Texte intégral
Messieurs les députés, cher Daniel MARCOVITCH, cher Christian PAUL,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de clôturer les débats de ce colloque organisé à l'initiative de Daniel MARCOVITCH sur le thème d'internet et des libertés publiques. Particulièrement heureux parce que je sais, même si je regrette de ne pas avoir pu participer à l'ensemble de vos travaux, qu'ils ont été riches d'enseignements. Particulièrement heureux en raison aussi du thème qui nous réunit aujourd'hui.
Ma fierté par rapport au chemin parcouru en trois ans pour développer la société de l'information (1), la volonté qui m'anime d'assurer la confiance dans internet (2), l'engagement du gouvernement autour de Lionel JOSPIN pour ouvrir ce nouvel espace d'expression à tous (3), tels sont les trois points que je souhaite développer aujourd'hui devant vous.
1 - La fierté par rapport au chemin parcouru en 3 ans.
J'étais il y a dix jours aux Etats-Unis, dans la Silicon Valley. J'en reviens avec un sentiment : la fierté du chemin parcouru par la France en 3 ans, la fierté aussi de la manière dont ce chemin a été parcouru :
· En trois ans, la France a rattrapé le niveau de ses partenaires européens et se rapproche de celui des Etats-Unis.
En 1996, nous accusions un retard considérable. Aujourd'hui la situation a radicalement changé :
- au niveau global d'abord : la France s'est imposée comme la quatrième puissance mondiale pour la production de biens et services de la société de l'information. Ce secteur contribue maintenant pour 20% à la croissance globale, avec un effet d'entraînement sur l'ensemble de l'économie et sur l'emploi. J'aurai l'occasion dans les tous prochains jours de rendre publiques de nouvelles données à cet égard.
-au niveau des entreprises : moins de 15 % des PME étaient connectées à internet en 1996, elles sont près des deux tiers maintenant, soit un niveau comparable à celui des Etats-Unis ;
-au niveau des particuliers enfin : certes le nombre d'internautes via les PC en France reste en deça de celui des Etats-Unis. Mais le rattrapage est très rapide : le nombre d'internautes a cru de 24 % au premier trimestre 2000. Le développement des accès à internet grâce aux téléphones mobiles permettra très vraisemblablement d'accélérer encore ce mouvement en 2000 : l'équipement des français en téléphones mobiles est en effet supérieur à celui de nos principaux partenaires. Enfin, si le commerce électronique via internet reste moins développé en France qu'ailleurs, notre pays se place loin devant l'ensemble des autres Etats européens si l'on tient compte du commerce électronique via le Minitel.
Ce chemin, nous l'avons parcouru ensemble - élus, citoyens, entreprises. Je suis déterminé, avec tout le Gouvernement, à ce que nous le poursuivions ensemble.
Le Gouvernement a mené depuis trois ans une politique active et déterminée pour atteindre cet objectif : le PAGSI a permis de mobiliser 5,7 MdsF en deux ans, pour généraliser internet à l'école, pour soutenir le capital-risque, pour assurer le succès de l'administration électronique... Nous aurons dans les semaines qui viennent l'occasion autour du Premier ministre de montrer notre détermination à poursuivre dans cette voie.
· Vous l'aurez compris, ma fierté ne se limite pas à une suite d'indicateurs chiffrés qui attestent de notre dynamisme. Elle va surtout à la manière dont ce chemin a été parcouru : avec enthousiasme et avec recul. L'enthousiasme, car nous avons su voir dans internet et dans les réseaux électroniques le moyen de développer un monde plus proche, plus dynamique et plus coopératif :
-un monde plus proche : l'internet, c'est plus d'informations, de savoirs et de connaissances partagées par les citoyens ; c'est de nouvelles possibilités de communication. L'internet est ainsi un outil formidable pour exercer, de manière simple et efficace, un droit majeur de nos démocraties : la liberté d'expression.
