaste mouvement de décentralisation lancé en 1982.
Cette décentralisation, dont nous fêtons le vingtième anniversaire, a été un grand succès. Les Français l'ont vite plébiscitée. Pourtant, lorsque Pierre MAUROY et Gaston DEFFERRE ont défendu ces textes de loi, ils se sont heurtés à une forte opposition. Certains assuraient que l'on allait défaire la France. Les lois de décentralisation de 1982 et 1983 ont en fait libéré les initiatives locales et permis que notre pays tire pleinement parti de sa diversité, sans compromettre en rien son unité. Elles ont contribué à moderniser notre pays. C'était une bonne réforme, portée par une idée claire, résolument mise en uvre, mais sans esprit de système, une réforme qui faisait confiance aux Français. C'est pourquoi élus et citoyens se la sont appropriée.
Fort de cette expérience, mon gouvernement s'est engagé à nouveau sur le chemin de la décentralisation. Quatre grandes lois, modernisant l'organisation du territoire national et renforçant le rôle des élus locaux, auront marqué cette législature. Je rends hommage aux ministres qui les ont portées : Dominique VOYNET, Jean-Pierre CHEVENEMENT, Jean-Claude GAYSSOT, Claude BARTOLONE, Daniel VAILLANT. La loi du 12 juillet 1999 a donné une forte impulsion au mouvement de regroupement intercommunal, sans nier les identités communales auxquelles sont attachés nos concitoyens. Plus des deux tiers des Français habitent désormais dans les 2.000 groupements de communes à fiscalité propre. La loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire a complété la loi sur l'intercommunalité en faisant des agglomérations et des pays des territoires de projets. J'évoquerai tout à l'heure la loi de solidarité et renouvellement urbains.
Parce que la décentralisation n'est pas seulement affaire de transferts de compétences, mais qu'elle est au cur de la démocratie, nous avons voulu y conforter la place du citoyen. C'est le sens de la loi sur la démocratie de proximité, que le Parlement vient d'adopter. Je me réjouis que la majorité et l'opposition aient trouvé un accord sur un sujet aussi important. Cette loi améliore la situation des élus -en leur permettant notamment de mieux concilier leur mandat avec une activité professionnelle-, assure la place des quartiers et celle de l'opposition municipale et transfère de nouvelles compétences aux collectivités locales. Je veux aussi citer la loi sur la parité entre les femmes et les hommes et celle réduisant le cumul des mandats.
Ainsi, fidèle à l'inspiration du Gouvernement de Pierre MAUROY et prolongeant son ambition, ce Gouvernement a été volontariste en matière de décentralisation. Il a mené à bien des réformes qui apportent déjà un souffle nouveau à notre démocratie locale et qui, dans la durée, la rénoveront profondément.
Mais de nouvelles étapes de la décentralisation n'en sont pas moins nécessaires.
La prochaine législature devrait permettre de simplifier et de clarifier notre organisation territoriale. Trop de superpositions de compétences, de concurrence entre services, de financements croisés provoquent des retards, des confusions et finalement une dilution des responsabilités. Clarifier les responsabilités est une exigence pour offrir à nos concitoyens un meilleur service public de proximité.
Je crois impératif de mieux répartir les compétences entre l'Etat et les collectivités. Il appartient à l'Etat de fixer la règle nationale mais celle-ci ne doit pas entrer dans trop de détails. Ce sont les collectivités locales -et tout particulièrement les régions- qui devraient pouvoir en choisir les modalités d'application les mieux adaptées.
Il est également indispensable de clarifier les responsabilités de chaque niveau de collectivités. Moins que le nombre de ces niveaux -semblable chez la plupart de nos voisins-, c'est l'imprécision du rôle de chaque échelon qui fait problème en France. Un seul niveau de collectivités devrait être compétent dans chaque matière, et lorsque ce ne sera pas possible, une des collectivités devrait être désignée comme chef de file. Des collectivités qui le demanderaient devraient pouvoir être autorisées à déléguer certaines de leurs compétences à des collectivités d'un autre niveau. Il me semble en particulier que les grandes communes et les intercommunalités devraient pouvoir exercer des compétences actuellement dévolues aux départements, par exemple en matière sociale. Cette formule pourrait être expérimentée avant d'être éventuellement généralisée.
