Texte intégral
Monsieur le Président,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
En conformité avec la nouvelle procédure d'examen du budget, heureuse innovation selon moi car propice à un débat approfondi, il me revient de présenter devant vous le projet de budget du ministère des Affaires étrangères pour l'an 2000.
Cette tâche est d'autant plus importante que j'ai pu mesurer, cette année encore, l'intérêt soutenu que la représentation nationale attachait à la politique étrangère de la France.
Comme vous le constaterez, le gouvernement a marqué sa volonté d'inverser la tendance à la diminution de nos moyens et de nos effectifs, qui n'avait que trop duré. Le gouvernement et le Premier ministre personnellement ont voulu que le projet de budget 2000 amorce une véritable inflexion et nous permettra, à Charles Josselin, Pierre Moscovici et moi-même, de soutenir notre action, de relayer notre influence dans le monde et de poursuivre l'objectif prioritaire de modernisation et d'ouverture du ministère des Affaires étrangères qui est le mien pour disposer d'un outil diplomatique efficace et cohérent avec nos ambitions.
Avant de présenter les grandes lignes du budget 2000, je voudrais, en vous épargnant les propos excessifs qu'une telle date inspire aux commentateurs, vous convaincre néanmoins de l'importance des enjeux à venir pour notre pays.
I - LES INTERETS ET LES AMBITIONS DE LA FRANCE
Dans un monde affecté de mutations profondes et traversé de mouvements plus ou moins ordonnés que vous connaissez, nous avons des intérêts, objectifs, relayés par des ambitions et nous assumons des responsabilités appuyées sur nos valeurs. Vous les connaissez bien tous et je les résumerai.
A) Nos intérêts fondamentaux sont d'abord d'assurer la liberté, la sécurité et la prospérité de notre pays : notre diplomatie doit y contribuer, tant lors de grandes négociations internationales - je pense à celles sur l'OMC qui vont s'ouvrir - que dans la concertation avec nos grands partenaires, par exemple sur le chantier de la défense européenne.
Ils sont aussi de veiller à prévenir des évolutions stratégiques, économiques ou culturelles qui nous seraient contraires et défavorables et à l'inverse de les infléchir dans des directions plus favorables.
Ils sont d'assurer à notre pays, dans une Europe elle-même en pleine mutation, une influence toujours très forte.
Ils sont également, dans un monde que certains vouent à l'uniformisation complète, de faire entendre une voix alternative, celle de la diversité, seule quand c'est nécessaire et aussi souvent que possible, avec nos partenaires européens, car c'est plus efficace.
Comment ces intérêts se déclinent-ils ?
- D'abord, l'Europe : nous allons dans le second semestre 2000 présider l'Union européenne.
L'Union s'est dotée en 1999 de nouveaux instruments, l'euro bien entendu, mais aussi ceux prévus par le Traité d'Amsterdam. Elle a renouvelé les membres de la Commission et du Parlement européen. M. Javier Solana a été désigné comme Secrétaire général du Conseil, haut représentant pour la PESC.
Quels seront nos objectifs ? Il s'agit fondamentalement de préparer, sur ce plan-là, l'avenir de l'Union. Le chantier de la réforme institutionnelle est devant nous.
Les pays candidats à l'entrée dans l'UE le comprennent maintenant, je le crois, qui veulent adhérer à une Union en état de marche. La réforme institutionnelle est donc aussi dans leur intérêt.
Une Conférence intergouvernementale sera lancée au début de l'année prochaine. Il n'est pas exclu que nous puissions conclure à la fin de cette même année, si les conditions sont réunies. Nous le souhaitons mais cela ne dépend pas que de nous. S'il le faut, la présidence suédoise prendrait le relais sur ce point.
Elle portera sur les éléments essentiels au fonctionnement et à la légitimité des institutions de l'Union, laissés ouverts lors de la précédente CIG conclue par le Conseil européen d'Amsterdam : composition et fonctionnement de la Commission, repondération des voix des Etats membres, vote à la majorité qualifiée. Ces trois éléments sont liés. Sur tous ces points, nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires allemands de manière à élaborer une position commune avant la CIG.
L'élargissement et l'organisation du continent européen sont le deuxième enjeu majeur, étroitement lié au premier. Les négociations d'adhésion seront lancées avec probablement douze candidats, en fonction des résultats du Conseil européen d'Helsinki, le mois prochain.
Nous chercherons à les faire avancer sérieusement, en appréciant au cas par cas les avancées réalisées par chacun. Nous espérons que l'amélioration des relations avec la Turquie, et entre la Grèce et la Turquie, donnera à l'Union les moyens de l'accompagner dans son entreprise de démocratisation et de modernisation. Nous aurons aussi à prendre une décision à Helsinki sur la reconnaissance du statut de candidat de la Turquie, qui nous paraît une voie raisonnable.
Dans le même temps, il nous faut poursuivre le travail sur l'organisation du continent européen. L'Union doit, au moyen de stratégies communes, viser à édifier un partenariat stratégique durable avec des pays aussi importants que la Russie ou l'Ukraine. Nous aurons toujours à traiter de ces problèmes d'organisation interne et de relations avec nos grands voisins, à l'est, au sud-est et au sud.
La France exercera au même moment la présidence de l'UE et celle de l'UEO. Je rappelle notre objectif formulé par le président de la République : doter l'Europe de capacités nécessaires autonomes de décision, de planification et d'action pour lui permettre d'agir de manière crédible dans ce domaine. Ceci implique en particulier le développement de capacités militaires européennes.