-un monde plus dynamique : l'économie de la connaissance, terme que je préfère à celui de nouvelle économie, dessine la perspective d'une croissance plus forte, plus riche en emplois.
-un monde plus coopératif : l'internet, c'est enfin la réconciliation d'univers qui avaient été trop longtemps séparés en France : celui de l'inventivité, de la créativité et de l'innovation et celui de l'entreprise, de l'industrie et de la finance.
Plus proche, plus dynamique, plus coopérative, telle est la société qui se construit devant nous, grâce à vous, avec nous. C'est aussi parce que nous avons su combiner cet enthousiasme avec le recul nécessaire que la France a pu faire une entrée remarquée dans la société de l'information et que nous saurons, j'en suis persuadé, poursuivre son développement. Le recul, car nous n'avons pas pour autant renoncé à ce que nous sommes, à notre culture. Car nous avons développé internet à notre image : en refusant le culte de l'argent roi ou de l'argent facile ; en protégeant la liberté, le libre arbitre, la vie privée de nos concitoyens ; en s'assurant qu'internet ne dessine pas de nouvelles exclusions.
Ce sont ces deux points, au coeur de vos débats d'aujourd'hui, que je vais maintenant approfondir brièvement.
2 - Développer la confiance dans internet.
Tel est le cur de vos travaux, tel est également le projet qui m'anime au sein du Gouvernement. Il nous faut en effet développer ce nouvel espace de liberté par la confiance et la sécurité sur les réseaux.
· Pour être un lieu de liberté, internet doit être un lieu de confiance où le citoyen puisse évoluer en toute sécurité. Trois éléments me paraissent à cet égard essentiels : la protection de la vie privée, la lutte contre les contenus illicites et la sécurité des transactions électroniques.
La mise en réseau des communications ouvre potentiellement la voie à l'utilisation à des fins commerciales d'informations de nature privée sur les habitudes d'information et de consommation de chacun. Notamment dans son mémorandum sur le commerce électronique et le développement de l'internet de 1998, la France avait mis en avant ces préoccupations. Les Etats-Unis avaient préféré défendre un système moins contraignant, le safe harbor. Je constate qu'aux Etats-Unis, et le Président Clinton vient d'intervenir en ce sens, on se rapproche maintenant des positions défendues par l'Union européenne : deux législations viennent d'ailleurs d'y être adoptées sur ce thème.
La liberté doit s'exprimer sur les réseaux, comme ailleurs, dans le respect des grands principes de notre droit. L'utilisation des nouvelles technologies pour diffuser ou transmettre des informations ne peut, en particulier, justifier des comportements contraires à l'ordre public ou une violation des droits, comme ceux de la propriété intellectuelle.
La conférence du G8 sur la cybercriminalité que la France vient d'accueillir montre que dans ce domaine également une prise de conscience des enjeux est à l'uvre.
· Le renforcement de la confiance passe par l'adaptation de notre cadre juridique à la société de l'information.
Le Gouvernement a lancé en octobre dernier une consultation publique à cet effet, sur la base d'un document d'orientation. Dans la ligne tracée par le Premier Ministre Lionel JOSPIN, à Hourtin, en août dernier, nous avons entrepris un vaste chantier sur la mise en oeuvre d'un cadre juridique approprié. Cette adaptation de notre droit à la société de l'information est maintenant en cours à vitesse accélérée.
Un ensemble de textes a déjà été examiné par le Parlement ou est en cours d'examen. En ce qui concerne la signature électronique, j'ai donné mon accord, lors du Conseil Télécommunications du mois de novembre 1999, à la directive européenne sur la mise en place d'un cadre communautaire pour les signatures électroniques. Comme la Garde des Sceaux, Elibabeth GUIGOU, vous l'a exposé ce matin, sa transposition en droit français a été votée par le Parlement le 29 février 2000. La rapidité de ce processus, malgré les enjeux lourds qu'il comporte, montre toute l'importance qu'y attache le Gouvernement.