Enfin, il reste à assurer aux intercommunalités une représentativité correspondant à leur rôle croissant. Il est devenu nécessaire que les instances des regroupements intercommunaux à fiscalité propre soient désignées au suffrage universel, lors du prochain renouvellement des conseils municipaux, en 2007, selon des modalités d'élection qui ne portent pas atteinte à la légitimité de l'institution communale.
Cet approfondissement de la décentralisation devra s'accompagner d'une réforme des structures locales de l'Etat : elles devront être mieux adaptées à la déconcentration des décisions, identifier plus clairement les responsables pour nos concitoyens et les élus et tenir compte, lorsque c'est nécessaire, des caractéristiques régionales.
Par-delà la décentralisation, les villes sont aussi un partenaire privilégié des politiques d'aménagement du territoire. En quarante ans, ces politiques ont favorisé l'essor de véritables capitales régionales, équilibrant la mégalopole parisienne. Grâce au dynamisme économique et culturel des régions, qui offrent un haut niveau d'équipements, de services et de qualité de vie, la France est devenue multipolaire. Mieux équilibrée, elle est plus forte. Pour autant, beaucoup de nos capitales régionales n'ont pas la taille et la puissance de leurs homologues européennes. Il faut donc renforcer leur dynamisme économique et accroître leurs compétences dans un nouveau mouvement de décentralisation. Voilà les deux volets d'une même ambition : organiser le territoire autour de pôles forts de développement pour soutenir la croissance et l'emploi et améliorer la qualité de vie de tous.
Mais les villes ne peuvent progresser en négligeant les territoires qui les composent ou les entourent. La crise économique et sociale des années 1970-1980 a laissé certains territoires en marge du développement, malgré les efforts de reconversion. A l'heure où certaines villes fondent leur croissance rapide sur leur insertion dans le flux de la mondialisation, il est essentiel que notre pays réaffirme le pacte de solidarité qui lie entre eux les territoires de la République. Je ne veux pas d'une décentralisation qui affaiblirait ce pacte. Ma conviction est que la France a besoin d'une décentralisation solidaire.
C'est pourquoi, à mes yeux, le développement des villes ne se conçoit que dans la solidarité entre les territoires de la République.
Cette exigence de solidarité s'impose d'abord au sein de la ville elle-même. Lorsque le territoire urbain est morcelé, les quartiers enclavés, le lien social se rompt. La Ville ne joue plus suffisamment son rôle intégrateur. Ses habitants n'ont plus le sentiment de partager une même communauté de vie. Prenant la mesure de cet enjeu, le Gouvernement a vigoureusement réagi.
La loi solidarité et renouvellement urbains a doté les élus de nouveaux outils leur permettant d'organiser un développement équilibré et solidaire à l'échelle de l'agglomération, en matière d'urbanisme, de transports et d'habitat. Cette loi permet aussi de garantir une mixité sociale par une répartition équitable des logements sociaux -et l'on se rappelle que le Gouvernement a dû batailler ferme pour obtenir le vote de cette disposition. Les effets de ces nouveaux outils se dessinent peu à peu et monteront en puissance.
Mais il convenait également de résorber les erreurs du passé. Le Gouvernement a mobilisé des moyens sans précédents pour casser la logique d'exclusion et de ségrégation sociale.
Pour promouvoir une véritable renaissance des villes, le budget du ministère délégué à la Ville a triplé en cinq ans. Les moyens ont donc changé d'échelle. Nous avons d'abord voulu transformer le cadre de vie et tourner la page des " cités-dortoirs ". Un vaste programme, centré autour de 50 Grands Projets de Ville et de 70 opérations de renouvellement urbain aura mobilisé 5 milliards d'euros d'ici 2006. Le Gouvernement a décidé d'accélérer le programme de démolition et de reconstruction des logements vétustes, lancé en 1998. En 2001, 9.000 démolitions ont été réalisées, contre 3.500 en 1998. Notre objectif est d'atteindre 30.000 logements démolis par an. Je salue ici l'implication nouvelle des partenaires sociaux du " 1 % logement " qui ont choisi, au travers de la convention du 11 octobre dernier, de s'engager à leur tour dans cette grande ambition. Ce nouveau dispositif, applicable dès 2002, mais qui prendra sa pleine dimension sur la période 2003-2006, permettra de mobiliser plus d'un milliard d'euros par an à cet effet.