La France mettra l'accent sur le renforcement de la coordination des politiques économiques et sur l'harmonisation fiscale, permettant de lutter contre les concurrences déloyales. Elle poursuivra la mise en place d'une stratégie coordonnée pour l'emploi.
En se renforçant, l'Union européenne pourra faire valoir ses vues sur la régulation internationale. Le Premier ministre l'avait déclaré avec force à l'ouverture de la 54ème Assemblée générale des Nations unies : le monde global a besoin de règles car la globalisation, le décloisonnement ne sont pas en eux-mêmes porteurs d'ordres. L'Union doit promouvoir le modèle de développement spécifique sur lequel elle est fondée.
C'est dans cet esprit que nous abordons les grandes négociations commerciales de l'OMC, qui se poursuivront tout au long de l'année 2000 et au delà, avec, de la part du Gouvernement, une volonté de transparence, au premier chef vis à vis du Parlement et, à travers lui, de l'opinion publique.
Sur le fond, quels sont nos objectifs ?
- continuer à faire bénéficier l'économie européenne et française des avantages de l'intensification des échanges mondiaux - car il ne faut pas perdre de vue que les échanges ont été et sont le fondement de la croissance -, tout en préservant nos équilibres sociaux, culturels, environnementaux et alimentaires. C'est pourquoi nous abordons ce cycle de façon large et avec la volonté d'introduire de nouvelles règles en accompagnement de l'ouverture accrue des échanges ;
- renforcer les règles multilatérales, au détriment de l'unilatéralisme ;
- mieux insérer les pays en développement, dans leur grande et croissante diversité, dans les échanges mondiaux.
L'année 1999 a été marquée par des décisions préoccupantes dans le domaine du désarmement et de la lutte contre la prolifération, notamment balistique, après le vote négatif du Sénat des Etats-Unis sur le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et l'annonce par l'Administration américaine de son projet de défense anti-missiles du territoire américain (NMD). Le Traité ABM est un élément fondamental de la stabilité stratégique. Nous l'avons déjà dit avec beaucoup de netteté, sa remise en cause conduirait à une relance de la course aux armements.
Pour ce qui nous concerne, nous poursuivons nos efforts dans la voie du désarmement et contre la prolifération. A ce titre, nous invitons les pays concernés à ne pas se détourner des objectifs d'entrée en vigueur du traité d'interdiction complète des essais nucléaires ; ils peuvent agir comme s'il était déjà en vigueur, et nous considérons que le démarrage de la négociation sur un traité d'interdiction de production des matières fissiles pour les armes nucléaires est un point de passage obligé.
B) La France, vous le savez, attache une importance primordiale au rôle de régulation mondiale qu'est le Conseil de sécurité des Nations unies, sur la base des principes de la Charte. Les problèmes rencontrés et les contraintes de l'action internationale ont été parfaitement résumés lors de l'allocution du Secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan, en septembre dernier. Il a décrit la relation compliquée et pas encore satisfaisante entre le droit d'intervention ou d'ingérence et la souveraineté des Etats. On observe d'ailleurs que c'est le plus souvent la faiblesse des Etats qui est facteur de crise. L'intervention ne peut s'appliquer en contournant le Conseil de sécurité, c'est à dire en fin de compte en proclamant caduque ou relative la souveraineté des Etats.
C'est avec ce souci constant que la France a pris ses responsabilités en intervenant dans de graves crises.
Nous nous sommes engagés, après des mois et des mois d'efforts diplomatiques que vous avez suivi attentivement, puis une phase d'action de force, dans la gestion de la crise ouverte au Kosovo par l'intolérance coupable du régime de Belgrade. Nous veillons aujourd'hui au respect de la résolution 1244 : la présence internationale (KFOR et MINUK) doit être inévitablement durable et forte.
Quant à la Serbie, nous devons adapter notre régime de sanctions si nous voulons réellement provoquer une évolution à Belgrade : lever les sanctions qui pénalisent la population et qui sont contreproductives, maintenir ou renforcer celles qui touchent le régime. Les opposants sont unanimes sur ce point et on gagnerait ainsi à modifier les perceptions. Je me suis engagé sur ce point en adressant un courrier à mes collègues européens.
L'européanisation des Balkans reste notre objectif à long terme : c'est la raison d'être du Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est, lancé en juin 1999 et clé de toute évolution. Mais nous savons qu'une persistance des blocages politiques à Belgrade hypothéquera l'avenir du Kosovo et engendrera d'autres crises.
Par contraste, dans d'autres régions, des évolutions positives se dessinent. Au Proche Orient, le nouveau gouvernement israélien semble vouloir reprendre le travail de règlement de fond interrompu par l'assassinat d'Ytzhak Rabin, y compris sur le volet syrien. Nous avons très tôt salué ce changement.
Je me suis rendu en Israël et dans les territoires palestiniens ; je poursuivrai cette tournée la semaine prochaine au Liban, en Syrie et en Egypte. Il faut assure ce travail de présence diplomatique.
Que peut la France ? A la fois être disponible et utile chaque fois que les protagonistes y trouvent avantage et, vous le savez, nous sommes en position de tenir à chacun un discours de vérité, constructif : apporter des idées, y compris sur le statut final, être proche des différents protagonistes.
Etre utile dès lors que s'amorceront des règlements globaux - assistance à la formation d'un véritable Etat palestinien, renforcement en cours de notre dialogue avec Israël, présence au Liban sous des formes à adapter, coopération déterminée dans un Proche orient qui lui aussi veut la paix et échapper aux rigueurs d'une histoire conflictuelle. La France, et avec elle, l'UE auront à faciliter cette transition prometteuse, qui ne sera pas sans crises, sans blocages. Nous plaidons dans ce sens.
