Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les grandes orientations du programme de rénovation urbaine et de solidarité, Paris le 14 décembre 1999.

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Circonstance : Réunion du Comité interministériel des Villes, à Paris le 14 décembre 1999

Texte intégral

Refaire, avec leurs habitants, des villes plus humaines, y affirmer de nouvelles solidarités : telle est l'ambition du Gouvernement.
La croissance est revenue dans notre pays. Le chômage baisse avec constance. Pourtant certains quartiers de nos villes ne bénéficient pas encore de ce vaste mouvement de reprise. Il faut empêcher que des territoires restent à l'écart de la dynamique qui entraîne notre économie : c'est là une exigence de justice.
La solidarité entre les territoires guide le projet de loi auquel travaillent actuellement le ministre de l'équipement, des transports et du logement, Jean-Claude GAYSSOT, et le secrétaire d'Etat au logement, Louis BESSON.
Cette volonté de solidarité imprègne, dans toutes ses dimensions, la politique de la ville que nous menons. Le Comité Interministériel des Villes du 30 juin 1998 a dessiné les contours et tracé les grands axes de cette nouvelle "ambition pour les villes". Celui du 2 décembre suivant a précisé le cadre contractuel unissant l'Etat aux collectivités locales pour les sept ans à venir. Je m'étais engagé, à Strasbourg, le 27 septembre dernier, à mettre en uvre un programme de rénovation urbaine et de solidarité. Le Comité Interministériel de ce jour vient d'en préciser les modalités.
Pour cela, le Gouvernement a pu s'appuyer sur l'important travail de réflexion et de dialogue accompli depuis 18 mois par Claude BARTOLONE, à travers les rencontres nationales de Montpellier sur la prévention et la sécurité, de Tours sur l'éducation dans la ville et de Nantes sur l'économie et l'emploi dans les quartiers.
Le programme, dense et ambitieux, arrêté aujourd'hui s'organise autour de trois priorités :
1. engager un programme de renouvellement urbain centré sur 50 "grands projets de villes" ;
2. revitaliser avec ceux qui vivent dans les quartiers l'économie, l'emploi et le lien social ;
3. faire des services publics des acteurs majeurs de la solidarité et du développement urbain.
1. Première priorité : nous engageons un vaste programme de renouvellement urbain centré sur 50 " grands projets de villes ".
Ce programme s'inscrit dans la politique urbaine globale mise en uvre par le Gouvernement.
Les lois sur l'aménagement et le développement durable du territoire et sur l'organisation urbaine font de l'agglomération le territoire d'un projet de développement solidaire.
Les politiques du logement et de lutte contre les exclusions et la relance de la politique de la ville donnent aux acteurs locaux des outils nouveaux et des moyens renforcés pour agir au plus près du terrain.
Enfin, le projet de loi sur l'habitat, l'urbanisme et les transports, en cours de préparation, permettra un développement urbain plus équilibré, favorable au renouvellement de nos villes.
Le programme de renouvellement urbain comprend deux types d'intervention :
- 50 "grands projets de ville" pour les sites dont la requalification est un enjeu stratégique et qui demandent des efforts particulièrement importants ;
- des opérations de renouvellement urbain pour d'autres sites, sur lesquels les communes souhaitent engager des actions significatives de rénovation urbaine. Ces projets bénéficieront d'un appui renforcé de l'Etat dans le cadre des contrats de ville et des contrats d'agglomération.
Sur la base des candidatures reçues, le Comité Interministériel a arrêté une liste de 50 agglomérations ou villes. Les préfets de département concernés prépareront dans les trois mois avec les élus un rapport sur le lancement de ces "grands projets de ville".
De même, une première liste de collectivités locales susceptibles de bénéficier d'un appui renforcé de l'Etat pour la mise en uvre d'une opération de renouvellement urbain a été arrêtée. Les préfets en examineront l'opportunité dans les mêmes conditions avec les villes et les agglomérations concernées.
Pour ces "grands projets de ville" et ces opérations de renouvellement urbain, nous mobilisons des moyens financiers exceptionnels.
5 milliards de francs de crédits nouveaux sont mis en place sur la période 2001-2006.
Nous créons un fonds d'intervention pour le renouvellement urbain alimenté à hauteur de 3 milliards de francs par la Caisse des Dépôts.