Pour donner un nouveau visage à ces quartiers, il faut aussi améliorer la vie quotidienne de leurs habitants. C'est d'abord assurer la propreté, l'éclairage, l'entretien des espaces publics. L'abattement de 30 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements sociaux en zone urbaine sensible et le triplement en 2002 des aides de l'Etat va permettre des progrès significatifs dans ces domaines. Il faut aussi aider les associations à proposer des activités aux jeunes, favoriser l'implantation de commerces et d'entreprises. C'est aussi par la politique de l'emploi, la lutte contre les discriminations et la formation que nous parviendrons à donner aux habitants de ces quartiers, notamment aux plus jeunes, confiance dans leur avenir. Sur tous ces sujets, le Gouvernement a mis en place de nouveaux moyens et de nouveaux outils, qui commencent à produire leurs effets. Il faut poursuivre dans cette voie et amplifier encore les moyens en faveur de la réussite des jeunes.
Il faut renforcer la présence humaine dans ces quartiers, notamment dans les lieux et les transports publics : les 8.000 agents locaux de médiation sociale, les correspondants de nuits, concourent à cet objectif. L'ouverture, dans la loi de finances 2002, du dispositif d'adultes-relais aux collectivités locales et aux associations permettra d'atteindre l'objectif de 10.000 recrutements dans les quartiers en difficulté. De même, il faut renforcer la présence de gardiens dans les immeubles. Le décret du 28 décembre 2001 rend obligatoire le recrutement d'un gardien pour cent logements, dès cette année.
Dans ces quartiers en particulier, il faut assurer la sécurité et la tranquillité. Les actes de délinquance et d'incivilité doivent être systématiquement combattus. La loi sur la sécurité quotidienne, le développement de la police de proximité et le renforcement significatif des effectifs doivent y contribuer. Nous avons engagé un combat résolu contre le trafic de drogue et l'économie souterraine, qui nourrissent la violence et éloignent les jeunes de l'Ecole et du travail.
Pour lutter contre la délinquance, le Gouvernement a en outre défini deux orientations, dont je suis surpris qu'elles apparaissent chez certains comme des propositions nouvelles, alors qu'elles sont décidées ou même déjà engagées. La première est la mise en place de centres pour les mineurs délinquants, qui ne peuvent être, en raison de leur âge, incarcérés dans des établissements pénitentiaires -un " remède " qui serait pour eux pire que le mal. Nous aurons créé, comme nous en avions pris l'engagement, 50 centres de placement immédiat et 100 centres d'éducation renforcés. Il faut rapidement en augmenter le nombre et, particulièrement pour les CPI, en renforcer l'encadrement.
La deuxième orientation, pour une part déjà opérationnelle, est l'association des maires à la lutte contre l'insécurité. Nous avions commencé de le faire avec les contrats locaux de sécurité, qui sont, aux yeux des maires eux-mêmes, un succès. La loi sur la sécurité quotidienne vient de poser solennellement le principe qu'ils doivent être associés à la définition des priorités de la lutte contre la délinquance et informés des résultats de cette lutte. Nous menons à bien, concrètement, cette mise en place du maire au cur de la sécurité de proximité. Le maire animera les structures de concertation qui feront vivre ces dispositions novatrices, selon des modalités qu'il faudra préciser, en fonction de la taille des communes, avec les maires eux-mêmes.
La solidarité doit aussi se manifester entre les territoires de notre pays. Nos concitoyens sont attachés à la décentralisation mais ils ne veulent pas qu'elle soit un accélérateur des inégalités.
Le Gouvernement a veillé à ce que les collectivités locales disposent de ressources financières suffisantes pour exercer leurs missions. Le contrat de croissance et de solidarité, mis en uvre par ce Gouvernement pour 1999, 2000 et 2001 et prolongé en 2002, a permis à la DGF de progresser deux fois plus vite -16 % au lieu de 8 %- que les dépenses de l'Etat pendant cette période. C'est beaucoup plus que ce que le Pacte de stabilité de 1996 aurait accordé. En 2002, la dotation globale de fonctionnement augmentera encore de plus de 4 %. Pour les années suivantes, un mécanisme nouveau devra être mis en place, après concertation. Il prendra place dans la réforme des finances locales à laquelle la prochaine législature devra s'atteler. Le rapport du Gouvernement sur les finances locales constitue une base pour les travaux à venir.