De même, des changements significatifs sont à l'oeuvre au Maghreb. Au Maroc, nous entendons accompagner la relève dynastique qui s'annonce sous les meilleurs auspices et répondre aux aspirations euro-méditerranéennes qui s'expriment. Lors de mon voyage en Algérie en juillet dernier, j'ai voulu marquer notre disponibilité pour une relance, une reconstruction de nos relations, avec ouverture et espérance, dans tous les domaines où il est possible d'avancer.
Pour le continent africain, je rappelle devant vous l'inspiration générale de notre politique : fidélité, adaptation, ouverture. Nous entendons contribuer au renforcement de la bonne "gouvernance" et au renouvellement de la Convention de Lomé. Etre présents, influencer les évolutions dans les bonnes directions, avoir une vision globale. Le retour à la paix et à la stabilité en Afrique centrale, dans la région des Grands lacs - où Charles Josselin vient de se rendre - et dans la Corne de l'Afrique est impératif. Sur tous ces points, nous avons développé une coopération accrue avec nos partenaires occidentaux les plus impliqués, britanniques, belges, portugais mais aussi américains, pour dépasser les vieilles rivalités.
Vous le savez, le continent asiatique est une zone majeure de mise en oeuvre de la multipolarité au XXIème siècle : émergence de la Chine, de l'Inde, mutation du Japon, restructuration inéluctable du sud-est asiatique après la crise financière.
La diplomatie française doit créer les conditions permettant des liens étroits entre ces pays et la France, sans exclure les débats sur les valeurs respectives animant nos sociétés. Nous travaillons à un monde multipolaire, c'est à dire coopératif. il nous faut approfondir la réflexion sur la gestion de ce monde global.
Sur les questions cruciales de non-prolifération et du nucléaire, le centre de gravité de nos préoccupations n'a pas totalement quitté l'Europe mais une bonne partie des noeuds se trouvent maintenant en Asie : conflit indo-pakistanais, dossier nord coréen, initiative américaine de défense de missiles, qui serait étendue à des alliés proches.
Il m'apparaît opportun d'inclure l'Asie dans le champ de la réflexion stratégique française et d'en tirer les conséquences sur l'importance des relations bilatérales avec les grands pays asiatiques
Au delà, nous visons à encourager l'émergence d'entités régionales (l'Asean, le Mercosur par exemple) capables de renforcer la diversité de la scène internationale.
Ainsi, en Amérique latine : l'importance de pays comme le Brésil, les changements politiques au Chili, en Argentine, en Uruguay ; la volonté du Mercosur, même si la négociation est difficile, d'un dialogue avec l'Europe sont des faits encourageants au plan politique. C'est la raison pour laquelle je me suis rendu deux fois en Amérique latine cette année.
Permettez moi de conclure ce rappel de nos objectifs et de nos ambitions en soulignant que l'action du ministère des Affaires étrangères doit se moderniser et s'adapter constamment. A côté de la diplomatie classique, bilatérale, européenne et multilatérale, de notre démarche d'appui aux entreprises tournées vers le grand large, de notre soutien aux acteurs de la société civile impliqués dans une présence extérieure de la France (notamment les ONG et les collectivités locales), il m'apparaît que la diplomatie culturelle s'impose chaque jour davantage comme une dimension fondamentale de notre action extérieure.
Celle-ci doit être active, offensive, compétitive et privilégier les secteurs les plus déterminants en terme de coopération d'influence : formation des élites, audiovisuel extérieur, rôles de nos instituts et de nos centres mis en réseau et en passe de devenir des pôles culturels. Vous connaissez les initiatives que nous avons prises.
Il y a plus. Face au risque d'uniformisation des idées, notamment via l'uniformisation des images, de simplification des enjeux, il importe que se fasse entendre une voix alternative, française, européenne et au delà (Amérique latine, Afrique.). La diversité culturelle est un objectif ; l'exception culturelle une tactique de négociation. C'est pourquoi j'entends que la diplomatie culturelle puisse promouvoir la place de la France dans les nécessaires débats sur les idées et les valeurs qui vont s'intensifier dans les années à venir : réguler, civiliser le monde global.
Ce rapide tour d'horizon me conduit à présenter les moyens de mon Ministère pour l'année 2000.
II - LES MOYENS DU MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES
La caractéristique essentielle du projet de budget pour 2000 est qu'il marque l'interruption de la baisse des moyens du Département qui était constante depuis 1995. Une augmentation des crédits de 170 MF a été décidée par le Premier ministre, ce qui représente une progression de 0,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999.
Cette progression est minime mais, je vous le disais, il s'agit d'un renversement de tendance fondamental pour la suite.
En particulier, la chute des effectifs va être enrayée l'an prochain. L'achèvement de la fusion avec les services de la Coopération nous a même donné la possibilité de dégager 92 emplois qui vont être consacrés pour une part importante au renforcement de l'administration consulaire.
Les rapporteurs sur ce budget et de nombreux membres de votre commission ont joué un rôle important dans cette évolution. Je tiens ici à les en remercier.
1. Quels sont les OBJECTIFS pour l'an prochain ?
1-1. D'abord POURSUIVRE LA MODERNISATION DU MINISTERE
Ce changement de cap dans l'évolution du budget du ministère des Affaires étrangères traduit, je crois pouvoir le dire, la reconnaissance des efforts de modernisation accomplis depuis deux ans, et un encouragement pour moi à poursuivre.
