Communiqué des services du Premier ministre, à l'issue de la conférence agricole, Paris le 25 février 1988.

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Circonstance : Conférence agricole extraordinaire du 25 février 1988 sur l'agriculture en montagne et en zone défavorisée

Texte intégral

Le Premier ministre a présidé le 25 février 1988 une conférence agricole sur l'agriculture en montagne et en zone défavorisée, en présence de M. Edouard Balladur, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, et de M. François Guillaume, ministre de l'agriculture.
- Les dirigeants des organisations professionnelles agricoles ont en outre fait part au Premier ministre de leurs réflexions sur l'avenir de l'agriculture française, à la lumière des récents accords de Bruxelles, et de leur souhait de voir poursuivie la politique d'investissement agricole et d'allègement des charges pesant sur les exploitations agricoles.
- S'agissant de la montagne et des zones défavorisées, le Premier ministre a rappelé l'attachement du Gouvernement à maintenir dans ces régions l'activité agricole qui est bien souvent l'un de leurs atouts principaux. Diverses mesures ont donc été arrêtées, afin d'accroître les aides qui sont allouées aux productions animales et végétales, de renforcer les actions d'investissement et de restructuration, et d'aider certains producteurs en difficultés.
- Sur un plan plus général, le Premier ministre a souligné que les accords intervenus récemment à Bruxelles permettent certes le financement de la politique agricole commune mais placent également les agriculteurs européens sous une contrainte accrue de recherche de compétitivité et de productivité.
- Le Premier ministre a indiqué que notre agriculture était à ses yeux en mesure de relever ce défi, en raison de sa compétitivité relative. Il a néanmoins estimé nécessaire d'effectuer un effort supplémentaire d'investissement notamment dans le secteur des fruits et légumes, et d'alléger les charges des producteurs de vin, de lait et de viande.
- Ces mesures sont financées sur le budget 1988, le Gouvernement ayant prévu dans ses propositions budgétaires les marges nécessaires à cet effet.
- Les deux préoccupations majeures, pour préparer l'avenir, demeurent l'ampleur des charges financières de certains agriculteurs, et la modernisation de l'appareil productif.
- Sur le premier point, le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation a indiqué qu'à l'occasion de la mutualisation du Crédit Agricole, et sans faire aucune entorse aux usages qui régissent l'affectation des fonds de privatisation, il avait décidé d'allouer un montant de 2 milliards de francs à des allégements de charges financières des agriculteurs.
- L'emploi de ces fonds fera l'objet d'une concertation avec les représentants des organisations professionnelles.
- Sur le second point, le ministre d'Etat a annoncé que les enveloppes de prêts bonifiés à l'agriculture seraient en augmentation de plus de 20 % en 1988 par rapport aux enveloppes de 1987.
- L'instauration de nouvelles catégories de prêts à l'hydraulique en zone défavorisée et aux serres répond en particulier à des besoins d'investissement souvent exprimés. Les enveloppes de prêts spéciaux de modernisation seront également très fortement augmentées.
- Le ministre d'Etat a rappelé l'effort de rentabilité qui devait présider de plus en plus aux décisions d'investissement, dans une perspective de continuelle amélioration de la compétitivité de notre agriculture.
I - La montagne et les zones défavorisées
- Le dispositif arrêté concerne :
- 1) La compensation des handicaps
- Indemnité spéciale Montagne.
- Les indemnités compensatoires de handicaps naturels constituent l'essentiel de la politique d'aides directes en faveur des exploitations situées en montagne et zone défavorisée.
- 135000 agriculteurs en bénéficient.
- Entre 1981 et 1986, l'enveloppe globale des ISM n'avait connu qu'une faible revalorisation en dépit de l'inflation.
- Revalorisées pour les campagnes 1986/1987 et 1987/1988, ces indemnités ont déjà retrouvé, pour la plupart des zones, leur pouvoir d'achat.