Pour corriger les inégalités de ressources des collectivités, la péréquation est un impératif. Depuis 1997, la dotation de solidarité urbaine s'est accrue de 80 % et la dotation de solidarité rurale de 60 %. C'est encore insuffisant et nombre de communes, avec des ressources réduites, peinent à faire face à leurs besoins. Faut-il que la péréquation porte sur une part plus élevée des dotations de l'Etat ? J'y suis tout à fait favorable. Il faut choisir les bons mécanismes de péréquation et en déterminer le taux. Une décentralisation qui rendrait plus riches les collectivités déjà bien dotées et plus pauvres les collectivités défavorisées n'aurait pas ma faveur. Une décentralisation libérale du " chacun pour soi " ne me paraît d'ailleurs pas être ce qu'attendent les Français.
Pour corriger ces inégalités, les fonds structurels européens contribuent significativement à ces politiques de rééquilibrage. Je souhaite que pour l'avenir l'Europe s'engage davantage encore en faveur de la Ville.
La Ville doit aussi être au cur de réseaux de solidarité avec les territoires qui l'entourent. Inventons des complémentarités nouvelles entre les espaces urbains et le milieu rural, entre les petites et les grandes villes. Apprenons à concevoir l'organisation du territoire régional comme des réseaux d'espaces solidaires et non plus comme des territoires clos, hiérarchisés, séparés par des frontières. L'heure n'est plus aux découpages, mais à la mise en relation. Dans cette optique, la localisation des équipements collectifs et des services publics, les réseaux de transports et d'échanges, l'implantation de l'habitat et des zones d'activités doivent se concevoir dans un ensemble qui intègre des villes et une zone rurale ou faiblement urbanisée. D'ores et déjà, les nouveaux schémas de cohérence territoriale, les chartes de développement et la décentralisation des services régionaux de voyageurs vont permettre d'avancer dans ce sens.
Cette solidarité doit aussi s'exercer à l'échelle nationale. Chaque territoire doit disposer d'outils et de moyens suffisants. C'est pourquoi les contrats de plan, puis les schémas de services collectifs ont traduit la volonté du Gouvernement de renforcer le niveau des équipements des régions pour accroître la qualité de vie et notre compétitivité. Ainsi, le dernier CIADT de Limoges a décidé de généraliser la couverture en téléphone mobile et l'accès au haut débit.
Mesdames, Messieurs,
Rechercher la solidarité entre les territoires, c'est conforter la République et renforcer la démocratie locale. C'est pourquoi toute nouvelle réforme de décentralisation doit placer le citoyen au cur du territoire. Nous voulons approfondir la citoyenneté en instaurant une réelle démocratie participative, à tous les niveaux de territoires. Grâce à la loi sur la démocratie de proximité, les citoyens pourront participer à l'élaboration de grands projets grâce à un débat public élargi. Cette participation à la vie de la cité suppose en particulier le maintien des services publics de proximité, dans l'ensemble des territoires, en utilisant lorsque cela est possible des formules innovantes comme celle des maisons des services publics. Nous y avons veillé.
Tout doit être mis en uvre pour recréer du lien social et de la cohésion au sein des villes. Nous devons rendre la Ville plus accueillante pour tous. Faire renaître des villes solidaires, ouvertes sur leur environnement, capables d'initiatives et de créativité, partenaires d'un Etat réorganisé dans une Europe plus cohérente, voilà pour notre pays un grand défi pour les prochaines années.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 26 février 2002)
Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les maires,
Mesdames, Messieurs,
C'est la seconde fois que j'interviens devant votre assemblée, où se retrouvent, dans leur diversité, les représentants des élus des villes de France. Je félicite l'ensemble des associations qui ont pris l'initiative de cette rencontre, permettant que la réflexion engagée il y a deux ans débouche sur la " charte de l'urbain " qui vient d'être présentée. Je tiens à remercier de son accueil Jean-Marie BOCKEL, président de l'Association des maires des grandes villes de France. J'associe à ces remerciements la Fédération des maires des villes moyennes et l'Association des maires des villes et banlieues qui ont organisé conjointement cette manifestation, ainsi que les autres associations d'élus qui y participent. J'avais annoncé, lors de votre première conférence, la création de l'Institut des Villes ; je salue le dynamisme dont il fait preuve sous l'impulsion de Edmond HERVÉ.