Ces efforts visent à mettre le Département en position de faire face à l'accroissement et la diversification de ses tâches :
- l'accélération de la mondialisation requiert une présence universelle accrue et une mobilisation plus forte des moyens notamment pour toutes les négociation multilatérale ;
- la lourde responsabilité de la présidence française de l'Union européenne au second semestre 2000 ;
- notre capacité de réponse aux crises est de plus en plus sollicitée - Kosovo et Timor en 1999, et nous savons tous ici que les foyers sont nombreux, sur tous les continents.
- l'évolution de la situation des communautés françaises à l'étranger implique un effort d'adaptation de notre politique consulaire, et une prise en compte de leur sécurité.
L'effort de modernisation en 2000 va porter en particulier sur trois grands domaines :
- l'achèvement de la fusion avec la Coopération sur le plan budgétaire, avec la suppression de la distinction, dans les postes, entre les moyens de fonctionnement des services diplomatiques et ceux de la coopération. C'est une question importante parce qu'elle concrétise la réalité de la fusion sur le terrain.
- la poursuite de la déconcentration des moyens vers les postes. Cela concerne les crédits de déplacement et les dépenses de location immobilière, mais aussi la gestion des recrutés locaux à titre expérimental. Vous savez qu'une réforme comptable a été entamée l'an dernier dans 20 postes ; elle sera poursuivie et étendue à 10 nouveaux postes. Il faut également réduire la centralisation dans l'attribution de l'aide sociale : j'ai demandé au directeur des Français à l'étranger de réfléchir à une expérience pilote dans quelques consulats. Toutes ces réformes vont dans le même sens. Elles visent à donner aux chefs de poste davantage de latitude, donc de responsabilités. C'est le message que j'ai fait passer aux ambassadeurs lors de notre dernière conférence ; il commence à porter ses fruits.
- la poursuite de la rénovation de la politique immobilière, sur le plan budgétaire avec l'inscription en loi de finances initiale de toutes les opérations, mais également sur le fond avec l'amélioration de la prévision, de la programmation et du suivi des opérations.
1-2. Il nous faut ensuite RENFORCER NOTRE PRESENCE ET DEVELOPPER L'INFLUENCE FRANCAISE
Je viens de développer l'essentiel de notre politique extérieure pour l'année 2000.
Le budget qui vous est présenté maintient en particulier le cap de notre engagement pour la diversité culturelle et la défense de la francophonie ; de même, l'effort d'aide au développement est poursuivi ; et les crédits consacrés à l'aide humanitaire sont augmentés. Charles Josselin reviendra dans son intervention sur ces trois volets de notre action extérieure, dont il a plus particulièrement la charge.
Je souhaite ajouter que le redressement des contributions volontaires aux organisations internationales, que j'ai entrepris l'an dernier, se poursuit. Avec 30 MF de mesures nouvelles, la situation n'est certes pas totalement rétablie par rapport à 1993 (où nous disposions de 450 MF), mais nous sommes en bonne voie (307 MF au PLF 2000 contre 225 en 1998). Vous savez qu'il s'agit là de la réalité de notre influence dans le système multilatéral.
1-3. Enfin, j'entends RENFORCER NOTRE ACTION CONSULAIRE
Le PLF 2000 prévoit des crédits nous permettant de poursuivre une politique dynamique en direction de nos communautés françaises à l'étranger :
- L'effort pour l'accès de nos ressortissants à l'enseignement français à l'étranger sera poursuivi, avec une progression de 25 % des crédits des bourses scolaires en trois exercices.
- Les crédits consacrés à l'aide aux personnes les plus en difficulté sont également en progression de plus de 4 MF, pour atteindre près de 113 MF. J'ai demandé au directeur des Français à l'étranger d'étudier, pour une mise en oeuvre rapide, les mesures qui peuvent être dégagées du rapport de la sénatrice Monique Cerisier ben Guiga.
- D'une manière plus générale, nous poursuivrons l'effort de modernisation de l'administration consulaire :
. le service central d'état civil va achever sa "mue" ;
. vous savez également que j'ai mis un terme, dès mon arrivée, au développement du recours aux recrutés locaux ; j'entends à présent revenir à une situation plus normale, notamment en affectant dans les postes une partie importante des emplois dégagés lors de la négociation budgétaire, ce qui permettra de renforcer l'encadrement des consulats.
. ces emplois dégagés permettront également d'assurer la réouverture de notre consulat à Annaba.
L'effort va également être poursuivi en direction des étrangers. La nouvelle politique des visas commence à porter ses fruits. Elle s'accompagne d'une amélioration sensible des conditions d'accueil des demandeurs de visas dans les consulats grâce aux travaux réalisés sur la base du fonds de concours. Le rapport de votre collègue Yves Tavernier montre que cet effort doit être poursuivi. Je soutiens à cet égard tout à fait la proposition qu'il fait de porter le fonds de concours à 100 % des droits de chancellerie.
Cependant, nous allons nous heurter d'ici deux ans à la disparition des coopérants du service national. Je forme des voeux pour que la loi instituant le volontariat civil, qui a été adoptée en première lecture au Sénat, soit examinée et adoptée le plus rapidement possible par votre Assemblée et donne les résultats espérés.
III - CONTRAINTES
La contrainte qui pesait sur les effectifs a été desserrée sensiblement, mais les besoins restent forts, notamment pour ce qui est de l'encadrement des consulats.
A cet égard, les réflexions qui ont été engagées sur le réseau diplomatique et consulaire, en particulier dans l'Union européenne, devront déboucher sur des propositions de meilleure utilisation de nos moyens. Certes, la contrainte budgétaire ne doit pas être le seul élément de l'évolution de notre carte diplomatique et consulaire ; mais il s'agit aujourd'hui d'adapter notre réseau à un environnement de plus en plus mouvant, en tenant compte de nos partenaires, et en fonction de ressources limitées.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 1999)
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
En conformité avec la nouvelle procédure d'examen du budget, heureuse innovation selon moi car propice à un débat approfondi, il me revient de présenter devant vous le projet de budget du ministère des Affaires étrangères pour l'an 2000.
