Déclaration de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, sur le dynamisme du secteur de la construction, les mesures en faveur du logement: la reconduite des moyens budgétaires et fiscalement, la réduction de la TVA, la baisse des droits de mutation, la suppression du droit du bail et sur la préparation d'une loi favorisant un développement urbain durable, Paris, le 21 octobre 1999.

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Circonstance : Clôture du colloque "Compétitivité du secteur de la construction" au CNIT à Paris, le 21 octobre 1999

Texte intégral

Messieurs les présidents,
Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux de me trouver parmi vous ce soir pour la clôture de votre journée de discussion et de réflexion sur la compétitivité du secteur de la construction, journée organisée par la DAEI avec l'ensemble des grandes fédérations professionnelles du secteur. Je n'ai pu participer à vos travaux, mais j'ai entendu la synthèse qui en a été faite par Jean-Yves PERROT. J'ai pu ainsi apprécier la richesse et la diversité de vos échanges, à l'ouverture desquels Jean-Claude GAYSSOT a présidé ce matin.
J'ai également noté avec intérêt la méthode originale que vous avez adoptée pour éclairer vos débats. Elle permet en effet à chaque intervenant de faire des propositions concrètes et, surtout, à chacun des présents dans cette salle, de s'exprimer et de réagir sur ces propositions.
Bien sûr, vous ne constituez pas ce que les statisticiens appelleraient un échantillon scientifiquement composé, mais vous représentez ici, des entreprises, des organismes professionnels, des services publics qui appartiennent au monde de la construction ou qui, à des titres divers, lui sont liés.
Je suis sûr que nous allons, grâce à cette méthode interactive, accumuler un matériau de travail très utile pour les semaines qui viennent.
Cette journée intervient en effet à un moment charnière, à la fois favorable et lourd d'enjeux.
C'est un moment favorable parce que le contexte économique dans lequel évoluent vos entreprises s'est beaucoup amélioré, notamment dans le bâtiment. Jean-Claude Gayssot a indiqué ce matin quelques données significatives de cette évolution et de son contexte. Je n'y reviendrai donc que de manière synthétique, en mettant l'accent sur le logement.
La conjoncture est en effet bonne, puisque l'année 1999 devrait être la meilleure de la décennie écoulée. C'est vrai pour la construction, où le seuil des 300 000 logements mis en chantier sera nettement franchi en 1999. C'est vrai également pour les transactions, qui, avec au moins 550 000 unités devraient battre le précédent record datant de 1989. C'est vrai enfin pour les travaux d'entretien et d'amélioration qui connaissent une croissance modérée mais régulière depuis un peu plus de deux ans. Au total, avec une activité en hausse de 5 points, le secteur du bâtiment sera en 1999, pour la première fois depuis 7 ans, un moteur de la croissance économique, et un secteur créateur d'emploi (30 000 au moins).
Les perspectives pour l'année 2000 s'annoncent également encourageantes, selon les indicateurs avancés dont nous disposons. En tout cas les mesures prévues dans le projet de budget pour l'an 2000 devraient conforter la reprise.
Pour ce qui est du volet budgétaire de ce projet, il faut retenir que les moyens du logement sont reconduits par rapport au budget 1999 :
- 110 000 prêts à taux zéro seront à nouveau financés,
- les dotations de l'ANAH et de la PAH seront-elles aussi maintenues, à 3 milliards de francs au total ; elles ne sont donc pas affectées par la mesure sur la TVA,
- les dotations pour le parc HLM verront également leur niveau conservé, mais avec un redéploiement important de leurs conditions d'utilisation, ce qui améliorera leur efficacité économique et sociale et par la-même favorisera leur consommation. Je fais référence à la réforme annoncée cet été, et aboutissant à la création du P.L.U.S. (Prêt Locatif à Usage Social).
C'est sur le volet fiscal que le projet de loi de finances pour 2000 prévoit des mesures majeures en matière de logement. Vous les connaissez, il s'agit en premier lieu du passage au taux réduit de TVA pour la quasi-totalité des travaux sur les logements existants. En second lieu est prévue une nouvelle baisse des droits de mutation, qui seront ainsi passés de presque 8 points en 1997 à 4,8 points en 2000. Enfin, il y a la suppression du droit de bail, prévue en deux ans.
C'est un effort important de quelque 28 milliards de francs pour l'exercice 2000, à rapprocher des 48 milliards de francs qui constituent le volet budgétaire.
Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse sur la mesure de baisse de la TVA. Vous savez qu'elle a été acquise de haute lutte, elle supposait en effet une directive européenne prise à l'unanimité, et tous les pays n'étaient pas d'accord au départ. Nous en attendons évidemment tous un soutien à l'activité globale du secteur et une réduction du travail au noir, source de concurrence déloyale pour vos entreprises. Mais cette mesure, ne serait-ce qu'en raison de son caractère expérimental, nous crée une responsabilité commune : faire en sorte qu'elle profite essentiellement à nos concitoyens, sans abus et emballement sur les prix. Il appartiendra, comme nous l'avons d'ailleurs décidé ensemble, à l'observatoire du bâtiment et des travaux publics d'y veiller, en renforçant au besoin les outils d'analyse dont il dispose. C'est à ces conditions que nous pourrons obtenir la pérennisation de cette mesure au-delà de 3 ans.