En ce qui concerne la responsabilité des intermédiaires techniques, l'Assemblée nationale a adopté en troisième lecture le 15 juin, un dispositif dans le cadre de la loi audiovisuelle. Comme la Ministre de la Culture et de la Communication, Catherine TASCA, vous l'a précisé ce matin, ce texte prévoit, conformément à la directive européenne sur le commerce électronique, les cas dans lesquels la responsabilité des intermédiaires techniques peut être engagée.
· Avec Laurent FABIUS et en étroite liaison avec mes collègues, je présenterai à l'automne un projet de loi sur la société de l'information.
Ce projet, que je place sous le maître mot de la confiance, sera articulé autour de trois orientations : la liberté, l'accès et la sécurité.
Concernant ce dernier aspect, je voudrais insister sur deux points. En premier lieu, une très importante directive sur le commerce électronique a été adoptée par le Conseil et le Parlement européen le mois dernier. Elle précise les obligations de transparence en matière de commerce électronique, de publicité en ligne et de conclusion de contrats d'achats par voie électronique. Elle sera transposée dans le cadre de la loi sur la société de l'information. Elle permettra d'améliorer la sécurité juridique et la transparence des échanges électroniques dans le cadre du marché intérieur européen et, ce dans le but d'assurer la meilleure protection au consommateur.
En second lieu, la confidentialité des informations échangées sur des réseaux ouverts comme l'internet est un enjeu essentiel. Les outils de cryptologie, qui permettent d'assurer cette confidentialité, ont pendant de nombreuses années été traités comme des armes de guerre et fortement contrôlés. Un mouvement de libéralisation a été entrepris depuis 1996, qui sera poursuivi par une liberté totale d'utilisation des outils de cryptologie.
Disposer d'un cadre juridique adapté, c'est-à-dire d'un cadre qui reconnaisse l'existence des échanges électroniques sans leur réserver un sort particulier ; disposer de nouveaux modes de régulations des réseaux, qui fassent intervenir acteurs publics et privés pour garantir la mobilisation de tous, tel est le chantier qui est actuellement à l'oeuvre. Tel est le moyen d'assurer la confiance de tous dans les réseaux.
3. Ouvrir cet espace au plus grand nombre
Car il nous faut garantir - et c'est un enjeu de nature politique - que la révolution numérique ne laisse personne au bord du chemin. Je pense à ceux des citoyens qui n'ont pas encore accès à la société de l'information, mais aussi aux petites entreprises, qui doivent pouvoir bénéficier de l'internet ou encore aux territoires les moins accessibles qui doivent être en mesure de tirer parti de la société de l'information. L'égalité des citoyens, des entreprises et des territoires face à la société de l'information constitue un défi qu'il nous faut savoir relever.
Trois éléments me paraissent à ce titre essentiels :
· Il nous faut tout d'abord inciter à une grande diversité de contenus sur internet, notamment pour favoriser l'implication des petites entreprises dans les réseaux.
Cette journée a permis d'aborder la question du pluralisme de l'information. Je ne reviendrai par sur un tel enjeu mais rappellerai simplement que, dans la contribution française à l'initiative eEurope de la Commission européenne, le Gouvernement a demandé que soit mis en place un programme de soutien au développement et à l'utilisation de contenu européen sur l'internet. J'ai pour ma part développé un programme, intitulé UCIPE, qui permet de soutenir les projets coopératifs de PME qui souhaitent tirer parti des réseaux. Avec la Ministre de la Culture et de la Communication, j'ai mis en place un dispositif spécifique, PRIAMM, qui permet d'aider les projets innovants dans le domaine de l'audiovisuel et du multimédia.
· Il nous faut ensuite développer les réseaux de la société de l'information, de telle sorte que chacun, où qu'il soit dans le territoire puisse bénéficier au meilleur prix et dans les meilleures conditions de qualité d'un accès à internet.