Vous l'avez rappelé, Monsieur le Président : aujourd'hui, 80 % des Français vivent en milieu urbain. C'est là une profonde mutation de notre pays, qui fut un des plus ruraux d'Europe occidentale. Les villes sont des pôles de développement sur lesquels se fonde le dynamisme de notre pays. Mais elles concentrent aussi un grand nombre des difficultés auxquelles notre société est confrontée. Enfin, les villes doivent nouer une relation équilibrée avec les territoires qui les entourent, les villages, terroirs et campagnes qui font la richesse du territoire français. Il y a là matière à un grand débat national, que les prochaines échéances électorales permettront d'approfondir. Au cours de cette journée de travaux, vous avez abordé le rôle des villes dans notre organisation territoriale. Je voudrais apporter ma contribution à votre réflexion.
Les Villes ont un rôle essentiel à jouer dans notre organisation territoriale.
Elles ont été des points d'appui pour le vaste mouvement de décentralisation lancé en 1982.
Cette décentralisation, dont nous fêtons le vingtième anniversaire, a été un grand succès. Les Français l'ont vite plébiscitée. Pourtant, lorsque Pierre MAUROY et Gaston DEFFERRE ont défendu ces textes de loi, ils se sont heurtés à une forte opposition. Certains assuraient que l'on allait défaire la France. Les lois de décentralisation de 1982 et 1983 ont en fait libéré les initiatives locales et permis que notre pays tire pleinement parti de sa diversité, sans compromettre en rien son unité. Elles ont contribué à moderniser notre pays. C'était une bonne réforme, portée par une idée claire, résolument mise en uvre, mais sans esprit de système, une réforme qui faisait confiance aux Français. C'est pourquoi élus et citoyens se la sont appropriée.
Fort de cette expérience, mon gouvernement s'est engagé à nouveau sur le chemin de la décentralisation. Quatre grandes lois, modernisant l'organisation du territoire national et renforçant le rôle des élus locaux, auront marqué cette législature. Je rends hommage aux ministres qui les ont portées : Dominique VOYNET, Jean-Pierre CHEVENEMENT, Jean-Claude GAYSSOT, Claude BARTOLONE, Daniel VAILLANT. La loi du 12 juillet 1999 a donné une forte impulsion au mouvement de regroupement intercommunal, sans nier les identités communales auxquelles sont attachés nos concitoyens. Plus des deux tiers des Français habitent désormais dans les 2.000 groupements de communes à fiscalité propre. La loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire a complété la loi sur l'intercommunalité en faisant des agglomérations et des pays des territoires de projets. J'évoquerai tout à l'heure la loi de solidarité et renouvellement urbains.
Parce que la décentralisation n'est pas seulement affaire de transferts de compétences, mais qu'elle est au cur de la démocratie, nous avons voulu y conforter la place du citoyen. C'est le sens de la loi sur la démocratie de proximité, que le Parlement vient d'adopter. Je me réjouis que la majorité et l'opposition aient trouvé un accord sur un sujet aussi important. Cette loi améliore la situation des élus -en leur permettant notamment de mieux concilier leur mandat avec une activité professionnelle-, assure la place des quartiers et celle de l'opposition municipale et transfère de nouvelles compétences aux collectivités locales. Je veux aussi citer la loi sur la parité entre les femmes et les hommes et celle réduisant le cumul des mandats.
Ainsi, fidèle à l'inspiration du Gouvernement de Pierre MAUROY et prolongeant son ambition, ce Gouvernement a été volontariste en matière de décentralisation. Il a mené à bien des réformes qui apportent déjà un souffle nouveau à notre démocratie locale et qui, dans la durée, la rénoveront profondément.
Mais de nouvelles étapes de la décentralisation n'en sont pas moins nécessaires.
La prochaine législature devrait permettre de simplifier et de clarifier notre organisation territoriale. Trop de superpositions de compétences, de concurrence entre services, de financements croisés provoquent des retards, des confusions et finalement une dilution des responsabilités. Clarifier les responsabilités est une exigence pour offrir à nos concitoyens un meilleur service public de proximité.
Je crois impératif de mieux répartir les compétences entre l'Etat et les collectivités. Il appartient à l'Etat de fixer la règle nationale mais celle-ci ne doit pas entrer dans trop de détails. Ce sont les collectivités locales -et tout particulièrement les régions- qui devraient pouvoir en choisir les modalités d'application les mieux adaptées.