Au-delà des dotations pour l'an 2000 et des mesures fiscales nouvelles, il faut retenir que la politique globale du logement est désormais clairement bâtie et lisible avec ce 3ème budget de la législature.
Au plan fiscal il y a, sinon une révolution, du moins une rupture forte par rapport à la tendance naturelle qui prévalait depuis des décennies et qui faisait du logement l'un des biens les plus fortement taxés, car sans doute l'un des plus facilement identifiables et donc taxables.
Avec le PLUS qui constitue la clé de voûte de la réforme du locatif public, c'est l'ensemble du dispositif d'aide publique à l'offre de logements qui aura, en deux ans, été réformé dans toutes ses composantes : le locatif public, l'accession sociale à la propriété, rebudgétisée et sécurisée en 1999, et le secteur locatif privé, avec la mise en place du statut du bailleur privé soutenu par les interventions du 1% logement.
Sont désormais en place les trois piliers de l'offre aidée, une offre diversifiée, qui pourra être développée dans la durée pour aller à la fois vers un niveau de construction aussi soutenu que possible et vers le droit à un logement autant que possible choisi.
Enfin si un effort tout à fait exceptionnel, et reconnu comme tel, a été fait depuis 2 ans en faveur du parc de logements existants pour contribuer à son amélioration, pour favoriser sa fluidité et lutter contre la vacance qui le stérilise, il nous faut constater qu'une partie du patrimoine relève d'une autre logique, d'une logique de renouvellement urbain.
Nous nous proposons donc, à l'occasion de la loi sur l'urbanisme, l'habitat et les déplacements, de mettre en place les démarches et les outils permettant de reconstruire la ville sur la ville chaque fois que c'est nécessaire, pour favoriser un développement urbain durable parce qu'équilibré et soucieux de mixité urbaine et sociale.
C'est là un vaste programme dont la mise en uvre s'étalera sur des années, voire des décennies, et qui mobilisera les énergies et les compétences de tous, et notamment des entreprises, des compétences qu'il faudra faire évoluer et adapter à ces nouvelles exigences.
Je vous ai beaucoup parlé de logement, mais je sais que beaucoup de vos entreprises sont mixtes, et je n'oublie pas le volet travaux publics qui sera présent dans les travaux que généreront ou faciliteront ces réformes, notamment au travers des travaux de viabilité, et des opérations d'aménagement. Jean-Claude GAYSSOT vous a d'ailleurs ce matin exposé ses prévisions en la matière.
Toutes ces réformes sont fondamentales. Elles visent à changer profondément la vie quotidienne de nombre de nos concitoyens. Vous en êtes des acteurs privilégiés, car ce sont les besoins de logements et d'équipements du pays qui soutiennent votre activité et donc l'emploi.
Mais ces réformes s'inscrivent également dans une logique de pérennité. Nous savons que l'aménagement, la construction, le renouvellement urbain sont affaire de temps long ; des années s'écoulent, pour toute opération d'importance, entre les études préalables, la décision d'engagement, et la livraison ou la mise en service des immeubles ou équipements qu'elle comporte.
En privilégiant des politiques durables -durables parce que socialement légitimes-, nous donnons aux acteurs publics et privés une visibilité qui leur permet de s'engager sur le moyen et le long terme.
En évitant les mesures conjoncturelles, nous limiterons les effets de cycle dont chacun connaît les conséquences néfastes, lors des fins de cycle et dans leurs lendemains...
Si ces perspectives générales sont rassurantes et encourageantes pour vos entreprises, il me semble qu'il faut profiter de ce moment où le souci du court terme, l'angoisse du carnet de commandes sont quelque peu atténués pour prendre un peu de recul, pour réfléchir à plus long terme et faire un peu de prospective. C'est pour cela que l'initiative de ce jour est bienvenue, et que le moment est bien choisi, au-delà même de l'aspect symbolique que revêt l'approche de l'an 2000.
Vous avez abondamment traité aujourd'hui des grands défis auxquels sont confrontées nos entreprises :
Quel sera l'impact de l'intégration européenne, en particulier de l'harmonisation des réglementations ?
Comment valoriser le secteur de la construction dans la stratégie des grands décideurs économiques et financiers ?
Comment assurer la diffusion de la qualité, de l'innovation, des nouveaux matériaux, des nouveaux composants ? Comment concilier la dimension de plus en plus technologique du bâtiment avec l'indispensable maillage de notre territoire et de notre économie par un tissu vivant de PME de la construction.
Comment adapter nos savoir-faire, et nos organisations, aux nouveaux enjeux que représente la reconstruction de la ville sur elle-même ?