- Au total, en deux ans les crédits nationaux destinés aux ISM sont passés de 739 MF en 1986 à 1180 MF en 1988, soit une augmentation de près de 60 %.
- Pour parfaire cette politique, le Premier ministre a décidé une augmentation, dès la campagne actuelle, de l'ISM bovine de 30 % en montagne, de 16 % en piedmont et l'ISM ovine en zone de montagne hors zone sèche de 12 %.
- Aides aux productions végétales en zones sèches.
- Afin de permettre une diversification des productions, dans les zones sèches, il a été décidé d'accorder une aide à certaines productions végétales spéciales.
- Le Premier ministre a rappelé que ces mesures, justifiées par le souci du Gouvernement de compenser les handicaps naturels que rencontre l'agriculture de ces régions, s'intégraient dans la politique d'aménagement de l'espace rural et du nécessaire maintien d'une activité agricole dans les zones difficiles.
2) La restructuration de l'économie agricole en zone de montagne.
- La restructuration de l'économie agricole en zone de montagne sera poursuivie avec des moyens renforcés. Il a été décidé à cet effet :
- d'amplifier les actions de diversification et d'expérimentation, en particulier sur l'extensification de l'élevage en montagne ;
- d'en assurer la coordination par un comité national auquel seront associés les professionnels et qui aura notamment à connaître des modalités d'application de la jachère paturée,
- de renforcer les actions de promotion en faveur des produits de la montagne,
- d'ouvrir des crédits supplémentaires en faveur des aides à la mécanisation et à la construction des bâtiments d'élevage, de manière à accroître l'efficacité des actions existantes,
- de revaloriser les aides aux investissements pastoraux.
- A ces différentes mesures, il convient d'ajouter que les décrets nécessaires à l'application de la loi sur la montagne, sur la qualité des produits, le pâturage sous forêt, les biens sectionaux, ont été, ou seront très prochainement, publiés.
- Afin de faciliter l'investissement sous forme collective, un prêt bonifié au taux de 6 % est créé pour l'équipement en zone défavorisée (financement de travaux d'hydraulique notamment).
- 3) La production porcine.
- Pour conforter la production porcine en montagne, maintenir les exploitations rationnelles et viables, le Gouvernement a pris la décision de mettre en place des conventions pluriannuelles afin de favoriser une production de qualité.
- En outre, les éleveurs de porcs en difficulté dans ces régions bénéficieront du dispositif arrêté pour aider cette catégorie de producteurs.
- 4) Le lait.
- Il a été rappelé que les mesures arrêtées tout récemment au plan communautaire et national devaient avoir une incidence positive sur l'économie laitière de ces régions.
- Transferts de ventes directes en ventes aux laiteries,
- Mise en oeuvre des conventions régionales et départementales de restructuration de la production laitière.
II - L'avenir de l'agriculture française.
- Les dirigeants agricoles ont exprimé au Premier ministre leur désir de voir adoptés sans tarder les moyens nécessaires à notre agriculture pour lui permettre de tirer le meilleur parti possible des accords de Bruxelles qui ont assuré pour les années 1988/1992 le financement de la PAC.
- Pour aider notre agriculture à s'adapter aux mutations en cours et aux réformes des différentes organisations communes de marché, le Premier ministre a décidé quelques mesures immédiates et annoncé que la politique conduite par le Gouvernement pour alléger les charges des exploitations agricoles serait immédiatement renforcée par l'augmentation des enveloppes de prêts bonifiés en 1988 et la création d'un fonds d'allégement de la dette agricole.
- 1) Mesures immédiates.
- a) Agriculteurs en difficulté.
- Des mesures ont été décidées pour aider les producteurs de porcs et les éleveurs de bovins en difficulté.
- Sur un plan plus général, constatant que les difficultés de certains exploitants risquaient d'entraîner une perte de leur couverture sociale, il a été décidé de mettre en place à leur profit, une procédure de prêts d'honneur sans intérêt.
- De plus, pour les agriculteurs dont la situation est particulièrement grave, des aides à la mutation seront développées.