Les conditions de prêts aux collectivités locales seront améliorées et des moyens juridiques et financiers nouveaux permettront de traiter le problème des copropriétés dégradées.
2. Deuxième priorité : revitaliser avec ceux qui vivent dans les quartiers l'économie, l'emploi et le lien social.
La vie d'un quartier, c'est aussi celle de ses commerces, de ses artisans, de ses professions libérales, de ses petites entreprises. Le maintien et le développement des activités économiques dans les zones urbaines sensibles seront encouragés.
Un fonds de soutien aux activités économiques, doté à partir de 2001 de 250 millions de francs, permettra de prendre en compte certaines sujétions spécifiques supportées par les entrepreneurs. Dès l'an prochain, 50 millions de francs seront dégagés à cet effet.
Nous encourageons l'investissement à l'aide d'une prime de revitalisation économique à hauteur de 15% des fonds engagés. Chaque création d'entreprise donnera lieu à une prime forfaitaire de 20000 francs. Le second fonds créé dès l'an prochain à cet effet sera porté lui-aussi à 250 millions de francs en 2001.
De nouveaux dispositifs favoriseront l'accès à l'emploi et l'intégration.
Des "équipes emploi-insertion" animées par les directeurs des agences locales de l'ANPE seront mises en place dès l'année 2000 dans les territoires en contrat de ville. En collaboration avec les collectivités locales concernées, elles proposeront aux demandeurs d'emploi habitant dans ces quartiers une première réponse en termes d'emploi ou d'insertion.
Un programme d'"adultes-relais" est lancé. Ils auront pour mission de renouer le lien social dans les espaces publics, de faciliter les relations entre les habitants et les services publics. 10000 postes sont prévus sur 3 ans, à partir de l'an prochain. A cet effet, les concours de l'Etat en année pleine s'élèveront à 1 milliard de francs.
3. Troisième priorité : faire des services publics des acteurs majeurs de la solidarité et du développement urbain.
La présence et la qualité des services publics dans les quartiers difficiles sera renforcée. Un plan sera élaboré à cet effet dès le début de l'année 2000, qui comprendra des opérations d'intérêt national et des opérations locales à l'initiative des préfets. Ces derniers élaboreront, en liaison avec les collectivités locales concernées, des "projets de service public de quartier" dans les contrats de ville 2000-2006.
Les actions engagées au titre de la politique de sécurité, comme les renforcements d'effectifs de policiers, de gendarmes et de la présence humaine dans les transports ainsi que le développement de la police et de la justice de proximité avec, notamment, la création de "maisons de justice" participent également d'une présence plus forte des services publics.
L'action des agents publics impliqués dans la politique de la ville sera facilitée et valorisée. Ils bénéficieront de formations nouvelles, d'aides exceptionnelles au logement ainsi que de mesures de promotions et de rémunération spécifiques. Pour toutes ces mesures, un effort supplémentaire de 250 millions de francs sera consenti dès l'année 2000.
Nous voulons offrir aux habitants des quartiers en difficulté un accès vraiment égal à la fonction publique. Outre de nouvelles bourses d'étude du ministère de l'Éducation nationale, une préparation rémunérée aux concours de la fonction publique sera accessible, chaque année, à 5.000 demandeurs d'emplois.
Mesdames et Messieurs,
La politique de la ville est pour le Gouvernement une priorité nationale. Les crédits qu'il y consacre ont augmenté de 50 %. Des moyens très importants - 17,5 milliards de francs - sont dégagés dans le cadre des contrats de ville. Ce Comité interministériel des villes y ajoute près de 10 milliards de francs. Les décisions prises aujourd'hui traduisent une mobilisation exceptionnelle pour offrir à chacun un meilleur cadre de vie, pour favoriser l'accès de tous à l'emploi et aider chacun à s'intégrer, pour renforcer la présence et la qualité des services publics et les ouvrir aux habitants des quartiers.
Seule une approche globale, seul un véritable changement d'échelle de nos politiques, s'appuyant sur l'engagement de tous les partenaires, au premier rang desquels les collectivités locales, et associant les habitants des quartiers permettront de faire vivre la solidarité entre les territoires qui est au cur du pacte républicain.
(Source : http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 16 décembre 1999)