Voilà, sans prétention d'exhaustivité quelques questions auxquelles nous ne pouvons bien sûr prétendre apporter une réponse définitive dès aujourd'hui. Sachez en tout cas, comme Jean-Claude GAYSSOT vous l'a dit ce matin, que nous sommes soucieux d'accompagner ces évolutions en mobilisant nos administrations, nos programmes de recherches, le PUCA et le PREDIT, et nos organismes spécialisés tels que le CSTB.
Je vous annonce au passage la mise en ligne par la direction des affaires économiques et internationales d'un site Internet consacré à l'industrie de la construction, qui vous permettra désormais d'accéder à ces informations conjoncturelles de façon plus rapide. Vous trouverez dans votre dossier son adresse et ses principales rubriques.
Mais je voudrais mettre l'accent, pour terminer mon propos, sur la dimension humaine de la question de la compétitivité des entreprises.
L'image des métiers du bâtiment et des travaux publics, parfois considérés ou présentés comme pénibles, dangereux, ou mal rémunérés, reste-t-elle aujourd'hui assez valorisante pour attirer les jeunes en qualité et en nombre suffisants ? Cette question, vous le sentez bien, est au cur de la compétitivité de votre secteur qui reste, fondamentalement, une activité de main d'uvre.
La réalité sur ce point a beaucoup évolué depuis quelques années même si tous n'en sont pas aujourd'hui conscients. De nouveaux métiers sont apparus ainsi que de nouvelles techniques. Le niveau requis a donc sensiblement augmenté. Entre 1985 et 1997, le flux annuel d'ingénieurs a augmenté de 50 %, le nombre de diplômés de l'enseignement supérieur technique a été multiplié par quatre, celui des bacheliers des filières techniques et professionnelles par six, les titulaires de BEP par trois et demi, alors que le nombre des titulaires de CAP était presque divisé par deux. Parallèlement, les efforts de formation interne des entreprises se sont amplifiés même s'ils restent très inégaux selon les entreprises.
Les difficultés actuelles de recrutement pour répondre à l'accélération de la hausse d'activité, même si elles s'expliquent en partie par la longueur du cycle récessif antérieur, doivent nous conduire à réfléchir ensemble à la nécessaire revalorisation de l'image de vos métiers auprès des jeunes.
Cette question du recrutement est fondamentale et dépasse les difficultés localisées actuelles. En effet, avec une pyramide des âges vieillissante, avec un chômage qui devrait encore baisser -ce dont on ne peut que se réjouir-, nous savons que les besoins quantitatifs et qualitatifs des entreprises de la construction dans les 10 années à venir ne sauront être satisfaits par le seul retour en activité des salariés licenciés dans les années de crise ni par les recours à l'intérim. Il faut durablement attirer les jeunes générations. C'est là que nous devons agir.
Cette action n'est, bien entendu, pas du seul ressort des pouvoirs publics. Nos départements ministériels, à Jean-Claude GAYSSOT et à moi-même, ne sont pas les seuls compétents. Mais nous sommes prêts à agir avec nos collègues chargés de l'éducation nationale et de la formation continue, dont les représentants sont d'ailleurs associés à cette manifestation, pour vous aider dans cette voie. Nos services participent dès maintenant aux travaux menés sur la revalorisation du diplôme d'économiste de la construction ou à l'expérimentation dite "des entreprises formatrices" qui a permis de former plus de 2 000 stagiaires dans des entreprises. Nous sommes, bien entendu, disposés à appuyer d'autres initiatives en ce sens.
Nous devons être collectivement convaincus de l'importance qu'occupent les aspects sociaux dans la compétitivité de votre secteur, qui demeure fondamentalement une activité de main d'uvre. Ils en constituent un facteur clé, et vos débats de cet après-midi l'ont montré. L'attractivité du secteur pour les jeunes est fondamentale car c'est d'eux que dépend l'avenir de vos professions.
Voilà pourquoi la modernisation, la compétitivité du secteur de la construction du 3ème millénaire passeront par l'évolution des techniques, des qualifications, des organisations, mais aussi par l'évolution des esprits, et de l'image que s'en fera l'opinion. C'est le défi que nous devons collectivement relever.
Au moment de clôturer cette journée, l'élu local que je suis voudrait rendre hommage au savoir-faire de vos entreprises, des plus petites, qui maillent notre territoire et irriguent notre pays, aux plus grandes qui portent à l'étranger les couleurs du savoir-faire français. Elles contribuent toutes par la qualité de leurs travaux et grâce à tous les acteurs de la filière, à l'amélioration de la vie quotidienne de chacun d'entre nous.
Les débats que vous avez eus aujourd'hui montrent que tous les acteurs de la filière, les entreprises bien sûr, mais aussi, les organismes professionnels, les formateurs, les pouvoirs publics sont conscients de leurs responsabilités. Puissent le dialogue et la concertation, dont cette journée aura été un temps fort, nous permettre, ensemble, de répondre aux attentes d'aujourd'hui et de demain.
Je vous remercie de votre attention.

(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 28 octobre 1999)