L'accès à l'internet est assuré en France sur tout le territoire à des tarifs désormais inférieurs au prix des communications locales. Le Gouvernement souhaite accélérer le développement des services à haut débit. C'est pourquoi il faut permettre à l'ensemble des opérateurs de fournir des services fondés sur des technologies xDSL et stimuler ainsi la fourniture d'offres à haut débit au bénéfice de l'ensemble des utilisateurs. Pour cela, comme l'ensemble des pays de l'Union européenne l'ont décidé à Lisbonne, nous allons introduire le dégroupage de la boucle locale. Je prépare un décret qui sera applicable dès 2001.
· Il nous faut enfin assurer l'égalité des territoires face à la société de l'information.
C'est dans cet esprit que le Gouvernement encourage les initiatives de développement de réseaux de télécommunications à l'échelon local par les opérateurs. La boucle locale radio par son faible coût initial, sa rapidité de déploiement et ses capacités techniques devrait permettre de répondre à une grande partie des besoins en réseaux à haut débit dans toutes les régions
La loi sur la société de l'information proposera des dispositions pour assurer le développement des systèmes à satellites, dont la couverture géographique pourra concerner en particulier des zones très isolées.
Une sensibilisation de l'ensemble des entreprises, en particulier dans le secteur culturel, un accès pour tous aux réseaux au meilleur prix, un développement des technologies à haut débit qui s'étende progressivement à l'ensemble des territoires, tels sont les actions en cours qui permettent d'ouvrir l'espace de l'internet au plus grand nombre. La politique menée pour former les plus jeunes d'entre nous à internet, pour développer l'administration électronique au bénéfice de l'ensemble des usagers du service public va également dans ce sens. Il nous faut poursuivre et accentuer ces efforts dans les mois qui viennent.
Une société de l'information pour tous, une société de l'information à notre image, tel est, vous l'aurez compris, l'objectif qui m'anime au sein du Gouvernement. Votre mobilisation, celle dont fait preuve l'organisation de ce colloque, est un gage de succès à cet égard.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 22 juin 2000)
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de clôturer les débats de ce colloque organisé à l'initiative de Daniel MARCOVITCH sur le thème d'internet et des libertés publiques. Particulièrement heureux parce que je sais, même si je regrette de ne pas avoir pu participer à l'ensemble de vos travaux, qu'ils ont été riches d'enseignements. Particulièrement heureux en raison aussi du thème qui nous réunit aujourd'hui.
Ma fierté par rapport au chemin parcouru en trois ans pour développer la société de l'information (1), la volonté qui m'anime d'assurer la confiance dans internet (2), l'engagement du gouvernement autour de Lionel JOSPIN pour ouvrir ce nouvel espace d'expression à tous (3), tels sont les trois points que je souhaite développer aujourd'hui devant vous.
1 - La fierté par rapport au chemin parcouru en 3 ans.
J'étais il y a dix jours aux Etats-Unis, dans la Silicon Valley. J'en reviens avec un sentiment : la fierté du chemin parcouru par la France en 3 ans, la fierté aussi de la manière dont ce chemin a été parcouru :
· En trois ans, la France a rattrapé le niveau de ses partenaires européens et se rapproche de celui des Etats-Unis.
En 1996, nous accusions un retard considérable. Aujourd'hui la situation a radicalement changé :
- au niveau global d'abord : la France s'est imposée comme la quatrième puissance mondiale pour la production de biens et services de la société de l'information. Ce secteur contribue maintenant pour 20% à la croissance globale, avec un effet d'entraînement sur l'ensemble de l'économie et sur l'emploi. J'aurai l'occasion dans les tous prochains jours de rendre publiques de nouvelles données à cet égard.