Il est également indispensable de clarifier les responsabilités de chaque niveau de collectivités. Moins que le nombre de ces niveaux -semblable chez la plupart de nos voisins-, c'est l'imprécision du rôle de chaque échelon qui fait problème en France. Un seul niveau de collectivités devrait être compétent dans chaque matière, et lorsque ce ne sera pas possible, une des collectivités devrait être désignée comme chef de file. Des collectivités qui le demanderaient devraient pouvoir être autorisées à déléguer certaines de leurs compétences à des collectivités d'un autre niveau. Il me semble en particulier que les grandes communes et les intercommunalités devraient pouvoir exercer des compétences actuellement dévolues aux départements, par exemple en matière sociale. Cette formule pourrait être expérimentée avant d'être éventuellement généralisée.
Enfin, il reste à assurer aux intercommunalités une représentativité correspondant à leur rôle croissant. Il est devenu nécessaire que les instances des regroupements intercommunaux à fiscalité propre soient désignées au suffrage universel, lors du prochain renouvellement des conseils municipaux, en 2007, selon des modalités d'élection qui ne portent pas atteinte à la légitimité de l'institution communale.
Cet approfondissement de la décentralisation devra s'accompagner d'une réforme des structures locales de l'Etat : elles devront être mieux adaptées à la déconcentration des décisions, identifier plus clairement les responsables pour nos concitoyens et les élus et tenir compte, lorsque c'est nécessaire, des caractéristiques régionales.
Par-delà la décentralisation, les villes sont aussi un partenaire privilégié des politiques d'aménagement du territoire. En quarante ans, ces politiques ont favorisé l'essor de véritables capitales régionales, équilibrant la mégalopole parisienne. Grâce au dynamisme économique et culturel des régions, qui offrent un haut niveau d'équipements, de services et de qualité de vie, la France est devenue multipolaire. Mieux équilibrée, elle est plus forte. Pour autant, beaucoup de nos capitales régionales n'ont pas la taille et la puissance de leurs homologues européennes. Il faut donc renforcer leur dynamisme économique et accroître leurs compétences dans un nouveau mouvement de décentralisation. Voilà les deux volets d'une même ambition : organiser le territoire autour de pôles forts de développement pour soutenir la croissance et l'emploi et améliorer la qualité de vie de tous.
Mais les villes ne peuvent progresser en négligeant les territoires qui les composent ou les entourent. La crise économique et sociale des années 1970-1980 a laissé certains territoires en marge du développement, malgré les efforts de reconversion. A l'heure où certaines villes fondent leur croissance rapide sur leur insertion dans le flux de la mondialisation, il est essentiel que notre pays réaffirme le pacte de solidarité qui lie entre eux les territoires de la République. Je ne veux pas d'une décentralisation qui affaiblirait ce pacte. Ma conviction est que la France a besoin d'une décentralisation solidaire.
C'est pourquoi, à mes yeux, le développement des villes ne se conçoit que dans la solidarité entre les territoires de la République.
Cette exigence de solidarité s'impose d'abord au sein de la ville elle-même. Lorsque le territoire urbain est morcelé, les quartiers enclavés, le lien social se rompt. La Ville ne joue plus suffisamment son rôle intégrateur. Ses habitants n'ont plus le sentiment de partager une même communauté de vie. Prenant la mesure de cet enjeu, le Gouvernement a vigoureusement réagi.
La loi solidarité et renouvellement urbains a doté les élus de nouveaux outils leur permettant d'organiser un développement équilibré et solidaire à l'échelle de l'agglomération, en matière d'urbanisme, de transports et d'habitat. Cette loi permet aussi de garantir une mixité sociale par une répartition équitable des logements sociaux -et l'on se rappelle que le Gouvernement a dû batailler ferme pour obtenir le vote de cette disposition. Les effets de ces nouveaux outils se dessinent peu à peu et monteront en puissance.
Mais il convenait également de résorber les erreurs du passé. Le Gouvernement a mobilisé des moyens sans précédents pour casser la logique d'exclusion et de ségrégation sociale.