- b) Fruits et légumes.
- Afin de renforcer les mesures déjà prises pour ce secteur et sur la base des travaux conduits par le CSO (Conseil Supérieur d'Orientation Agricole), il a été décidé d'augmenter sensiblement les dotations consacrées à la construction de serres, à la rénovation du verger, à la restructuration des entreprises, et à l'expérimentation.
- Pour alléger les charges d'investissement des serristes dans les secteurs horticoles et maraîchers, il a été décidé que ces producteurs pourraient bénéficier des PPVS (Prêts aux Productions Végétales Spéciales).
- c) Viticulture.
- Pour aider le secteur viticole à surmonter les difficultés nées de l'application des accords de Dublin (1984) et de la situation du marché, il a été décidé :
- une prise en charge partielle des intérêts d'emprunts pesant sur certains viticulteurs dont le rendement est inférieur à 90 HL/HA,
- une prise en charge d'intérêts pour les jeunes viticulteurs et les bénéficiaires de plans de développement agréées dont le rendement est inférieur à 110 HL/HA.
- d) La lait.
- La situation de la production laitière a fait l'objet d'un examen particulier, à la lumière notamment des récentes décisions communautaires.
- Le Premier ministre a rappelé que les indemnités consécutives à la réduction provisoire de 4 % de la production laitière décidées pour la présente campagne, seraient versées aux producteurs dans le courant du mois de mars.
- Il a annoncé que pour tenir compte des difficultés rencontrées par les petits producteurs de lait et les producteurs prioritaires, des mesures spécifiques seront prises sous la forme d'une prise en charge partielle de leurs cotisations sociales et d'un allègement de leurs charges d'intérêts.
2) Orientations et mesures pour accompagner la modernisation de l'agriculture française et renforcer sa compétitivité.
- a) Enveloppe de prêts bonifiés pour 1988.
- Le financement de l'agriculture sera amélioré en 1988 par la décision annoncée par le Premier ministre de porter l'enveloppe des prêts bonifiés à 13,580 milliards de F., soit une augmentation de plus de 20 % par rapport à 1987.
- Cette augmentation se justifie par les besoins importants en matière de modernisation de l'agriculture.
- L'effort portera en priorité sur les Prêts Spéciaux de Modernisation (PSM) et, comme il a été indiqué ci-dessus, les équipements hydrauliques collectifs pourront être financés sur une enveloppe de 200 MF de prêts bonifiés qui leur sera réservée, tandis que les Prêts aux Productions Végétales Spéciales (PPVS) seront étendus aux investissements en matière de serres sur lesquelles la France a un gros handicap à combler par rapport à ses concurrents européens.
- b) Création d'un fonds d'allègement de la dette agricole.
- Le secteur agricole est très lourdement endetté aujourd'hui. Sur les 200 milliards de F. d'endettement des agriculteurs, 80 milliards de F. sont des dettes à court terme et 120 milliards de F. sont des prêts à moyen et long terme, dont 90 milliards de F. sont bonifiés. Dans cette dernière catégorie, 20 milliards de F. environ ont été contractés à des taux d'intérêt encore trop élevés qui mettent en difficulté l'entreprise agricole.
- Un fonds d'allègement de la dette agricole sera créé et doté immédiatement d'un montant de 2 milliards de F. qui seront versés pour leur gestion au Crédit Agricole.
- Grâce à ce montant, un allègement de leurs charges financières sera accordé pendant plusieurs années aux agriculteurs dont la situation répondra à des critères précis.
- Les critères et les modalités de gestion du fonds seront arrêtés après examen par le Comité National de Financement Agricole par le ministre d'Etat et le ministre de l'agriculture en concertation avec les représentants des organisations agricoles.
- Cette mesure exceptionnelle, financée sur le budget de l'Etat, constitue la contrepartie essentielle au profit des agriculteurs de la mutualisation de la Caisse nationale du Crédit Agricole, dont les recettes iront par ailleurs aux affectations normales des produits de privatisation.