-au niveau des entreprises : moins de 15 % des PME étaient connectées à internet en 1996, elles sont près des deux tiers maintenant, soit un niveau comparable à celui des Etats-Unis ;
-au niveau des particuliers enfin : certes le nombre d'internautes via les PC en France reste en deça de celui des Etats-Unis. Mais le rattrapage est très rapide : le nombre d'internautes a cru de 24 % au premier trimestre 2000. Le développement des accès à internet grâce aux téléphones mobiles permettra très vraisemblablement d'accélérer encore ce mouvement en 2000 : l'équipement des français en téléphones mobiles est en effet supérieur à celui de nos principaux partenaires. Enfin, si le commerce électronique via internet reste moins développé en France qu'ailleurs, notre pays se place loin devant l'ensemble des autres Etats européens si l'on tient compte du commerce électronique via le Minitel.
Ce chemin, nous l'avons parcouru ensemble - élus, citoyens, entreprises. Je suis déterminé, avec tout le Gouvernement, à ce que nous le poursuivions ensemble.
Le Gouvernement a mené depuis trois ans une politique active et déterminée pour atteindre cet objectif : le PAGSI a permis de mobiliser 5,7 MdsF en deux ans, pour généraliser internet à l'école, pour soutenir le capital-risque, pour assurer le succès de l'administration électronique... Nous aurons dans les semaines qui viennent l'occasion autour du Premier ministre de montrer notre détermination à poursuivre dans cette voie.
· Vous l'aurez compris, ma fierté ne se limite pas à une suite d'indicateurs chiffrés qui attestent de notre dynamisme. Elle va surtout à la manière dont ce chemin a été parcouru : avec enthousiasme et avec recul. L'enthousiasme, car nous avons su voir dans internet et dans les réseaux électroniques le moyen de développer un monde plus proche, plus dynamique et plus coopératif :
-un monde plus proche : l'internet, c'est plus d'informations, de savoirs et de connaissances partagées par les citoyens ; c'est de nouvelles possibilités de communication. L'internet est ainsi un outil formidable pour exercer, de manière simple et efficace, un droit majeur de nos démocraties : la liberté d'expression.
-un monde plus dynamique : l'économie de la connaissance, terme que je préfère à celui de nouvelle économie, dessine la perspective d'une croissance plus forte, plus riche en emplois.
-un monde plus coopératif : l'internet, c'est enfin la réconciliation d'univers qui avaient été trop longtemps séparés en France : celui de l'inventivité, de la créativité et de l'innovation et celui de l'entreprise, de l'industrie et de la finance.
Plus proche, plus dynamique, plus coopérative, telle est la société qui se construit devant nous, grâce à vous, avec nous. C'est aussi parce que nous avons su combiner cet enthousiasme avec le recul nécessaire que la France a pu faire une entrée remarquée dans la société de l'information et que nous saurons, j'en suis persuadé, poursuivre son développement. Le recul, car nous n'avons pas pour autant renoncé à ce que nous sommes, à notre culture. Car nous avons développé internet à notre image : en refusant le culte de l'argent roi ou de l'argent facile ; en protégeant la liberté, le libre arbitre, la vie privée de nos concitoyens ; en s'assurant qu'internet ne dessine pas de nouvelles exclusions.
Ce sont ces deux points, au coeur de vos débats d'aujourd'hui, que je vais maintenant approfondir brièvement.
2 - Développer la confiance dans internet.
Tel est le cur de vos travaux, tel est également le projet qui m'anime au sein du Gouvernement. Il nous faut en effet développer ce nouvel espace de liberté par la confiance et la sécurité sur les réseaux.
· Pour être un lieu de liberté, internet doit être un lieu de confiance où le citoyen puisse évoluer en toute sécurité. Trois éléments me paraissent à cet égard essentiels : la protection de la vie privée, la lutte contre les contenus illicites et la sécurité des transactions électroniques.