Cette tâche est d'autant plus importante que j'ai pu mesurer, cette année encore, l'intérêt soutenu que la représentation nationale attachait à la politique étrangère de la France.
Comme vous le constaterez, le gouvernement a marqué sa volonté d'inverser la tendance à la diminution de nos moyens et de nos effectifs, qui n'avait que trop duré. Le gouvernement et le Premier ministre personnellement ont voulu que le projet de budget 2000 amorce une véritable inflexion et nous permettra, à Charles Josselin, Pierre Moscovici et moi-même, de soutenir notre action, de relayer notre influence dans le monde et de poursuivre l'objectif prioritaire de modernisation et d'ouverture du ministère des Affaires étrangères qui est le mien pour disposer d'un outil diplomatique efficace et cohérent avec nos ambitions.
Avant de présenter les grandes lignes du budget 2000, je voudrais, en vous épargnant les propos excessifs qu'une telle date inspire aux commentateurs, vous convaincre néanmoins de l'importance des enjeux à venir pour notre pays.
I - LES INTERETS ET LES AMBITIONS DE LA FRANCE
Dans un monde affecté de mutations profondes et traversé de mouvements plus ou moins ordonnés que vous connaissez, nous avons des intérêts, objectifs, relayés par des ambitions et nous assumons des responsabilités appuyées sur nos valeurs. Vous les connaissez bien tous et je les résumerai.
A) Nos intérêts fondamentaux sont d'abord d'assurer la liberté, la sécurité et la prospérité de notre pays : notre diplomatie doit y contribuer, tant lors de grandes négociations internationales - je pense à celles sur l'OMC qui vont s'ouvrir - que dans la concertation avec nos grands partenaires, par exemple sur le chantier de la défense européenne.
Ils sont aussi de veiller à prévenir des évolutions stratégiques, économiques ou culturelles qui nous seraient contraires et défavorables et à l'inverse de les infléchir dans des directions plus favorables.
Ils sont d'assurer à notre pays, dans une Europe elle-même en pleine mutation, une influence toujours très forte.
Ils sont également, dans un monde que certains vouent à l'uniformisation complète, de faire entendre une voix alternative, celle de la diversité, seule quand c'est nécessaire et aussi souvent que possible, avec nos partenaires européens, car c'est plus efficace.
Comment ces intérêts se déclinent-ils ?
- D'abord, l'Europe : nous allons dans le second semestre 2000 présider l'Union européenne.
L'Union s'est dotée en 1999 de nouveaux instruments, l'euro bien entendu, mais aussi ceux prévus par le Traité d'Amsterdam. Elle a renouvelé les membres de la Commission et du Parlement européen. M. Javier Solana a été désigné comme Secrétaire général du Conseil, haut représentant pour la PESC.
Quels seront nos objectifs ? Il s'agit fondamentalement de préparer, sur ce plan-là, l'avenir de l'Union. Le chantier de la réforme institutionnelle est devant nous.
Les pays candidats à l'entrée dans l'UE le comprennent maintenant, je le crois, qui veulent adhérer à une Union en état de marche. La réforme institutionnelle est donc aussi dans leur intérêt.
Une Conférence intergouvernementale sera lancée au début de l'année prochaine. Il n'est pas exclu que nous puissions conclure à la fin de cette même année, si les conditions sont réunies. Nous le souhaitons mais cela ne dépend pas que de nous. S'il le faut, la présidence suédoise prendrait le relais sur ce point.
Elle portera sur les éléments essentiels au fonctionnement et à la légitimité des institutions de l'Union, laissés ouverts lors de la précédente CIG conclue par le Conseil européen d'Amsterdam : composition et fonctionnement de la Commission, repondération des voix des Etats membres, vote à la majorité qualifiée. Ces trois éléments sont liés. Sur tous ces points, nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires allemands de manière à élaborer une position commune avant la CIG.
L'élargissement et l'organisation du continent européen sont le deuxième enjeu majeur, étroitement lié au premier. Les négociations d'adhésion seront lancées avec probablement douze candidats, en fonction des résultats du Conseil européen d'Helsinki, le mois prochain.
Nous chercherons à les faire avancer sérieusement, en appréciant au cas par cas les avancées réalisées par chacun. Nous espérons que l'amélioration des relations avec la Turquie, et entre la Grèce et la Turquie, donnera à l'Union les moyens de l'accompagner dans son entreprise de démocratisation et de modernisation. Nous aurons aussi à prendre une décision à Helsinki sur la reconnaissance du statut de candidat de la Turquie, qui nous paraît une voie raisonnable.
Dans le même temps, il nous faut poursuivre le travail sur l'organisation du continent européen. L'Union doit, au moyen de stratégies communes, viser à édifier un partenariat stratégique durable avec des pays aussi importants que la Russie ou l'Ukraine. Nous aurons toujours à traiter de ces problèmes d'organisation interne et de relations avec nos grands voisins, à l'est, au sud-est et au sud.
La France exercera au même moment la présidence de l'UE et celle de l'UEO. Je rappelle notre objectif formulé par le président de la République : doter l'Europe de capacités nécessaires autonomes de décision, de planification et d'action pour lui permettre d'agir de manière crédible dans ce domaine. Ceci implique en particulier le développement de capacités militaires européennes.
La France mettra l'accent sur le renforcement de la coordination des politiques économiques et sur l'harmonisation fiscale, permettant de lutter contre les concurrences déloyales. Elle poursuivra la mise en place d'une stratégie coordonnée pour l'emploi.