Pour promouvoir une véritable renaissance des villes, le budget du ministère délégué à la Ville a triplé en cinq ans. Les moyens ont donc changé d'échelle. Nous avons d'abord voulu transformer le cadre de vie et tourner la page des " cités-dortoirs ". Un vaste programme, centré autour de 50 Grands Projets de Ville et de 70 opérations de renouvellement urbain aura mobilisé 5 milliards d'euros d'ici 2006. Le Gouvernement a décidé d'accélérer le programme de démolition et de reconstruction des logements vétustes, lancé en 1998. En 2001, 9.000 démolitions ont été réalisées, contre 3.500 en 1998. Notre objectif est d'atteindre 30.000 logements démolis par an. Je salue ici l'implication nouvelle des partenaires sociaux du " 1 % logement " qui ont choisi, au travers de la convention du 11 octobre dernier, de s'engager à leur tour dans cette grande ambition. Ce nouveau dispositif, applicable dès 2002, mais qui prendra sa pleine dimension sur la période 2003-2006, permettra de mobiliser plus d'un milliard d'euros par an à cet effet.
Pour donner un nouveau visage à ces quartiers, il faut aussi améliorer la vie quotidienne de leurs habitants. C'est d'abord assurer la propreté, l'éclairage, l'entretien des espaces publics. L'abattement de 30 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements sociaux en zone urbaine sensible et le triplement en 2002 des aides de l'Etat va permettre des progrès significatifs dans ces domaines. Il faut aussi aider les associations à proposer des activités aux jeunes, favoriser l'implantation de commerces et d'entreprises. C'est aussi par la politique de l'emploi, la lutte contre les discriminations et la formation que nous parviendrons à donner aux habitants de ces quartiers, notamment aux plus jeunes, confiance dans leur avenir. Sur tous ces sujets, le Gouvernement a mis en place de nouveaux moyens et de nouveaux outils, qui commencent à produire leurs effets. Il faut poursuivre dans cette voie et amplifier encore les moyens en faveur de la réussite des jeunes.
Il faut renforcer la présence humaine dans ces quartiers, notamment dans les lieux et les transports publics : les 8.000 agents locaux de médiation sociale, les correspondants de nuits, concourent à cet objectif. L'ouverture, dans la loi de finances 2002, du dispositif d'adultes-relais aux collectivités locales et aux associations permettra d'atteindre l'objectif de 10.000 recrutements dans les quartiers en difficulté. De même, il faut renforcer la présence de gardiens dans les immeubles. Le décret du 28 décembre 2001 rend obligatoire le recrutement d'un gardien pour cent logements, dès cette année.
Dans ces quartiers en particulier, il faut assurer la sécurité et la tranquillité. Les actes de délinquance et d'incivilité doivent être systématiquement combattus. La loi sur la sécurité quotidienne, le développement de la police de proximité et le renforcement significatif des effectifs doivent y contribuer. Nous avons engagé un combat résolu contre le trafic de drogue et l'économie souterraine, qui nourrissent la violence et éloignent les jeunes de l'Ecole et du travail.
Pour lutter contre la délinquance, le Gouvernement a en outre défini deux orientations, dont je suis surpris qu'elles apparaissent chez certains comme des propositions nouvelles, alors qu'elles sont décidées ou même déjà engagées. La première est la mise en place de centres pour les mineurs délinquants, qui ne peuvent être, en raison de leur âge, incarcérés dans des établissements pénitentiaires -un " remède " qui serait pour eux pire que le mal. Nous aurons créé, comme nous en avions pris l'engagement, 50 centres de placement immédiat et 100 centres d'éducation renforcés. Il faut rapidement en augmenter le nombre et, particulièrement pour les CPI, en renforcer l'encadrement.
La deuxième orientation, pour une part déjà opérationnelle, est l'association des maires à la lutte contre l'insécurité. Nous avions commencé de le faire avec les contrats locaux de sécurité, qui sont, aux yeux des maires eux-mêmes, un succès. La loi sur la sécurité quotidienne vient de poser solennellement le principe qu'ils doivent être associés à la définition des priorités de la lutte contre la délinquance et informés des résultats de cette lutte. Nous menons à bien, concrètement, cette mise en place du maire au cur de la sécurité de proximité. Le maire animera les structures de concertation qui feront vivre ces dispositions novatrices, selon des modalités qu'il faudra préciser, en fonction de la taille des communes, avec les maires eux-mêmes.
La solidarité doit aussi se manifester entre les territoires de notre pays. Nos concitoyens sont attachés à la décentralisation mais ils ne veulent pas qu'elle soit un accélérateur des inégalités.