La mise en réseau des communications ouvre potentiellement la voie à l'utilisation à des fins commerciales d'informations de nature privée sur les habitudes d'information et de consommation de chacun. Notamment dans son mémorandum sur le commerce électronique et le développement de l'internet de 1998, la France avait mis en avant ces préoccupations. Les Etats-Unis avaient préféré défendre un système moins contraignant, le safe harbor. Je constate qu'aux Etats-Unis, et le Président Clinton vient d'intervenir en ce sens, on se rapproche maintenant des positions défendues par l'Union européenne : deux législations viennent d'ailleurs d'y être adoptées sur ce thème.
La liberté doit s'exprimer sur les réseaux, comme ailleurs, dans le respect des grands principes de notre droit. L'utilisation des nouvelles technologies pour diffuser ou transmettre des informations ne peut, en particulier, justifier des comportements contraires à l'ordre public ou une violation des droits, comme ceux de la propriété intellectuelle.
La conférence du G8 sur la cybercriminalité que la France vient d'accueillir montre que dans ce domaine également une prise de conscience des enjeux est à l'uvre.
· Le renforcement de la confiance passe par l'adaptation de notre cadre juridique à la société de l'information.
Le Gouvernement a lancé en octobre dernier une consultation publique à cet effet, sur la base d'un document d'orientation. Dans la ligne tracée par le Premier Ministre Lionel JOSPIN, à Hourtin, en août dernier, nous avons entrepris un vaste chantier sur la mise en oeuvre d'un cadre juridique approprié. Cette adaptation de notre droit à la société de l'information est maintenant en cours à vitesse accélérée.
Un ensemble de textes a déjà été examiné par le Parlement ou est en cours d'examen. En ce qui concerne la signature électronique, j'ai donné mon accord, lors du Conseil Télécommunications du mois de novembre 1999, à la directive européenne sur la mise en place d'un cadre communautaire pour les signatures électroniques. Comme la Garde des Sceaux, Elibabeth GUIGOU, vous l'a exposé ce matin, sa transposition en droit français a été votée par le Parlement le 29 février 2000. La rapidité de ce processus, malgré les enjeux lourds qu'il comporte, montre toute l'importance qu'y attache le Gouvernement.
En ce qui concerne la responsabilité des intermédiaires techniques, l'Assemblée nationale a adopté en troisième lecture le 15 juin, un dispositif dans le cadre de la loi audiovisuelle. Comme la Ministre de la Culture et de la Communication, Catherine TASCA, vous l'a précisé ce matin, ce texte prévoit, conformément à la directive européenne sur le commerce électronique, les cas dans lesquels la responsabilité des intermédiaires techniques peut être engagée.
· Avec Laurent FABIUS et en étroite liaison avec mes collègues, je présenterai à l'automne un projet de loi sur la société de l'information.
Ce projet, que je place sous le maître mot de la confiance, sera articulé autour de trois orientations : la liberté, l'accès et la sécurité.
Concernant ce dernier aspect, je voudrais insister sur deux points. En premier lieu, une très importante directive sur le commerce électronique a été adoptée par le Conseil et le Parlement européen le mois dernier. Elle précise les obligations de transparence en matière de commerce électronique, de publicité en ligne et de conclusion de contrats d'achats par voie électronique. Elle sera transposée dans le cadre de la loi sur la société de l'information. Elle permettra d'améliorer la sécurité juridique et la transparence des échanges électroniques dans le cadre du marché intérieur européen et, ce dans le but d'assurer la meilleure protection au consommateur.
En second lieu, la confidentialité des informations échangées sur des réseaux ouverts comme l'internet est un enjeu essentiel. Les outils de cryptologie, qui permettent d'assurer cette confidentialité, ont pendant de nombreuses années été traités comme des armes de guerre et fortement contrôlés. Un mouvement de libéralisation a été entrepris depuis 1996, qui sera poursuivi par une liberté totale d'utilisation des outils de cryptologie.
Disposer d'un cadre juridique adapté, c'est-à-dire d'un cadre qui reconnaisse l'existence des échanges électroniques sans leur réserver un sort particulier ; disposer de nouveaux modes de régulations des réseaux, qui fassent intervenir acteurs publics et privés pour garantir la mobilisation de tous, tel est le chantier qui est actuellement à l'oeuvre. Tel est le moyen d'assurer la confiance de tous dans les réseaux.