En se renforçant, l'Union européenne pourra faire valoir ses vues sur la régulation internationale. Le Premier ministre l'avait déclaré avec force à l'ouverture de la 54ème Assemblée générale des Nations unies : le monde global a besoin de règles car la globalisation, le décloisonnement ne sont pas en eux-mêmes porteurs d'ordres. L'Union doit promouvoir le modèle de développement spécifique sur lequel elle est fondée.
C'est dans cet esprit que nous abordons les grandes négociations commerciales de l'OMC, qui se poursuivront tout au long de l'année 2000 et au delà, avec, de la part du Gouvernement, une volonté de transparence, au premier chef vis à vis du Parlement et, à travers lui, de l'opinion publique.
Sur le fond, quels sont nos objectifs ?
- continuer à faire bénéficier l'économie européenne et française des avantages de l'intensification des échanges mondiaux - car il ne faut pas perdre de vue que les échanges ont été et sont le fondement de la croissance -, tout en préservant nos équilibres sociaux, culturels, environnementaux et alimentaires. C'est pourquoi nous abordons ce cycle de façon large et avec la volonté d'introduire de nouvelles règles en accompagnement de l'ouverture accrue des échanges ;
- renforcer les règles multilatérales, au détriment de l'unilatéralisme ;
- mieux insérer les pays en développement, dans leur grande et croissante diversité, dans les échanges mondiaux.
L'année 1999 a été marquée par des décisions préoccupantes dans le domaine du désarmement et de la lutte contre la prolifération, notamment balistique, après le vote négatif du Sénat des Etats-Unis sur le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et l'annonce par l'Administration américaine de son projet de défense anti-missiles du territoire américain (NMD). Le Traité ABM est un élément fondamental de la stabilité stratégique. Nous l'avons déjà dit avec beaucoup de netteté, sa remise en cause conduirait à une relance de la course aux armements.
Pour ce qui nous concerne, nous poursuivons nos efforts dans la voie du désarmement et contre la prolifération. A ce titre, nous invitons les pays concernés à ne pas se détourner des objectifs d'entrée en vigueur du traité d'interdiction complète des essais nucléaires ; ils peuvent agir comme s'il était déjà en vigueur, et nous considérons que le démarrage de la négociation sur un traité d'interdiction de production des matières fissiles pour les armes nucléaires est un point de passage obligé.
B) La France, vous le savez, attache une importance primordiale au rôle de régulation mondiale qu'est le Conseil de sécurité des Nations unies, sur la base des principes de la Charte. Les problèmes rencontrés et les contraintes de l'action internationale ont été parfaitement résumés lors de l'allocution du Secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan, en septembre dernier. Il a décrit la relation compliquée et pas encore satisfaisante entre le droit d'intervention ou d'ingérence et la souveraineté des Etats. On observe d'ailleurs que c'est le plus souvent la faiblesse des Etats qui est facteur de crise. L'intervention ne peut s'appliquer en contournant le Conseil de sécurité, c'est à dire en fin de compte en proclamant caduque ou relative la souveraineté des Etats.
C'est avec ce souci constant que la France a pris ses responsabilités en intervenant dans de graves crises.
Nous nous sommes engagés, après des mois et des mois d'efforts diplomatiques que vous avez suivi attentivement, puis une phase d'action de force, dans la gestion de la crise ouverte au Kosovo par l'intolérance coupable du régime de Belgrade. Nous veillons aujourd'hui au respect de la résolution 1244 : la présence internationale (KFOR et MINUK) doit être inévitablement durable et forte.
Quant à la Serbie, nous devons adapter notre régime de sanctions si nous voulons réellement provoquer une évolution à Belgrade : lever les sanctions qui pénalisent la population et qui sont contreproductives, maintenir ou renforcer celles qui touchent le régime. Les opposants sont unanimes sur ce point et on gagnerait ainsi à modifier les perceptions. Je me suis engagé sur ce point en adressant un courrier à mes collègues européens.
L'européanisation des Balkans reste notre objectif à long terme : c'est la raison d'être du Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est, lancé en juin 1999 et clé de toute évolution. Mais nous savons qu'une persistance des blocages politiques à Belgrade hypothéquera l'avenir du Kosovo et engendrera d'autres crises.
Par contraste, dans d'autres régions, des évolutions positives se dessinent. Au Proche Orient, le nouveau gouvernement israélien semble vouloir reprendre le travail de règlement de fond interrompu par l'assassinat d'Ytzhak Rabin, y compris sur le volet syrien. Nous avons très tôt salué ce changement.
Je me suis rendu en Israël et dans les territoires palestiniens ; je poursuivrai cette tournée la semaine prochaine au Liban, en Syrie et en Egypte. Il faut assure ce travail de présence diplomatique.
Que peut la France ? A la fois être disponible et utile chaque fois que les protagonistes y trouvent avantage et, vous le savez, nous sommes en position de tenir à chacun un discours de vérité, constructif : apporter des idées, y compris sur le statut final, être proche des différents protagonistes.
Etre utile dès lors que s'amorceront des règlements globaux - assistance à la formation d'un véritable Etat palestinien, renforcement en cours de notre dialogue avec Israël, présence au Liban sous des formes à adapter, coopération déterminée dans un Proche orient qui lui aussi veut la paix et échapper aux rigueurs d'une histoire conflictuelle. La France, et avec elle, l'UE auront à faciliter cette transition prometteuse, qui ne sera pas sans crises, sans blocages. Nous plaidons dans ce sens.