Le Gouvernement a veillé à ce que les collectivités locales disposent de ressources financières suffisantes pour exercer leurs missions. Le contrat de croissance et de solidarité, mis en uvre par ce Gouvernement pour 1999, 2000 et 2001 et prolongé en 2002, a permis à la DGF de progresser deux fois plus vite -16 % au lieu de 8 %- que les dépenses de l'Etat pendant cette période. C'est beaucoup plus que ce que le Pacte de stabilité de 1996 aurait accordé. En 2002, la dotation globale de fonctionnement augmentera encore de plus de 4 %. Pour les années suivantes, un mécanisme nouveau devra être mis en place, après concertation. Il prendra place dans la réforme des finances locales à laquelle la prochaine législature devra s'atteler. Le rapport du Gouvernement sur les finances locales constitue une base pour les travaux à venir.
Pour corriger les inégalités de ressources des collectivités, la péréquation est un impératif. Depuis 1997, la dotation de solidarité urbaine s'est accrue de 80 % et la dotation de solidarité rurale de 60 %. C'est encore insuffisant et nombre de communes, avec des ressources réduites, peinent à faire face à leurs besoins. Faut-il que la péréquation porte sur une part plus élevée des dotations de l'Etat ? J'y suis tout à fait favorable. Il faut choisir les bons mécanismes de péréquation et en déterminer le taux. Une décentralisation qui rendrait plus riches les collectivités déjà bien dotées et plus pauvres les collectivités défavorisées n'aurait pas ma faveur. Une décentralisation libérale du " chacun pour soi " ne me paraît d'ailleurs pas être ce qu'attendent les Français.
Pour corriger ces inégalités, les fonds structurels européens contribuent significativement à ces politiques de rééquilibrage. Je souhaite que pour l'avenir l'Europe s'engage davantage encore en faveur de la Ville.
La Ville doit aussi être au cur de réseaux de solidarité avec les territoires qui l'entourent. Inventons des complémentarités nouvelles entre les espaces urbains et le milieu rural, entre les petites et les grandes villes. Apprenons à concevoir l'organisation du territoire régional comme des réseaux d'espaces solidaires et non plus comme des territoires clos, hiérarchisés, séparés par des frontières. L'heure n'est plus aux découpages, mais à la mise en relation. Dans cette optique, la localisation des équipements collectifs et des services publics, les réseaux de transports et d'échanges, l'implantation de l'habitat et des zones d'activités doivent se concevoir dans un ensemble qui intègre des villes et une zone rurale ou faiblement urbanisée. D'ores et déjà, les nouveaux schémas de cohérence territoriale, les chartes de développement et la décentralisation des services régionaux de voyageurs vont permettre d'avancer dans ce sens.
Cette solidarité doit aussi s'exercer à l'échelle nationale. Chaque territoire doit disposer d'outils et de moyens suffisants. C'est pourquoi les contrats de plan, puis les schémas de services collectifs ont traduit la volonté du Gouvernement de renforcer le niveau des équipements des régions pour accroître la qualité de vie et notre compétitivité. Ainsi, le dernier CIADT de Limoges a décidé de généraliser la couverture en téléphone mobile et l'accès au haut débit.
Mesdames, Messieurs,
Rechercher la solidarité entre les territoires, c'est conforter la République et renforcer la démocratie locale. C'est pourquoi toute nouvelle réforme de décentralisation doit placer le citoyen au cur du territoire. Nous voulons approfondir la citoyenneté en instaurant une réelle démocratie participative, à tous les niveaux de territoires. Grâce à la loi sur la démocratie de proximité, les citoyens pourront participer à l'élaboration de grands projets grâce à un débat public élargi. Cette participation à la vie de la cité suppose en particulier le maintien des services publics de proximité, dans l'ensemble des territoires, en utilisant lorsque cela est possible des formules innovantes comme celle des maisons des services publics. Nous y avons veillé.
Tout doit être mis en uvre pour recréer du lien social et de la cohésion au sein des villes. Nous devons rendre la Ville plus accueillante pour tous. Faire renaître des villes solidaires, ouvertes sur leur environnement, capables d'initiatives et de créativité, partenaires d'un Etat réorganisé dans une Europe plus cohérente, voilà pour notre pays un grand défi pour les prochaines années.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 26 février 2002)