3. Ouvrir cet espace au plus grand nombre
Car il nous faut garantir - et c'est un enjeu de nature politique - que la révolution numérique ne laisse personne au bord du chemin. Je pense à ceux des citoyens qui n'ont pas encore accès à la société de l'information, mais aussi aux petites entreprises, qui doivent pouvoir bénéficier de l'internet ou encore aux territoires les moins accessibles qui doivent être en mesure de tirer parti de la société de l'information. L'égalité des citoyens, des entreprises et des territoires face à la société de l'information constitue un défi qu'il nous faut savoir relever.
Trois éléments me paraissent à ce titre essentiels :
· Il nous faut tout d'abord inciter à une grande diversité de contenus sur internet, notamment pour favoriser l'implication des petites entreprises dans les réseaux.
Cette journée a permis d'aborder la question du pluralisme de l'information. Je ne reviendrai par sur un tel enjeu mais rappellerai simplement que, dans la contribution française à l'initiative eEurope de la Commission européenne, le Gouvernement a demandé que soit mis en place un programme de soutien au développement et à l'utilisation de contenu européen sur l'internet. J'ai pour ma part développé un programme, intitulé UCIPE, qui permet de soutenir les projets coopératifs de PME qui souhaitent tirer parti des réseaux. Avec la Ministre de la Culture et de la Communication, j'ai mis en place un dispositif spécifique, PRIAMM, qui permet d'aider les projets innovants dans le domaine de l'audiovisuel et du multimédia.
· Il nous faut ensuite développer les réseaux de la société de l'information, de telle sorte que chacun, où qu'il soit dans le territoire puisse bénéficier au meilleur prix et dans les meilleures conditions de qualité d'un accès à internet.
L'accès à l'internet est assuré en France sur tout le territoire à des tarifs désormais inférieurs au prix des communications locales. Le Gouvernement souhaite accélérer le développement des services à haut débit. C'est pourquoi il faut permettre à l'ensemble des opérateurs de fournir des services fondés sur des technologies xDSL et stimuler ainsi la fourniture d'offres à haut débit au bénéfice de l'ensemble des utilisateurs. Pour cela, comme l'ensemble des pays de l'Union européenne l'ont décidé à Lisbonne, nous allons introduire le dégroupage de la boucle locale. Je prépare un décret qui sera applicable dès 2001.
· Il nous faut enfin assurer l'égalité des territoires face à la société de l'information.
C'est dans cet esprit que le Gouvernement encourage les initiatives de développement de réseaux de télécommunications à l'échelon local par les opérateurs. La boucle locale radio par son faible coût initial, sa rapidité de déploiement et ses capacités techniques devrait permettre de répondre à une grande partie des besoins en réseaux à haut débit dans toutes les régions
La loi sur la société de l'information proposera des dispositions pour assurer le développement des systèmes à satellites, dont la couverture géographique pourra concerner en particulier des zones très isolées.
Une sensibilisation de l'ensemble des entreprises, en particulier dans le secteur culturel, un accès pour tous aux réseaux au meilleur prix, un développement des technologies à haut débit qui s'étende progressivement à l'ensemble des territoires, tels sont les actions en cours qui permettent d'ouvrir l'espace de l'internet au plus grand nombre. La politique menée pour former les plus jeunes d'entre nous à internet, pour développer l'administration électronique au bénéfice de l'ensemble des usagers du service public va également dans ce sens. Il nous faut poursuivre et accentuer ces efforts dans les mois qui viennent.
Une société de l'information pour tous, une société de l'information à notre image, tel est, vous l'aurez compris, l'objectif qui m'anime au sein du Gouvernement. Votre mobilisation, celle dont fait preuve l'organisation de ce colloque, est un gage de succès à cet égard.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 22 juin 2000)