De même, des changements significatifs sont à l'oeuvre au Maghreb. Au Maroc, nous entendons accompagner la relève dynastique qui s'annonce sous les meilleurs auspices et répondre aux aspirations euro-méditerranéennes qui s'expriment. Lors de mon voyage en Algérie en juillet dernier, j'ai voulu marquer notre disponibilité pour une relance, une reconstruction de nos relations, avec ouverture et espérance, dans tous les domaines où il est possible d'avancer.
Pour le continent africain, je rappelle devant vous l'inspiration générale de notre politique : fidélité, adaptation, ouverture. Nous entendons contribuer au renforcement de la bonne "gouvernance" et au renouvellement de la Convention de Lomé. Etre présents, influencer les évolutions dans les bonnes directions, avoir une vision globale. Le retour à la paix et à la stabilité en Afrique centrale, dans la région des Grands lacs - où Charles Josselin vient de se rendre - et dans la Corne de l'Afrique est impératif. Sur tous ces points, nous avons développé une coopération accrue avec nos partenaires occidentaux les plus impliqués, britanniques, belges, portugais mais aussi américains, pour dépasser les vieilles rivalités.
Vous le savez, le continent asiatique est une zone majeure de mise en oeuvre de la multipolarité au XXIème siècle : émergence de la Chine, de l'Inde, mutation du Japon, restructuration inéluctable du sud-est asiatique après la crise financière.
La diplomatie française doit créer les conditions permettant des liens étroits entre ces pays et la France, sans exclure les débats sur les valeurs respectives animant nos sociétés. Nous travaillons à un monde multipolaire, c'est à dire coopératif. il nous faut approfondir la réflexion sur la gestion de ce monde global.
Sur les questions cruciales de non-prolifération et du nucléaire, le centre de gravité de nos préoccupations n'a pas totalement quitté l'Europe mais une bonne partie des noeuds se trouvent maintenant en Asie : conflit indo-pakistanais, dossier nord coréen, initiative américaine de défense de missiles, qui serait étendue à des alliés proches.
Il m'apparaît opportun d'inclure l'Asie dans le champ de la réflexion stratégique française et d'en tirer les conséquences sur l'importance des relations bilatérales avec les grands pays asiatiques
Au delà, nous visons à encourager l'émergence d'entités régionales (l'Asean, le Mercosur par exemple) capables de renforcer la diversité de la scène internationale.
Ainsi, en Amérique latine : l'importance de pays comme le Brésil, les changements politiques au Chili, en Argentine, en Uruguay ; la volonté du Mercosur, même si la négociation est difficile, d'un dialogue avec l'Europe sont des faits encourageants au plan politique. C'est la raison pour laquelle je me suis rendu deux fois en Amérique latine cette année.
Permettez moi de conclure ce rappel de nos objectifs et de nos ambitions en soulignant que l'action du ministère des Affaires étrangères doit se moderniser et s'adapter constamment. A côté de la diplomatie classique, bilatérale, européenne et multilatérale, de notre démarche d'appui aux entreprises tournées vers le grand large, de notre soutien aux acteurs de la société civile impliqués dans une présence extérieure de la France (notamment les ONG et les collectivités locales), il m'apparaît que la diplomatie culturelle s'impose chaque jour davantage comme une dimension fondamentale de notre action extérieure.
Celle-ci doit être active, offensive, compétitive et privilégier les secteurs les plus déterminants en terme de coopération d'influence : formation des élites, audiovisuel extérieur, rôles de nos instituts et de nos centres mis en réseau et en passe de devenir des pôles culturels. Vous connaissez les initiatives que nous avons prises.
Il y a plus. Face au risque d'uniformisation des idées, notamment via l'uniformisation des images, de simplification des enjeux, il importe que se fasse entendre une voix alternative, française, européenne et au delà (Amérique latine, Afrique.). La diversité culturelle est un objectif ; l'exception culturelle une tactique de négociation. C'est pourquoi j'entends que la diplomatie culturelle puisse promouvoir la place de la France dans les nécessaires débats sur les idées et les valeurs qui vont s'intensifier dans les années à venir : réguler, civiliser le monde global.
Ce rapide tour d'horizon me conduit à présenter les moyens de mon Ministère pour l'année 2000.
II - LES MOYENS DU MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES
La caractéristique essentielle du projet de budget pour 2000 est qu'il marque l'interruption de la baisse des moyens du Département qui était constante depuis 1995. Une augmentation des crédits de 170 MF a été décidée par le Premier ministre, ce qui représente une progression de 0,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999.
Cette progression est minime mais, je vous le disais, il s'agit d'un renversement de tendance fondamental pour la suite.
En particulier, la chute des effectifs va être enrayée l'an prochain. L'achèvement de la fusion avec les services de la Coopération nous a même donné la possibilité de dégager 92 emplois qui vont être consacrés pour une part importante au renforcement de l'administration consulaire.
Les rapporteurs sur ce budget et de nombreux membres de votre commission ont joué un rôle important dans cette évolution. Je tiens ici à les en remercier.
1. Quels sont les OBJECTIFS pour l'an prochain ?
1-1. D'abord POURSUIVRE LA MODERNISATION DU MINISTERE
Ce changement de cap dans l'évolution du budget du ministère des Affaires étrangères traduit, je crois pouvoir le dire, la reconnaissance des efforts de modernisation accomplis depuis deux ans, et un encouragement pour moi à poursuivre.
Ces efforts visent à mettre le Département en position de faire face à l'accroissement et la diversification de ses tâches :
- l'accélération de la mondialisation requiert une présence universelle accrue et une mobilisation plus forte des moyens notamment pour toutes les négociation multilatérale ;
- la lourde responsabilité de la présidence française de l'Union européenne au second semestre 2000 ;
- notre capacité de réponse aux crises est de plus en plus sollicitée - Kosovo et Timor en 1999, et nous savons tous ici que les foyers sont nombreux, sur tous les continents.
- l'évolution de la situation des communautés françaises à l'étranger implique un effort d'adaptation de notre politique consulaire, et une prise en compte de leur sécurité.
L'effort de modernisation en 2000 va porter en particulier sur trois grands domaines :
- l'achèvement de la fusion avec la Coopération sur le plan budgétaire, avec la suppression de la distinction, dans les postes, entre les moyens de fonctionnement des services diplomatiques et ceux de la coopération. C'est une question importante parce qu'elle concrétise la réalité de la fusion sur le terrain.
- la poursuite de la déconcentration des moyens vers les postes. Cela concerne les crédits de déplacement et les dépenses de location immobilière, mais aussi la gestion des recrutés locaux à titre expérimental. Vous savez qu'une réforme comptable a été entamée l'an dernier dans 20 postes ; elle sera poursuivie et étendue à 10 nouveaux postes. Il faut également réduire la centralisation dans l'attribution de l'aide sociale : j'ai demandé au directeur des Français à l'étranger de réfléchir à une expérience pilote dans quelques consulats. Toutes ces réformes vont dans le même sens. Elles visent à donner aux chefs de poste davantage de latitude, donc de responsabilités. C'est le message que j'ai fait passer aux ambassadeurs lors de notre dernière conférence ; il commence à porter ses fruits.
- la poursuite de la rénovation de la politique immobilière, sur le plan budgétaire avec l'inscription en loi de finances initiale de toutes les opérations, mais également sur le fond avec l'amélioration de la prévision, de la programmation et du suivi des opérations.
1-2. Il nous faut ensuite RENFORCER NOTRE PRESENCE ET DEVELOPPER L'INFLUENCE FRANCAISE
Je viens de développer l'essentiel de notre politique extérieure pour l'année 2000.
Le budget qui vous est présenté maintient en particulier le cap de notre engagement pour la diversité culturelle et la défense de la francophonie ; de même, l'effort d'aide au développement est poursuivi ; et les crédits consacrés à l'aide humanitaire sont augmentés. Charles Josselin reviendra dans son intervention sur ces trois volets de notre action extérieure, dont il a plus particulièrement la charge.
Je souhaite ajouter que le redressement des contributions volontaires aux organisations internationales, que j'ai entrepris l'an dernier, se poursuit. Avec 30 MF de mesures nouvelles, la situation n'est certes pas totalement rétablie par rapport à 1993 (où nous disposions de 450 MF), mais nous sommes en bonne voie (307 MF au PLF 2000 contre 225 en 1998). Vous savez qu'il s'agit là de la réalité de notre influence dans le système multilatéral.
1-3. Enfin, j'entends RENFORCER NOTRE ACTION CONSULAIRE
Le PLF 2000 prévoit des crédits nous permettant de poursuivre une politique dynamique en direction de nos communautés françaises à l'étranger :
- L'effort pour l'accès de nos ressortissants à l'enseignement français à l'étranger sera poursuivi, avec une progression de 25 % des crédits des bourses scolaires en trois exercices.
- Les crédits consacrés à l'aide aux personnes les plus en difficulté sont également en progression de plus de 4 MF, pour atteindre près de 113 MF. J'ai demandé au directeur des Français à l'étranger d'étudier, pour une mise en oeuvre rapide, les mesures qui peuvent être dégagées du rapport de la sénatrice Monique Cerisier ben Guiga.
- D'une manière plus générale, nous poursuivrons l'effort de modernisation de l'administration consulaire :
. le service central d'état civil va achever sa "mue" ;
. vous savez également que j'ai mis un terme, dès mon arrivée, au développement du recours aux recrutés locaux ; j'entends à présent revenir à une situation plus normale, notamment en affectant dans les postes une partie importante des emplois dégagés lors de la négociation budgétaire, ce qui permettra de renforcer l'encadrement des consulats.
. ces emplois dégagés permettront également d'assurer la réouverture de notre consulat à Annaba.
L'effort va également être poursuivi en direction des étrangers. La nouvelle politique des visas commence à porter ses fruits. Elle s'accompagne d'une amélioration sensible des conditions d'accueil des demandeurs de visas dans les consulats grâce aux travaux réalisés sur la base du fonds de concours. Le rapport de votre collègue Yves Tavernier montre que cet effort doit être poursuivi. Je soutiens à cet égard tout à fait la proposition qu'il fait de porter le fonds de concours à 100 % des droits de chancellerie.
Cependant, nous allons nous heurter d'ici deux ans à la disparition des coopérants du service national. Je forme des voeux pour que la loi instituant le volontariat civil, qui a été adoptée en première lecture au Sénat, soit examinée et adoptée le plus rapidement possible par votre Assemblée et donne les résultats espérés.
III - CONTRAINTES
La contrainte qui pesait sur les effectifs a été desserrée sensiblement, mais les besoins restent forts, notamment pour ce qui est de l'encadrement des consulats.
A cet égard, les réflexions qui ont été engagées sur le réseau diplomatique et consulaire, en particulier dans l'Union européenne, devront déboucher sur des propositions de meilleure utilisation de nos moyens. Certes, la contrainte budgétaire ne doit pas être le seul élément de l'évolution de notre carte diplomatique et consulaire ; mais il s'agit aujourd'hui d'adapter notre réseau à un environnement de plus en plus mouvant, en tenant compte de nos partenaires, et en fonction de ressources limitées.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 1999)